65 - La bonne action du jour

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— Wour, l'appelle Eowyn en buvant un verre d'eau que lui a donné le Mon Calamari.

Ils viennent tout juste de terminer les dernières réparations. Et encore, « réparations » est un grand mot. Ils se sont clairement contenté de sauver les pots cassés. Le vaisseau pourra seulement voler, mais les canons avant sont totalement grillés par leur chute dans l'eau. S'il s'agit de se prendre le chou avec un autre mercenaire ou la République en plein vol, ils n'auront aucune chance.

— Quoi ?

— Il faudrait investir dans du matériel un peu plus diversifié, lui fait savoir la mécanicienne en regardant Donril sur le toit du Razor Crest qui est en train de colmater les quelques brèches dans la coque avec un soudeur.

— Je te signale que quatre-vingt-dix-neuf pour cent des gens qui arrivent sur ma plateforme ont simplement besoin d'un contrôle de leur vaisseau, pas de la réparation surmesure d'une antiquité pareille.

Eowyn sourit en finissant son verre.

— Que fais-tu du un pour cent restant ? Le vaisseau est presque autant en mauvais état qu'à notre arrivée.

— T'exagères.

Elle lâche un rire tout en continuant à regarder Donril travailler.

— Le petit a du talent, lui fait savoir le Mon Calamari en venant s'asseoir à côté d'elle. En une matinée, il a appris a tenir un soudeur correctement, c'est un miracle.

— Je me suis fusillée les doigts plusieurs fois quand j'ai commencé à bosser dans un garage sur ma planète.

— Pareil. J'ose imaginer ce qu'il pourrait faire si quelqu'un le formait.

Eowyn voit Donril soulever son casque et éteindre le soudeur avant de lever un pouce en sa direction pour lui faire comprendre qu'il a terminé le travail.

— Tu ne veux pas aller vérifier ce qu'il a fait ?

— Non. Je lui fais confiance, répond-elle avec conviction.

— Toi et ton ami ne viendrez pas pleurer si votre vaisseau explose en hyperespace parce qu'il a laissé un trou dans la coque.

Eowyn décide d'ignorer sa remarque, convaincue que la Force lui ferait signe s'il devait avoir fait n'importe quoi. Elle continue de regarder le garçon qui est en train de descendre l'échelle au pied de laquelle se trouve la petite grenouille. Il regarde Donril descendre avec curiosité.

— Tu ne veux pas le former, toi ? lui demande-t-elle finalement. Tu sais que ce serait un bon investissement à long terme.

— Non, je ne peux pas. C'est du temps, de former quelqu'un. C'est du temps que je pourrais passer à réparer d'autres vaisseaux. Mon revenu en serait amoindri. Il n'est déjà pas bien considérable.

— Il vit dans la rue, tu ferais une bonne action.

— Les bonnes actions ne permettent pas de manger tous les jours, pour des gens comme nous.

Eowyn médite sur ses mots. Elle sait bien qu'il n'a pas tort. Elle n'a de cesse de s'être plainte de sa condition d'esclave, quand elle l'était encore, mais elle était logée et nourrit. Elle avait une immense chambre malgré l'absence de matelas. Elle avait un repas copieux par jour au lieu de manger de la bouillie comme certains esclaves de Kessel. Elle avait le droit de garder son revenue au garage même si elle devait se faire taper sur la figure pour y prétendre. Elle était une privilégiée dans sa misère. Et c'est uniquement parce que Wartob était lui-même payé par le Grand Maître d'Ongarth qu'elle a pu bénéficier de cette complaisance dans son malheur. Ni Wour ni Donril ne peuvent profiter de tels avantages. Ils leur faut un Grand Maître pour prendre soin d'eux.

— Tu penses que dix mille crédits suffiraient pour que tu le loges et le formes ?

Le poisson lâche un rire grave.

— Bien sûr. Dix mille crédits, c'est ce que je gagne en deux ans de dur labeur.

— Très bien.

Elle se lève de son caisson, dépose son verre et se dirige vers la trappe arrière du Razor Crest. Elle croise Donril sur son chemin, il tient la petite créature verte dans ses bras.

— J'ai fini la coque, annonce-t-il en lui rendant son soudeur et son casque. C'était très cool, merci de m'avoir laissé faire.

— Tu serais prêt à faire ça tous les jours ?

Elle voit les yeux du garçon se brider davantage et ses sourcils se froncer.

