Chapitre 2 : L'approbation du fils
Bonjour tout le monde ! J'ai bien cru que je n'y arriverai jamais, mais ça y est, il est là, le nouveau chapitre des Chroniques est arrivé !! Et croyez moi, ça fait un bien fou de les retrouver. Merci à ma chérie de m'avoir poussé à m'accrocher, et merci à vous qui lisez sans lâcher mes histoires. En espérant que ce chapitre vous plaise tout autant que les autres, bonne lecture !
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Leur chance avait peut-être bien décidée de tourner, finalement. En comparaison à un mois de coma, à une pneumonie et à plusieurs dizaines de séances de chimiothérapie, la nuit que Magnus venait de passer aux urgences de l'hôpital tenait de l'hôtel cinq étoiles. Il ne s'était pas réveillé une seule fois, avait dormi de bout en bout sans faire le moindre cauchemars ni avoir la moindre vision. Apparemment, Malcolm avait réellement tenu promesse et ne viendrait plus hanter ses nuits. Évidemment, la douleur d'avoir perdu une nouvelle fois son ami était encore vive dans son cœur, mais la joie et le bonheur de porter l'enfant d'Alec en lui éclipsait rapidement son chagrin. Et même si ça n'avait pas été le cas, l'immortel savait que son cher et tendre lui laisserait tout le temps du monde pour se remettre de sa perte comme il l'entendait. Après tout, ils avaient l'éternité devant eux à présent, grâce au présent que leur avait Lilith à la demande de Raphaël. En parlant du noiraud, il s'était d'ailleurs absenté pour aller leur chercher un petit déjeuner copieux à la cafétéria en compagnie de Max et de Rafael. Les trois hommes de sa vie avaient passé la nuit à ses côtés et avaient été rassurés lorsque, au petit matin, le ventre de l'Indonésien avait gargouillé et qu'il s'était plaint de mourir de faim alors qu'il avait été malade plusieurs fois depuis plusieurs semaines. Catarina leur avait expliqué que dans de très rares cas, lorsque les nausées matinales commencent avant que la grossesse soit vérifiée et certifiée par un test ou un médecin, elles cessent dès lors que l'annonce du bébé était faite. Visiblement, c'était le cas pour l'Indonésien qui n'avait qu'une envie : dévorer tout ce qui lui passait sous la main. Il n'en restait pas moins fatigué, bien plus que ne l'était Max lorsqu'il attendait les jumeaux, mais Magnus étant Magnus, il avait conservé son côté mauvais malade râleur qui n'en faisait qu'à sa tête. Le descendant d'Asmodée avait refusé plusieurs fois les perfusions de glycémie et les cachets pour alléger son stress mais avait fini par céder au chantage lorsque son époux lui avait rappelé que la médication n'était pas pour lui mais pour aider le bébé qui grandissait dans son ventre. Le Grand Sorcier de Brooklyn avait fini par accepter, non sans avoir tiré la langue à son mari qui l'avait remercié d'un baiser pour les efforts qu'il faisait pour leur bébé. En récompense, il était donc parti chercher le petit déjeuner avec les enfants, le temps que sa perfusion se termine.
