15 - Eunomia

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Eunomia : Justice, l'Équité. Elle est associée à la stabilité interne d'un État.

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 Impossible ! Qu'adviendra-t-il de nos Royaumes ?

 D'autant plus que l'une des premières lois du registre Divin s'y oppose totalement !

 Vous préférez qu'on parte ainsi ?! C'est de la folie ! S'indigna un autre.

— Il a raison ! Ce serait se jeter dans la gueule du loup ! 

Les hommes étaient tous levés ; chacun d'entre eux contraient les paroles des autres, certains qui étaient en accord lançaient des acclamations. La foule se jetait des phrases comme si elles devaient être la vérité et parvenir aux oreilles du Roi qui les observait en silence se disputer.

Il s'agissait d'un évènement important que tous attendaient : le décret du Roi d'Aera.

Le Roi le plus puissant de la Noblesse, où à sa gauche était placé le Roi de Thémia. Tout à droite se trouvaient les guerriers divins et dirigeants majeurs des Justes et des Nobles dont cinq se discernaient aisément de la foule, étant placés en avant : Chun Hee, Thémia, les chaînes de la Justice, Jung Wo, Thémia, les lois des Justes, la Reine Chaewon, Athénésis, la Lance de la Noblesse, Min Ho, Aera, le sceptre Royal et enfin, Youn Ha, Hesténésis, la Raison des Nobles.

Trois d'entre eux discutaient ensemble, d'une manière que le Roi avait aperçu bienveillante. Sans doute accordaient-ils leur attention aux ministres et comptes qui s'affrontaient avec des mots en bas, en essayant pour le mieux d'interpréter correctement ce que chacun disait.

Chun Hee et Chaewon, quant à elles, gardaient leurs regards plantés sur le Roi, qui tantôt se déplaçaient sur la grande horloge en face du trône. La parole du Roi commençait dans deux minutes, si cela n'était pas moins.

À gauche étaient placés les dirigeants secondaires, où se trouvait le Roi de Milya, au centre. Quelques autres guerriers moins célèbres, plus inexpérimentés mais vifs à la fois.

La place du Roi place dans la cité d'Aera était imposante, et très respectée. Lorsqu'il se montrait au peuple, tout le monde s'agenouillait. Mais ce n'était pas tant parce qu'il était une personne importante, mais parce que sa prestance était absolument divine.

Il incarnait le Roi des Dieux.

Malheureusement, ses jours étaient comptés, à cause de ses nombreuses erreurs qu'il avait commise envers Héra. Désormais, il ne se montrait que très rarement au peuple, deux fois par an si sa santé le permettait. Les médecins qui l'entouraient se devaient de garder le silence au sujet de la divinité qui était en lui ; il avait été annoncé au grand public qu'il était atteint d'une maladie grave.

Lorsque l'airain résonna, trois fois.

Progressivement, les mots arrêtèrent de fuser dans la grande salle : le Roi avait ouvert les paupières, ses yeux gris clair divaguèrent sur la foule en bas, avant d'observer silencieusement les dirigeants et guerriers renommés à sa droite. Après un raclement de gorge qui fût discret, sa parole se hissa.

 Bonjour à tous. Il dit, la voix forte. Aujourd'hui, à Aera, nous nous réunissons afin d'établir les étapes de nos prochains actes. 

Le silence était imprégné dans la salle.

 La vérité a éclaté. Kim Taehyung a été enlevé par les Libres d'Arthémia. Il tourna la tête sur sa gauche. Roi de Milya, vous dites que l'attaque des Libres était préparée depuis le début ?

 Oui, Majesté. Le Roi répondit. Ils ont tout prévu pour que Kim Taehyung se soit retrouvé dans leurs mains. J'ai écouté les rapports de chacun de mes gardes, tous ont dit qu'ils agissaient de manière parfaitement réfléchie. Ils voulaient, et ont trouvé Kim Taehyung. 

Un profond silence, à nouveau, suivi de nombreux chuchotements.

 Bien. Il reprit après un léger toussotement. Les dirigeants de Thémia et d'Athénésis m'ont fait part d'une décision avisée, que je conçois parfaitement. Il tourna la tête pour planter son regard sur la jeune femme. Lee Chaewon, si vous voulez bien me reprendre. 

