66 - La crainte
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Au début, Donril a refusé qu'Eowyn s'en aille. En tout cas, il ne voulait pas qu'elle parte les mains vides, pas après tout ce qu'elle lui a donné. Il n'avait pourtant rien à lui offrir. Rien à part se confondre en remerciements et en excuses. Cela fit chaud au coeur à la jeune femme mais elle n'attendait rien en échange. Le simple fait de savoir qu'il ne sera plus obligé de voler autrui pour espérer manger lui suffisait.
Wour aussi l'a remercié, mais pas tout à fait de la même manière. Il avait ses grosses paluches sur ses hanches, comme un tic récurrent, et se tenait bien droit. Il avait l'air de se sentir valorisé, comme si la possibilité de former quelqu'un était le plus grand des honneurs. « Il deviendra un bon mécanicien », lui a-t-il annoncé avant de lui serrer la main. Et c'est tout ce qu'elle leur souhaite.
Le voyage jusqu'à la fameuse escale semble prendre un peu plus d'une journée d'hyperespace. C'est en tout cas ce que lui a affirmé le Mandalorien, et elle n'est pas en position de le contredire. Faire des calculs pour estimer une durée de trajet ne rentre pas dans ses compétences. En fait, les calculs un peu trop poussés sont très loin d'être de son ressort. Peut-être que si Wartob avait accepté de la laisser à l'école, sur Friodzia, Eowyn serait bien plus débrouillarde dans ce domaine. La mécanique, c'est tout ce qu'elle a réussi à ingurgiter ces dernières années. Ça et apprendre à se battre.
— Eowyn, l'appelle Din en faisant pivoter son siège dans sa direction. J'ai quelque chose à te demander.
Elle lève un sourcil en même temps qu'elle lève ses yeux vers lui, intriguée. L'enfant est assis sur ses cuisses et ne cesse de la regarder.
— Oui ?
— Pourquoi as-tu donné toutes tes économies à ce Mon Calamari ? Tu n'aurais pas préféré les utiliser dans autre chose ?
Un sourire se peint sur ses lèvres.
— Comme quoi ?
— Je ne sais pas, mais ce n'était peut-être pas la meilleure des idées.
La mécanicienne lâche un ricanement.
— Maintenant que j'ai ma liberté, l'argent me semble bien futile. D'autant plus quand tu me paies tout ce dont j'ai besoin. Je n'ai aucun désir nécessitant des crédits pour l'obtenir.
— Les crédits ne servent pas qu'à obtenir ce que tu désires, cela peut être utile pour te sortir de mauvaises situations.
— Tu sembles parler en connaissance de cause, raille Eowyn en se disant que sa vie de mercenaire devait être pleine de rebondissements.
— Je parle sérieusement, Wynnie. Et si on venait à être séparés ? Et je ne parle pas de se trouver l'un l'autre à l'autre bout d'une ville, je parle de se retrouver sur des planètes différentes, voir des secteurs différents.
Eowyn fixe les mains de Din qui agrippent ses cuisses comment s'il se retenait d'exploser. Elle fait remonter ses yeux sur la visière de l'homme dont elle ne peut déchiffrer aucune expression, comme d'habitude. Son attitude est à peine suggestive mais elle sent bien qu'il se passe quelque chose dans sa tête. Et pas besoin de la Force pour ça.
— Que redoutes-tu, Din ? Je ne vais pas m'en aller. À moins que tu veuilles me mettre à la porte ?
À peine a-t-elle prononcer sa dernière question qu'elle ressent une compression dans sa poitrine. De l'angoisse. De l'angoisse à l'idée qu'elle doive les quitter, tous les deux.
— Non, bien sûr que non, répond-il en secouant la tête. C'est juste que... on ne sait jamais.
Eowyn soupire intérieurement. Elle sait qu'elle a mis les nerfs du casqué à rude épreuve depuis qu'ils ont quitté Ongarth. Tout le monde n'est pas fait pour vivre ensemble vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Elle se décide finalement à prendre ses mains gantées dans les siennes.
— À moins que ce ne soit toi qui m'y forces, je ne partirais pas.
