9 - Fatum

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Fatum : fatalité, destin.

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 Taehyung. 

Le jeune garçon entendait de loin les tintements des cloches du bâtiment, celui proche de sa maison, à Milya, où les gens se recueillaient pour implorer les Dieux. Il sentit, sur son épaule, des doigts glisser d'une légèreté semblable à une plume jusqu'à ses cheveux, venant les caresser gentiment.

 Taehyung, debout. 

Une respiration, plus forte.

Lorsqu'il entrouvrit les yeux, il aperçut le visage de sa mère, embelli par une gaieté ; celle qu'elle avait à chaque fois qu'elle venait le réveiller. Ses jolis yeux en amandes plissés, le coin de ses lèvres doucement étirés et ses pommettes roses.

 Taehyung, il faut que tu te réveilles. C'est bientôt l'heure. 

L'odeur féminine qui se dégageait de sa silhouette enveloppa le garçon d'une douceur rassurante.

 Taehyung. 

...

— Taehyung ! 

Un sursaut.

Ses yeux se confrontèrent à l'obscurité de la pièce, et au visage de Yoongi, juste au-dessus du sien. Celui-ci paraissait un peu inquiet, mais surtout, pressé. Le châtain bougea timidement ses membres, mais fût contrait d'arrêter à cause d'une immense douleur.

 Taehyung, il faut impérativement que je guérisse tes blessures. Le Prince m'a accordé quelques minutes pour venir te chercher, avant que ce ne soit les gardes. 

Il peina à assimiler sa phrase, encore endormi.

 H-Hein ? Il bafouilla.

 Il faut que l'on se dépêche, ils vont bientôt venir.

 Q-Qui ? J-Je...

 Les gardes, Taehyung. 

[...]

Il pleuvait.

L'eau retraçait les sillons invisibles le long des rues, des chemins en terre et des places, une mélodie sinistre régnait dans les ruelles assombries par les nuages gris. La brise légère n'était pas froide, cependant. Elle était chaleureuse, douce, enveloppante.

Le Royaume de Milya était plongé dans une mélancolie. Les portes de la cité avaient été détruites, les habitations proches de l'entrée étaient en miettes. Les corbeaux louaient leurs chants sinistres, leurs cris s'envolaient grâce au vent dans les ruelles de la ville, comme si la terreur recherchait une quelconque once de vie aux alentours. Les rats bouffaient la chair humaine des morts qui jonchaient le sol ; le sang des cadavres serpentait les côtés des rues, dispersé par les gouttes de pluie.

Tout était silencieux, vide.

L'intérieur du Palais n'était pas si différent ; il faisait nuit, après tout. Les habitants du Royaume étaient entassés dans la cour principale, chacun essayait de faire abstraction de la situation. Le Roi et la Reine s'étaient déplacés il y a de ça quelques heures pour les rassurer. Les dirigeants du Royaume avaient un grand cœur, ils adoraient leur peuple plus que tout, descendaient régulièrement rendre visite aux plus généreux, ceux qui se faisaient entendre par leur bienveillance. Cela remontait souvent jusqu'à leurs oreilles, les actes empathiques des habitants de Milya étaient les bienvenus, après tout, qui n'en voulait pas ?

La situation s'était calmée. Cela faisait déjà quatre jours qu'ils devaient rester dans l'enceinte du Palais pour leur sûreté, aucun n'avait proclamé son mécontentement. Le repas était servi seulement le midi, il s'agissait des gardes qui donnaient une gamelle de nourriture à chacun.

Mais tout n'était pas rose.

Les hommes étaient réquisitionnés pour s'aventurer en dehors, menant des recherches dans la ville pour combattre les Libres qui restaient violer les femmes cachées dans leur maison, tuer les vieillards et enlever les enfants perdus.

Tous les soirs, ils revenaient.

D'autres, non.

Abattus par des embuscades et des pièges, les hommes qui rentraient étaient bien souvent traumatisés par ce qu'ils avaient pu voir à l'extérieur des portes du Palais. Des cadavres de femmes, d'enfants, des bouts de corps humains un peu partout dans les rues, parfois même leurs camarades s'étaient fait tués devant eux. Après tout, la dernière guerre remontait à une vingtaine d'années. Les souvenirs avaient disparu, engloutis par la mémoire qui voulait se débarrasser des traumatismes restants.

