29 - Éréthisme

TW : SA.


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Eréthisme : irritation intense qui se traduit par la surexcitation du cœur. On peut, dans le sens littéraire, faire référence à la colère.

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Un coup violent sur ma nuque. Je retombai à genoux, la vision floue et les sens nébuleux. Soudain, j'ouvris ma bouche pour vomir du sang et ce fût seulement maintenant que je vis la dague plantée en plein dans mon ventre.

Qu'est-ce qu-...

La dizaine d'hommes s'approcha de moi, sous les chants d'un autre, à droite.

"Telle une fleur riche en couleur mais dépourvue de parfum,

Le corps de l'homme sera détruit par son dessein."

















Seul contre ces hommes dans un endroit sombre, ma respiration s'était lourdement accélérée. Je n'entendais que les battements sournois de mon cœur, comme s'il voulait traduire le stress dans l'entièreté de mon corps, plus qu'il ne l'était déjà. Ce n'était pas tant que ces hommes étaient nombreux, ni même armés, mais parce que Héra n'était pas .

Parce que l'illusion était toujours présente.

Parce que le temps s'était arrêté.

Pour eux, pour moi.

Mais pas pour nous.

A genoux au sol, mes yeux brumeux fixaient le premier, dont l'immense sourire me rappelait tout des bandits. Peut-être s'étaient-ils échangés des mots avant cela, dès lors que le Roi Jeon et moi étions arrivés ici, dans ce petit village aux allures agréables. Peut-être s'étaient-ils mis en accord sur un plan pour mon enlèvement ou je ne savais guère, mais quelque chose au plus profond de moi me titillait sur ce point.

Parce que s'ils voulaient me tuer, ils l'auraient fait depuis longtemps.

Quel était leur but ?

— Q-Que voulez-vous...?

Un léger rire.

— Tout.

Un souffle.

— V-Vous ne m'aurez pas. Murmurai-je, les dents serrées.

Je me relevai timidement sur mes jambes, la main agrippée à la dague enfoncée dans mon ventre, les souffles courts. Je sentais du sang s'esquisser de mes lèvres, ce goût métallique, dégoûtant et immortel couler sur mon menton pour tomber au goutte à goutte sur le sol poussiéreux.

Jamais.

Pour la pire et la meilleure idée à la fois, parce que mes forces me quittaient et j'étais désarmé, dans un gémissement de douleur mes doigts retirèrent l'arme enfoncée dans ma chair. Je plaquais aussitôt ma main gauche sur ma blessure, les yeux cependant fixés dans ceux de l'homme, en face, à trois mètres si ce n'était pas moins.

— P-Parce que je n'appartiens qu'à u-une seule personne.

D'un geste maîtrisé, je retournai la dague dans l'autre sens en plissant mes genoux, la lame derrière moi et le corps abaissé, le regard noir plongé dans l'autre. Le sourire n'ayant pas quitté ses lèvres, il se replaça à son tour dans une posture que j'avais déjà vu auparavant.

— Vraiment ?

Un grognement de ma part. Ma plaie était suffocante, je ressentais la douleur qui s'immisçait dans mes veines, mes artères, mes nerfs jusqu'à toucher mes organes vitaux un à un, comme si quelque chose gangrenait ma chair.

Du poison, sans doute.

Je n'avais pas beaucoup de temps. Il fallait que j'agisse maintenant.

Après un léger souffle, je m'élançai.

[...]

— Bien sûr ! Lança madame Zhang. Tiens, tiens...

Elle prit à la va-vite un des plats japonais disposés dans la vitrine pour lui tendre aussitôt de ses deux mains, un immense sourire aux lèvres.

— Merci beaucoup. Lança Taehyung, en se courbant légèrement.

— Et toi, Jungkook ?

— Je vais attendre un peu pour le bibimbap.

— Très bien !

J'aperçus du coin de l'œil Taehyung tourner la tête sur le côté, certainement pour observer les autres stands. Curieux, il se pencha légèrement sur la gauche pour mieux les regarder de ses yeux gris, sans pour autant s'avancer. Alors, j'inclinai le visage vers lui pour apercevoir, au loin, une jument noire, marchant au milieu de la rue principale.

Mes sourcils se froncèrent aussitôt.

Etait-ce Artémis ?

Un léger silence.

Non. Dis-je en tournant la tête vers Taehyung.

L'animal ne m'était pas inconnu. Mais que faisait-elle ici ?

— Taehyung.