Elle s'était courbée tout en se levant. Ses longs cheveux clairs détachés et légèrement ondulés retombaient jusqu'au bas de son dos ; ses yeux en amande se fermèrent un instant, avant qu'elle ne prenne la parole.

— Lee Chaewon, Reine de Athénésis, je reprends la parole du Roi d'Aera avec mon plus sincère respect. Elle lança de sa voix féminine et gracieuse. Comme nous avons pu discuter précédemment avec les personnes à mes côtés, une décision majeure a été prise. Sa voix se fit plus forte, plus intense. Nous attaquerons Némésia en premier. 

Des chuchotements prirent place dans la salle, cependant la Reine ne s'en souciait guère.

 Je suis celle qui a proposé cela. Bien sûr, je ne suis qu'une humble Reine au service de la Noblesse que le Roi nous a gracieusement donné. Cependant, la raison de cette décision n'est pas à prendre à la légère. Le visage sérieux, elle continua. J'ai reçu un accord divin de la déesse Athéna, un soir où le sommeil ne m'avait guère effleurée. 

Un silence, court, intense.

 La Noblesse resplendira où se cache un désir de châtiment. 

Des murmures, à nouveau.

 Cela ne m'a guère pris longtemps afin de comprendre ces paroles ; la Reine Lee Sae Jin de Némésia est apparue dans mon esprit cette nuit-là. Mon instinct m'a ainsi guidé à croire qu'elle est détenant de Kim Taehyung.

— Lee Sae Jin ? Reprit un ministre. Excusez-moi, Majesté, mais Lee Sae Jin n'est-elle pas votre sœur ?

 Elle n'est plus ma sœur, depuis le jour où elle a décidé de trahir la Noblesse. La jeune femme avait répondu, les yeux à nouveau fermés. Je ne la connais aucunement, désormais.

 Qui nous dit que ce n'est pas un plan pour nous envoyer droit dans la gueule du loup ? Un vieil homme reprit.

Un raclement de gorge de la part du Roi d'Aera, qui se replaça convenablement sur son trône, tandis que la jeune femme avait planté son regard dans celui de l'homme qui l'avait accusé. Elle releva légèrement le menton en reprenant la parole.

 Si Athéna a révélé ces paroles, pensez-vous qu'une divinité aurait tort ? Elle poursuivait. Nous, misérables humains, comment pourrions-nous prétendre un mensonge sur leurs mots soigneusement prononcés ? 

La Reine avait placé sa main sur son cœur, le visage reflétant la plus sincère fidélité.

 Je le promets sur les pouvoirs divins qui m'ont été accordés : je n'ai aucun but à trahir la Noblesse comme l'a fait Lee Sae Jin. 

Ses cheveux virevoltèrent soudainement ; ses yeux brillaient d'une couleur d'or si pur, la foule avait lâché des sons de surprise tandis qu'elle les observait de son regard éternellement sérieux. Ses habits bougèrent subtilement, et doucement, la lueur flavescente de ses iris disparut.

Chun Hee gardait les paupières fermées, en se demandant comment pouvaient-ils douter de la Reine d'un Royaume aussi puissant de la Noblesse. D'autant plus qu'elle avait déjà prouvé sa foi envers les Dieux comme envers le peuple.

Une courte pause, pendant laquelle le vieil homme avait lâché un juron.

 Peu importe. Chaewon lança. L'intérêt principal de cette réunion était d'établir un plan d'attaque, n'est-ce-pas, Majesté ?

 En effet. Je vous remercie pour votre sincérité, Chaewon. En avait-il profité pour ajouter. Chun Hee, Min Ho, voulez-vous me reprendre ?

 Oui, Majesté. Avait prononcé l'homme aux cheveux clairs. Nous n'avons cependant, et je m'en excuse sincèrement, eu peu de temps pour mettre en plan un plan d'attaque, bien que nous l'ayons tous trouvé efficace et réfléchi. J'en reviens à vous, Chun Hee.

 Il est préférable d'être prudent, Majesté. Ce serait une erreur de partir avec peu de soldats, d'autant plus que les Libres sont nombreux et impitoyables. Ainsi, pour répondre à vos craintes, messieurs, la quatrième loi du registre Divin nous oblige à prendre part à une guerre, uniquement si une divinité de la Noblesse ou de la Justice est en danger. 