— Ouais, ça me plairait bien. Pourquoi ?

— Très bien, répond-elle en ignorant sa question.

Elle reprend son chemin. Wour et Donril la regardent tous deux avec incompréhension. Eowyn dépose ses affaires sur le drap qui lui sert de baluchon, cachée sur la couchette de Din, et s'empare de sa boîte à crédits. Elle en sort le sabre de Pylar qu'elle garde un instant dans sa main. Elle le fixe avec nostalgie.

— On ne fait pas de bonnes actions parce qu'on s'y sent obligé, mais parce que ça nous rend heureux de les faire, Pylar, murmure-t-elle en espérant que cet idiot l'entende depuis la Force. J'espère que tu as mieux compris ça dans la mort que de ton vivant.

Puis elle place le sabre dans une poche intérieure de sa veste et rejoint le Mon Calamari et le garçon à l'extérieur.

— Qu'est-ce que c'est que ça ? lui demande Wour quand elle lui tend sa boîte.

— Dix mille crédits et deux ou trois pièces de vaisseaux qui valent chers. Pour payer la formation de Donril.

Si les Mon Calamari étaient capables d'écarquiller leurs yeux plus qu'ils ne le sont déjà par nature, Eowyn sait que Wour l'aurait fait. Mais l'étonnement facial de Donril fait bien le travail pour les deux.

— Quoi ? s'exclament-ils en même temps.

Eowyn sourit doucement en prenant l'enfant des bras de Donril. Elle croirait presque percevoir un sourire chez sa grenouille.

— Tu vois, ajoute-t-elle à l'intention du garçon aux cheveux de jais avec un clin d'oeil, je ne t'ai pas exploité. Je t'ai appris des notions de mécanique et je t'ai trouvé du travail et un lieu où dormir.

— Elle est complètement cinglée, cette petite dame, murmure le Mon Calamari en ouvrant la boîte pleine de trésor. Complètement cinglée.

— Pourquoi est-ce que tu fais tout ça ? Je t'ai fait les poches, dit Donril en la regardant droit dans les yeux.

— Le répéter ne changera rien, tu sais. J'ai décidé de ne pas laisser un jeune orphelin continuer à voler des touristes pour espérer survivre un jour de plus. Tu as beau ne pas être l'esclave de quelqu'un en particulier, tu es esclave de la vie elle-même. Et si j'en ai la possibilité, je me battrais pour libérer tous les esclaves qu'il m'est possible d'aider.

Elle se remémore le peuple de Mos Pelgo, esclave du dragon. Sa peur l'a aveuglé. Il en aurait été autrement si Basile n'avait pas été tué par un dragon. Son expérience est ce qui a fait défaut à la situation. Ça ne doit plus se reproduire. Je dois apprendre à contrôler mes peurs.

Les yeux de Donril se remplissent de larmes qu'il vient vite frotter avec le dos de ses mains. Eowyn vient poser une main sur sa touffe de cheveux noirs et les lui ébouriffe. Enfin, le bruit caractéristique des pas de Din se fait progressivement entendre.

— Eh bien, s'exclame le Mandalorien, pourquoi le mécanicien est-il en train de faire les cent pas ?

Eowyn relève la tête pour constater les dires de son ami. Wour est en train de faire des allers-retours entre deux caisses en trifouillant dans la boîte de crédits.

— Et pourquoi est-ce qu'il pleure ?

Eowyn sourit. Ce doit être un tableau étrange pour lui, vu de l'extérieur.

— J'ai juste fait ma bonne action de la journée, lui annonce-t-elle en se rapprochant de lui. La mission est finie ?

— Je sais où trouver un Jedi, lui répond-il en hochant la tête. Le vaisseau est réparé ?

— Il vole, il peut passer en hyperespace mais il ne pourra pas nous défendre si besoin. Les canons sont hors-service et Wour n'a pas le matériel nécessaire pour les réparer.

— Wour ?

— Le mécanicien.

Il pose ses mains sur ses hanches. Eowyn l'entend soupirer à travers son masque.

— Bon, on va devoir faire une escale avant de rejoindre Corvus. On ne peut pas se permettre de se déplacer sans protection.

— Ils ont du bon matériel, à ton escale ?

— Le meilleur.

— Et où on va ?

Din a un regard et une caresse pour l'enfant.

— Sur Nevarro.

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