Lorsque mes yeux revinrent sur lui, mon corps fût pris d'un choc. Sa silhouette était bloquée, comme figée dans le temps. Je tournai vivement la tête pour apercevoir la même chose, Madame Zhang, son mari, et tout le monde. Toute la rue était immobile, les oiseaux avaient arrêté de chanter, bloqués dans le ciel et les enfants ne courraient plus, comme immobilisés dans une seconde passante, comme pétrifiés dans ce monde funeste.

En revanche, un seul son m'atteignait, résonnant faiblement dans les rues de Audra, un seul son, que j'avais immédiatement reconnu.

Les sabots du cheval qui s'avançait dans le village.

Jugeant le tout pour le tout et après un dernier regard lancé sur la silhouette étincelante de Taehyung, je repris une marche rapide vers la rue principale en observant l'environnement.

Que se passait-il ?

C'était bien la première fois qu'une telle chose arrivait, je n'avais jamais vécu cela. Le monde semblait s'être arrêté, comme si le temps s'était distordu, comme une brèche dans l'univers. L'environnement bougeait légèrement semblable à des vagues, tout n'était que lumière scintillante : les êtres vivants, les immeubles, et le ciel.

Arrivé au bout de la ruelle adjacente, mes yeux se posèrent sur la bête qui continuait son chemin.

— Artémis !

Un choc, à nouveau. Je n'avais pas parlé. Ma voix avait résonné dans ma tête.

Une illusion.

La jument ne s'arrêtait pas, alors, après un dernier coup d'œil sur Taehyung, je la suivis, aux aguets. Quelque chose clochait. Je ressentais tout et rien en observant l'animal, comme si mon esprit était lui aussi resté figé mais que mon corps était attiré par lui, par elle.

J'étais bloqué dans un univers parallèle.

— Artémis, que se passe-t-il ?

Elle prit la rue à droite sans m'accorder une seconde d'attention, comme si elle aussi, suivait quelque chose ou alors, voulait-elle m'amener à un endroit plus loin.

M'aventurant dans une ruelle plus sombre et plus étroite, la jument continuait de marcher devant, avant qu'elle ne prenne un rythme plus rapide.

— Artémis !

Elle disparut sur la gauche, à la fin de la ruelle. Je tiquai avant d'accélérer le pas, vaguement perplexe, plus inquiet. Je passai entre les silhouettes étincelantes des personnes, esquivai de justesse celle d'un enfant au beau milieu de la rue, les yeux néanmoins bloqués sur la fin du passage.

Comme elle, je pris à gauche, et fis face au commencement de la forêt. J'aperçus l'animal s'enfoncer entre les arbres sous le bruit constant de ses sabots, s'en allant au loin sans un seul regard jeté en arrière.

Pourquoi m'emmenait-elle là-bas ? Pourquoi el-

Un choc, soudainement. Je me retournai vivement pour voir le monde s'effriter comme une feuille brûlant sous l'ardeur d'une flamme, comme les éclats d'un miroir brisé volant sous le choc d'une pierre. Les immeubles flous se décomposaient, les personnes brillantes d'une lueur mystérieuse s'éteignaient en tombant dans ce vide immensément blanc, presque aveuglant.

Mais je n'avais pas peur.

Parce que je connaissais cette couleur liliale.

Alors, je fermais les yeux. Je sentis le monde s'effriter sous mes pieds et mon corps tomber dans le vide sans aucune once d'angoisse.

Parce que je ressentais sa douceur.

Et tout retomba. J'étais revenu dans mon corps, entre les personnes qui riaient dans la rue de Audra et les enfants qui couraient partout, adouci par cette musique traditionnelle que j'avais longtemps côtoyée et par l'odeur de nourriture.

Silencieusement, je m'inclinai vers la forêt, pour sentir un souffle s'émaner jusqu'à moi. Mes yeux s'écarquillèrent soudainement en remarquant que ce côté de la forêt, au loin, amenait à un gouffre. Je me souvenais parfaitement d'y avoir risqué ma vie avec Zeng lorsque j'étais tombé dedans, après avoir glissé au bord de la falaise. Il m'avait rattrapé de justesse.

Tout s'enchaîna dans ma tête, m'amenant à une seule et unique conclusion.

C'était un piège temporel.

Je me tournai vivement dans l'autre sens.

Taehyung.

[...]

La respiration saccadée résonnant dans la pièce, mon corps entier tremblait en me relevant d'un homme, son sang dégoulinait le long de mon bras jusqu'à tomber sur son cadavre. Mes sens étaient flous, j'avais l'impression de perdre la tête mais j'avais réussi à immobiliser trois de la dizaine d'hommes qui, par chance, par miracle, venait un à un se battre contre moi.