Le Roi avait doucement hoché la tête avec un léger sourire ; Chun Hee connaissait les lois parfaitement. Elle avait toujours été si impliquée dans les règles et les droits humains, et ce depuis toute petite.

Elle reprit.

 Comme nous l'avait précisé le Roi de Milya, ils n'ont pas même hésité à tuer des gens innocents. Des crimes plus graves encore ont été recensés ; de nombreuses agressions sexuelles sur les femmes, avant qu'elles ne soient tuées. De plus, des corps d'enfants ont été retrouvés dans les rues, mutilés et brûlés. 

La foule avait lâché des cris de désespoir, de peine et de dégoût, tandis que Chaewon avait serré les dents.

 Je tiens personnellement à les juger grâce aux chaînes de Thémis, pour ces atrocités qu'ils ont commis. 

Acclamations soudaines ; les ministres, comptes et même certains dirigeants secondaires applaudissaient la jeune femme, qui ne s'en préoccupait nullement, le regard placé sur le Roi en l'attente d'une approbation.

Celui-ci avait baissé les yeux sur le tapis devant son trône.

 Je conçois vos volontés, Chun Hee. Ce serait avec tout mon respect et une fierté immense que j'aimerais qu'elles se réalisent. Cependant... 

La foule s'était tut.

 Ne reproduisons pas les erreurs du passé. 

Sa voix avait résonné d'une manière si puissante et saumâtre à la fois : toutes les personnes présentes avaient baissé la tête, comme si tous furent atteint par une soudaine culpabilité inconnue et mystérieuse qui leur ombrageait l'esprit.

Au même moment avaient tinté les cloches du temple du Palais ; les mots que le Roi avait prononcés brillait de son euthymie ; celle d'un regret que peu comprirent, que peu pouvaient comprendre.

 Majesté. Avait repris Chun Hee. La guerre n'est peut-être pas la meilleure solution comme vous pouvez l'envisager. Cependant, si nous ne récupérons pas Kim Taehyung, les Libres prendront un avantage décisif sur nos droits légitimes divins.

 Il sera trop tard si nous ne faisons qu'attendre. Ajouta Chaewon. Mon armée est prête.

 La mienne aussi, Majesté. Le Roi de Thémia.

 Nous aussi. Milya.

 Nous aussi. 

Plusieurs fois de suite s'élevèrent des approbations sur les avis des deux jeunes femmes, qui firent lentement soupirer le Roi.

 Très bien. Si cela est votre conviction... 

La foule l'acclama.

 Dans trois jours, nous serons à Némésia pour reprendre Kim Taehyung des mains des Libres. Sa voix résonnait. Voici mon décret, le dernier ordre auquel je proclame Héra, ainsi que tous les dieux Nobles et Justes. 

Plus fort ; tout le monde s'était levé. Les rayons du soleil pénétrèrent soudainement la salle, venant faire étinceler les carreaux des vitres immenses.

 Nous récupérerons Kim Taehyung. Des cris. Que les Dieux guident nos âmes vers la quiétude suprême. 

[...]

Mon esprit était devenu vide, tous les mots que j'avais appris au cours de ma vie semblaient avoir disparu, comme s'ils s'étaient effacés du sable à cause des vagues de la mer, qui ne laissaient que de l'écume au bord. L'écume blanche, mousseuse, lourde, incompréhensible. Tous les souvenirs que j'avais dans ma mémoire disparaissaient peu à peu, en me rendant à l'évidence que cette fois, tout allait être fini.

Dans trois jours.

Quelle était cette sensation désagréable, comme si tout avait été prévu ? Comme si les Dieux riaient à haute voix en observant mon visage déconfit qui n'avait pourtant abrité aucune lueur d'espoir. Ils se moquaient, je les entendais ricaner au-dessus de mon corps en me pointant du doigts.

Comme les gens au bas de la scène.

Le Roi m'avait enfoncé dans cette peur, dans ce cauchemar qu'était la mort. J'étais une nouvelle fois au bord de la panique, au bord de l'évanouissement, comme si cela allait changer quelque chose ; mais non, rien n'allait changer.