Une guerre n'est jamais constituée seulement d'armes et de sang, mais de destruction de valeur humaine, matérielle, et psychologique. Un engloutissement de l'humanité qui devait pourtant nous définir, nous, êtres humains, misérables animaux dont l'intelligence n'est qu'un ramassis d'idées contraires.

[...]

Il pleurait.

L'eau retraçait les sillons invisibles le long de ses joues, de ses lèvres jusqu'à son menton, une mélodie sinistre régnait dans la salle du trône, embellie par la clarté du jour. Il faisait froid, autant que l'ambiance l'était.

Taehyung était plongé dans une tristesse démesurée. Son corps était meurtri de nombreux coups, son mental était en miettes. Ses sanglots résonnaient, s'envolant dans la grande pièce, comme si sa peine recherchait une personne pour la comprendre, pour le comprendre, le chérir et le rassurer. Les gardes étaient silencieux, quant aux dirigeants du Royaume, ils discutaient sans lui porter attention.

Tout était bruyant, et comblé.

C'était le matin.

Une nouvelle fois, les gardes étaient venus chercher le jeune châtain dans sa cellule.

 Le Royaume de Némésia a répondu positivement à notre invitation. La Reine arrivera en fin de semaine, dans quelques jours. De plus, elle a aussi fait part d'une cérémonie organisée pour fêter la trouvaille. 

Le Roi réfléchit un court instant, avant que les bords de ses lèvres s'étirent dans un large sourire.

 Bien, bien. C'est une merveilleuse nouvelle. Dites-lui que nous acceptons volontiers. Oui, oui. Ce serait merveilleux. Il répétait machinalement, l'air satisfait.

 Taehyung devra aller avec nous, si j'ai bien compris ? Lança le Prince, assis à ses côtés. Devrions-nous l'habiller ?

 Nous verrons cela le jour du jugement. Ne nous hâtons pas ; les choses doivent se faire calmement, mais sûrement. Il se tourna face à son fils, debout à sa gauche. Yoongi, qu'en est-il de son état ? Il n'a pas prononcé un seul mot depuis qu'il est arrivé. 

C'était le lendemain.

 Il est faible. Je recommande un temps de repos pour qu'il soit en forme après-demain.

 Un temps de repos ? Ne dis pas de sottises. Nous n'en avons jamais accordé, et nous n'en accorderons jamais. C'est bien là une preuve de ton incapacité.

 Mon Père. C'est en tant que médecin que je le demande, et non en tant que fils. 

Le regard agacé du Roi le fixait sans réelle volonté, alors, dans un soupir indiscret, il lui lança.

 Bien, fais donc cela. Je veux qu'il soit présentable ce jour-là, pour éviter le désagrément certain de nos invités. 

Taehyung avait été une nouvelle fois amené dans la salle du trône par la force des gardes, sans aucune délicatesse. Le jeune garçon n'avait pas pu se débattre sous peine d'en souffrir encore plus ; tout son corps était si douloureux au moindre mouvement qu'il avait décidé de se laisser faire.

Il était assis, la tête baissée, une main sur sa cuisse, l'autre sur son ventre. Les yeux fermés dont les larmes débordaient, il se contentait seulement d'accepter son sort sans aucune contestation, il savait parfaitement que c'était inutile. Et puis, le retour du Roi lui était semblable à une douche froide. Ses paroles glaçantes le faisaient fulminer dune rage impuissante, d'autant plus que son arrogance dont il en était fier, qui ne faisait que rabaisser son propre fils.

Le châtain s'était abandonné à eux, à leur autorité funeste qu'ils définissaient de « liberté ». Il avait pleinement conscience de leur suprématie qui n'avait aucun sens à ses yeux, simplement celui d'une guerre proche et inarrêtable.

Il ouvrit les paupières lentement, son regard s'échoua sur le tapis rouge.

Ses yeux le brûlaient, Taehyung n'avait même plus ses médicaments à portée de main. Il commençait à voir de plus en plus flou, des migraines s'installaient peu à peu, ce qui n'arrangeait pas vraiment son propre cas. La nausée le guettait ; il tentait néanmoins de canaliser la douleur grâce à sa paume placée sur son ventre.

Puisque Yoongi...