Je ne savais pas réellement si je me battais pour survivre, pour la promesse au Roi Jeon, ou pour protéger le corps de ma mère, derrière moi.

L'homme placé devant le groupe n'avait pas bougé, ses yeux observaient mes mouvements et il ne se souciait pas de ses coéquipiers. Au contraire, il rigolait à chaque fois que leur corps tombait au sol par mes coups, et examinait mes gestes devenus lents et terriblement faibles.

Je ne voyais plus rien, ma vision était obstruée par une couche grisâtre nébuleuse, comme le brouillard d'un matin d'hiver, parsemé de tâches d'obscurité. Parfois, mon corps bougeait seul, ma main se levait ou je trébuchais bêtement en avant sous l'effet du poison.

Tout à coup, je me penchais brusquement en avant pour cracher du sang, si fort que j'avais fini à quatre pattes au sol. Sous mes souffles bruyants, mon visage se releva lentement vers l'homme qui s'avançait. Je n'y vis qu'une silhouette sombre s'approcher, avant d'esquiver un coup de pied pour planter la dague dans ses parties génitales.

Un hurlement résonna dans la pièce et l'homme se baissa tandis que je retirai l'arme, pour planter la lame dans sa gorge et la retirer à nouveau. Le sang jailli abondamment de son cou, et mes yeux revinrent droit dans ceux de cette même personne immobile, au milieu de la pièce.

— Chef. Il s'est libéré du sort. On devrait partir avant qu'il n'arrive.

— Attendons encore un peu. Souffla-t-il.

Un silence, ma respiration rauque.

— A vrai dire, je suis plutôt surpris qu'il résiste autant. Il y a quelque chose en lui qui l'empêche de céder.

— Héra est la Déesse des Dieux, c'est sans do-

— Non. Ce n'est pas elle. Contesta-t-il en s'approchant.

Le chef s'abaissa à ma hauteur. Ma main droite se leva aussitôt, et je tentai de le poignarder mais il attrapa facilement mon poignet.

Crac.

Pour le briser.

Mes yeux s'écarquillèrent et je hurlais de douleur contre lui tandis qu'il raffermissait sa prise, je sentais mes os brisés transpercer ma chair, mes veines, mes nerfs, tout. Il attrapa violemment mes joues par sa seconde main et me replaça correctement face à lui, ses yeux noirs plantés dans les miens, débordant de larmes.

— Je la sens en lui.

Il me jeta au sol aussitôt, mon crâne tapa contre le parquet poussiéreux et je m'empressai d'entourer mon poignet de ma paume chaude, devenue froide, si froide. Mon corps devenait gelé au rythme du poison qui s'infiltrait dans mes veines.

— Uhh... Bafouillai-je, avant de tousser.

Je me relevai lentement avec mon coude, pour que mon regard ne tombe sur le cadavre de ma mère, à côté. Les larmes roulèrent le long de mes joues en observant son visage pâle tourné vers mon côté, sali par la poussière et le sang. Ses joues s'étaient creusées depuis les quelques jours écoulés, ses lèvres devenues mauves. Les sanglots s'échappèrent de ma bouche tandis que je m'approchai doucement d'elle, rampant sur le parquet gelé de la maison. Mes doigts frôlèrent son visage froid et je posai mon front sur sa poitrine en pleurant.

— M-Maman... Murmurai-je. J-Je suis désolé...

Mes larmes mouillèrent ce haut, son haut, le dernier vêtement qu'elle portait.

— J-Je t'aime... Soufflai-je contre elle. Je t'aime t-tellement.

Dans un silence disputé par mes pleurs et mes soupirs douloureux, il lança.

— On y va.

[...]

Courant à vive allure dans le chemin inverse, j'entendais mon coeur s'enjouer sur cette musique infernale, la totalité de mes organes reprenaient l'éréthisme : la colère, l'excitation faisaient vibrer mes veines comme les cordes d'un violon sous l'archet du joueur. Je sentais mon corps succomber à ce péché capital qu'était la haine, une haine inarrêtable pourtant mélangée au tourment de la situation.

Parce que je savais que Taehyung n'était plus ici.

Arrivant dans la rue principale, je m'élançai aussitôt vers la même ruelle où se trouvait le stand de madame Zhang, sur la droite. Sans grande surprise, il avait disparu, alors je me dirigeai vers elle et lui.

