14 - Le Mandalorien déchu

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Sa main atteint finalement le sommet du temple. Elle parvient à se hisser sur le toit plat de ce dernier. Elle s'assoit sur le rebord et balaie les alentours du regard. Des piques montagneux à perte de vue, quelques creux inondés. Elle est suffisamment haute pour voir Gerdyn d'ici, son bouclier rosé déviant la pluie en est le signe distinctif. Une goutte d'eau lui rentre dans l'œil, elle peste en le frottant.

— Je hais la pluie.

— C'est dommage, intervient le Mandalorien d'une voix essoufflée. Vous vivez sur une planète où il pleut tous les jours.

Il se hisse à son tour et s'allonge à même la boue carbonisée pour reprendre son souffle.

— C'était sportif, constate-t-il en s'asseyant.

— Alors déjà, il pleut presque tous les jours et seulement pendant la saison des pluies, et ensuite, je vous avais dit de laisser le petit en bas. Il n'en a pas l'air avec sa petite taille, mais je suis sûre qu'il ne fait pas son poids.

Il tourne son casque vers elle.

— Vous avez dit qu'il y avait des autochtones peu commodes dans le coin, ils s'en seraient peut-être pris à lui si je l'avais laissé.

Wynnie pince ses lèvres entre elles.

— Hmm, oui, c'est pas faux. Ils l'auraient probablement mangé. Vivre près de la Triade a le don de faire fuir toute vie végétale et animale, ils sont clairement en carence.

— Comment font-ils pour survivre dans ce cas ?

Elle regarde l'horizon en haussant les épaules.

— Je vous avouerais que je ne sais pas.

Elle baisse son regard sur le petit enfant qui la regarde avec la même intensité qu'il le fait depuis qu'ils sont arrivés sur Ongarth. La sensation de malaise n'est plus présente, elle a presque envie de caresser sa petite tête saupoudrée de quelques poils blancs.

— Allons-y, l'incite la jeune mécanicienne. Je vois déjà sa silhouette.

Ils se lèvent en même temps et entament les quelques centaines de mètres qui les séparent de leur objectif. Wynnie est quand même perplexe. D'ordinaire, Belokwa n'est jamais aussi près du cratère.

La chaleur se fait de plus en plus oppressante. Même l'enfant commence à couiner tant ça en devient douloureux. Le Mandalorien s'arrête dans sa marche, incapable de se rapprocher plus.

— Je ne peux pas aller plus loin, il fait beaucoup trop chaud.

— Ne vous inquiétez pas, je vais le chercher.

Il fait demi-tour, Wynnie continue son chemin. Elle qui supporte bien la chaleur haute, elle doit avouer qu'elle commence aussi à peiner. Elle se demande bien comment un humain lambda comme Belokwa peut rester aussi longtemps dans des températures aussi élevées.

Elle le voit clairement désormais, ondulant sous l'effet de cette fournaise. Il est à genoux, les bras écartés, comme embrassant la fatalité.

— Karabast ! crie-t-elle alors qu'un deuxième flash la percute.

Elle se met à courir. Elle le voit commencer à basculer, elle accélère le pas. Elle enroule ses bras autour de son torse nu et le tire immédiatement en arrière avant qu'il ne tombe dans la lave. Le feu du volcan est à son summum, elle pourrait elle aussi finir comme Belokwa si elle ne résistait pas aussi bien aux températures extrêmes. Elle le traine hors de portée du cratère en fusion tout en pestant.

— Espèce d'abruti de Mandalorien de mes deux, pourquoi tu décides de passer à l'acte au moment où on a besoin de toi.

Elle rejoint rapidement le casqué et son petit puis laisse tomber Belokwa dans la boue sans ménagement.

— T'es vraiment qu'un pauvre con, l'insulte-t-elle en commençant à lui donner des baffes pour qu'il revienne à lui. Y'a un des tiens qui cherche des infos, mais ça aussi tu vas le fuir ?

Belokwa revient petit à petit à lui. Une fois ouverts, ses yeux bleus regardent dans tous les sens pendant que le Mandalorien casqué s'agenouille près de lui. Ses cheveux presque grisonnants sont recouverts de boue.

— Eowyn ? chuchote-t-il en redevenant progressivement lucide.

— Non, non, pas d'Eowyn. N'essaie même pas de me dire que je ne devrais pas être là, que je devrais me mêler de mes affaires parce que là y a pas que ma curiosité qui est en jeu, sale égoïste.

— Calmez-vous, lui intime son client. Belokwa, j'ai besoin de ton aide.

Ravie qu'il prenne les choses en mains, elle se décide à faire quelques pas en arrière pour leur laisser le temps de faire leurs affaires et commence à faire les cents pas.

Cette histoire la stresse bien plus que ça ne devrait. Elle n'en a rien à faire de la vie de Belokwa, plus maintenant tout du moins. Si elle s'est donnée du mal pour le dissuader de se flageller de la sorte, son échec est toujours quelque chose qu'elle n'arrive pas à avaler. Elle ne lui a jamais demandé de se ressaisir et de reprendre sa vie en main, elle voulait simplement qu'il trouve la paix, qu'il se pardonne ses erreurs du passé. Et si la mort était la solution pour qu'il trouve la paix, alors qu'il en soit ainsi. Ce qui l'énerve le plus, c'est qu'il a fallu attendre dix ans pour qu'il se décide à passer le cap et bien évidemment, pile au moment où on a besoin de lui vivant.