Les dirigeants du Royaume continuaient pourtant à parler sans lui porter attention, mais il sentait tout de même leurs regards posés sur sa silhouette.

 Il se fiche éperdument de nous. Voilà ce qu'il se passe ! Il n'a toujours rien dit. L'autre non plus !

— Majesté, pensez-vous qu'il est au courant 

 Tu commences à douter, Jungkook ? Ne me déçois pas. 

Le châtain commençait déjà à divaguer. Sa nuit n'avait pas vraiment été merveilleuse, après tout. Son esprit était trop occupé à imaginer des concepts étranges, de sa situation, de sa famille, de ses parents. Taehyung avait énormément cogité durant toute la nuit, sur son état comme sur l'état de ses proches.

 La Reine de Némésia est impatiente de le rencontrer. N'est-ce pas là une preuve ? Elle, qui ne se trompe jamais. Enfin, Jungkook, as-tu conscience de ce que tes doutes peuvent faire ? Briser cette amitié que nous entretenons avec elle. C'est risqué. Bien qu'elle soit une femme, elle a de nombreux atouts ; elle possède des nombreuses terres et une grande armée. 

La respiration du garçon s'emballa soudainement. La nausée le prit d'un coup ; Taehyung se mit à tousser.

C'était le début.

 Tu devrais te marier avec elle. Ce serait un grand avantage pour toi de prendre sa richesse entre tes mains. 

Plus fort.

 Quelle idée de laisser ça entre celles d'une femme. Un vrai gâchis ! Il est temps de remettre de l'ordre parmi les Libres. 

Le prisonnier avait placé sa main devant sa bouche ; sa tête bascula en arrière, puis en avant. Puis, d'un coup, il vomit.

 Oh, vous feriez de merveilleux enfa-...

 Majesté. Interrompit le Prince.

Le Roi fronça les sourcils, avant de suivre le regard de Jungkook jusqu'à ce qu'il se pose sur le corps du châtain, au bas des escaliers. Il fût un peu surpris de l'apercevoir les mains couvertes de sang, sa silhouette tanguait de droite à gauche comme s'il s'apprêtait à tomber dans les pommes.

 Eh bien, que lui arrive-t-il ? 

Yoongi était déjà en train de descendre les escaliers à vive allure, et vint s'accroupir devant Taehyung. Sa main droite prit place sur son front ; il retira les mèches de cheveux qui couvraient en partie ses yeux, lorsqu'il se pencha subitement pour vomir à nouveau.

C'était mauvais.

Très mauvais.

Mais avisé.

 Eh bien, fils. Qu'est-ce qu'il se passe ?

 Taehyung vomit du sang. Il tourna la tête vers eux ; Jungkook s'était levé sur ses jambes, et commençait à descendre les marches. C'est mauvais signe.

 Qu'est-ce que cela signifie ? Le Prince demanda, à sa gauche.

A nouveau, Taehyung recrachait une quantité effroyable ; le médecin le fixait, le souffle presque coupé.

 De l'hématémèse. Son estomac a sûrement été endommagé. S'il s'agissait de ses poumons, il ne ferait que tousser, mais... Le châtain avait placé ses mains sur sa gorge. Il faut l'emmener d'urgence dans mes appartements.

 Pourquoi ? Il devrait survivre.

 Mon Père ! 

Yoongi avait haussé sa voix, son regard était empli de haine.

 Taehyung est en danger de mort. Si nous ne faisons rien, il va succomber à ses blessures !

 Emmène-le, Yoongi. La voix du Prince s'était ajoutée.

Le début d'une nouvelle ère.

[...]

Ce fût une énième douche froide pour le jeune garçon. Il venait à peine de se réveiller que l'enfer allait recommencer.

— J-Je veux pas... S'il-vous-plaît, j-je veux p-pas ! 

Yoongi s'était tourné face à un petit sac où était stocké des produits en tout genre ; médicaments, entre autres. Il en sortit une bouteille remplie d'un liquide translucide et de cotons.

 Je n'ai pas le choix. Redresse-toi, il faut que je guérisse tes blessures.

 N-Non... Non ! J-Je vous e-en supplie ! 

Ses larmes avaient repris le même chemin sur ses joues, Yoongi les observa calmement un court instant. Il serra la mâchoire avant de reprendre.