— Madame Zhang ! M'exclamai-je.

— Oh, Jungkook ! Fit-elle. Vous êtes partis si vite, je ne vous ai même pas vu ! Le bibimbap est pr-

— Où est-ce qu'il est parti ?!

— Pardo-

— Taehyung ! Où est-il parti ?

Son visage prit une mine assez surprise, avant que l'inquiétude ne tire ses traits.

— Taehyung ? E-Eh bien, il me semble qu'il est parti à droi-

— Merci.

Je repris la course dans la ruelle, entre les stands de fleurs, d'animaux et de nourriture. Je le cherchais du regard, dans les brocantes et magasins, dans la foule qui devenait plus dense au fur et à mesure que je m'y enfonçais, pour apercevoir du coin de l'œil une ruelle plus étroite sur la droite.

Je m'arrêtais aussitôt, les yeux rivés vers celle-ci, le souffle rapide. Je baissai le regard au sol pour apercevoir des marques de pas s'y diriger, des empreintes qui paraissaient briller entre les autres, comme si elles me montraient le chemin.

Héra.

Elle me guidait.

Je pris alors le chemin, m'aventurant dans le passage sombre, pour sortir quelques mètres plus loin dans une autre rue, qui m'apparut étrangement inquiétante. Tout était sombre, comme si la magie noire avait pris la totalité de l'endroit. J'en avais conclu que j'étais entré dedans. Taehyung ne devait pas être loin.

Les pas m'amenaient à gauche, alors je repris un rythme plus rapide, jusqu'à courir dans la ruelle.

A droite.

Mon regard tomba sur la façade d'une maison abandonnée, complètement déchiffrée. Calmement, je m'avançai, pour que la pulpe de mes doigts ne touchent la porte et la poussent. J'esquivai aussitôt une arme qui se planta dans le mur à l'opposé, à plus d'une dizaine de mètres de là. J'inclinai mon visage à nouveau dans la petite maisonnette, où l'obscurité m'obligea à plisser les yeux pour apercevoir ce qu'il y avait à l'intérieur.

Des corps. Cadavres d'hommes.

— Taehyung ?

J'entrai alors pour retourner tous les corps d'un coup de pied pour vérifier si l'un d'entre eux n'était pas lui, mais aucun. Et je ne ressentais pas sa présence dans cet endroit, ni celle de Héra dans les environs.

Rien.

Plus rien.

J'étais arrivé trop tard.

Il n'était plus ici.

Puis, alors que je m'apprêtais à sortir, mes yeux furent attirés par le corps d'une femme, par les habits que j'avais déjà vu ailleurs. Je me figeai en comprenant qui elle était, tandis qu'un immense frisson traversa mon corps.

Ji Yeong.

Debout à l'entrée de la maison, je sentais le sang affluer dans ma tête tandis que mes poings se resserraient. Les parois fines de la maison se mirent à vibrer en même temps qu'un souffle froid s'engouffra dans la petite maison jusqu'à ma silhouette, jusqu'à ce que ce dôme étrange ne se brise, me ramenant à la réalité.

La vitre de la petite fenêtre à ma gauche éclata, le parquet commençait à se détacher du sol, les clous se mirent à voler dans la pièce, tranchant quelquefois ma peau tandis que mon corps s'inclina vers l'extérieur.

Je sentais mon coeur pulser dans mon crâne, la violence embaumer mon corps et Artémis brouiller mon esprit. Ma force se décuplait. Ma haine s'agrandissait. L'éréthisme faisait trembler mon être.

On me l'avait pris.

Et ils lui avaient amené le cadavre de sa mère.

Un pas, un bruit sourd. Mes gestes étaient devenus mécaniques, Artémis prenait l'entièreté de mon corps tandis que je retournai dans la ruelle. Je sentais son aura affluer vers ma silhouette, le ciel commençait à s'obscurcir à vue d'œil, devenant aussi ténébreux que l'ombre qui émanait de moi.

Taehyung.

[...]

La roue se buta contre un caillou, ce qui fit sursauter mon corps.

— M-Mmpfh...!

Le côté gauche de ma tête tapa contre le bois, suivi d'un gémissement de ma part. Les mains liées dans mon dos, j'étais allongé sur le côté à l'arrière d'une calèche, les yeux bandés par un tissu que l'on avait noué autour de ma tête.

— Putain, j'arrive pas à croire qu'on a eu le pactole !

