76 - Ahsoka
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Eowyn est tendue. Tendue à l'extrême même. Elle doit se concentrer pour ne pas trembler. Elle ignore bien ce qui l'angoisse autant. La Jedi est concentrée sur le petit, sur... Grogu. Elle n'en a que faire de moi. Elle n'a aucune raison de révéler à Din que je suis une Sensitive. Pourtant, la mécanicienne a tout de même l'impression d'avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête.
Il suffirait qu'elle le lui dise. Din, je suis comme Grogu, je suis sensible à la Force. C'est pour cette raison que j'ai rencontré Pylar et Ezra, c'est pour cette raison que j'étais invaincue dans les combats d'esclaves sur Ongarth, pour cette raison que j'ai si bien supporté la chaleur de la Triade, pour cette raison que... Wynnie secoue la tête. Elle ne peut pas lui dire. Elle ne veut pas qu'il sache qu'elle a menti. Menti par omission, mais menti quand même.
— Tu sais, tenter de contenir autant de stress, ce n'est bon pour personne.
La jeune femme sursaute en entendant la voix de la Jedi. Cette dernière est arrivée par derrière. Elle s'assied à ses côtés à même la terre sèche.
— Je ne voulais pas te faire peur, mais tes angoisses m'empêchent de dormir.
— Désolée.
Un temps silencieux s'écoule. Eowyn n'a pas vraiment envie de parler, encore moins à une Jedi. Elle aimerait simplement trouver une solution à son problème.
— Tu devrais lui dire.
— Je sais.
— Il ne te fera pas de mal. Il suffit de voir comment il a protégé cet enfant jusqu'à maintenant.
— Je sais.
— Tu sais, mais tu continues de t'inquiéter.
Eowyn inspire profondément, espérant faire baisser sa fréquence cardiaque, mais elle a l'air plus condescendante qu'autre chose. Elle sent une main se poser sur son épaule - pas celle de Grogu, elle est plus grande - et ses tracas s'envolent en un rien de temps sans pour autant résoudre ses problèmes. Elle offre finalement un regard à la Jedi qui lui sourit doucement.
— C'est mieux ?
Eowyn hoche la tête. Elle ne sait pas si elle doit lui être reconnaissante de lui donner du répit ou lui en vouloir de repousser ses problèmes à plus tard.
— Tu ne pourras pas réfléchir si ton stress a un impact sur tes réflexions, lui assure-t-elle.
— Vous lisez dans mes pensées ? demande Eowyn innocemment, espérant presque qu'elle lui réponde par la positive.
La Jedi lâche un rire contenu, essayant de ne réveiller aucun de ses compagnons.
— Ce n'est pas dans mes capacités, rassure-toi. Mais je perçois certaines émotions dans la Force. C'est une faculté commune aux personnes comme nous.
Eowyn se tend soudainement et se retourne, vérifiant que Din n'a rien entendu. Il est immobile, silencieux. Elle ne saurait dire s'il dort. Peut-être ne réagit-il pas pour que nous baissions notre garde et qu'il m'entende dire à voix haute qui je suis ?
— Il dort profondément, ne t'inquiète pas. Pourquoi as-tu si peur qu'il le découvre ?
À nouveau, Eowyn soupire, mais cette fois de soulagement.
— Je... J'ai peur qu'il me voit différemment. Comme une ennemie. Je sais que les Jedi et les Mandaloriens ont été en guerre, il y a longtemps.
Ahsoka presse sa main sur l'épaule de la jeune femme.
— Tu n'es pas une Jedi, lui rappelle-t-elle, même si on sent que tu as certaines connaissances et qu'elles ne viennent pas toutes de ton expérience personnelle. Tu as eu un maître ?
Wynnie baisse le regard, mais la Jedi presse une nouvelle fois son épaule, l'incitant à se confier.
— Il y a quelques années, un vieux Jedi est arrivé sur ma planète. Il était marchand et cachait son sabre dans son fauteuil. Au début, j'ai refusé de croire qu'il était Jedi. Il était trop égoïste et désagréable pour en être un. Ce n'est pas comme ça qu'on dépeignait le portrait d'un Jedi, même vingt-cinq ans après leur génocide. Il m'a appris les concepts de l'Ordre et quelques méthodes pour exploiter la Force au mieux. Il est mort un mois après le début de ma formation. Des stormtroopers, il avait été dénoncé.
La Jedi hoche la tête.
— Je comprends mieux ta réticence à en parler à ce Mandalorien. C'est lui qui t'a dit de n'en parler à personne ?
— « Seulement à d'autres Jedi », répond-elle en citant son vieux maître. Et c'est devenu une habitude. N'utiliser mes dons que pour mieux me cacher. Parfois ça m'échappe, je me fais des frayeurs par manque de prudence. Mais jusqu'ici, ça m'a bien réussi.
— Puis tu t'es attachée à quelqu'un qui pourrait te réduire à néant ? devine-t-elle.
