10 - Liesse absconse

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Liesse : joie collective.

Abscons(e) : difficile à comprendre ; obscur, mystérieux voire inintelligible.

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Les habitants du Royaume dévasté profitaient des lueurs du soleil qui restaient illuminer les toitures des maisons autour de tables, assis sur des bancs ou escaliers en pierre. Il faisait beau. L'astre doré éclairait la ville de ses rayons éternels, faisant briller le givre des fleurs tombées au sol des balcons et les morceaux de vitres brisées éparpillés au bord des bâtiments.

Bien que l'attaque avait été déclarée finie, quelques soldats gardaient la foule sous leurs yeux d'aigle, les surveillant d'un dernier assaut de Libres.Il n'était jamais rare que cela arrivait, souvent dans les villages aux alentours des grandes cités. De plus, les combattants divins n'étaient pas présent. Ils avaient été réquisitionnés pour les rondes avoisinant Milya et la vallée d'Arthémia, à plus d'un kilomètre de là.

Pendant ce temps, Jimin et Namjoon s'empiffraient de nourriture que les gardes avaient servi, tandis que les yeux de la mère de Taehyung fixaient la silhouette du blondinet. Cela faisait longtemps qu'ils n'avaient pas profité d'un repas, autre qu'un morceau de pain et une soupe.

 Comment vas-tu t'y prendre ? Elle demanda d'une voix posée.

Le garçon termina de mâcher sa nourriture avant de dire.

 J'irai chercher partout, jusqu'à la vallée d'Arthémia ! Il laissa tomber, la voix engluée par un morceau de viande. Et je le retrouverai ! Après, je reviendrai avec lui !

 Et s'il y a des soldats ?

 Je les tuerai !

 Tu ne sais même pas te battre. Soupira son ami.

 Je les tuerai ! Il jeta un regard noir à Namjoon, à la suite de sa phrase.

La femme soupira, le menton au creux de sa main. Elle jeta un regard à sa fille, qui avait l'air plongée dans les paroles de Jimin. Puis à son mari, qui observait calmement les gens rire avec leurs enfants, un peu plus loin.

Sa main glissa sur la sienne, il sursauta soudainement à ce contact. Ses yeux légèrement vitreux d'une culpabilité, sans doute, rencontrèrent les siens.

 Tu vas bien ? Elle murmura, même si elle connaissait la réponse.

 Oui. Je me demanderai toujours où est-ce qu'il peut être. On est sûrement passés à côté de lui et-

 Chéri. Elle appela, doucement. Ne te tourmente pas avec ça. J-Je... 

Elle prit une profonde inspiration.

 Je pense savoir où il est. 

Fallait-il que sa voix résonne pendant un silence. Ses yeux s'écarquillèrent soudainement, elle fut prise d'un sursaut lorsque Jimin frappa la table de ses poings. Elle remonta le regard vers lui, et se pinça la lèvre en voyant son visage déformé par un espoir démesuré.

Bien trop démesuré.

 Pourquoi est-ce que vous ne l'avez pas dit plus tôt ! Il s'exclama en se levant.

 Jimin...

 Pourquoi est-ce que vous l'avez caché ?! Vous auriez p-pu le dire aux gardes !

 Je ne peux pas ! Sa voix avait tranché la sienne. Je ne peux pas le dire. C'est trop dangereux. 

Ses yeux apeurés se plantèrent dans ceux de Jimin.

 Je m'en fiche ! J'irai !

 Jimin, cesse de dire n'importe quoi. Tu ne sais pas quel-

 Je ne dis pas n'importe quoi ! Je l-l'ai promis !

 Arrête !

 J'ai dit que je le retrouverai ! 

À la suite d'un silence, elle reprit une autre respiration.

 Comment vas-tu faire pour le reprendre des Libres d'Arthémia ?! Elle avait hurlé.