Les hommes m'avaient emmené avec eux. Cela ne faisait que quelques minutes qu'ils s'étaient mis en route, l'un d'entre eux m'avait bandé les yeux et la bouche pour éviter les risques, certainement. La blessure de mon ventre me faisait tourner la tête, je sentais le poison s'être répandu dans l'entièreté de mon corps parce qu'il était impossible pour moi de bouger.

Lorsque Héra m'embaumait de sa force, la douleur ne faisait que s'accroître. Comme si ce poison empêchait la divinité de me guérir, de me prêter sa force pour me battre mais surtout, je n'arrivais pas à sentir Enyo. Comme si Héra l'avait séparé de mon corps, pour me protéger, certes, mais je ne ressentais plus Artémis. Je ne savais plus où était Jungkook.

J'étais redevenu un simple humain.

Je ne savais pas où est-ce qu'ils m'amenaient. Mais leur discussion m'effrayait autant que leurs rires gras.

— Combien est-ce qu'on va en tirer ?

— Des millions ! S'exclama un autre.

Le tissu qui bloquait ma vue était mouillé de larmes et je sentais que celui sur ma bouche était ensanglanté. Ma respiration était saccadée et douloureuse, autant que les battements lourds de mon cœur qui me provoquaient des convulsions soudaines. Mon corps réagissait étrangement à la présence du poison dans mon sang, mes muscles se contractaient seuls, mes jambes et mes bras étaient pris de spasmes vulgaires.

— On va être riche ! S'esclaffa l'un d'eux.

Comme si quelque chose se battait à l'intérieur de mon corps.

— Qu'est-ce qu'on va faire de lui ?

Comme si quelque chose luttait contre le poison.

— Le vendre, non ?

— Le mettre aux enchères du marché noir serait plus intéressant ! Imaginez ces fils de Roi de merde qui seront prêts à faire des offres immenses. Putain, j'imagine les milliers et des milliers de pièces d'or qu'on aura.

Une main agrippa mes cheveux et me tira en arrière. Mes dents s'étaient serrées dans une légère plainte.

— On devrait vendre des mèches de ses cheveux aussi.

Leurs rires s'élevaient dans l'habitacle lorsqu'il me lâcha, je retombai lourdement au sol. Mes soupirs s'envolaient dans le silence qui suivit.

— On devrait surtout en profiter avant de le vendre.

— Mmhfp ! Fis-je aussitôt, lorsqu'une main se posa sur mon épaule.

— Calme-toi, putain. Tu casses les couilles.

Je me mis à gigoter dans tous les sens pour chasser les doigts de l'homme sur mon corps, lorsque l'un d'entre eux écrasa violemment mon crâne avec sa chaussure. Je tremblais. J'avais froid. J'avais peur. J'étais tétanisé. Je ne priais que pour une seule chose.

Que le Roi Jeon me retrouve au plus vite.

Un sanglot s'échappa de ma gorge lorsqu'une main se faufila sous mon vêtement, frôlant la peau de mon torse, une autre sur ma cuisse. Je tentai un coup de pied au type qui me touchait, lorsqu'il me tourna sur le ventre. Les larmes s'échappaient en grand nombre de mes yeux en sentant sa paume remonter sur mes fesses jusqu'à ce qu'il attrape le bord du pantalon.

— Mmhpff !

Mais je roulais sur le dos en levant mon talon pour qu'il cogne brutalement son visage.

— Putain mais reste tranquille !

— Mmh !

Un coup de poing fit vriller mon visage sur la droite. Après un léger silence, je me tortillai pour me redresser assis contre la parois de la calèche, la respiration saccadée et l'esprit vaseux. Je ne voyais rien. Je ne savais pas même combien ils étaient, mais au moins cinq se trouvaient avec moi. Et je ne pouvais plus me battre. Mon poignet me lançait des va-et-vient de douleur intense d'autant plus renforcée par la corde qui me serrait, qui s'enfonçait dans ma peau. La coupure de mon ventre me donnait la nausée.

Je voulais que tout s'arrête.

— Aide-moi à le tenir.

Mes jambes se rapprochèrent timidement de mon torse.

Je ne voulais pas qu'ils me touchent.

Mes gémissements s'envolèrent une nouvelle fois lorsque deux paires de mains m'immobilisèrent violemment ventre au sol, une paume plaqua ma tête contre le bois sale de la calèche. Je sentais un homme grimper au-dessus de mes jambes sous les rires grossiers des autres, ses mains caressaient désagréablement ma peau.

Je voulais que Jungkook vienne me sauver.