Magnus se retrouvait donc seul dans sa chambre, Ragnor étant partit avec son épouse dans le bureau de cette dernière pour revoir ensemble le bilan de santé de l'Indonésien. L'ancien professeur de l'Académie des Chasseur d'Ombre n'était pas né d'hier et il préférait être au courant de toutes les données, rendez-vous et soins que devrait avoir son fils au cours de sa grossesse pour éviter qu'il ne s'y dérobe, lui qui détestait le monde médical plus fermement que qui que ce soit de leur famille. Après tout, l'asiatique pouvait se montrer plus insupportable qu'un gremlin lorsqu'il s'agissait de sa santé, il lui faudrait donc au moins un adulte pour le recadrer, même à huit cent ans passés. Le Grand Sorcier de Brooklyn gloussa à l'idée que même prêt à devenir père pour la énième fois, il resterait éternellement un petit garçon dans les yeux du sien. Quant au fait d'être un mauvais malade, il ne le niait pas, bien au contraire, il avait plutôt tendance à le crier haut et fort et, n'étant pas Bane qui veut, à en rajouter régulièrement, bien plus que de raison. C'est pourquoi, au lieu de rester bien sagement en position semie allongée dans son lit pour terminer de recevoir sa perfusion de glucose, le descendant d'Asmodée se leva pour arpenter sa chambre comme un explorateur découvrant un temple Inca. Au moins, pour une fois, il n'était pas admit pour un cancer, une agression ou une tentative de viol. Il avait subi une appendicite, une fois, mais c'était bien avant que les hôpitaux comme celui-ci soit construit et c'était les Frères Silencieux qui s'étaient chargés de lui charcuter le bas-ventre. A bien y réfléchir, Magnus était même convaincu que c'était Enoch qui l'avait opéré, puisque ça s'était passé peu de temps avant que Ragnor ne l'adopte et qu'il était alors sous la garde du Frère. Il lui faudrait malgré tout demandé confirmation au concerné mais l'asiatique était certain de ne pas se tromper. Soupirant donc de soulagement à la satisfaction de ne pas se trouver constamment entre la vie et la mort, l'immortel aux attributs félins se planta face à un miroir en pied qui se trouvait à l'autre bout de la chambre. Dos à la porte, le Grand Sorcier de Brooklyn fit face à son reflet et, sans réellement comprendre pourquoi, il éclata d'un rire joyeux, presque enfantin, et porta ses mains à son ventre pour soulever sa blouse d'hôpital. Il constata brièvement, avec un certain soulagement, que Catarina lui avait laissé son boxer et il en abaissa légèrement l'élastique pour examiner plus attentivement son abdomen.
Son ventre était légèrement gonflé sous ses paumes tièdes. Pas assez pour deviner une grossesse, mais suffisamment pour lui donner l'air d'avoir avalé un énorme repas, suivi de deux ou trois milkshakes. Magnus n'en revenait pas qu'une vie, minuscule, fragile, et pourtant tout à la fois déjà si forte, puisse pousser en lui comme une fleur sur le point d'éclore. Et pourtant, Catarina le lui avait bel et bien confirmé : il était enceint. Il portait le bébé d'Alec. Il attendait leur enfant. A cette pensée, l'immortel sentit sa rune de mariage crépiter chaleureusement contre son cœur et ses muscles se détendirent. Le noiraud était tout aussi heureux que lui de cette nouvelle qui tombait à point nommé, comme un nouvel espoir après toutes les tempêtes qui avaient agitées leurs vies ces dernières années. Les deux hommes n'avaient jamais réellement évoqué l'idée d'avoir un enfant biologiquement. De toute manière, Magnus était un sorcier : il avait beau être le descendant direct du Démon Supérieur de la Luxure, il n'en restait pas moins un simple sorcier qui était, en toute logique, stérile. Même après la grossesse de Max, les époux Lightwood-Bane ne s'étaient pas posé la question de savoir si, eux aussi, pourraient concevoir un enfant naturellement. Pour eux, leur fils cadet était la seule exception qui confirmait la règle que les enfants de Lilith ne pouvaient pas avoir d'enfants. Max, avec sa pureté légendaire, et sa magie plus puissante que n'importe laquelle ayant jamais existé, était seul à pouvoir porter la vie, n'est-ce pas ? Et pourtant, le miracle qu'ils s'étaient si longtemps refusé à espérer pour ne pas en souffrir se réalisait enfin : Magnus portait l'enfant de son mari, et ni Alec ni lui n'auraient pu en être plus heureux. Quelques larmes de joie peuplèrent de nouveau ses yeux de chat et le Grand Sorcier de Brooklyn les laissa couler avec émotion en caressant son ventre fébrilement de ses doigts tremblants. Il allait être papa, il allait donner naissance, dans quelques mois, à un nouveau petit être qui viendrait agrandir leur famille déjà bien large et remplir leur cœur débordant d'un peu plus d'amour encore. Un sourire tendre naquit sur ses lèvres et il ferma les yeux pour s'imaginer l'avenir de cet enfant qui n'était pas encore là mais qu'il aimait déjà de toutes ses forces. La preuve : il prenait des médicaments et une perfusion pour le bien-être de cette petite crevette qui poussait en lui.