 Je suis désolé, ce n'est pas moi qui décide. 

Oh, non.

Taehyung ne voulait pas y retourner. C'était inimaginable, inconcevable pour lui, puisqu'il savait très bien qu'il allait revivre la même chose. Et comme Yoongi était de retour, alors le Roi l'était aussi. C'était lui qu'il craignait le plus, sa méchanceté et ses paroles froides, bien que Jungkook n'était pas vraiment mieux en terme de gentillesse.

Bafouillant des « s'il-vous-plaît » à tout va, le châtain s'était relevé assis, le corps tremblant, et s'était accroché à la main du Libre, qui le fixait. Ses pleurs dévalaient son visage jusqu'à s'échouer sur le sol sale du cachot où il était enfermé. Yoongi n'avait ni l'air préoccupé, ni même l'inverse. Il semblait coincé entre deux choix.

 Je v-vous en supplie... Il suppliait.

Contraint par le temps, le Libre retira l'emprise de sa main sur la sienne pour venir reprendre un coton dans le sac. Il l'imbiba à la suite du produit translucide, sous les supplications désespérées de Taehyung, qui l'imprégnait de plus en plus d'un doute sur ce qui allait bientôt suivre.

Il lui jeta un regard furtif, qui vint se planter dans celui du jeune prisonnier. Il fût quand bien même surpris d'apercevoir l'intensité de la crainte dans ses yeux. Mais il fût surtout intrigué par autre chose.

Yoongi s'était figé en l'observant.

 S-S'il vous... s'il v-vous plaît ...

 Taehyung ? Tu... 

Un silence ; des respirations.

Le médecin s'était vivement reculé, les yeux écarquillés, et se releva sur ses deux jambes, lorsque des coups sur la porte blindée retentissent, celle-ci fût même ouverte avant que sa réponse ne soit entendue. Deux hommes entrèrent alors dans la pièce sombre, le visage de Taehyung s'était légèrement tourné vers eux.

 N-Non ! Il s'exclama lorsqu'ils s'approchèrent.

 On vient le chercher, ordre du Prince et du Roi.

 Attendez... Il avait simplement murmuré.

Les hommes s'arrêtèrent un instant ; Yoongi en profita alors pour fouiller dans le sac, afin de sortir une petite boîte qui contenait des gélules. Il en prit une, mais la main d'un garde le stoppa.

 Qu'est-ce que c'est ? 

Le regard noir du blond se planta dans le sien.

 Je suis médecin. Laisse-moi faire. 

Il se dégagea de son emprise, l'homme s'était reculé. Le médecin en profita alors pour s'approcher de Taehyung, qui était toujours au bord de l'évanouissement.

 Prends ça. C'est la seule chose que je peux te donner. 

[...]

Lorsque la porte s'ouvrit, ils étaient déjà partis ; Yoongi observait avec effroi l'état de Taehyung se dégrader à vue d'œil, sur l'épaule du garde. Il n'arrêtait pas de vomir, ses yeux étaient vitreux et plissés. Il était sur le bord de perdre connaissance, et le médecin était convaincu qu'il s'agissait là de la pire des choses.

Alors, il reprit.

 Taehyung. Ça va aller, on va t'emmener dans mes appartements. Reste avec nous, d'accord ? 

Sa réponse fût coupée par une quinte de toux.

 Arrêtez de le porter comme ça, cela ne fait qu'empirer les choses ! Yoongi s'exclama. Je vais le faire moi-même ! 

L'homme se tourna face à lui après qu'il ne s'arrête, l'air dubitatif. Le médecin attrapa alors l'épaule du châtain, et l'inclina de sorte qu'il finisse dans ses bras ; l'un soutenant son dos, l'autre sous l'arrière de ses genoux. Il le remonta légèrement.

 Tenez sa tête, il ne faut pas qu'il s'étouffe. 

Le garde acquiesça silencieusement, et mit sa main sous son crâne pour le relever. Ils se remirent alors à marcher dans le long couloir, pendant plus de quelques minutes, jusqu'à arriver dans le quartier médicinal du château. Ils le conduisirent dans une des pièces réservées aux soins : la porte fût ouverte violemment, ils se hâtèrent à placer le corps du prisonnier sur un des matelas propres.