La nausée remonta subitement en sentant des doigts attraper à nouveau le bord de mon pantalon, son autre main empoigna l'un de mes fesses. Je me débattais vainement, les sanglots bloqués au fond de ma gorge.

— Mmhpf ! Mmh...!

Que quelqu'un m'aide.

— Allez, reste tranquille. Ricana-t-il. On ira doucement si t'es sage.

N'importe qui.

Une lueur.

Je vous en supplie.

Un immense choc.

Les hommes s'étaient tous exclamés en même temps que mon corps roula sur le côté à la suite de l'arrêt brusque de la calèche. J'entendais d'ici d'autres crier, gémir et leurs corps tomber en dehors. Des bruits d'acier résonnaient, des cris se mêlaient à la parade et j'entendais quelqu'un se battre contre eux. Ceux qui me tenaient se levèrent soudainement pour combattre le nouveau venu, puis des bruits sanglants s'élevaient, suivis de hurlements, pour faire place au silence.

Le son de corps qui s'effondrent.

Le bruit d'un combat qui s'arrête.

Des pas, au devant de la calèche, qui pénétrèrent à l'intérieur. Je reprenais bruyamment ma respiration en me rendant à l'évidence que je venais d'être sauvé de ce que je redoutais le plus au monde.

— C'est quoi ce bordel ?

Ces paroles me surprirent. Ce n'était pas Jungkook. La voix d'un jeune homme.

Il poussa mon épaule avec son pied.

— T'es vivant ?

Je hochais bêtement la tête, ce qui lui fit lâcher un léger rire. Il s'abaissa à ma hauteur, sans doute, et sa main glissa dans ma chevelure. Je sentais ses doigts se faufiler dans mes cheveux pour les observer, lorsque sa voix s'éleva à nouveau.

— T'as pas l'air d'être du coin.

Je sentis ses doigts défaire le tissu de mes yeux que je gardais néanmoins fermés, puis celui de ma bouche. Il recula de mon corps avant que je ne geigne lorsqu'il coupa les liens autour de mes poignets.

— M-Merci... Murmurai-je. Merci...

— Qui es-tu, au juste ?

Tout était devenu si calme.

— Hé !

Il replaça mon corps sur le dos pour ouvrir mes paupières, j'aperçus son visage en face du mien, vaguement inquiet. Ses cheveux étaient blancs, mi-longs et des iris violets. Il resta ainsi pendant quelques secondes, à m'observer silencieusement, les yeux grand ouverts, la mine surprise.

Je n'avais pas même réagi lorsqu'il leva mon vêtement pour observer mon ventre, ma blessure. Le jeune homme se replaça assis sur le côté, un gémissement s'échappa de mes lèvres lorsqu'il plaqua sa paume sur ma plaie, j'avais senti une vague de froid s'initier dans mes veines.

Il clôt les paupières en se concentrant, je fus surpris d'apercevoir sa main s'illuminer dans l'habitacle. C'était gelé et apaisant à la fois. De la magie, sans doute. Une vague de soulagement me fit entièrement frissonner.

— M-Merci...

Les larmes coulaient de chaque côté de mes yeux.

— Je ne suis pas venu pour te sauver. Lança-t-il. Ne me remercie pas.

— Merci...

Mon corps fût pris d'un sursaut.

— M-Merci...

Un soupir. Je l'entendis s'approcher de mon visage. Lorsque j'ouvris à nouveau les paupières, je l'aperçus, les yeux fermés et les mains en face à face, créer quelque chose entre ses deux paumes qui brillaient, formant une petite bille blanche. Il s'arrêta en l'attrapant en plein vol, puis ses yeux plongèrent dans les miens lorsqu'il me la tendit.

— Avale ça.

Après un léger silence, je la pris entre mes doigts pour que le médicament tombe au fond de ma gorge.

— D'où est-ce que tu viens ? Reprit-il.

— D-De Milya.

— Que fais-tu ici, alors ?

Il entoura par la suite mon poignet meurtri de sa même main, les yeux fermés. Je ressentis cette fraîcheur identique à celle de mon ventre qui me fit soupirer de soulagement.

— M-Merci.

— Je t'ai déjà dit de ne pas me remercier.

Un silence.

— Q-Qui êtes-vous ?

Il prit plusieurs secondes pour répondre.

— Xian.

Il plaça son autre main sur la même blessure de mon ventre.

— O-Oh...

Puis, un choc, soudainement. J'avais senti Héra revenir en moi et mes forces contracter délicatement mes muscles. Je me redressai aussitôt assis, les yeux grands ouverts, la respiration courte. Mon visage s'inclina aussitôt vers celui du jeune homme, à ma gauche, qui cependant, ne me regardait pas.