Son coeur s'embauma d'une couche d'amour supplémentaire et il fredonna une berceuse indonésienne qui lui venait de sa petite enfance en berçant son ventre de ses mains, basculant son bassin en un rythme lent de droite à gauche, et inversement, comme pour danser un slow avec lui-même. Il espérait ainsi communier avec son bébé, bien qu'il ne sache pas exactement si sa crevette l'entendait. Un gloussement enfantin et joyeux lui échappa au surnom qu'il avait trouvé : il espérait sincèrement que ça plairait à son Alexander, ainsi qu'aux enfants. Une image de ses fils s'imprima alors sous ses paupières, remplaçant sa vision d'Alec et lui s'enlaçant autour de son ventre rond. Contre toute attente, les Max et Rafael de sa vision étaient bien loin de se réjouir pour leur bonne nouvelle, au contraire. Les enfants de sa vision avaient des visages fermés aux traits tirés, tendus, les mâchoires et poings crispés, comme s'ils se trouvaient en colère contre le monde entier. Dans leurs bras, ils gardaient jalousement leurs jumeaux, Mae et Lysaelle, qui semblaient s'être réfugiés contre leur cœur, loin de leur grand-père aux yeux de chat. Magnus fronça les sourcils. Pourquoi agir de cette manière ? Avait-il fait quoi que ce soit de mal pour provoquer une telle rancœur chez ses fils ? Il aurait voulu parler, mais l'asiatique avait l'impression que des milliers d'épines raclaient sa gorge à chaque déglutition et l'empêchaient même de respirer convenablement. Un froid glacial envahit tout son être et, se maudissant intérieurement d'avoir commencé à se balader pieds nus dans sa chambre, l'immortel tâcha de se concentrer sur ses cadets qui le fusillaient toujours du regard. Il voulu tendre la main, mais Max l'arrêta d'un regard plus noir que la nuit, violent, méchant comme il l'était lorsque la reine de la Cour des Lumières l'avait possédé. Déglutissant difficilement, le sorcier tenta un sourire vers l'Argentin qui, comme son époux et frère, rejeta Magnus avec un signe de tête méprisant vers le ventre de ce dernier. Il n'en fallut pas plus à l'immortel pour comprendre la raison de leur ressentiment : il était en train de les abandonner au profit d'un autre enfant, un enfant de sang cette fois, et ses fils lui en voulaient, ce qui étaient tout à fait compréhensible. Les larmes de Magnus se mirent à couler sans qu'il ne puisse rien faire pour les contrôler et des sanglots s'échappèrent de sa poitrine dès lors qu'il rouvrit ses yeux pour les poser sur son reflet face à lui.
Foutues hormones. De gestes tremblants, le fils légitime de Ragnor Fell, baissa, cette fois honteusement, une nouvelle fois les yeux sur son ventre, retirant ses mains comme si le toucher une fois de plus pouvait être condamnable. Il aimait ce bébé, cette crevette qu'il allait porter pendant neuf mois, mais valait-il vraiment la peine de perdre l'amour et l'affection de ses fils aînés ? Magnus serait-il prêt à avorter pour que sa famille n'éclate pas en mille morceaux ? Non, c'était impossible. Et même s'il l'avait voulu, il en serait incapable. Non, il devrait trouver une autre solution. Peut-être qu'il pourrait passer la majeure partie de son temps à faire des choses que Max et Rafael aimaient ? Il ne voulait pas les perdre. Plus que tout au monde, il refusait de laisser tomber ses enfants. Ils étaient sa force, son moteur dans la vie, sa motivation pour avancer et constamment donner le meilleur de lui-même. L'ancien directeur de l'Académie des Chasseurs d'Ombre en avait déjà discuté un nombre incalculable de fois avec son époux : Magnus était prêt à tout pour leur famille, quitte à se mettre en danger lui-même. Mais pour ses enfants ? Il massacrerait la terre entière si ça pouvait garantir leur sécurité. Alec, bien évidemment, avait le même ressenti. Il était incroyable de penser à la force qu'un enfant était capable de donner à un parent aimant. Et Magnus regorgeait d'amour pour ses petits, qu'ils soient de son sang ou non. Pendant des siècles, il avait accueilli bon nombre de Créatures Obscures sous son aile, ainsi que quelques Chasseurs d'Ombres. Avant de devenir ses amis, Jem et Tessa, ainsi que Will et leurs descendants, avaient été comme ses enfants qu'il avait aidé et protégé au fil des ans, avant qu'ils n'apprennent à se débrouiller seuls. Sorcier, membre du Petit Peuple, loups, vampires, Magnus avait été la figure paternelle de bon nombre d'entre eux, et encore aujourd'hui, bien que Max et Rafael soient ses deux seuls enfants reconnus officiellement en dehors de Raphaël. Raphaël. Un sourire nostalgique et emprunt de tristesse étira péniblement les lèvres de l'immortel qui se figea avant d'écarquiller les yeux, réalisant l'évidence. Evidemment : Raphaël ! Le vampire hispanique avait beau être son fils, il n'en avait pas moins toujours été de bon conseils en retour. Si quelqu'un pouvait l'aider à y voir clair dans toute cette situation qui tiraillait son cœur en deux moitié, c'était bien lui ! Hors, il y avait un problème...
