Chapitre 1 : La maison des Cornouailles


Bonjour tout le monde, j'espère que vous allez toutes et tous bien. Je sais que ça fait longtemps que je n'ai pas publié et je m'en excuse. Malgré tout, j'espère que ce chapitre vous plaira et que vous serez toujours au rendez-vous. Avant de vous laisser profiter de votre lecture, j'ai quelque chose d'important à vous dire. C'est difficile pour moi d'en parler, et celles qui sont très proche de moi le savent, mais je veux faire cet effort non seulement pour vous mais avant tout pour moi. Je suis en dépression. J'ai du mal à écrire, à avancer, j'ai une vision néfaste de moi-même et j'ai des difficultés à faire des choses ordinaires comme faire une bonne nuit de sommeil ou même manger. Mais je me bat. Après un an de difficultés, j'ai décidé d'écouter une certaine personne chère à mon cœur (qui se reconnaitra) et j'ai sauté le pas...Pendant les vacances je vais enfin voir un psychologue, même si ça me terrifie. Si je vous dit tout ça, ce n'est pas parce que j'ai envie de me faire plaindre ou d'attirer l'attention. Je le dis pour vous expliquer mon absence, passée, présente, et certainement à venir pendant quelques temps. Je continue d'écrire et d'avoir des idées et je ne vous oublie pas, mais j'ai besoin de temps. De beaucoup, beaucoup de temps. Pour moi, pour aller mieux. Je remercie celles qui me suivent et me soutiennent, et aussi et surtout ma grande sœur et ma parabatai qui me portent toutes les deux tous les jours. Je publierais dès que ça ira mieux et je reviendrais avec des surprises, c'est promis. Encore merci et bonne lecture. - Blue -

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La maison des Cornouailles n'avait pas changé. En dépit des siècles qui avaient fait leur œuvre, la façade de pierre blanche, petite maison de pêcheur à l'intérieur aussi vaste qu'un manoir, se tenait toujours debout, là, au sommet de la falaise qui bordait la mer agitée. Magnus inspira profondément, le vent marin balayant ses épis sombres aux reflets bleus, l'odeur d'iode et de fraîcheur l'enveloppant tout entier dans une bulle douce et volatile. Il n'était pas revenu ici depuis deux cent ans au moins. En réalité, il n'était pas revenu depuis que Malcolm et lui s'étaient séparés pour prendre des chemins différents, se perdant de vue l'un et l'autre. L'asiatique avait toujours aimé cette maison : elle contenait plus de pièces qu'on pouvait en rêver et les charmes qui la protégeait était si puissant qu'aucun Terrestre ne venait jamais s'aventurer à proximité. Magnus toisa la bâtisse un long moment avant d'expirer brusquement, bruyamment, et d'avancer dans sa direction. Avec le temps, l'immortel aux yeux dorés de chat avait appris à reconnaître les rêves des visions, et il savait qu'ici c'était la deuxième option. Il se trouvait à l'hôpital à peine quelques instants plus tôt, avant que tout ne devienne noir, et maintenant il se retrouvait au coeur des Cornouailles, au beau milieu de nulle part, et s'apprêtait à pénétrer dans une demeure qu'il n'avait pas visité depuis la dernière fois qu'il avait vu son ami sorcier. Sa main baguée aux doigts vernis posée sur la poignée, le Grand Sorcier de Brooklyn prit une seconde de réflexion avant de tourner cette dernière et de pousser la porte d'entrée. A l'intérieur non plus, le temps n'avait pas opéré : tout était comme dans ses souvenirs. Chaque petit objet, chaque bibelot, chaque souvenir, tout était à sa place. Bien qu'il sache qu'il ne se trouvait pas réellement là, Magnus ne put s'empêcher de se demander ce qu'il était advenu de la maison de Malcolm. Après son décès, il avait certes hérité de sa magie, mais aucun testament n'avait été fait. Peut-être devrait-il se renseigner ? Il pourrait même y emmener son Alexander et les enfants ? Il leur raconterait alors tous les moments qu'il avait passés ici, les anecdotes, les secrets gênant qu'on partage avec humour avec du recul. Oui, il pourrait faire tout ça. Avec un sourire rassuré, Magnus referma la porte, reconnaissant de se retrouver à l'abri en entendant le vent souffler au dehors, la pluie s'abattant brusquement sur les vitres et la structure de la vieille maison craquer autour de lui, comme prête à s'écrouler. Bon, maintenant qu'il était là, il allait devoir trouver la raison de sa présence.