J'allais mourir dans trois jours.

Mon corps était fébrile, une fois de plus. Je ne sentais plus mes pieds, ni mon torse qui se soulevait rapidement, ni les larmes qui coulaient sur mes joues. J'avais comme oublié qu'elle était la sensation de vivre, comme si j'avais moi-même pris part à cette fête pour célébrer ma propre mort.

Pourtant, un espoir inconcevable continuait à faire bouillir mes entrailles. Qu'était-ce ? Il s'agissait certainement de cette sensation que chacun avait lorsqu'ils étaient proche de la mort, ce n'était pas du déni, ni de la crainte, ni même une quelconque hâte d'en finir.

Je voulais vivre.

Mais comment ? Comment pouvais-je faire pour empêcher cela ? Ce n'était pas un conte de fée, une personne inconnue n'allait pas me faire sortir d'ici en un claquement de doigts. Cette sensation était un sentiment profond, dans lequel on me criait que j'étais le seul à pouvoir m'en faire sortir.

Comme si tout pouvait changer, sauf cela.

Qu'allais-je faire, désormais ? Allais-je m'enfoncer dans cette idée de mourir, ou bien dans celle de vivre ? C'était un choix dur. Soit je laissais tout tomber, en m'abandonnant à cette promesse que j'avais fait au Prince autant qu'à moi, soit, j'allais trouver une solution pour m'en sortir. Je ne savais plus vraiment ce que je voulais, au fond de moi.

J'étais perdu.

Cela faisait plus d'une semaine que j'étais parti de Milya, la notion de la vie m'avait été arrachée brutalement lorsque j'étais arrivé dans les mains des Libres. Elle avait été remplacée par une idée de malheur, car durant ces jours où j'étais emprisonné, tout avait basculé dans un côté sombre, si obscur sans une once de lumière.

Mon cœur avait été transpercé par cette volonté morbide qui m'avait été imprégnée, comme si leur poignard était empoisonné d'une couche de nébulosité qui avait noirci mon esprit, mon corps, mon cœur.

On m'avait déjà tué une fois.

Je ne priais pas les Dieux qui gouvernaient nos cités, mais sans doute m'avaient-ils accordé un temps supplémentaire afin que je puisse m'enfuir. Pourquoi moi, après tout ? Parce que j'étais l'héritier d'Aera ? La Déesse de la cité avait ressenti de la pitié alors que c'était elle qui m'avait choisi.

Je ne croyais pas forcément non plus aux univers parallèles, mais si cela existait, il devait en avoir un dans lequel tout cela n'était pas arrivé. Où je n'étais ni Prince, ni Noble, et où les Libres ne nous auraient pas attaqué. Dans un autre, ou plusieurs, j'étais certainement mort. Peut-être qu'on m'avait tué, ou alors j'avais été écrasé par ce mur de pierres qui s'était effondré, peut-être que j'étais mort noyé dans cette rivière gelée, ou mort lapidé.

Pourquoi est-ce qu'il y a tant de façon de mourir pour une seule vie ?

Oh, bon sang.

Je voulais revoir ma mère une dernière fois, mes amis, ma sœur et mon père, revoir ma chambre à la maison, le petit jardin, le Royaume de Milya, ce balcon où j'avais tant l'habitude d'aller. Pourquoi étais-je ici ? Devant tous ces gens qui fêtaient ma mort prochaine ?

— Kim Taehyung. 

Mes yeux s'écarquillèrent brusquement : ma tête s'inclina sur le côté, pour apercevoir Seokjin.

 Il faut quitter la scène. 

Après un léger silence, je remarquai sur le côté les musiciens attendre au bas des escaliers, dont la femme qui jouait du piano. Son regard attendri embauma mon corps soudainement ; elle était encore plus belle de près. Ses yeux étaient vert foncé, sa bouche maquillée d'un rouge à lèvre pourpre.

Elle se courba gracieusement devant moi, lorsque mon bras fut doucement tiré par la main de Seokjin. Je passai devant elle, mais son regard n'était plus posé sur ma silhouette. Alors, timidement, je baissai la tête, avant de repasser la même porte qu'un peu plus tôt.

