17 - Leur histoire

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Elle pénètre à nouveau la cantina, exténuée. Sa journée au garage a été harassante. Son lieu de travail était en ébullition, comme si les pilotes s'étaient tous passés le mot et qu'ils s'étaient mis d'accord pour arriver au compte-gouttes à une vitesse fulgurante. Pas une minute de repos, pas même pour déjeuner le midi. Pas qu'elle en ait ressenti le besoin, mais se sortir la tête des fumées d'échappement quelques minutes ne lui aurait pas fait de mal.

Elle se décide à aller s'asseoir au comptoir plutôt qu'à sa table habituelle. À peine a-t-elle posé ses fesses sur le tabouret légèrement bancal que son front se plaque contre la table. Ses yeux se ferment instantanément alors qu'elle lève une main faiblement.

— Dob, je peux avoir ton cocktail abat-fatigue s'il te plaît.

— Tu d'vrais pas r'stée aussi longtemps sans dormir, lui fait-il remarquer en commençant à jouer avec des verres et des ingrédients liquides. Ç'doit faire une semaine qu't'as pas fermé l'œil.

— Je ne t'ai pas demandé ton avis, Dob, je t'ai demandé un cocktail. Je me passerais de ton sermon.

Le Besalisk continue de s'affairer sans rien ajouter. Il fait glisser son verre jusqu'à elle et retourne en cuisine. Eowyn relève la tête et le suit du regard. Elle soupire en se rendant compte qu'il ne faisait que s'inquiéter pour elle. Il ne méritait pas que je lui parle de cette manière. Alors qu'elle s'apprête à l'appeler pour s'excuser, elle sent la présence du petit s'approcher. Elle se retourne doucement sur son tabouret pour voir son client entrer en compagnie du petit.

— J'ai attendu toute l'après-midi que tu viennes déjeuner, lui fait-il savoir en venant s'asseoir à côté d'elle. Tu n'es jamais venue.

— Les pilotes ont tous décidé de conduire comme des pilotes de courses alors qu'ils n'en sont pas. Vous n'imaginez pas le nombre de choses impensables que j'ai vu aujourd'hui. Qui aurait cru qu'un hyperdrive de quatrième génération pouvait fondre à force de faire de trop longues distances ? C'est à croire qu'aucune industrie ne s'est posée la question de la présence d'un alternateur d'énergie dans ces classes d'hyperdrive, quelle idée.

— Oui, quelle idée, répète-t-il comme s'il avait tout compris mais son ton montrait plus qu'il se foutait d'elle.

— C'est ça, moquez-vous. En attendant, il va y avoir de sacrés problèmes sur les routes commerciales si ce problème devient récurrent.

— C'est toi la professionnelle, lève-t-il ses mains en signe d'ignorance.

— Je suis désolée de vous avoir posé un Porg, je n'ai pas eu le temps de venir manger. Mais j'ai quand même passé mon coup de fil et mon contact sera présent demain pour l'ouverture de la compétition.

— Je te remercie, j'espère qu'il pourra nous aider, ajoute-t-il en ayant un regard pour le gamin dans le berceau.

— Je ne vous promets rien, c'est un escroc dont les infos ne sont fiables que dans la moitié des cas. Cela dépend de ce qu'on peut lui apporter comme bénéfice.

— Je trouverai un moyen de satisfaire les deux parties.

Eowyn entreprend de boire son cocktail qu'elle avait oublié. C'est avec beaucoup de difficulté qu'elle avale ses gorgées. Ses grimaces sont suffisamment éloquentes pour que le Mandalorien ne s'empêche de demander, une fois qu'elle a reposé son verre :

— Cette chose a l'air immonde.

— Immonde mais nécessaire pour rester réveillée.

— Tu n'as pas dormi cette nuit ?

— Non, j'ai réparé votre fusil. D'ailleurs, je vais le chercher !

Elle se presse de descendre de son siège mais son client la retient par le bras.

— Tu me le rendras demain, ce n'est pas comme si j'en avais besoin actuellement.

— Comme vous voulez.

Elle se rassoit sur son tabouret.

— Du coup... Vous êtes prêt à me payer ? demande-t-elle, tout excitée, ayant repris du poil de la bête avec le cocktail abat-fatigue.