Yoongi laissa passer un soupir discret, avant de s'activer, pour faire en sorte que Taehyung ne meure pas.

Pas maintenant.

[...]

Le début d'une véritable catastrophe humanitaire.

Le jeune noiraud marchait à vive allure dans un des longs couloirs du palais, le regard rivé droit devant lui. Quelques hommes l'accompagnaient, placés à ses côtés, le bruit des armures faisait tourner la tête des personnes mais ils ne s'en préoccupaient aucunement. Non, à la place, ils suivaient simplement le Prince les guider.

C'était le surlendemain matin.

Jungkook avait laissé comme promis Taehyung entre les mains de Yoongi pour lui donner le temps de se reposer, enfin, c'était plutôt pour qu'il se fasse guérir le plus rapidement possible. Parce qu'il avait estimé nécessaire quelques heures supplémentaires de sommeil pour qu'il ne succombe pas à ses nombreuses blessures ; le Prince lui avait précisé qu'il avait risqué la mort de peu.

Cependant, les quelques heures s'étaient rapidement transformées en jours. Le médecin était sans doute encore en train de s'occuper du prisonnier ; le Roi n'en était franchement pas ravi. Le temps s'écoulait, et ce bien trop vite à leur goût.

Cela faisait plus de deux jours que Taehyung était présumé inconscient ; cela ne faisait que repousser la date où la vérité allait enfin éclater. Les autres Royaumes n'allaient certainement pas tarder à s'en plaindre, car les invitations, à Arthémia, avaient déjà été lancées. Par conséquent, il fallait faire vite : c'était pour cela que le Prince du Royaume marchait vers les appartements dédiés aux soins. Là où reposait le châtain.

Le Roi n'avait pas le temps d'y aller, à cause d'autres problèmes à régler. Notamment, le jeune garçon prisonnier qui n'arrêtait pas de crier aux gardes de le libérer, en prônant le fait que les Nobles et les Justes allaient se venger.

S'il savait la situation...

Ils arrivèrent rapidement. La porte de la salle fût ouverte brutalement, le Prince n'avait pas pris la peine d'attendre un quelconque accord du médecin pour entrer dans la pièce. Celui-ci s'était vivement retourné.

 Yoongi, qu'en est-il de son cas ? Il lança.

Le blond jeta un regard à Jungkook.

 Il est faible. Très faible. Ça va trop loin et tu le sais très bien. Te rends-tu compte de ce qui lui est arrivé ?! 

Le châtain était tourné sur le côté, les yeux fermés.

 Que veux-tu que je te dise ? De toute façon, je n'ai pas le choix d'agir ainsi.

 Vous lui avez brisé une côte, et son estomac a été touché !

 Ce n'est pas ma faute s'il est aussi faible. 

Il pouvait entendre deux voix lointaines mais familières.

 Il a besoin de repos. Quand vas-tu lâcher l'affaire avec cette stupide question ? Puisque tu sais déjà la réponse, pourquoi est-ce que tu t'acharnes à la lui demander ?! 

Un silence.

Taehyung restait calme, bien que son cœur battait la chamade.

 Peu importe. Il doit se réveiller aujourd'hui, Yoongi. Sinon, tu sais très bien ce qu'il va se passer.

 J'aurais presque envie qu'il ne se réveille que dans deux jours. Il va falloir que vous arrêtiez de vous acharner sur lui. Il va finir par en mourir.

 Il ne mourra pas. 

Une porte se referma quelques secondes après cette phrase, sous un soupir bruyant. Involontairement, sa gorge sèche le démangeait ; une quinte de toux alerta alors Yoongi. Celui-ci s'approcha vivement de Taehyung, allongé dans un lit, sous une couverture peu épaisse.

 Taehyung, tu m'entends ?

 Oui... H-Hum, merci, encore. 

Le jeune médecin l'observa calmement, un léger sourire aux bords des lèvres. Son état s'était vraiment amélioré bien qu'il était encore très faible. Sa malnutrition se faisait déjà ressentir dans son corps, et les nombreux coups portés n'arrangeaient en rien sa situation. Cependant, Yoongi avait tout de même réussi à le guérir, bien que ce mot-là était peut-être donné trop tôt pour le garçon.

Le médecin lui avait donné du poison, il y a deux jours. Enfin, ce n'était pas tellement du poison à proprement parler, mais plutôt un médicament vomitif. Et la raison était plutôt compréhensible selon lui.