De nouveau dans ce couloir, le stress me prit à la gorge soudainement. Une vague de frissons éprirent mon corps. Je voulais m'enfuir d'ici, mais comment ? Je n'avais rien, aucune arme, aucune aide et j'étais dans le pire Royaume où je pouvais me trouver.

La musique avait repris calmement ; les touches du piano produisaient des sons lourds, comme une baguette qui frappait la peau du tambour d'une manière régulière et distraite à la fois. Les bruits aigus des violons résonnèrent à leur tour, puis, le son d'une voix.

La fête avait repris.

Tout en essayant de reprendre mon souffle, j'essuyais les larmes qui avaient coulé sur mon visage de mes mains.

 Taehyung. 

Le Prince, accompagné de quelques hommes.

 Désirez-vous que je vous laisse entre vous ?

 Oui. Avait-il répondu au tac-à-tac, tout en faisant un geste aux gardes. Vous aussi, laissez-nous. 

Je me tournai timidement vers la porte, qui fût presque aussitôt fermée. Les yeux sombres du Prince Jeon me transperçaient d'une lueur haineuse, mais j'avais tout de même remarqué qu'elle ne m'était pas entièrement destinée.

Il s'approcha de moi, qu'elle fût ma surprise lorsqu'il m'avait brutalement attrapé le cou pour me plaquer contre le mur du couloir. J'avais geint non seulement au contact violent, mais aussi à sa prise soudaine de ses doigts autour de ma gorge.

Comme par réflexe, j'avais agrippé son poignet de mes deux mains, mes paupières s'étaient elles aussi fermées.

 Tu vas te battre. 

Elles se rouvrirent soudainement, et je dus papillonner des yeux pour chasser les dernières gouttes salées.

 Je vais demander au Roi que vous vous affrontiez dans un combat. Il continua.

Je rencontrai une énième fois son regard sibyllin, me noyant dans ces yeux si beaux et mystérieux à la fois qui m'obligeaient à prendre une grande respiration. Je repassai ses phrases prononcées dans mon esprit embrumé, auxquelles je n'arrivais pas à mettre de sens dessus.

Ce fut que lorsque je prononçai ces deux mots que la réalité me prit de plein fouet.

 M-Me battre ? 

C'était ça, ma seule chance ?

 Oui. 

Me battre ? J'allais devoir me battre pour survivre ?

Les Dieux devaient me détester s'il s'agissait de leur seule réponse face à mon désespoir.

 M-Mais... j-je ne sais p-pas me battre. Avais-je laissé tomber, dépité.

— Tu auras trois jours pour apprendre. Il répondit.

 S-S'il-vous-plaît, m-mon Prince... 

Sa colère s'était calmée. Il m'observait, intrigué par mes yeux, encore une fois. Certainement par mes iris que je ne voulais nullement voir, par leur couleur sans doute grise comme ils les avaient tous décrites.

La lueur curieuse dans son regard ne m'était pas inconnue.

 Je vais demander à un vieil ami de t'entraîner. Tu n'auras que trois jours. Trois. Et tu devras t'en sortir. Il m'expliqua, la voix posée. Je vais trouver quelqu'un pour qu'il tue le Roi. Je ne peux plus le faire moi-même, puisqu'il a proclamé les Dieux.

— L-Les Dieux... ?

 Némésis. C'est elle que je crains. 

Il tourna la tête sur le côté pendant quelques secondes pour observer la porte.

 Je me chargerai de retenir Sae Jin. Toi, tu survivras pendant ce combat, jusqu'à ce que le Roi se fasse tuer. C'est bien compris ?

 N-Némésis... ? M-Mais c'est-...

 La Divinité que Sae Jin détient et représente. 

Ses yeux calmes m'angoissèrent.

 Q-Quoi... ?

 Tu n'as pas d'autre choix possible. Il continua. Et si tu meurs pendant ce combat, je m'engagerai personnellement à tuer ta famille et Hoseok. 

Un nouveau coup de pression.

 M-Ma famille... ? Avais-je bafouillé.

 Ta mère, ton père et ta sœur. Peut-être tes amis, aussi. Comment s'appelaient-ils, déjà ? Il réfléchit un court instant. Jimin ? Namjoon ? 