- Ma magie..., soupira le sorcier huit fois centenaire en baissant les yeux sur ses mains encore baguées.
Catarina l'avait pourtant prévenu : il lui était déconseillé de se servir de sa magie autant que faire se peut. Sa grossesse était particulière pour plusieurs raisons. Tout d'abord, l'immortel aux attributs félins avait de lourds antécédents médicaux, tels que ses multiples comas et séjours à l'hôpital. Magnus était également toujours officiellement en rémission. Même si le cancer avait disparu de son organisme, il n'était qu'en rémission. Il lui fallait attendre cinq ans pour que la guérison totale ne soit prononcée. Ensuite, l'immortel souffrait d'insuffisance cardiaque régulière depuis qu'il avait lié son âme à son centre magique pour pouvoir ramener Rafael après son coma magique. Il se fatiguait vite et devait suivre un traitement à vie qu'il prenait à chaque crise, lorsque son cœur faiblissait. Sachant qu'il portait, inévitablement, un bébé sorcier dans son ventre, sa grossesse n'en serait que plus éprouvante. Ce n'était pas pour rien que son amie à la peau bleue l'avait déclarée en grossesse à risque avec un suivi poussé et un risque d'alitement pour les derniers mois. L'infirmière savait que l'Indonésien aurait besoin de tout le repos possible et, pour ça, l'utilisation minimale de sa magie était préconisée. Heureusement, son mari et son fils cadet étaient tous deux sorciers et il ne doutait pas que Rafael l'aiderait également. Mais, pour récupérer la sympathie de ses fils, il lui fallait tout de même résoudre cette histoire et, pour ça, il avait toujours autant besoin de Raphaël Santiago. Secouant la tête, Magnus se creusa la tête, s'intimant à trouver une solution. Il n'avait techniquement pas besoin de magie pour invoquer le fantôme de son fils défunt. C'aurait été bien plus pratique, évidemment, mais il n'avait besoin que d'un pentagram correctement tracé : il pourrait toujours le faire lui-même, à la main. Enfin, la théorie était toujours plus évidente que la pratique. Le sorcier n'avait ni craie, ni crayon, ni même de maquillage pour en tracer les lignes et les courbes. Et descendre à la cafétéria n'aurait servi à rien : les pentagrams de sel ne servaient qu'à invoquer les pouvoirs et tous sorcier qui se respecte savait pertinemment que les pentagram de sucre était hautement inflammable et que ceux de poivre attiraient les Mantikors : mauvaise idée, donc. L'asiatique marmonna dans sa barbe et fit une nouvelle fois le tour de sa chambre pour trouver quelque chose, n'importe quoi, qui pourrait convenir pour tracer un pentagram digne de ce nom ! Réfléchissant un instant, Magnus se tourna vers le dernier coin dans lequel il ne s'était pas aventuré : la salle de bain !