Toute la foule s'était tournée vers eux, vers elle. Sa respiration résonnait, sa poitrine se soulevait rapidement. Mais ses yeux ne se détachaient pas de ceux du blondinet.

 Arthémia ? 

Elle ne put que comprendre son erreur.

 Pourquoi est-ce que Taehyung serait à Arthémia... ? 

Un soudain brouhaha le coupa dans ses pensées. A la place, son regard fusa sur la foule qui s'écartait, et il écarquilla ses paupières en voyant le Roi et la Reine de Milya s'avancer jusqu'à eux. Tout le peuple s'agenouillait dès qu'ils les voyaient, Jimin ne tarda pas à faire de même, la tête baissée, tandis que la jeune femme soupira en comprenant qui arrivaient derrière elle.

Elle se retourna tout en posant un genou à terre, ses longs cheveux glissaient de chaque côté de sa tête.

 Ji Yeong. Nous devons te parler. 

Elle ouvrit légèrement ses paupières.

 Oui, Majesté. 

[...]

 Tu arrives à bouger tes orteils ? 

Le jeune garçon hocha positivement la tête ; la couette bougeait timidement sur ses pieds.

 Et tes doigts ? 

Il leva les mains devant lui, et les serra dans de petits poings, plusieurs fois de suite. Yoongi lâcha un rire une fois sa démonstration terminée.

 C'est bien. Tes respirations ne te font pas trop mal ?

 Non, ça va... C-C'est un peu gênant, j'ai surtout mal au ventre et à la gorge.

 C'est normal. Ton estomac a été abîmé. Je suis même surpris que tu arrives déjà à bouger le haut de ton corps, cela se répare plus vite que je ne pensais. 

Taehyung lui fournit l'ombre d'un sourire résigné. Il n'était pas si certain que tout ceci était une bonne nouvelle pour lui.

 Je vais te donner encore quelques médicaments.

 Le sirop pas bon ? 

Le médecin pouffa.

 Oui. Le sirop pas bon. Mais au moins, tu ne sentiras presque plus aucune douleur.

 Je vais y retourner, n'est-ce-pas... 

Yoongi était dos à lui, il préparait le médicament précédemment informé au châtain. Il mélangea la liqueur jaunâtre avec de l'eau, ajouta quelques grammes de poudre blanche et revint vers lui, le verre à la main, tout en mélangeant la solution avec une cuillère.

 Mh. Il acquiesça.

Taehyung baissa la tête, même s'il n'était pas surpris. Il attrapa le verre de ses deux petites mains couvertes de bandages, guidées par celles de Yoongi, et approcha celui-ci de ses lèvres. Il eut un mouvement de recul lorsque le bord rencontra son nez, il abaissa légèrement ses bras pour qu'il arrive au niveau de sa bouche.

 Allez, avale ça d'un coup. 

Il exécuta ses paroles et but le verre non sans tirer une grimace. Le goût du médicament était vraiment amer, un goût très âcre qui restait longtemps en bouche. Puis il baissa la tête en lâchant un gémissement rauque, le verre quitta ses doigts, Yoongi l'avait déjà repris.

Celui-ci retourna le poser sur le bureau, disposé un peu plus loin dans la salle.

De grandes fenêtres assuraient une grande luminosité, la pièce était assez grande ; l'entrée était sur la gauche. A droite, une grande étagère où résidaient de multiples produits et médicaments. Puis, un peu plus au centre de la pièce, une grande table en bois foncé, sur lequel était éparpillées de nombreuses feuilles, d'autres empilées, formant un tas assez mal fait. Des deux côtés étaient disposés des lits, séparés par des rideaux blancs, tirés vers le mur.

Taehyung était sur celui qui était le plus proche de la fenêtre, sur la gauche. Ses habits avaient été enlevé, remplacé par une tunique blanche assez longue qui le couvrait jusqu'aux genoux. Son corps était couvert de bandage, des pieds jusqu'à son cou.