— Tu ne mérites pas que je me sois inquiétée pour toi ! vient-elle lui hurler dessus avant même que son client n'ait pu lui demander quoi que ce soit. Parfois, il faut juste assumer la personne que tu es et les erreurs que tu fais, au lieu de ne penser qu'à ta petite personne et à protéger ton ego, espèce de mufle.

Le deuxième Mandalorien lui fait signe de se calmer une nouvelle fois alors elle s'assoie à même la boue pendant que Belokwa la dévisage avec incompréhension.

— T'as intérêt à l'aider sinon je t'attache par les pieds et je te pends à la fenêtre du temple jusqu'à ce que tu crèves.

Elle n'a qu'un regard de colère pour ce Mandalorien déchu.

— Wynnie, commence celui dont elle n'a jamais vu le visage alors que Belokwa semble dans un état second face aux accusations de la mécanicienne, enfin je veux dire Eowyn...

Elle tilte d'un seul coup. C'est vrai qu'on l'appelle rarement par son prénom, son petit surnom a vite fait de satisfaire tout le monde. Il se reconcentre sur l'homme à terre.

— Je recherche un Jedi, n'importe lequel.

L'homme déchu le regarde avec ahurissement.

— Pourquoi est-ce que tu cherches ces traitres ?

— Réponds à la question, lui ordonne Wynnie en jouant avec son couteau papillon.

— Je n'ai pas vu de Jedi depuis la Guerre des Clones, ils ont tous été exterminés par les clones.

— Non pas tous, rétorque-t-il.

Elle a un regard pour le petit mais ne dit pas un mot, l'homme en armure s'en charge tout seul.

— Ce petit, montre-t-il du doigt la créature aux oreilles pointues debout à côté de Wynnie, il maîtrise la Force. L'armurière de Nevarro m'a conseillé de trouver d'autres Mandaloriens d'avant la chute de l'Empire qui sauraient me conduire jusqu'à eux.

— L'armurière... bafouille-t-il en se redressant. L'armurière est encore en vie ?

Wynnie fronce les sourcils.

— En effet.

— Qui est-ce ? s'enquit la jeune femme.

— Elle faisait partie de mon groupe avant que je ne le quitte.

Ne pouvant s'empêcher d'être la curieuse qu'elle est, elle se dit que la présence de l'autre Mandalorien l'aidera à se confier.

— Pourquoi l'as-tu quitté ? Pour venir te torturer ici ?

Le regard de Belokwa est plein de regrets, de mélancholie. Elle a toujours voulu savoir son histoire, un énième échec.

— J'ai fait partie d'un groupe qui défendait les valeurs primitives de Mandalore en opposition au gouvernement pacifiste qui régnait sur notre planète et bafouait notre culture. La Guerre des Clones faisait rage, le clan Vizla a été défait quand Pre a été tué par ce Sith, Dark Maul. Il s'est emparé du trône de Mandalore et nous lui avons prêté allégeance. Quelque temps avant la fin de la guerre, une Jedi de la République a réussi à le faire tomber, puis l'Empire est arrivé. Mandalore était à feu et à sang, nous avons fait ce qu'il fallait pour survivre.

Wynnie n'a fait que serrer les dents depuis que le mot « Empire » a été prononcé.

— Tu as prêté allégeance à l'Empire, déduit-elle en se retenant de toute autre remarque.

— Je ne l'aurais pas fait si j'avais su qu'ils tueraient ma famille pour le moindre échec.

Le Mandalorien en armure tourne sa tête vers Wynnie qui s'est décomposée. Une masse pèse dans son ventre et la culpabilité l'envahit. Elle éprouve un dégoût profond pour le comportement et la faiblesse de Belokwa, mais elle ne peut pas s'empêcher d'être touchée par ses regrets. Elle baisse les yeux.

— Ils ont tué ma fille devant mes yeux, tout ça parce que les rebelles étaient plus futés que moi.

Wynnie remarque qu'il tient un bracelet de perles dans sa main gauche. La culpabilité est désormais bien plus forte.

— Je suis sincèrement désolé que tu aies pris mon désespoir pour de la mauvaise foi, Eowyn. Je me devais de me punir pour le mal que j'ai fait à ma propre famille.

Eowyn n'hésite pas une seconde avant de répondre :

— L'absence de ta famille n'est-elle pas déjà une punition en elle-même ? Tu aurais pu tenter de rattraper les choses en combattant l'Empire, en rejoignant la Nouvelle République.

— La Nouvelle République, c'est la même chose que l'Empire, à ceci près que qu'il n'y a plus d'oppression. Les pauvres sont toujours laissés pour compte, les riches sont toujours privilégiés.

— C'est mieux que rien, conteste-t-elle.

La pluie est témoin de cette confession, témoin de la culpabilité de tous. Ils ont tous fait des actions peu orthodoxes, tout le monde ne réagit pas de la même manière à sa lâcheté intérieure.

— Je suis désolé, je ne connais pas de Jedi encore en vie. Même s'ils l'étaient, ils me tueraient à la première occasion.

— Est-ce que tu saurais où trouver d'autres Mandaloriens ? N'importe qui, n'importe où.

— Cela fait plus de dix ans que je suis sur cette planète. Rares sont les êtres vivants que je croise, alors les Mandaloriens, tu es le premier depuis des années.

Sa déception est palpable, une vague dans la Force parvient jusqu'à Eowyn. Elle a un regard pour le petit qui a posé sa main sur la cuisse de la mécanicienne. Il lève sa tête vers elle.

— Je suis désolé de ne pas pouvoir vous aider.

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