Il était bien trop tôt pour son jugement ; il se remettait lentement de ses blessures. Mais il savait pertinemment que si Jungkook ne se calmait pas, il finirait par en succomber. Il avait finalement pris une décision, celle de lui donner du temps. Du repos. Parce qu'il avait conscience aussi que ce qui allait suivre n'était pas anodin, en termes de choc physique comme psychologique.

Et le blond était le seul à avoir perçu que cela allait être trop brusque pour Taehyung.

Le médecin était retourné à sa lecture. Quant au châtain, il observait calmement le rideau blanc virevolter au gré de la douce brise, bien qu'il ne faisait pas très beau dehors. Le temps s'était rapidement couvert d'une couche grisâtre, plus ou moins foncée à certains endroits.

Taehyung passait son temps à dormir, en général. Il devait se forcer aussi, bien que Yoongi ne lui avait pas donné d'explications vis-à-vis de son choix, le châtain ne pouvait pas vraiment s'en plaindre : il avait un lit, de l'eau, et le calme. Sauf dans les moments où le Prince venait lui rendre visite, c'était sans doute des instants aussi stressants que ceux passés dans la salle du trône.

Le jeune prisonnier s'était à nouveau endormi.

Durant ses temps de sommeil, le médecin avait remarqué qu'il était perturbé par de nombreux cauchemars. Taehyung bougeait beaucoup pendant qu'il dormait, c'était d'une part pour cela qu'il restait dans la pièce. À tout moment, il pouvait se blesser. Simplement en levant son bras trop haut, ou même en se tournant sur le côté.

Son corps était fragile.

A nouveau, le châtain bafouillait. Yoongi se releva du lit sur lequel il était assis pour s'approcher. Mais dès lors qu'il ouvrit ses yeux un peu plus grands, le Libre avait écarquillé les siens, avant qu'encore une fois, Taehyung ne tarde à se rendormir. Le médecin le fixait d'un regard ébahi, sa bouche s'était entrouverte, puis, peu à peu, les coins de sa bouche s'étirèrent doucement.

 Ils avaient raison. 

Un silence, à nouveau.

 Je suis désolé. 

[...]

Les portes du Palais étaient ouvertes, et les gardes criaient aux premières personnes, juste derrière celles-ci, de sortir de l'enceinte. Quelques regards peu rassurés, un pas, puis deux, jusqu'à ce qu'une dizaine de personnes ne passe la frontière du château.

Leurs yeux émerveillés divaguèrent un peu partout, ceux d'une femme allèrent se planter sur la silhouette de son mari, qui marchait vers elle.

Des larmes. Des cris.

Retrouvailles après une semaine passée.

Les enfants sautaient dans les bras de leur père, tous se mirent à hurler de joie en remarquant que les forces du Royaume avaient su protéger Milya. Certains remerciaient les Dieux des Citées en s'agenouillant jusqu'à poser leur front sur leur sol ; leurs prières avaient été entendues.

Tous, sauf un petit groupe.

Jimin s'avançait dehors, aux côtés de Namjoon et de la famille Kim. Hyo criait le prénom de son père, jusqu'à ce que celui-ci n'arrive, à leur gauche. La semie-libre embrassa son mari d'une étreinte tendre, les yeux débordants de larmes. Ses mains serraient son corps si fort, les pleurs tachaient son haut.

La petite sur pleurait à haute voix, tandis que les deux amis attendaient la fin des retrouvailles pour se permettre de poser cette question qui les tourmentait.

L'homme aperçut leur regard insistant, alors, il ne tarda pas à se détacher de sa femme.

Lorsqu'il baissa les yeux, Jimin fondit en larmes, dans les bras de Namjoon.

 On a cherché partout. On a suivi des traces de pas dans la forêt, mais elles nous amenaient face à une cascade. Son père se tut quelques instants, la gorge serrée. On a abandonné les recherches après cela.

 Mais pourquoi ?! S'exclama Jimin, en sanglotant.

 Jimin... La jeune femme souffla.

 Taehyung aurait pu être quelques mètres plus bas ! P-Pourquoi vous n'avez p-pas-

 Jimin. La voix de la femme était un peu plus stricte, pourtant remplie de tristesse.