Il lâche un petit rire qui est vite balayé par la foule qui entre en se bousculant pour avoir les places au comptoir. Ils se battraient presque car la veille du début de la compétition de récolte d'algues dobartans, c'est le happy hour dans l'happy hour, il dure tant que le soleil est couché.

— Tu ne veux pas qu'on aille ailleurs ? On risque de ne pas s'entendre et j'imagine déjà le million de questions que tu vas me poser.

Eowyn sourit. Il commence à me connaître.

— J'aimerais visiter votre vaisseau. Tant que j'y suis, autant que vous ayez squatté ma plateforme et que j'ai au moins pu jeter un œil à votre bijou. Une antiquité comme la vôtre en relatif bon état avec un armement lourd, je n'en vois pas tous les jours.

Il hoche la tête et l'incite à sortir la première. Elle croise le regard du petit qui semble lui aussi sourire. Elle lui fait un clin d'œil en sortant de la cantina.

— Je n'arrive pas à croire que vous ayez abandonné cette mignonnerie pour redorer votre armure ! s'indigne-t-elle en se décidant à prendre le petit dans ses bras. Ou pour rebeskariser votre armure si on veut être exacte.

— Je suis presque sûr que c'est un mot qui n'existe pas, lui fait-il remarquer.

— Et en plus, il n'aime pas quand on joue sur les mots. T'inquiète loulou, moi je ne t'aurais jamais abandonnée de cette manière.

— Dois-je te rappeler qu'il te faisait peur, quand on est arrivé ?

Elle offre un regard noir au Mandalorien qui se déride de plus en plus en la compagnie d'Eowyn. Ça change de l'homme inflexible et résigné avec qui elle a voyagé avant de trouver Belokwa. Il faut croire que partager des secrets importants apaise les lourdes atmosphères.

— Je n'avais pas peur, c'est juste que je ne savais pas si c'était une bonne ou une mauvaise personne.

— Et tu ne t'es pas posé la même question pour moi ?

Eowyn s'apprête à répondre qu'il n'est pas sensible à la Force et qu'elle ne voit pas de réelle menace en lui, bien que les Mandaloriens aient leur propre réputation, mais elle s'abstient. Cela serait lui donner trop d'indices sur elle, trop d'indices qu'elle ne peut pas se permettre de lui dévoiler bien qu'il protège un gamin qui peut être l'avenir des Jedi et des Sensitifs dans leur globalité.

— J'ai déjà rencontré des Mandaloriens, je sais très bien de quoi ils sont et ne sont pas capables. Lui, dit-elle en le désignant alors qu'il gazouille gentiment dans ses bras, je ne sais rien de rien sur lui.

Il hoche doucement la tête. Elle soupire intérieurement, il semble la croire.

— Mais du coup, vous êtes quand même allés le récupérer. Qu'est-ce que vous a fait changer d'avis ? lui demande-t-elle pour changer de sujet au plus vite.

Elle change de position et s'assied en tailleur sur la trappe du Razor Crest, puis place le petit sur ses mollets.

— J'ai été à sa place, un orphelin. Les Mandaloriens m'ont recueilli durant la guerre après que des droïdes de combats Séparatistes aient détruit mon village et tué mes parents.

Au fil de ses paroles, le visage d'Eowyn se décompose. Lui aussi a été enlevé à sa famille. Tout ça parce que les politiciens ne savent qu'envoyer des gens se taper sur la figure, tout en restant au chaud dans leur tour d'ivoire.

— Toute la Guilde des chasseurs de primes était à sa recherche, je ne pouvais pas laisser un enfant, un orphelin, être le jouet de ce qu'il reste de l'Empire. Il a déjà fait énormément de mal dans la galaxie, pas besoin qu'il brise sa vie et qu'il en brise d'autres par l'appropriation d'un Jedi.

— Ce n'est pas un Jedi.

Elle se mord immédiatement la langue, mais c'est trop tard.

— Comment ça ?

Elle voudrait se donner des gifles, se planter son couteau-papillon dans la cuisse pour lui apprendre à parler sans réfléchir. Si elle avait réussi à peser ses mots quelques secondes auparavant, cette fois, elle a bien merdé. Pourtant, elle ne peut pas lui dire de laisser tomber, ni lui dire un mensonge, elle n'a rien qui lui vient présentement.

