23 - Il y a Exogorth sous roche
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Tikala est un Kallerien futé. C'est sa ruse qui est responsable de la notoriété qu'il possède. À force de laisser ses oreilles trainer partout, il a fini par acquérir suffisamment de sous-fifres pour laisser traîner leurs oreilles à sa place. De fil en aiguille, il est devenu le voyou dont tout le monde veut les informations. Il aurait pu être quelqu'un de respectable, mais il a découvert qu'arnaquer ses clients lui rapportaient bien plus d'avantages. Cet homme aquatique n'a plus aucune morale, alors il faut combattre le feu par le feu pour le prendre à son propre jeu. Encore faut-il que cela soit possible.
— La magnifique Wynnie, s'exclame-t-il quand il la voit arriver. Toujours un plaisir de te voir, surtout sous un soleil aussi éblouissant que ton regard de lin.
Eowyn essaie de sourire, tentant de cacher son exaspération grandissante. Le Kallerien à la peau turquoise s'empresse de passer un bras autour de ses épaules et passe sa main devant le ciel en commençant à comparer Eowyn à ce dernier. Sa tendance enjôleuse est une des raisons de son succès : il a su amadouer toutes femmes et femmes d'hommes en possession d'informations qui pourraient lui être profitables. Il semble évident qu'il n'avait choisi aucun camp durant la Guerre des Clones, de même que durant la Guerre Civile Galactique.
— Toujours présent quand je t'appelle à l'aide, le brosse-t-elle dans le sens du poil.
— Je ne laisserais jamais une jolie demoiselle dans le pétrin, tu le sais bien, encore moins quand c'est toi.
C'est cela. Il suffit que je te file des pièces de vaisseaux rarissimes pour obtenir tes infos, sinon je peux clairement aller me faire voir. Elle lui laisse profiter de son sourire et d'un battement de cils dont elle sait qu'il ne peut résister.
— Puisque tu es venu me sauver une nouvelle fois, j'aimerais savoir si tu ne connaitrais pas des Mandaloriens, ou des personnes en connaissant.
— Doucement Wynnie, nous ne sommes pas pressés ! La récolte n'a pas encore commencé et je dois encore encourager mon compétiteur favori. Nous parlerons business une fois que j'aurais pu me faire une salade d'algues. Tu sais à quel point je les aime.
— Cela va de soi, répond-elle comme si c'était une évidence, bien qu'agaçante. Je me permettais simplement de te poser cette question pour que tu puisses prendre le temps de fouiller dans ta tête et me répondre plus facilement dès que tu seras rassasié.
Son visage ovale et turquoise contraste avec ses arêtes crâniales et ses tentacules latéraux partant de son menton et remontant jusqu'à ses oreilles.
— C'est très prévenant de ta part, Wynnie. Tu es vraiment une femme au grand cœur.
Il pose ses mains sur les hanches de la mécanicienne et vient déposer un baiser au coin de ses lèvres avant de lui annoncer qu'il a envie d'un verre de spotchka. Il la contourne et la laisse crispée, devant l'un des quais d'amarrage. Elle frissonne de dégoût en lâchant un petit bruit du même genre. Quand elle se retourne, son client, le Mandalorien, se tient devant elle. Elle sursaute illico.
— C'est une ordure.
— Nom d'un Blurrg, vous m'avez fait peur.
— J'aurais pu lui faire ma requête moi-même, tu n'avais pas besoin de te compromettre de cette manière.
Le casqué suit du regard le Kallerien qui ne cesse de reluquer toutes les femmes qui passent devant lui. On dirait qu'il a envie de lui faire la peau mais que quelque chose l'en empêche.
— Je ne me suis pas compromise.
— J'ai vu comment il te regarde, insiste-t-il en la faisant reculer pour l'éloigner davantage de cet individu douteux. Il fait partie de ces vicieux qui utilisent le statut des esclaves pour assouvir leur appétit charnel.
— Il ne va jamais plus loin que quelques embrassades un peu tactiles, je peux m'en remettre. Et puis, vous vous attendiez à quoi ? Quand on a désespérément besoin de quelque chose, on fait ce qu'il faut pour l'obtenir, même si cela va au-delà de notre moral et de ce qui nous semble éthique. Tout le monde n'a pas la possibilité de faire des choix dans ce monde, et encore moins des esclaves. Si vous arrivez avec votre beskar flamboyant, vous pouvez dire adieu à votre info, alors laissez-moi faire.
— « Désespérément besoin » ? Je croyais que c'était moi qui cherchais les miens, à moins qu'un détail ne m'échappe ?
Sa question ne laisse place à aucune réponse. Eowyn s'en rend compte quand elle cherche quoi dire, rien ne lui vient.
— Pourquoi es-tu aussi impliquée dans l'aboutissement d'une mission qui n'est pas la tienne ?
— Je...