Ce fût une énième douche froide. Mon corps fût à nouveau pris d'un immense frisson, tandis que la boule dans mon ventre avait grossi.

Il connaissait tout mon entourage ?

C-Comment... ?

 Je vois à tes yeux que j'ai visé juste, mh ?

 S-S'il-vous-plaît... J-Je ne v-veux pas... V-Vous m'aviez promis qu-... J'avais bafouillé, le cœur criant d'amertume.

 Qu'ai-je promis ? Il souffla dans un rire. Je ne me souviens aucunement d'avoir fait une quelconque promesse à ton égard, Taehyung. 

Je tombais des nues, à nouveau.

Il se tenait devant moi comme un ange déchu, un léger rictus au bord de ses lèvres teintées d'un rose pâle.

 Tu as promis sur ta vie de me donner la tienne, cependant. L'as-tu oublié ? 

Ses doigts se resserrèrent autour de ma gorge. J'avais lâché un gémissement de douleur ; la dentelle du ras-du-cou frottait contre la blessure que j'avais sur ma peau. Sa paume appuyait fermement contre ma pomme d'Adam ; j'avais l'impression d'étouffer.

La prise de mes mains tremblantes sur son poignet se raffermissait au fur-et-à-mesure qu'il m'étranglait, ses yeux étaient toujours plongés dans les miens et je fus surpris d'apercevoir quelque chose, au-dessus de lui, m'observer de la même façon. Une ombre gris foncé qui avait l'apparence d'une femme. Elle était belle, élégante, imposante.

C'était une divinité.

Doucement, son regard neutre s'était élevé au-dessus de moi, lorsqu'un flash soudain apparut.

Je me retrouvai subitement dans un espace blanc, sans mur, sans rien autour. A ce moment précis, j'avais l'impression de ne plus ressentir aucune douleur, comme si quelqu'un me protégeait. Le Prince était là, aussi, à quelques dizaines de mètres de moi, où ce qui l'entourait était obscur.

En croisant son regard, il semblait ravi.

« La voilà. » Ses yeux criaient.

Comme une mère, des mains pourtant invisibles, douces et gracieuses vinrent entourer mon torse et des doigts passèrent sur mes yeux. Que m'arrivait-il ? Une sensation de résistance, de bien-être comme si on m'entourait d'une aura dorée, brillante, rassurante. Je n'avais jamais vu cela de ma vie, pourtant cette sensation ne m'était pas étrangère.

Je me sentais bien dans cet endroit immensément lilial, le Prince Jeon se trouvait là-bas, dans un endroit immensément ébène. L'ombre grise qui l'entourait, comme une flamme emprisonnée dans l'âtre, bougeait gracieusement, d'une manière subtile.

Je tournai alors la tête derrière moi et en hauteur ; il y avait la même chose. Une ombre dorée représentant une femme, qui avait l'air aussi enfermée dans une barrière invisible. Ses yeux ne m'observaient pas cependant, ils étaient plantés dans ceux du Prince.

Ce n'était pas tant de la force, mais plutôt de la délicatesse et de la bienveillance.

Héra.

Le Prince, quant à lui, dégageait l'inverse. De la puissance, une envie de guerre.

Artémis.

Elles se faisaient face, d'une manière fine et attentive.

Lorsque d'un coup, quelque chose d'encore plus grand, plus sombre, tel la gangrène s'était répandu sur les couleurs clairs et sombres de nos deux côtés.

Tout mon corps se mit à trembler d'angoisse, pendant que mes yeux remontèrent en haut, si haut, pour apercevoir des yeux immenses, bleu foncé, nous observer de la même manière qu'un loup observerait un lapin blessé.

L'ombre gigantesque était déchaînée, virevoltant telle une flamme au milieu du vent, pourtant c'était si différent.

Et puis, des bruits de talons.

Il m'avait fallu peu de temps pour comprendre ce qu'il se passait.

Némésis était là, et nous surpassait de loin ; Héra m'avait entouré de son aura dorée mais je me trouvais si petit, si faible face à elle ; elle était immense. Lorsque j'aperçus une silhouette s'avancer, sortir de cette ombre d'une manière féline.