 Pourquoi est-ce que je ne vois rien ? 

Et ses yeux.

 J'ai mis un bandage sur tes yeux, Taehyung.

 Parce qu'ils étaient abîmés ?

 Oui, entre autres. 

Il toucha le pansement du bout de ses doigts.

 Et pourquoi je n'en ai pas sur la bouche ?

 Cela aurait été compliqué de communiquer. 

Il tira une moue, Taehyung se sentit bien bête sur le coup. Il reposa alors son dos contre le dossier du lit, et remonta la couverture sur son corps blessé.

 Tu as encore mal au ventre ? Yoongi demanda.

Un silence.

 Oui.

 Ne mens pas. 

Taehyung soupira.

 Je ne veux pas y retourner.

 Je sais.

 Pourquoi... Pourquoi est-ce qu'ils me frappent ? Je ne me souviens pas d'avoir fait quelque chose pour cela... 

Yoongi se redressa sur ses deux pieds, puisqu'il était assis sur un autre lit. Il s'approcha de la fenêtre qu'il ferma ; le visage de Taehyung s'était tourné vers lui à la suite du bruit.

 Tu le sauras assez vite. 

Le médecin fit le tour du lit occupé par le châtain.

 Quel jour sommes-nous ?

 Je ne peux pas te le dire.

 Pourqu-

 Il va bientôt arriver, Taehyung. 

Une respiration vive, son torse s'était soulevé.

 On p-peut faire comme la dernière f-fois, s'il-vous-plaît ?

 Il va finir par se douter de ton jeu. Tu ne pourras pas fuir éternellement, Taehyung. J'ai déjà beaucoup fait pour toi, ma vie compte, aussi.

 Mais v-vous êtes médecin... 

Un soupir.

 Je ne suis pas Roi. Avait-il répondu.

Un court silence durant lequel le souffle de Taehyung résonna.

 S'il-vous-plaît... J-Je ne veux vraiment pas y r-retourner. 

Yoongi lâcha un second soupir, avant de poser une main sur celle du garçon. Ce dernier l'attrapa à la suite, le Libre fut surpris de ce geste soudain.

 Je v-vous en supplie... 

Comme la dernière fois, dans la prison et bien qu'il ne vît pas ses yeux qui abritaient cette lueur. Yoongi baissa les siens, avant de les remonter.

 Taehyung, écoute. Ça devrait bien se passer. Je lui ai expliqué mainte et mainte fois la situation, il ne devrait pas te faire de ma-

 Vous m'aviez dit ça la dernière fois ! 

Un soupir, encore une fois.

 Je suis désolé. Ce n'est pas moi qui décide. 

Soudain, quelqu'un se mit à toquer. Il ne laissa pas le temps d'attendre une réponse pour ouvrir la porte ; Taehyung s'empressa de s'allonger, caché par le corps du médecin.

 On vient le chercher. Ordre du Prince. 

Yoongi observait le corps du châtain se tuer de rester immobile, malgré ses respirations rapides qui faisaient bouger son torse. Il soupira, avant de se tourner, les yeux fermés.

 Il ne s'est pas réveill-...

 Tu mens. 

Il ouvrit soudainement les yeux ; Jungkook était là, les bras croisés. Ses iris aussi sombres que le règne qui faisait terreur dans les autres Royaumes, défiaient les siens.

 Un de mes hommes m'a signalé que tu lui avais donné quelque chose, il y a de ça quelques jours. 

Yoongi avait serré la mâchoire.

 C'était un vomitif pour qu'il aille mieux. Je n'avais pas prévu qu'il ait une côte brisée. 

Le médecin avait répondu au défi de ses yeux noirs ; ce fût au tour du Prince de serrer les dents, pendant que le garde entrait dans la pièce. Il passa à côté de lui, tandis que Yoongi gardait son regard bloqué dans le sien.