Le descendant d'Asmodée s'avança prudemment dans l'entrée et emprunta le premier couloir pour passer de pièce en pièce qui s'avérèrent toutes être complètement vides. Il n'y avait pas âme qui vive dans cette maison. Pourtant, cette dernière continuait de craquer sinistrement sous les assauts du vent et Magnus pouvait sentir une aura de magie autour de lui. Il n'était pas seul, c'était certain. Seulement, comment trouver son hôte ? Soupirant, l'immortel au regard félin ferma ses yeux à la pupille fendue et laissa sa magie le guider comme une chauve souris utilise son sonar pour se repérer dans le noir. Suivant aveuglément ses étincelles bleues pétillantes et électriques, il suivit un dédale de tour et de détour avant de finalement s'arrêter, au bout de longues minutes. Rouvrant les yeux, l'Indonésien papillonna plusieurs fois avant de réaliser où il se trouvait. Il s'agissait d'un petit salon privé, situé au dernière étage de la demeure, donc les larges fenêtres donnant une vue imprenable sur la mer permettaient à la pièce de baigner de lumière. Le papier peint vert sombre de style victorien cotoyait les immenses bibliothèque en bois d'ébène envahies de livres relier de cuir et piqués d'or, ainsi qu'un guéridon en bois de rose au plateau de marbre blanc et de deux fauteuils baroque recouvert de velour bordeau. Dans l'un d'eux ne se trouvait autre que Malcolm Fade buvant une tasse de thé, un roman ouvert sur ses genoux. Le sorcier aux courts cheveux blonds presque blanc, vêtue d'un costume aubergine et argent qui faisait ressortir ses yeux d'améthiste releva la tête à l'approche de son visiteur et un sourire sincère étira ses lèvres alors qu'il invitait son ami de toujours à s'installer dans le fauteuil inoccupé, juste en face de lui. Magnus hésita longuement, déglutissant difficilement. La dernière fois qu'il avait vu Malcolm, du moins en rêve, le britannique ressemblait plus à un cadavre en putréfaction qu'à un être vivant et il craignait, une fois encore, que le rêve ne tourne subitement au cauchemar sans qu'il ne puisse rien y faire. Le sorcier décédé sembla percevoir sa crainte et il referma son livre pour le poser sur le guéridon avec sa tasse sans se départir de son sourire qui, contrairement aux autres fois, paraissait mélancolique et même, timide.

- Je ne vais pas te faire de mal, Magnus, juste parler, et te proposer un thé. Tu n'as rien contre un thé, n'est-ce pas ?

- La dernière fois tu m'as arraché le cœur pour le déposer entre mes mains...Tu n'as pas l'intention de recommencer, pas vrai ? Non, parce que sinon je préfère m'abstenir, marmonna l'asiatique en croisant ses bras sur sa poitrine.

- Juste un thé, promis Malcolm en désignant une nouvelle fois le fauteuil d'un lent signe de tête. S'il te plait.

- Très bien, abdiqua Magnus en soupirant. J'imagine que la théière ne me sautera pas à la gorge au moins.