Ses yeux étaient bloqués au loin.

— Tu devrais partir. Les Nobles ne sont pas les bienvenus ici.

Il se redressa sur ses jambes pour s'avancer. Je tournai alors la tête dans l'autre sens pour suivre les mouvements de sa silhouette. J'aperçus au loin une aura sombre se répandre entre les arbres, s'approchant de nous mais je n'avais pas peur.

Parce que je connaissais cette couleur obscure.

Le jeune homme se replaça devant moi, comme prêt à l'attaque.

Parce que je ressentais sa force.

— A-Attendez... Appelai-je.

Malgré la douleur persistante de mon ventre, je me redressai à quatre pattes pour m'avancer sur le bois sale de la calèche. Je glissai mes jambes à la fin pour poser mes pieds au sol en même temps qu'il sauta.

Mais mes yeux étaient rivés sur les nuages assombris qui arrivaient à pleine vitesse, je ressentais les tambours, battements de cœur intenses, rythmer les bruits de sabots martelant le sol. Je ressentais l'éréthisme faire vibrer ses veines, cordes du violon guidé par l'archet du destin. Le dôme gigantesque d'Artémis s'élevait haut dans le ciel, plus haut que les arbres de la forêt, je voyais les oiseaux fuir les ténèbres qui recouvraient progressivement le ciel.

Un souffle froid passa, faisant virevolter nos chevelures et les feuilles mortes sous les arbres. J'avais placé mes deux bras devant mon visage pour me protéger des branches qui volaient sous la forte brise, lorsque des yeux gris foncés se plantèrent dans les miens. Mon corps fût pris d'un choc. La silhouette de Jungkook sortit du nuage, chevauchant Artémis, son regard plongea dans le mien.

— J-Jun-

— Taehyung !

Le jeune homme à côté m'attira brusquement vers lui, bloquant ma gorge avec un couteau, mon dos contre son torse. Son autre main, armée d'une lance aux couleurs mauves, se releva à côté de mon torse en direction du Roi Jeon. Un peu désorienté, ma main gauche s'agrippa à son poignet tandis que son souffle tapa contre mon épaule.

— Q-Qu'est-ce qu-

Artémis et Jungkook arrivèrent à quelques mètres de nous, le Roi Jeon descendit aussitôt d'elle pour s'approcher, le regard sombre.

— Ne t'approche pas ! S'exclama-t-il en resserrant son emprise.

Jungkook s'arrêta à trois mètres de nous, son regard descendit sur ma silhouette et j'aperçus sa mâchoire se serrer lorsqu'il remarqua mes vêtements tâchés de sang. Artémis grandissait autour de lui lorsqu'il planta ses yeux dans celui du jeune homme, et je vis la Déesse se former au-dessus de lui, sa colère se dégageait vivement de sa silhouette. Comme un choc, l'ombre virevoltait sous la braise d'Artémis en même temps qu'un second vent, plus fort, s'abattit sur nous, faisant bouger les arbres et plantes tout autour.

— Attendez, j-je le connais ! Bafouillai-je au garçon à mes côtés.

La lame s'enfonça dans ma peau et je gémis.

— C-C'est à lui que j'appartiens !

Après un léger silence, il lâcha son emprise, me faisant tomber à genoux au sol. Tout se passa en un éclair. Le katana noir du Roi Jeon, la lance violette du jeune homme était contre, les effluves gris foncé et mauve se battaient entre elles à un mètre si ce n'était pas moins. Mes yeux grands ouverts fixaient la silhouette du garçon, qui semblait vouloir me protéger mais la colère d'Artémis était immense.

Jungkook se dégagea à la hâte et il tourna, je n'avais qu'aperçu le jeune homme écarquiller les yeux en voyant le katana de la Divinité s'abattre sur lui.

Un bruit sourd.

Le sceptre doré dans ma main et un choc brutal, fort, intense des deux divinités qui ne faisaient pourtant qu'une : Héra et Artémis. Le sol avait craqué sous nos pieds et je tenais fermement mon arme qui tremblait sous l'ardeur du katana brûlant. Les lueurs dorés contraient l'ombre grise, Héra me protégeait autant que le jeune homme dans un dôme d'or.

Jungkook écarquilla les yeux en me trouvant face à lui.

— Taehyung ! S'exclama-t-il.

Il se recula aussitôt et je trébuchais en avant lorsque tout s'arrêta.