 Je ne vais rien dire cette fois. Mais la prochaine, tes cachoteries te coûteront quelque chose. Le Prince menaça, tandis que la voix suppliante du garçon s'éleva dans la salle.

Taehyung essayait tant bien que mal de se débattre, jusqu'à ce que l'homme lui envoie un coup de poing en plein dans sa mâchoire ; le médecin s'apprêtait à dire quelque chose, lorsqu'une pression, celle d'Artémis, l'en empêcha. Quelque chose d'immensément puissant, qui répondait aux envies du Prince de la citée de la Déesse. Une pression colossale, intransigeante, qui ne laissait ni la place de bouger, ni même celle de penser.

Le regard noir du noiraud ne faisait pourtant pas peur à Yoongi, car il connaissait parfaitement ses réelles intentions. A la place, le corps affolé du châtain se fit embarquer sur l'épaule du garde. Les yeux des deux Libres ne se lâchaient pas une seule seconde, et lorsque l'homme quitta la pièce, Yoongi lança une dernière fois.

 Ne l'abîme pas. Il est déjà fatigué. 

La porte se referma derrière sa silhouette svelte.

Silence, pensée trouble.

Le médecin retourna alors refaire le lit du jeune prisonnier, non sans jeter des coups d'œil vers la fenêtre.

Le temps changeait vite.

Il allait bientôt pleuvoir.

[...]

 La Reine de Némésia ! 

La foule se mit à hurler, encore plus lorsque la dirigeante du Royaume s'avança sur le long tapis rouge. Sa longue robe noire traînait sur le sol, elle tenait le tissu avec ses dix doigts. Sa poitrine était coincée dans un corset somptueux bordé de dentelle de même couleur que la robe, ses cheveux étaient coiffés dans un sublime chignon, accrochés avec un peigne doré, où quelques mèches retombaient harmonieusement sur son visage.

La jeune femme s'avança sans réellement porter attention aux quelques habitants qui avaient eu la chance de s'avancer jusqu'au Palais ; cela l'agaçait fortement de se mélanger avec les pauvres, la populace.

Elle continua son chemin jusqu'à arriver à l'intérieur, le hall du château ; c'était beau, sombre, élégant. La couleur noire des murs et des fenêtres était si élégante, d'autant plus qu'elle était mise en valeur par le contraste avec le blanc du marbre. Des lustres étaient pendus dans les quatre coins de la salle, dont les scintillements faisaient briller les toiles du plafond.

La jeune femme s'avança un peu plus.

C'était majestueux, et elle l'était tout autant.

Les gardes la saluaient respectueusement, mais elle n'y portait aucune attention. Elle croisa le regard de deux autres dirigeants de Provinces un peu plus loin. Un sourire se dessina sur ses lèvres rouges, ils se déplacèrent alors vers elle.

 Encore ces idiots. Elle souffla à Seokjin.

Seokjin était son majordome, son bras droit et son confident. Elle lui confiait toutes sortes de tâches, qu'elles soient juridiques ou simplement d'organisation de ses nombreux rendez-vous et conférences. Sa confiance envers lui était parfaite ; elle lui avait accordée une chambre dans ses appartements, il mangeait à la même table qu'elle, et était habillé de sa propre collection.

Enfin, Seokjin faisait partie d'une grande famille d'un Royaume voisin. Le seul qu'elle appréciait, à vrai dire, le dirigeant était un homme droit et charmant. Ils avaient grandi ensemble lorsqu'ils étaient petits, il n'avait cependant pas reçu la même éducation qu'elle. Ils étaient sur la même longueur d'onde contrairement à sa propre famille.

— Bonjour, Sae Jin. Ils la saluèrent en se courbant légèrement.

Elle leva les yeux légèrement, comme si elle considérait leur salutation.

 Bonjour. Comment allez-vous ? Elle lança d'une voix mielleuse.

 Très bien. Nous avons hâte de découvrir qui est donc ce jeune homme. Continua le vieil homme.