Détournant son regard du mémoire face auquel il n'avait pas encore bougé, le descendant d'Asmodée se dirigea vers la minuscule pièce d'eau qui lui avait été allouée. Ce n'était pas grand chose : une pièce entièrement couverte de carrelage vers d'eau, du sol aux murs, avec une minuscule touche de blanc grace aux toilettes, au lavabo et au plafond. Pour une fois, l'Indonésien était soulagé de voir du blanc. Le vert d'eau n'avait jamais été une couleur qu'il avait porté dans son cœur. Malheureusement, il ne semblait pas plus y avoir quoi que ce soit de présent pour l'aider que dans la chambre. L'immortel s'apprêtait à éteindre la lumière et à retourner, contraint, dans son lit, lorsque ses yeux dorés à la pupille fendue tombèrent exactement sur ce qu'il lui fallait. Magnus poussa un petit cri de victoire, s'empara de son précieux outil et retourna dans la chambre pour se placer au milieu de celle-ci. Dans sa main ne se trouvait autre qu'une bouteille...de shampoing ! Certes, l'élément était controversé, mais au grand maux les grands remèdes ! Les propriétés du shampoing étaient neutres et il pourrait ainsi invoquer son fils. Bon, il devrait certainement y ajouter une petite dose de magie pour que la communication ne soit pas brouillée toutes les deux minutes par les bulles de savon, mais au moins il se fatiguerait bien moins que s'il avait dû l'invoquer sans aucun support. Passant sa langue entre ses lèvres comme un enfant en pleine concentration, Magnus s'appliqua donc à ouvrir le flacon et à y déverser son contenu sur le sol de sa chambre en psalmodiant à voix basse, alors que sa magie pulsait ici et là de petites étincelles pour fortifier le pentagram. Catarina le tuerait certainement pour ce qu'il était en train de faire, mais c'était toujours mieux que de se vider totalement de son énergie. Sous ses pieds, alors qu'il veillait à ne pas glisser accidentellement sur les trainées de shampoing, les courbes et tracés du pentagram prirent forme et, bientôt, il fut complété, Magnus restant au bord de ce dernier sans y mettre un pied. Il était essentiel qu'il se trouve à l'extérieur et non pas à l'intérieur. C'était Raphaël qui se retrouverait au centre, et bien qu'il ait une confiance aveugle en son fils, l'immortel ne voulait pas prendre le risque de libérer un autre esprit dans leur monde sans pouvoir le contrôler. Balançant le flacon désormais vide quelque part derrière lui, l'asiatique ferma les yeux et se concentra sur le souvenir de l'hispanique pour pouvoir l'invoquer.
- Raphaël Santiago, par Lilith notre protectrice, tu as rejoint le royaume des morts et du repos. Je t'invoque en mon nom, Magnus Lightwood-Bane-Fell, sors de ton sommeil éternel et viens me dire un mot. Par notre lien, viens à moi, mon fils aujourd'hui j'ai besoin de toi. J'implore la grâce des défunts, qu'ils te libèrent un instant et te rendent brièvement aux tiens. Répond à ma volonté, Raphaël, parmi les vivants, entend mon appel !
Une brusque vague de magie traversa le pentagram et le shampoing se mit à chauffer, si ce n'est bouillir, et des petites bulles éclatèrent ici et là. Magnus souffla doucement pour garder son calme. Il n'avait pas invoqué Raphaël depuis plusieurs semaines et, déjà la dernière fois, le vampire décédé lui avait demandé de le laisser un peu en paix. Non pas qu'il se refusait à lui parler, mais l'Indonésien savait pertinemment que les morts s'épuisaient et pouvaient même finir par s'effacer s'ils étaient trop souvent invoqués. Il espérait simplement que Raphaël accepterait de répondre une dernière fois. Il avait sincèrement besoin de le voir et de calmer ses angoisses. Tâchant de garder son calme, une main protectrice posée sur son ventre à peine bombé, Magnus retint son souffle en voyant une silhouette floue se dessiner au centre du pentagram. Les larmes aux yeux, il reconnu immédiatement son enfant : toujours vétu de son costume noir, l'ancien chef de clan de l'hôtel Dumort avait les bras croisés sur sa poitrine. Ses yeux noirs fixaient son père d'un regard agacé, bien que Magnus connaisse assez son cadet pour savoir qu'il était aussi soulagé que lui de le voir. Pourtant, ce ne fut pas tant son faux agacement que le savon moussant qui couvrait ses épaules et ses cheveux qui choqua l'immortel, lui arrachant un rire tendre. Note pour plus tard : les pentagram de shampoing offrent une douche sans essorages aux morts ! L'immortel essuya ses yeux embués et il sourit doucement en sentant un peu d'espoir renaître dans son cœur chiffonné d'inquiétude. Face à lui, Raphaël secoua la tête pour se débarrasser de la mousse qui le recouvrait, faisant voler quelques bulles savonneuses autour de lui, et il ravala une remarque sarcastique en voyant les quelques larmes dans les yeux de son père de cœur. Lorsqu'il avait entendu l'appel du vivant, le vampire n'avait pu refuser d'y répondre, même s'il savait que rejoindre son ancien monde lui coûterait en énergie. Il s'était attendu à ce que Magnus soit chez lui, ou au Labyrinthe à la rigueur, mais certainement pas à l'hôpital ! Raphaël ne se souvenait pas la dernière fois où il avait mis les pieds dans un hôpital. Lorsqu'il était encore Terrestre, sa famille était très pauvre, et il n'avait jamais eu de soucis de santé particulier. Les choses avaient changé en un siècle, mais une chose ne changeait pas : on allait pas à l'hôpital comme on allait acheter du pain à la boulangerie du coin : quelque chose n'allait pas, et il l'avait tout de suite compris.