— Il n'est pas formé. Les Jedi, ce sont des Sensitifs qui ont suivi une formation depuis leur plus jeune âge et qui ont été baptisés par le Conseil de l'Ordre. Ordre qui n'existe plus depuis trente ans.

— Tu sembles très informée sur les Jedi. Ce n'est pas la première fois que tu parles d'eux comme si tu les connaissais.

Eowyn ne dit plus rien et regarde le petit aux oreilles pointues qui joue avec les languettes de sa trousse à outils, accrochée à sa jambe. Voilà exactement le genre de conversation qu'elle voulait à tout prix éviter. Elle ne peut décemment pas lui dire qu'elle est aussi une Sensitive. Pylar lui a interdit d'en parler à qui que ce soit. Et même si ce bougre avait la fâcheuse tendance à être une vraie plaie avec elle, tous les conseils qu'il lui a donnés lui ont été très utile pour rester en vie, il faut que ça reste ainsi.

— Tu connais des Jedi, n'est-ce pas ?

— Oui.

Le Mandalorien ne répond rien.

— Je ne me suis pas joué de vous, si c'est ce qui vous traverse l'esprit à l'heure actuelle. Je connais des Jedi dont j'aurais pris plaisir à vous présenter ou à vous aider à trouver si cela avait été possible, mais l'un est mort et l'autre est porté disparu depuis plusieurs années. Aux dernières nouvelles en tout cas.

Le petit lâche un bruit triste en même temps qu'il pose ses mains à trois doigts sur celle d'Eowyn. Il a compris que celui qui est mort était son mentor.

— Je suis désolé, se contente-t-il de dire, ce qui fait froncer les sourcils d'Eowyn.

— Pourquoi ?

— À ton expression, tu as l'air de les regretter.

Eowyn soupire.

— Ezra me manque, c'est certain. Il a disparu un peu avant la Bataille de Yavin. C'était un bon gars. Pour ce qui est de Pylar, c'était un con mais il ne méritait pas de mourir. Ainsi est la vie. L'Empire les a chassés durant leurs années de domination et même après leur chute, ils continuent à faire le mal autour d'eux.

Tout devient alors limpide pour Eowyn. L'Empire avait beau être déjà en déroute à l'époque où Pylar est mort, il avait encore le pouvoir d'engager le combat contre les Jedi et Sensitifs non dociles. Et il faut croire que même s'il n'est plus qu'une épave dont il reste quelques rescapés, les rancœurs ont la vie dure.

— C'est pour ça que vous continuez à vous cacher, les Mandaloriens ? Parce que même s'ils n'ont plus la grandeur d'autrefois, l'Empire a encore suffisamment de puissance de feu pour vous rendre la vie infernale ?

— Si un impérial croise notre chemin, soit assurée que l'endroit de la rencontre devient un champ de bataille. Nous n'avons pas vocation de déclencher des guerres pour notre bon plaisir à vivre normalement, bien que les combats fassent partie de notre religion, alors nous nous faisons tout petits pour la plupart.

— La vie est tellement injuste. Les gens de pouvoirs sont tellement susceptibles, tellement extrémistes dans leurs manières de penser et d'agir. Ça se voit qu'ils n'ont jamais eu à se démener dans une mine pour nourrir leur famille, ou simplement pour éviter qu'on leur enlève des biens, des personnes qu'ils aiment, tout ça parce qu'ils ne sont pas en capacité de payer leurs impôts.

Le Grand Maître d'Ongarth travaillait main dans la main avec l'Empire qui imposait des lois économiques coercitives, raison pour laquelle elle se retrouve à appartenir à un Cloddogran s'essayant à un pouvoir qu'il ne possède pas.

— Ce sont toujours les mêmes qui finissent par en payer le prix, jamais ceux qui le méritent.

Une vague de chaleur l'envahit et l'aigreur qui l'animait s'estompe petit à petit. Elle baisse son regard le gamin qui a posé sa joue sur la main d'Eowyn.

— Est-ce qu'on peut changer de sujet ?

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