 Oh, de même pour ma part. Sae Jin répondit, un sourire aux lèvres.

 Et vous ? Demanda l'autre homme à ses côtés.

Un ricanement, léger, discret.

 Je vais bien, merci, Yeon Su. Je ne pensais pas vous revoir de sitôt. Elle reprit, d'un ton plus posé.

 En effet, je ne m'attendais pas non plus à vous voir ici. Il se tourna face à Chung Ho. N'était-il pas convenu qu'il n'y ait seulement des hommes ? 

La femme garda le sourire lorsque les Rois se mirent à ricaner d'un ton gras.

 Quel joueur, ce Yeon Su. Gloussa le vieil homme. Enfin, enfin... Il tapa dans ses mains. Ne soyons pas si méchants. Les femmes sont les mères de chacun. 

Un rire, à nouveau. Les deux hommes aperçurent alors une autre personne au loin ; ils saluèrent à nouveau la Reine de Némésia, et partirent un peu plus loin. Dès qu'ils lui tournèrent le dos, le regard de la femme s'assombrit à la seconde même.

 Quel duo de petits cons... Elle murmura.

 Désirez-vous que je les demande en combat ? Demanda Seokjin ; elle gloussa.

 Non, non. Ma tête est déjà bien trop remplie de paperasse de mon Royaume, m'en rajouter deux autres serait inimaginable. 

Son bras droit hocha la tête, le regard on-ne-peut-plus sérieux.

 Bien, ma Reine. 

Elle lui offrit un sourire.

 Eh bien, il y a plus de monde que je ne le pensais. Auraient-ils volontairement invité toutes ces personnes ? Elle murmura en tournant la tête pour les observer. Je n'en reconnais que quelques-uns.

 Ma Reine, peut-être était-ce pour valoriser leur Royaume ? 

Elle lâcha un rire cristallin.

 Ne sois pas si médisant, Seokjin. Quand bien même Jungkook détient un grand Royaume, le nôtre n'en est pas si loin, ni si différent. 

Il baissa légèrement la tête ; c'était un signe d'égard que la Reine avait fini par comprendre après un certain temps. Seokjin lui vouait un respect digne d'une Déesse. Il partageait ses mêmes idéologies, bien que son tempérament était intiment plus différent.

Il était droit, elle aimait jouer. C'était sans doute pour cela qu'ils s'entendaient bien ; les deux se complétaient, en formant cette balance qui fléchissait entre deux caractères opposés.

De loin, ils aperçurent la foule bouger, s'orientant vers les couloirs resplendissant du Palais. Ils suivirent alors le mouvement, se mêlant avec les autres comtes et Rois de Provinces. Quelques salutations s'envolèrent, leurs pas les guidaient vers le même endroit.

La salle du trône.

[...]

Un bruit sourd ; le garde avait lâché le corps du garçon par terre. Taehyung avait grimacé non sans geindre, lorsque l'homme sembla partir dans l'autre sens. Le bruit de la porte ; il était parti.

Le jeune châtain tenta néanmoins de se replacer convenablement sur le tapis en gigotant, puisque ses bras avaient été à nouveau menottés derrière son dos. Il se remit assis, les fesses sur le sol et les jambes de chaque côté. Il lâcha un soupir discret, tout en remontant son visage devant lui. Il tourna la tête de chaque côté, son sang pulsait dans son crâne mais il arriva tout de même à conclure qu'il était seul dans la salle.

Il n'y avait aucun bruit ; enfin, peut-être que quelqu'un était là, mais le châtain avait compris que les choses allaient arriver après.

Une respiration, encore.

Qu'allait-il se passer, maintenant ?

Plusieurs dizaines de secondes passèrent dans le plus grand des silences. Taehyung tentait de retirer le bandeau de ses yeux en frottant sa tempe contre son épaule, mais en vain ; le tissu était trop serré. Alors, à la place, il se contenta juste d'observer la lumière qui le traversait en regardant à gauche, là où étaient disposées les grandes fenêtres.