Il hoche la tête, comme s'il avait enfin compris qu'il était obligé d'être plus démonstratif pour qu'elle comprenne ce qu'il ressent.
— Mais j'aimerais bien savoir d'où t'es venu l'idée qu'on pourrait un jour se retrouver séparés.
Mando lâche ses mains et fait à nouveau pivoter son siège, cette fois vers le tableau de bord. Le camaïeu bleuté du couloir d'hyperespace semble soudainement l'intéresser ou tout du moins, c'est ce qu'il espère lui faire croire bien que peu probable. Ses pensées sont tournées vers cette éventualité depuis qu'elle lui a expliqué sa bonne action. Le problème, c'est que c'est une fatalité. Eowyn finira par quitter le Razor Crest. Que ce soit avant ou après avoir trouvé des Jedi pouvant former l'enfant, elle partira.
Sa peau blafarde lui avait déjà mis la puce à l'oreille, de même que ses yeux, un mauve aussi doux étant bien peu réparti dans la Bordure Extérieure - et peut-être même dans la galaxie - mais la couleur de son sang a eu le don de confirmer tout soupçon. Elle-même ne semble pas au courant de ce qu'elle est, ni même de ce qu'elle représente, et Din ne veut pas qu'elle le découvre. Pas maintenant en tout cas. Voyager avec l'enfant n'est pas une tâche facile. Elle n'imagine pas à quel point le temps passe plus vite en sa présence. Malgré sa tendance à poser des centaines de questions qui, parfois, lui tapent sur le système.
— Eh bien, se décide-t-il à répondre en essayant de ne rien laisser transparaître, il se pourrait que tu aies tapé dans l'oeil de cette Mandalorienne, Koska.
Eowyn fronce les sourcils, concentrée à passer ses doigts sur les rides frontales de la petite grenouille.
— Taper dans l'oeil ?
— Tu sais, l'impressionner. La séduire.
Elle relève la tête brusquement, en riant.
— Je sais ce que veut dire « taper dans l'oeil », rit-elle plus fort. Ce que je voulais dire, c'est pourquoi est-ce que tu penses ça ?
— Eh bien... j'en sais rien, elle aurait pu t'intéresser, elle aussi. Et puis, elle t'a proposé... de t'aider à penser à autre chose qu'à ton ami Ezra. Elle ne te proposait pas un pique-nique dans les plaines de Naboo, soit en sûre.
Eowyn se lève, dépose le petit sur son siège et vient se mettre à côté de Din qui est concentré sur son tableau de bord, qu'il n'a d'ailleurs pas besoin de toucher puisque le pilotage automatique est en marche. Elle s'accoude sur le dossier de son siège.
— Tu sais, moi, quand on ne me propose rien de concret, je remarque rarement ce genre de sous-entendu.
— Tu passes ton temps à suranalyser les paroles des gens.
Eowyn se met à réfléchir.
— Oui, c'est pas faux. Mais si j'ai bien compris le fil de la conversation, tu avais peur que quoi, je vous laisse pour cette femme ? Elle est très belle, c'est clair, mais trouver l'amour ou un moyen de m'occuper l'esprit avec quelqu'un n'est pas ce que je recherche. Pas pour le moment, en tout cas.
L'entendre rire a l'étrange effet de faire battre le coeur du Mandalorien plus vite. Elle est encore jeune avec toute la vie devant elle, pourquoi ne serait-elle pas intéressée par une compagnie romantique ou charnelle ?
— Et qu'est-ce que tu recherches ? demande-t-il, singulièrement impatient.
Eowyn a un regard pour le petit qui les fixe tous les deux avec de grands yeux. L'attention que la jeune femme lui porte force Din à se tourner pour à son tour déposer son regard sur la petite boule de Force verte. Ses muscles se détendent finalement, sans même attendre la réponse de la mécanicienne.
— Pour l'instant, ma préoccupation est de t'aider dans ta mission. On avisera après.
Elle lui offre un clin d'oeil, bien qu'incertaine qu'il la regarde à ce moment précis. Elle ne le sait pas, mais il la regardait bien. Et jusqu'à maintenant, il n'avait jamais trouvé son regard aussi charmant qu'à cet instant.
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