- Que pasa ? S'enquit-il sans ménagement dans sa langue maternelle, les sourcils froncés. Pourquoi on est ici ?
- Je suis tellement content de te voir, sourit Magnus en éludant la question pour le moment. Je suis désolé de te déranger maintenant, mon grand, mais j'ai vraiment besoin de te parler. Rapha....
- Papà ! S'agaça le fantôme en le coupant dans son élan. Qu'est-ce qu'il se passe ? Je suis mort, pas idiot ! Tu m'invoques alors que tu es au bord des larmes, et tu es seul dans une chambre d'hôpital. Dios, est-ce que tu es encore malade ? Tu vas mourir ? Tu n'as pas intérêt, tu m'entends ? Ne t'avise pas de mourir ou je te tue ! Entiendes ?
- Je ne suis pas mourant, hijo, souffla tendrement le plus vieux en s'asseyant néanmoins au bord de son lit, sentant la fatigue commencer à le gagner. Je voulais juste te dire que...Je suis enceint, j'attends un enfant d'Alexander.
Face à lui, l'ancien vampire ouvrit plusieurs fois la bouche comme un poisson hors de l'eau et, contre toute attente, Magnus le vit se fendre d'un immense sourire. A vrai dire, l'immortel ne croyait pas avoir jamais vu son fils sourire à ce point, c'était la première fois qu'il paraissait aussi heureux. Tendant le bras en s'accroupissant, le plus jeune passa sa main fantomatique au-dessus du ventre de son père et Magnus put sentir une vague de fraicheur faire frissonner sa peau.
- Je peux le sentir oui...C'est incroyable ! Mais je ne comprends pas, c'est pourtant qu'on dirait que tu es prêt à te défenestrer ? Tu n'as pas envie de ce bébé ?
- Évidemment que j'en ai envie, tu sais que j'ai toujours aimé chacun de mes enfants ! Mais...J'ai peur que Max et Rafe me repoussent...Je ne veux pas qu'ils se sentent rejetés ou abandonnés...
- Madre de dios, marmonna le plus jeune en levant les yeux au ciel. Ils sont grands, ils sont en âge de comprendre ! Et puis ils vont aussi avoir des enfants ! Crois moi, ils auront d'autres priorités que de t'en vouloir !
Magnus fronça les sourcils, prêt à lui expliquer que Max avait déjà accouché depuis un moment, mais il se rappela que le temps passait différemment au royaume des morts. Pourtant, avant qu'il n'ait pu ouvrir la bouche pour tout lui raconter, la voix de son fils cadet lui parvint aux oreilles et, se retournant, il constata que Max, Rafael, et même Alec, étaient revenu de la cafétéria et se tenaient dans l'embrasure de la porte de sa chambre. Le sorcier à la peau bleue sentit l'émotion l'étreindre en voyant le défunt et il courut se réfugier dans ses bras en l'appelant comme un petit garçon. Malheureusement, et c'était à prévoir, l'immortel à la magie d'argent se retrouva à passer au travers de son grand frère, dérapant sur le pentagram qui, heureusement, resta en place. Il se retint heureusement à une petite table qui se trouvait sur son chemin et leva ses yeux implorant d'un bleu intense sur un Raphaël qui lui sourit tristement. Baissant les yeux, le vampire puisa dans les rares parcelles d'énergie qui lui restait et il se rendit tangible en tendant une main vers son cadet. Le prenant doucement, Max se blottit tout contre son cœur en soupirant de soulagement, pleurant de bonheur de le revoir enfin après tout ce temps, lui qui n'avait pas eu l'occasion de lui dire au revoir la toute première fois. Emu, Magnus laissa son époux le rejoindre et l'enlacer également pour admirer la scène, tandis que Rafael souriait doucement. Après de longues minutes de cette douce étreinte, Max s'écarta et sentit son cœur se pincer en voyant les traits du fantôme s'estomper légèrement, comme une aquarelle détrempée par la pluie qui ne serait plus qu'une succession de couleurs floues.
- Tu nous as manqué, Raphaël. Qu'est-ce que tu fais ici ? Je croyais que tu ne pourrais plus revenir ? Demanda l'Argentin en nouant ses doigts à ceux de son époux et frère. Est-ce que tu viens nous prévenir de quelque chose ? J'ai entendu que les morts pouvaient avoir des visions d'avenir, comme oncle Malcolm qui prévenait Ayah dans ses rêves.