Lorsque les portes s'ouvrirent à nouveau ; il avait sursauté.

Mais quand une voix se hissa dans la salle, son esprit se bloqua instantanément.

 Lâchez-moi, bon sang ! 

C'était...

Taehyung s'était rapidement retourné, bien que sa vue lui avait été interdite, il l'avait reconnu.

 H-Hoseok ? Il avait bafouillé.

Le garde l'avait balancé au sol. Il n'entendit que des froissements de tissu, avant que la voix de son ami s'élève à nouveau.

 Taehyung, c'est toi ? Ça va ?

 Q-Qu'est-ce que tu fais ici ? P-Pourquoi tu-...

 Bon sang mais qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? Pourquoi t'as un bandeau sur les yeux ?! Ne me dis pas qu'ils te les ont crevés ?!

 N-Non, ça va. Il commençait déjà à sangloter. Mais que fais-tu ici ? 

Leurs souffles résonnaient à eux seuls dans la salle.

 Je suis venu te chercher ! 

Ce fût la douche froide, pour Taehyung. Sa bouche s'entrouvrit légèrement, ses lèvres s'étaient mises à trembler. Le ton qu'avait employé son ami ne lui avait pas plu. Absolument pas plu.

 N-Non... 

Les larmes mouillaient déjà le tissu de son bandeau.

 T-Tu n'aurais pas dû venir... Il hoqueta.

Un silence, les yeux de son ami s'étaient écarquillés.

 H-Hoseok, t-tu...

 T'inquiète, Tae ! On s'en sortira ! Je connais le chemin, j'ai tout vu ! Il faut qu'on prenne la route à l'Est, ensuite...

 Hoseok... 

Il espérait. Beaucoup trop ; ses paroles portaient un espoir bien trop grand et leur sens l'était tout autant. Hoseok pensait fermement qu'ils allaient fuir comme si rien n'était, comme s'ils étaient dans un simple Royaume. Et l'idée qu'il soit venu juste pour lui, le figeait dans une responsabilité maladive.

Il avait pris un risque considérable.

Celui de sa vie.

 Après, il faut suivre le court de la rivière. Et puis... 

Cela recommençait. La nausée revenait progressivement dans son ventre, et remontait peu à peu dans son œsophage. Comme les tambours d'une musique, son cœur battait dans sa cage thoracique, Taehyung pouvait entendre son pouls dans son crâne tant il était puissant.

Plus cruel que l'espoir, dites-vous ?

 H-Hoseok... On ne p-pourra pas... On ne p-pourra pas partir d'ici, c-c'est impossible. 

Ses paroles avaient coupé celles de son ami : et elles l'avaient percuté de plein fouet, Taehyung avait perçu l'espoir baisser d'un coup. Hoseok le fixait, la bouche entrouverte, son regard descendit peu à peu, de son visage jusqu'à ses bras, ses jambes. Toutes les marques qu'il avait rapidement aperçues semblait prendre tout leur sens soudainement.

La suprématie des Libres.

Dans un léger sanglot, Taehyung répéta.

 T-Tu n'aurais pas dû v-ven-... 

Les portes s'étaient à nouveau ouvertes, le coupant dans sa phrase. Cette fois-ci, beaucoup de personnes entrèrent. Leurs voix s'élevaient dans la salle si bruyamment, Hoseok s'était tourné pour les regarder d'un œil mauvais. Ils s'avancèrent jusqu'à se placer des deux côtés du long tapis rouge, l'ambiance était rapidement devenue lourde.

Son cœur commençait déjà à battre la chamade, car cette fois, Taehyung avait bel et bien l'impression que la salle était remplie. Vraiment remplie. Il pouvait le sentir, il devait y avoir au moins une centaine de personnes voire plus ; des femmes, des hommes, il avait même pu entendre des voix enfantines.