L'Indonésien avait tenté de plaisanter pour détendre l'atmosphère, mais la réalité était tout autre. Ce qui l'avait fait changer d'avis, en dépit de sa crainte de voir Malcolm lui arracher le cœur une nouvelle fois, c'était d'entendre son ami lui dire "s'il te plait". Le britannique, tout comme lui, avait toujours eu une certaine fierté et demander aussi humblement quelque chose ne lui était pas coutumier. Ce n'était pourtant pas pour rassurer Magnus qui s'inquiétait toujours de savoir quelle catastrophe allait lui tomber sur le coin de la tête. Malgré tout, Malcolm ne semblait pas sur le point de lui sauter à la gorge pour l'étriper. L'ancien Grand Sorcier de Los Angeles paraissait même plutôt calme et détendu. Comme promis, il prit la théière, qui eut la délicatesse de ne pas les étriper, pour remplir leur tasse, en tendant une à l'Indonésien qui la prit avec une légère hésitation entre ses doigts couverts de bagues. Face à lui, le britannique aux courts cheveux blonds-blanc porta la sienne à ses lèvres pour souffler dessus avant d'en boire une gorgée et de sourire à son ami de toujours. Magnus se sentait étrangement à l'aise. Il ne ressentait aucun mal-être ni aucune tension chez l'ancien Grand Sorcier de Los Angeles. Tout était normal, rien de plus que deux vieux amis prenant le thé et se retrouvant après des siècles d'éloignement. Et pourtant. Pourtant l'asiatique n'arrivait pas à se défaire des souvenirs qu'il avait de Malcolm, des souvenirs accumulés au cours de ces vingts dernières années et qui venaient entacher ceux qu'il avait construits avec son ami pendant leur jeunesse. Il se souvenait des horreurs que le blond aux yeux d'améthiste avait commises pour le compte de Camille et d'Asmodée, notamment en leur fournissant une copie du livre blanc. Magnus secoua la tête, désemparé. Il ne pouvait pas continuer ainsi, il ne pouvait pas faire comme si rien de tout cela ne s'était passé et simplement faire table rase du passé. Le sorcier devait comprendre les raisons des agissements de son comparse de toujours, pourquoi les avoir trahis, pourquoi avoir tué tant de gens, pourquoi s'être perdu de vue pendant aussi longtemps, et pourquoi avoir retourné sa veste une dernière fois en mourant et le prévenir par des visions des agissements de son géniteurs ? Avec un profond soupir, l'immortel au regard félin reposa sa tasse sur l'édredon et planta ses yeux dans ceux de son vis-à-vis.

- Pourquoi ? Demanda-t-il simplement, toute la peine et le désespoir du monde transpirant de son être. Pourquoi Malcolm ?

- Tu vas devoir être un peu plus précis que ça, Magnus, sourit simplement l'anglais. Je connais beaucoup de choses mais là, la question est trop vaste.

- Pourquoi toute cette mise en scène ? S'exaspèra le descendant d'Asmodée. Tu coupes les ponts avec moi, plusieurs siècles plus tard tu te mets à tuer des Nephilims pour le compte d'Edom avant de venir me raconter tout ce qu'il s'est passé ! Tu...Tu m'envoie des visions et chaque fois une catastrophe survient et là tu agis comme si rien de tout ça ne s'était passé ! Aide moi à comprendre !

- Tu n'es pas prêt à comprendre, soupira tristement Malcolm en détournant le regard, ses yeux se perdant dans la contemplation de la mer agitée en contrebas de sa maisonnette. J'ai promis de tout te révéler uniquement quand tu serai fin prêt, et ce n'est pas encore le cas. Le temps viendra, Magnus, reprit-il en reportant son regard clair sur son ami, où la Magie reviendra et alors tu comprendras.

- La Magie ? S'étonna l'Indonésien sans comprendre. Je suis perdu, là...

- Tu ne te souviens pas, et c'est normal, souffla le britannique avec compréhension. Tu penses suivre une ligne sans même voir qu'il s'agit d'une courbe. Tout prendra sens en temps et en heure et alors tu connaîtras le vrai visage de ceux que tu prend pour tes ennemis, et de ceux que tu suis aveuglément en pensant qu'ils te veulent du bien. Tu n'es pas à blâmer, moi aussi j'ai commis cette erreur avant de voir la vérité. Ce que j'ai fait, je l'ai fait pour réparer la faute que j'avais commise il y a bien longtemps. J'ai payé ma dette à présent, et c'est pourquoi je voulais te voir aujourd'hui : ce sera ma dernière vision, Magnus. Tu ne me verras plus.