— Exactement. Et puis ce n'est pas n'importe qui, c'est un Mandalorien. Quelqu'un dont le credo est sa raison de vivre. Un credo qui déteste les Jedi. Je n'en suis peut-être pas une, mais j'aime à croire que j'en ai le potentiel.
— Tu souhaites devenir une Jedi ? l'interroge son aînée qui laisse transparaître un peu de surprise.
— Je veux faire le bien autour de moi. Si mon voyage à leurs côtés, ajoute Eowyn en montrant Din et Grogu, m'a bien appris quelque chose, c'est que je ne veux plus que qui que ce soit vive ce que j'ai vécu, de près ou de loin. Et je pense que les Jedi m'auraient aidé si l'Ordre n'était pas tombé.
Le silence s'installe. Eowyn relève les yeux pour découvrir le visage en pleine réflexion de la Jedi.
— Tu crois beaucoup en les Jedi pour quelqu'un qui a du mal à communiquer avec la Force, constate-t-elle.
Eowyn baisse à nouveau le regard et commence à triturer ses cuticules. Elle essaie de ne pas se vexer des mots de cette femme d'expérience, mais c'est difficile. Elle a toujours fait confiance aux Jedi, car ils manient la Force pour faire le bien. Et elle ne veut que le bien, pour tous. Ou presque.
— Il ne faut pas croire en un idéal, c'est justement ce que tu reproches à ton compagnon de voyage. Les Jedi n'étaient pas parfaits et n'étaient pas prêts à évoluer pour s'en rapprocher. Il faut croire en la Force.
— C'est difficile. J'ai l'impression qu'elle n'en fait qu'à sa tête. Un jour, elle m'envoie un Jedi pour me former, le jour suivant elle le tue. Un jour, elle me laisse écouter sa mélodie et embrasser ses brises qui balaient ma peau, et le jour suivant elle me laisse dans le noir. J'ai du mal à comprendre comment on peut se fier corps et âme à elle alors qu'elle est aléatoire.
Elle sourit. Une réaction qu'Eowyn ne comprend pas bien.
— Tu réfléchis comme une novice.
— Je suis encore une novice, madame.
La Jedi ricane.
— Appelle-moi Ahsoka, s'il te plaît.
— Ahsoka... Je suis désolée, mais je ne peux pas avoir une confiance aveugle en une force supérieure aussi fluctuante que fatale. On a le droit de se battre pour sa vie et pas simplement de s'abandonner à un destin que la Force a tracé pour nous. Je ne peux pas accepter ça. Pas quand elle a laissé tout mon peuple se faire massacrer par l'Empire.
Eowyn s'attendait à voir le visage d'Ahsoka changer. Peut-être un froncement sourcils ou une mine compatissante s'installer sur ses traits, mais elle reste amusée.
— Ce qui est arrivé à ton peuple est arrivé à beaucoup d'autres peuples, lui explique Ahsoka en se rappelant cette vieille amie du temple Jedi, aux yeux aussi mauves que ceux de la jeune femme en face d'elle, avant de reprendre une mine contenue. Le problème était que les Sith ont envahi le Sénat Galactique et qu'ils ont profité de leur influence pour asservir la galaxie.
— Pourquoi la Force n'a-t-elle rien fait pour l'en empêcher ? Il est toujours question d'équilibre, mais l'Empire est la représentation même du déséquilibre ! Vicieux, égoïste et destructeur.
— Elle a essayé. Elle a essayé...
Eowyn se redresse en voyant qu'Ahsoka est perdue dans ses souvenirs. Mais elle a noté une chose dans les paroles de son aînée :
— Elle a essayé mais a échoué ? Donc la Force n'est pas inévitable et notre destin nous appartient ?
Un grognement leur parvient de derrière. Eowyn voit Din se tourner et retourner à son sommeil paisible, loin de se poser autant de questions existentielles. La mécanicienne reconcentre son attention sur la Jedi qui n'est plus vraiment présente.
Eowyn ne sait pas bien quoi penser de tout cela. Elle a toujours vu la Force comme étant une volonté propre qui choisit des destins inéluctables, c'est ainsi qu'on lui a enseigné les choses. Désormais, ces destins seraient ébranlables, manipulables ? Ce serait trop beau, trop beau pour être vrai.
— Ahsoka, s'il vous plaît. Ai-je raison ?
La Jedi revient petit à petit à elle. Quand elle se rend compte du regard pesant d'Eowyn, qui espère avoir une confirmation à l'espoir qui naît dans son esprit, elle soupire.
— C'est... beaucoup plus compliqué que ça. Les choses ne sont pas binaires. Et ce n'est pas vraiment le bon moment pour entamer un enseignement sur le sujet.
Sentant la boule de stress, qui l'envahit depuis des heures, se transformer en boule d'excitation, de soif de connaissances, elle se décide à la temporiser.
— Vous avez raison. Ce n'est pas l'objet de notre présence ici. Vous devriez vous reposer. Je tâcherais de taire mes émotions pour le reste de la nuit.
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