Qu'allait-il se passer, désormais ?

Puis, le bruit des portes. Le silence s'intégra dans la salle comme si s'agissait de la venue d'un Dieu. Les dernières personnes se déplacèrent sur les côtés, mais Taehyung ressentait de légères vibrations sur le sol -sur le tapis-. Quelqu'un marchait vers lui. Non, ils étaient plusieurs.

Il ne frissonnait rien qu'en imaginant les silhouettes des dirigeants d'Arthémia, du Roi et du Prince des Libres. Leurs regards assombris par une fierté énorme, leurs visages qui ne reflétaient que leur suprématie funeste et leurs corps taillés pour se battre.

Ils passèrent à côté, jusqu'à monter sur la plateforme, là où étaient placés les trônes.

Le châtain voulait tout de même relever la tête, simplement pour savoir si le médecin était parmi eux, mais il savait pertinemment qu'il n'allait rien voir. Alors, il se contenta de la garder baisser. Ses lèvres étaient pincées, ses yeux lui piquaient de panique.

 Kim Taehyung. 

Inspiration.

La voix du Prince. Elle avait résonné d'une manière si belle, d'une manière si puissante. L'esprit du châtain avait rapidement divagué en imaginant son visage pâle, et la manière dont ses lèvres roses avaient bougé pour prononcer son nom.

 Aujourd'hui est le dernier jour avant que la guerre n'éclate. 

Expiration.

 Le jour de ton jugement. 

Il entendait du bruit à gauche. Son torse se levait assez vite, il fallait dire qu'il ne savait pas, il ne savait rien de ce qu'il allait se passer prochainement, étant donné que sa vue lui avait été retirée. Il pouvait seulement faire confiance à son ouïe et son sixième sens.

 De la vérité. 

Puis, la pointe d'une lame sur sa tempe.

— Ne le touchez pas ! Avait soudainement crié son ami. Vous n'avez pas le droit d- 

Un bruit sourd ; un des hommes disposés au bas des escaliers lui avait mis un coup de pied dans le ventre. Taehyung était horrifié, il tourna la tête sur le côté.

 H-Hoseok ! Ne d-dis rien, s'il-te-plaît ! 

Un ricanement lui coûta un haut de cœur.

 Tu t'appelles donc Hoseok. La voix grasse du Roi.

 V-Vous... Vous n'avez pas le droit ! Il n'a rien fa-

 Hoseok, je t-t'en supplie...

 Tae, il-

 Quel est donc ce raffut ? 

La voix d'une femme. Gracieuse, sombre. Celle d'une Reine.

 Je ne me suis pas déplacée pour une querelle entre deux pauvres imbéciles. Avait-elle dit, le regard hautain planté dans celui du rouquin. C'est une perte de temps.

 Sae Jin. Jungkook lança.

 Jungkook. Elle répondit.

Ses yeux s'étaient plantés dans ceux du Prince ; Taehyung avait pu entendre la jeune femme lâcher un petit ricanement dans un souffle, suivi d'un son érotique. Sae Jin avait croisé les jambes, ses bras s'étaient resserrés, faisant ressortir davantage sa poitrine. Les hommes placés à ses côtés et en face ne se gênaient pas à laisser leur regard traîner sur ses seins. L'un d'entre eux pris la parole.

 La Reine de Némésia a raison ! Il s'exclama.

La Reine de Némésia ?

Les épaules de Taehyung flanchèrent d'un coup.

Némésia ?

C'était le second Royaume le plus grand et le plus puissant des Libres. La jeune femme qui avait parlé était la Reine ? Lee Sae Jin ? C'était une grande guerrière, Taehyung la connaissait bien. Sa mère lui avait parlé des combattants les plus redoutables, que ce soit des Libres, des Nobles ou des Justes. Elle maniait parfaitement l'hallebarde, et les sabres de sa divinité finissaient toujours là où elle le désirait.