- Je me posais la même question, chico. Tu n'as plus de bébé, Max ? S'enquit-il subitement en voyant le ventre bien plus plat de Max.
- J'ai accouché des jumeaux il y a peu, sourit le plus jeune. On les a appelés Mae et Lysaëlle, pour avoir un souvenir de toi parmi nous, confia-t-il en rougissant quelque peu.
Le défunt sourit d'émotion et effleura la joue de ses deux petits frères avant de tourner la tête vers son père qui paraissait à présent totalement abattu.
- Ce n'est pas à moi de te rassurer, papà, souffla-t-il à l'asiatique qui luttait pour ne pas fondre en larmes. Demande leur, mais ils te répéteront ce que je t'ai déjà dit : ce bébé sera le bienvenu dans la famille, et personne ne te rejettera. Je suis ton fils, et pourtant je vais encore te rappeler ce qu'un père doit te dire : je sais que tu as longtemps été abandonné, mais ne laisse pas ta peur tout gâcher, ta famille ne t'abandonnera pas, plus jamais.
Avec un clin d'œil doux, Raphaël fit ses au revoir aux siens, épuisés par son étreinte avec Max, et il s'estompa pour retourner à son repos éternel qu'il avait, cette fois, plus que mérité. Magnus laissa couler ses larmes et son mari et ses fils l'entourèrent, conscient que quelque chose ne tournait pas rond et qu'il avait besoin d'eux, plus que jamais. L'Indonésien était une force de la nature, certes, mais il n'en restait pas moins un homme avec son passé, ses peurs et ses douleurs, et Alec savait que quelque chose n'allait pas.
- Mon chat, parle-nous, chuchota-t-il tendrement en activant leur rune de mariage, ses doigts noués aux siens et ses lèvres déposant des baisers tendres sur son visage.
- Je ne veux pas...Je ne veux pas que vous m'en vouliez, ou que vous détestiez ce bébé, parce qu'il sera biologiquement de notre sang, avoua l'immortel en baissant les yeux. Je ne veux pas que vous pensiez qu'on vous aimera moins, parce que c'est faux, on vous aime tout autant.
- Ayah...on le sait, ça, sourit Magnus en posant une main sur son cœur pour lui transmettre leur sentiment d'amour et de quiétude. Tu n'as pas à douter de ça, et ce bébé est notre petit frère ou notre petite sœur et on l'aimera quoi qu'il arrive.
- On est des enfants de la rue, souffla Rafael en s'agenouillant devant lui. Toi et Dad, vous nous avez offert un toit, un foyer, une famille. On aurait jamais eu cette vie si vous ne nous aimiez pas, tous les deux. On a pas besoin de faire partie de votre sang pour être vos fils légitimes. Pour nous, c'est comme si on était déjà du même sang. Enfin, sauf entre nous, Corazon, gloussa-t-il en embrassant la joue de son sorcier. Ce n'est pas un test ADN qui nous dira qui sont nos parents, Ayah. On se fiche de savoir qui sont nos géniteurs, qui nous a donné naissance : nos parents c'est vous, point barre.
- C'est comme pour Simon et Emeraude, Mags, chuchota Alec en l'embrassant amoureusement. Elle est sa fille, même si biologiquement elle n'est pas de lui, c'est tout comme. C'est un miracle et un immense cadeau que tu puisse porter notre bébé, mais je n'en serais pas moins heureux si on l'avait aussi adopté. L'amour ne se mesure pas au sang, ça se mesure à ce qu'on a là-dedans, assura-t-il en posant sa main pâle sur son cœur.
Magnus, les larmes aux yeux, acquiesça lentement et serra ses fils et son mari contre lui, rassuré de savoir que sa famille ne lui en tenait pas rigueur. Raphaël avait raison, il ne devait pas laisser ses peurs dicter sa vie et régir son coeur. C'est donc plein de courage que l'immortel se tourna vers ses proches, un sourire fébrile au visage.
- Bon...Et si on allait annoncer à tout le monde que je vais être insupportable pendant neuf mois avec mes hormones ? Sourit-il en faisant éclater de rire sa famille : ça oui, ça promettait d'être neuf mois intenses...
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Des avis ? Des théories ? A vendredi prochain !
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