Les yeux embrumés du garçon ne la firent pourtant pas flancher.

 Taehyung... Il ne sait pas nager. 

Et une énième fois, son regard se baissa vers le sol. Ses épaules portaient un poids énorme d'une culpabilité qui ne le permettait plus de penser correctement. Et, une fois encore, il leva sa main vers son visage, en se remémorant la peau chaude du poignet de son ami entre ses doigts.

 J-Je... 

Ses lèvres tremblotaient.

Le commencement d'une ère sinistre.

 J-Je le jure... 

Un silence.

 Je l-le ramènerai. Il leva son visage pour faire face à sa mère. J-Je ramènerai K-Kim Taehyung ! Un sanglot coupa sa phrase. J-Je le ramènerai ! L-Laissez-moi d-du temps ! 

Il essuya rapidement d'un revers de sa main ses larmes qui ne cessaient pourtant pas de couler le long de ses joues rebondies.

 Je le jure ! 

Mais c'était encore plus fort.

 Jimin... Appela Namjoon.

 J-Je... 

Il chercha du regard quelque chose, puis, lorsqu'il trouva, il se fraya un chemin jusqu'à y arriver. Il grimpa sur la rembarre, s'élevant au-dessus du peuple qui ne lui portait pas spécialement attention.

Il cria.

 Je le jure ! 

Plus fort qu'un simple engagement.

Plusieurs fois de suite, sa voix s'éleva sur la foule, faisant relever les visages mouillés des gens présents ici.

 Je le jure ! Il continuait à hurler.

Plus fort qu'un serment.

La famille Kim tentait de passer dans le même chemin qu'avait emprunté le jeune garçon pour l'atteindre, mais les habitants étaient bien trop occupés à le regarder qu'à leur laisser la place de passer.

 Je le ramènerai ! 

Cette fois-ci, tout le monde le regardait.

 Je ramènerai Kim Taehyung ! Je ramènerai Kim Taehyung, mon ami, ici ! A Milya ! Je le jure ! Sur ma vie, sur toute ma famille ! Les larmes coulaient abondamment. Je le jure sur les Dieux, sur tous ! 

Son regard déterminé provoqua un immense frisson à la mère de Taehyung lorsqu'elle le croisa.

C'était encore plus fort qu'une promesse.

 Je jure que je ramènerai Kim Taehyung ! 

Jimin avait décidé ainsi ; qu'il allait choisir son destin, son propre avenir. Peu importe les conséquences, peu importe ce qui allait se dérouler.

Nous, êtres humains, dont la bonté cache souvent des pensées farfelues, mesquines et perverses.

C'était le début d'une guerre.

Nous, êtres humains, dont la valeur de la vie a été contrainte par une prison comportementale, où nos semblables souffrent d'un manque, de « pas assez », ou vivent de richesse, d'un « trop ».

D'une période sanglante et inhumaine.

Nous, qui nous nous bernons d'une illusion de « bonté de vivre » qui n'a jamais existé.

Ni avant, ni maintenant, ni dans le futur.

Un Fatum.

La vie n'est qu'une chose éphémère, tout existe grâce à la fin. Une fin que nous avons diffamé « mort », l'existence inexplicable que nous avons prôné « vie ».



Et il allait aussi choisir celui de Taehyung.







Un Fatum avisé.






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Coucou !

Désormais les publications seront un peu plus rapprochées ! Je pense, pour l'instant, publier deux chapitres dans la semaine. Un le week-end, l'autre vers mercredi ou jeudi.

La suite ne sera que prometteuse et pleine d'action ! L'entrée de Lee Sae Jin, la révélation du secret et ce que va imaginer Jimin pour récupérer Taehyung (d'autant plus qu'il a juré sur les Dieux, un détail qui aura une très grande importance pour la suite). N'oubliez pas que les mots choisis ont leur sens !

Je veux absolument améliorer mon vocabulaire, aussi. Si vous avez des conseils, n'hésitez pas à les partager. Cela peut aussi aider certains ! J'espère au moins qu'il sera à la hauteur de vos attentes pour la suite !

Et puis, n'hésitez pas non plus à partager vos idées, ressentis, hypothèses concernant l'histoire. J'y répondrai avec grand plaisir.

Prenez soins de vous !

<3

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