Elle est devenue muette. Ce n'est même pas une altération de sa capacité à produire des sons, ce sont les mots eux-mêmes qu'elle n'arrive pas à aligner dans une phrase grammaticalement correcte. Parce que la raison de son investissement est purement liée à sa nature : le petit est un être manipulant la Force. Tout part de lui, de son aura si puissante. Elle pourrait ne pas s'en préoccuper, se contenter d'économiser ses crédits, quémander des histoires aux voyageurs. La Force n'a jamais été clémente avec elle. Elle l'a laissé être élevée par un individu cupide et égocentrique. Elle l'a fait rencontrer deux des siens qui l'ont chacun laissé, à nouveau, seule face au monde. Elle a laissé Basile mourir, la seule personne qu'elle aimait plus que sa propre vie. Pourquoi se donne-t-elle autant de mal pour aider une petite chose qui semble bénit par la Force, alors que cette dernière semble avoir maudit la jeune femme ?
— Les Jedi que j'ai rencontrés m'ont aidé durant ma courte existence. L'un était un adolescent enthousiasme et imprudent, l'autre un vieil homme aigri mais sage. Chacun m'a transmis des savoirs, ils m'ont donné les moyens de ne pas péter les plombs quand Wartob m'emploie à taper sur des gros durs, ou quand les clients du garage sont de vrais salops. Sans eux, je n'en serais jamais où j'en suis maintenant : travaillant à mon compte pour avoir, un jour, la possibilité de m'affranchir. Pylar m'a appris à faire des compromis, chose que je n'arrivais pas à envisager autrefois. Si retrouver les vôtres peut lui permettre de devenir comme eux, à devenir un Jedi qui saura aider son prochain, qu'il en soit ainsi. Je ne peux pas priver des gens comme moi de ce que cet enfant peut leur apporter.
Elle avait dit tout ça sans même comprendre les mots qui sortaient de sa bouche. On aurait presque dit que quelqu'un d'autre parlait à sa place. Maintenant qu'elle s'est entendu parler, elle réaliser que cela a du sens, bien plus qu'elle ne l'aurait cru.
— Vous pouvez me croire ou non, peu importe. Je vous obtiendrais une info et vous pourrez quitter Ongarth.
Elle décide de couper court à la conversation. Elle veut bien croire que son comportement à leur égard puisse paraître étrange d'un point de vue extérieur, mais elle ne peut pas s'empêcher d'être vexée. Après tout ce que j'ai fait pour eux, comment peut-il me reprocher de me donner corps et âmes dans l'achèvement de cette mission qui fera énormément de bien ?
Elle part s'accouder à la barrière de sécurité et regarde la surface de l'eau. Elle ferme les yeux et inspire profondément en espérant rejoindre l'espace grâce à la Force, comme avant chaque combat, mais son esprit est trop agité. Quel ingrat, quand même.
— J'ai cru que le chasseur de prime ne te lâcherait jamais, fait une voix devant elle.
Elle fronce les sourcils avant d'ouvrir les yeux. Un Rodien aux grands yeux noirs et globuleux et à la peau reptilienne verte est penché sur le rebord de son navire qui vient perturber l'absence de houle.
— Depuis quand tu m'espionnes, Donatien ?
— Je n'ai pas pu m'en empêcher. Je préparais le bateau pour la récolte quand j'ai été ébloui. J'ai cherché à comprendre et j'ai remarqué que c'était l'armure du Mandalorien qui reflétait le soleil dans mes yeux. Qu'est-ce qu'il te voulait ?
— Remettre en doute mon honnêteté, siffle-t-elle, encore agacée par les accusations indirectes qu'il a proférées.
— Tu veux te changer les idées en montant sur le bateau, comme au bon vieux temps ? Le Devilfish est prêt à utilisation, si tu veux un peu d'action.
— Non merci.
— Oh aller, t'étais la plus agile sur le Devilfish à l'époque ! Ça me manque de ne plus te voir slalomer entre ces abrutis de compétiteurs.
— Tu sais bien que je ne peux pas monter sur un bateau, plus maintenant.
Depuis qu'elle a failli se noyer quand un ravin a débordé, l'idée même de monter sur un navire, dont l'intégrité est entièrement dépendante de l'eau sur lequel il flotte, lui donne la nausée. C'est d'ailleurs à ce moment-là que Belokwa lui a sauvé la vie, probablement l'une des rares bonnes actions de sa vie pleine de mauvaises décisions.
— Mais justement, insiste-t-il d'une voix douce sans être envahissante, peut-être que de remonter dessus t'aidera à atténuer ta peur de l'eau ?
— Elle t'a dit non. Est-ce que tu es lourd ou simplement sourd ?
Étonnée par la voix grave qui s'est immiscée dans cette conversation, elle se tourne vers le Mandalorien qui semble avoir rebroussé chemin pour revenir la voir.
— J'essaie juste de l'aider, tente de se défendre le Rodien dont les antennes se baissent par gêne.
— Laisse là tranquille.
Eowyn lève les yeux au ciel au moment où son ami s'éloigne du rebord de la place suspendue.
— Je voulais m'excu...
— J'aimerais que vous me laissiez tranquille, vous aussi, le coupe-t-elle. Il est inutile de venir m'arracher à une conversation inconvenante avec un ami, je sais m'occuper de moi-même. Et je suis plus douée que vous pour envoyer les gens sur les roses.
Elle le contourne, de la même manière que Tikala l'a contourné un peu plus tôt. L'ambiance et les enjeux ne sont pas les mêmes, mais l'objectif n'est pas différent : fuir la conversation à venir car trop agaçante pour être entamée.
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