Cela voulait dire, que les autres personnes étaient des dirigeants, aussi ?

Oh, bon sang.

Taehyung voulait juste pleurer toutes les larmes de son corps, si ce n'était pas déjà fait ; non seulement il était dans le plus puissant Royaume des Libres, mais en plus de ça, tous les dirigeants de ce peuple se trouvaient là aussi. Et les plus puissants.

Il tourna légèrement la tête vers son ami, en se rendant à l'évidence que celui-ci avait juste foncé tout droit dans la mort. Pourquoi l'avait-il suivi ?

Hoseok, quant à lui, fixait le tapis. Ce fût seulement à ce moment qu'il se rendit compte de la situation, où est-ce qu'il était, et avec qui. Ses yeux gardaient cependant les traces de l'espoir ; il ne pouvait pas s'avouer vaincu.

L'idée de vivre se dessine pour faire renaître la conviction de l'espérance.

Pas maintenant.

Il aperçut le garde à gauche du châtain replacer la lame sur son crâne après un accord du Roi ; celle-ci remonta sur sa tempe, il grimaça en sentant le bout créer une nouvelle blessure sur sa tête. L'épée se leva rapidement vers le haut. Le bandage tomba sur le sol : le châtain papillonna des yeux plusieurs fois de suite.

Il les dirigea instantanément vers Hoseok en s'apprêtant à parler, mais son ami s'était figé à la seconde même.

 Tae... 

Perplexe, Taehyung fronça les sourcils face à son visage choqué ; il remonta ses yeux sur le tapis, sur son bandage, sur les marches, jusqu'à remonter se placer sur ceux du Prince, tout en haut. Jungkook n'avait quant à lui pas l'air spécialement préoccupé, mais les coins de ses lèvres s'étaient étirés dans un petit rictus.

Un profond silence, à nouveau.

Le Roi n'en revenait pas : il se releva de son siège, les yeux grands ouverts, et descendit à vive allure l'escalier, avant d'agripper violemment son menton. Taehyung l'observait d'une manière purement apeurée ; que se passait-il ?

Il fit face à son visage, l'homme avait l'air fasciné et fier à la fois.

Taehyung était perdu.

 Il avait raison. 

Il répéta, plus fort.

 Il avait raison ! 

Il se redressa sur ses jambes.

 Ses yeux sont gris ! 

Hein ?

La foule se mit à hurler. Le châtain tourna la tête vers eux, et croisa leur regard excité. Ils crièrent encore plus, plus fort. Ses yeux croisèrent ceux d'une femme à la beauté extraordinaire, qui le fixait d'un air enjoué, elle sembla murmurer quelque chose à l'homme à sa droite. Ce dernier hocha la tête, son regard croisa le sien à la suite.

 Ses yeux sont d'un gris majestueux ! 

Il tourna la tête vers le Prince.

Gris ?

 D'un gris royal ! 

Que se passait-il ?

Pourquoi est-ce que tout le monde hurlait ?

Ses sourcils arqués et le visage déformé par l'incompréhension, il remonta ses orbes vers Jungkook. Il le fixait, sans expression particulière, ce même sentiment refit surface.




Ce regard tandis que tout le monde chantait une liesse absconse.






 Nous avons le Prince héritier du Royaume d'Aera ! 







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Bonjour !

La fameuse révélation ! Qu'en pensez-vous ? J'ai été agréablement surprise que peu de personnes (notamment sur l'ancien compte sur lequel je publiais cette histoire) ne l'avait pas découvert avant ! J'en suis plutôt fière ;)

Je n'avais pas tellement le temps de publier cette semaine, alors je publierai la suite ce week-end. L'action arrive à grands pas !

Si vous n'avez pas de questions, je vous dis donc à très vite pour la suite.

Prenez soins de vous !

<3

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