— Ne reste pas ici ! Il m'ordonna, le regard noir.

— I-Il m'a sauvé la vie ! Repris-je à la suite. Ne le tuez pas, s'il-vous-plaît !

Ses yeux surpris remontèrent se placer dans ceux du jeune homme, cette fois derrière moi.

— J-Jungkook, ne le tuez pas !

Je m'étais soudainement agenouillé, avant de poser mon front sur le dos de mes mains, au sol.

— J-Je vous en supplie !

Un silence, le bruit de mes respirations, le vent qui s'arrête.

— Qui es-tu ? Lança le Roi Jeon.

— Xian.

Je me redressai assis timidement, les yeux larmoyants et le corps tremblant, lorsque Jungkook me prit dans ses bras. Les larmes s'échappèrent aussitôt de mes yeux en sentant son corps froid, pourtant si chaud contre le mien et ses mains accrochées à mes épaules. J'enfouis mon visage dans son cou en pleurant contre lui, mes doigts s'ancraient dans son dos et je resserrais davantage mon emprise sur lui.

— Qu'est-ce que c'est que ce bordel ?

Après une dizaine de secondes passées contre lui, on se releva ensemble et je me tournai légèrement face à Xian, qui nous observait, les sourcils froncés et les bras croisés sur son torse. Il avait planté sa lance dans le sol, à côté de lui. Ce ne fût que maintenant que j'aperçus l'étrangéité de ses habits, semblables à ceux des mages que j'avais pu voir dans les livres de ma mère.

— T'es l'héritier de Héra ?

J'acquiesçai de la tête, tandis qu'un léger sourire se dessina sur ses lèvres.

— Balèze.

— M-Merci de m'avoir-

— Je ne suis pas venu te sauver. Répéta-t-il. Ne me remercie pas.

Mes yeux se baissèrent au sol. Il m'avait tout de même réellement sauvé la vie.

— Toi.

La prise du Roi Jeon sur ma taille se rafermit.

— La prochaine fois, arrive plus tôt.

Mes paupières s'ouvrirent tandis que Xian s'en alla sur la droite après avoir repris son arme,  tirant sa cape sur le côté pour disparaître à la suite. Un silence prit place entre nous, je m'apprêtais à me décaler lorsque Jungkook m'attira à nouveau contre lui.

— J-Je suis dé-

— Ne t'excuse pas. Coupa-t-il. C'est entièrement ma faute.

Il renforça notre étreinte si fort qu'un couinement s'échappa de mes lèvres.

— Je n'ai pas su te protéger. J'ai failli rompre la promesse que j'ai faite à ta mère.

Les larmes me montèrent aux yeux en repensant à son corps dans la maison, je me mis à trembler contre le Roi Jeon qui me tint plus fermement. Les images de son visage passaient dans ma tête alors j'ouvris les yeux, avant de reculer de son emprise. Son visage se plaça face au mien et je vis son regard inquiet, puis je me jetai aussitôt sur ses lèvres.

Sa main s'accrocha à ma taille dans un léger mouvement de recul, l'autre monta entourer ma gorge.

— Attends, Taehyu-

— F-Faites-moi oublier, je vous en supplie... Murmurai-je contre ses lèvres.

Un silence, les larmes qui se mirent à rouler sur mes joues.

















— Faites-moi, le temps d'un instant, oublier ma vie.




















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Quel chapitre bourré d'émotions...

J'espère qu'il vous aura plu ! Il était difficile d'écrire certaines scènes, que ce soit avec la mère de Taehyung autant que celle avec les hommes dans la calèche. Bien sûr et vous vous en doutez, il va avoir les répercussions de ce qu'il s'est passé dans les chapitres à venir.

Tenez vous prêts à de nombreuses discussions entre Taehyung et Jungkook, mais aussi beaucoup de mouvements -je n'en dis pas plus !

Que pensez-vous de Xian ? Il reviendra aussi dans les chapitres qui suivent, vous en apprenez plus sur son histoire et sur ses capacités. Vous aurez notamment la raison de ses actes, et du pourquoi a-t-il sauvé Taehyung !

Si vous avez des questions, n'hésitez pas à en faire part. L'histoire est relativement complexe donc j'aimerais que vous compreniez tout, parce qu'elle n'est pas encore finie. Taehyung et Jungkook ont encore plein de choses à faire... 👀

Je vous laisse sur ce chapitre et vous dis à la semaine prochaine pour la suite, prenez soin de vous d'ici là !

















<3

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