Mes yeux fusèrent sur le Prince Jeon, qui s'était incliné vers elle, les yeux plissés et les poings serrés. Lui aussi, paraissait si petit face à elle, face à elles ; la divinité de la Vengeance, et son réceptacle, Lee Sae Jin.

L'idée de m'enfuir avait totalement disparu face à ce monstre qui se tenait devant moi ; j'avais fini sur les genoux et les bras sur mes cuisses, les larmes aux yeux, une nouvelle fois. Le désespoir soudain m'affaiblissait, en me rendant à l'évidence que la Reine était encore plus forte que le Prince.

Les accords divins qu'elle avait reçus étaient inconcevables ; je n'avais jamais vu ça de ma vie. Son euthymie me faisait face, les Dieux parlaient à notre place dans un échange pourtant visuel : ce n'était pas tant l'amour contre la haine, ni la violence contre la paix, ni leur domination contre notre soumission.

C'était un désir d'établir la Justice éternelle.

Sa Justice euthymique.

Eunomia.

 Taehyung. 

Un sursaut.

Je pris une grande inspiration, et me retrouvai à nouveau dans ce couloir, face au Prince qui était toujours dans la même position. Cette fois, il me tenait simplement la gorge sans un quelconque appui. Ses yeux sombres m'observaient avec une lueur étrangement enjouée.

 Tu l'as vu, n'est-ce-pas ? 

Ma respiration prit du temps à se calmer, mes larmes s'étaient remises à couler.

 Némésis. Tu l'as vu ? 

Bêtement, ma tête se baissa en tremblant. Mes mains étaient toujours posées sur le poignet du Prince, j'étais toujours dans la même position, je ne m'étais pas agenouillé comme dans cet endroit étrange.

Mon visage se releva pour observer le Prince d'Arthémia.

 C'est elle que je crains. Il n'attendit pas ma réponse. L'euthymie qu'elle porte n'est pas anodine. C'est de la vengeance pure, une envie de sang. 

Les lèvres tremblantes, je prononçai.

 L-L'euthymie... ?

 Elle lui demandera l'Eunomia si son Royaume est attaqué. 

Une respiration vive, à nouveau.

 J-Je ne comprends pas... 

Il soupira en se reculant.

 Si elle demande l'Eunomia à Némésis, elle te tuera. Voilà ce qu'il va se passer. Il faut tuer le Roi avant que la guerre n'éclate, j'obtiendrai les accords divins d'Artémis et je m'opposerai à elle. 

Ses yeux se plantèrent dans les miens.

 Alors tu vas te battre, jusqu'à ce que quelqu'un le tue.

 M-Mais, si e-elle demande l'Eunomia après, qu'est-ce qu'il s-se passera... ?

 Je pourrai m'y opposer avec Artémis. Si elle le fait, ce sera une immense erreur. Elle devra se battre contre Arthémia, les Nobles et les Justes. 

Mon regard cassa notre échange visuel.

Je me perdis dans mes pensées ; ce que je venais de voir était incroyable. Qu'est-ce que c'était ? Cela me semblait être comme un subconscient que seuls ceux détenant des droits divins pouvaient atteindre.

Némésis...

Némésis et Lee Sae Jin étaient si grandes.

Mes épaules se baissèrent soudainement ; un nouveau poids s'était ajouté sur mes épaules. Si je survivais à ce combat, qu'adviendra-t-il après ? Le Prince Jeon sera devenu Roi, et ensuite ? Lee Sae Jin et lui se combattront ? Et après ? S'il perd ? S'il gagne ?

Un flash.

Les Nobles et les Justes viendront ? Ce sera la guerre ?

Mes larmes redoublèrent de volume.

Non, je ne voulais pas faire cela. S'ils venaient me chercher, je ne pourrai pas partir à cause de ma promesse au Prince. C'était inutile. Il ne fallait pas qu'ils viennent. Ils allaient se battre pour rien.


Mon destin était déjà tracé.


Trop tracé.







« Eunomia. »








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Bonjour ehe

La suite ! Qu'en pensez-vous ?

J'espère vous mettre dans le bain petit à petit, parce que l'histoire est assez complexe T-T

Voilà ! Si vous avez des questions, des remarques, hypothèses, n'hésitez pas à les partager !

Je vous dis à mercredi prochain pour la suite, prenez soins de vous !

<3

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