Le Grand Sorcier de Brooklyn fixa son vis-à-vis alors que ses paroles commençaient à faire sens dans son esprit. S'il n'avait rien compris à son discours de Magie, de ligne et de courbes, de souvenirs qu'il n'avait pas, d'erreurs à réparer et de dette, l'Indonésien n'avait retenu que ceci : Malcolm s'en allait. Certes, le britannique était mort depuis des années maintenant, et il n'aurait pas dû être surpris que son esprit ait, d'une manière ou d'une autre, réussi à trouver la paix. Quand bien même, en dépit des cauchemars et des visions qu'il lui imposait régulièrement, Malcolm était toujours, aux yeux de Magnus, son ami d'enfance, son complice de toujours, et il avait finit par s'habituer à sa présence onirique près de lui pour le préparer au pire. Même s'il n'avait jamais réussi à interpréter les signes de ses visions, l'asiatique avait toujours apprécié, après coup, d'avoir été informé des événements par l'ancien Grand Sorcier de Los Angeles. Malgré tout, Malcolm, lui, ne semblait pas le moins du monde attristé par cette nouvelle. L'Indonésien savait que son ami de toujours n'était pas heureux non plus de s'en aller, mais quelque chose dans son attitude, dans ses gestes, dans tout ce qui le caractérisait en cet instant, lui laissait penser qu'il avait prévu cette éventualité de longue date. Des larmes vinrent peupler subitement ses yeux dorés à la pupille fendue et, d'un geste précipité, il fit reposer sa tasse à Malcolm, manquant de renverser une partie du thé entre eux, et prit ses mains dans les siennes. Leurs yeux se croisèrent et Magnus baissa les armes, relâchant toute résistance, se confiant à lui comme il l'avait fait tant de fois, bien des siècles en arrière. Malcolm, lui, ne cessait de lui sourire doucement, comme si absolument rien ne pouvait l'inquiéter.

- Tu ne peux pas partir...Pas maintenant ! L'implora l'asiatique en serrant ses doigts entre les siens. Tu es mon ami, Malcolm, tu es resté avec moi, même pas l'esprit, pendant toutes ces années...Tu ne peux pas partir maintenant !

- Je le dois, Magnus, c'est inévitable. Mais je reviendrais, je te le promets. Ne crois pas que tu te débarrassera de moi aussi facilement. Je t'ai fait une promesse, et je compte bien l'honorer, sourit mystérieusement le britannique en le gratifiant d'un clin d'œil.

- Mais quelle promesse ? Tu ne m'en a fait aucune, Malcolm !

- Tu l'as oublié, comme tout ce qu'il s'est passé. La mémoire te reviendra peu à peu, promit le sorcier aux yeux améthystes. Mais je t'en prie, ne précipite pas les choses. Tu as beaucoup de questions et c'est normal, mais je ne suis pas en mesure de te les donner pour l'instant. Tu comprendras, le moment venu, souffla-t-il en se levant, relâchant doucement les mains de son ami. Tout ira bien, Magnus. Tu n'es pas seul. D'ailleurs, félicitation pour ta grossesse mon ami, sourit-il chaleureusement en désignant le ventre de l'immortel.

Magnus baissa les yeux et porta l'une de ses mains baguée à son estomac à peine arrondi. Malcolm avait raison, il n'était pas seul. Il ne l'avait jamais réellement été, certes, mais à présent qu'un bébé grandissait dans son ventre, que l'enfant d'Alec vivait en lui, il avait l'étrange certitude qu'il pourrait tout affronter. Le descendant d'Asmodée hocha lentement la tête pour le remercier silencieusement et Malcolm hésita un instant avant de poser un genoux à terre devant son ami et de poser ses mains sur son ventre pour le bénir et le protéger de sa magie, comme Magnus l'avait fait quelques mois plus tôt sur le ventre de Max. Se relevant d'un geste gracieux, l'ancien Grand Sorcier de Los Angeles se dirigea vers la porte et s'arrêta dans l'encadrement, se retournant pour porter une dernière fois son regard dans celui de son vieil ami.

- Avant que je n'oublie, j'ai un dernier message pour toi : tu n'es pas seul, mais moi non plus. Will, Etta et moi allons très bien, assura-t-il en posant une main sur son cœur. Et quoi qu'il advienne nous continuerons d'aller bien. Je suis heureux de t'avoir revu, Magnus...Fais attention à toi, et reste autant que tu le souhaite : tu repartiras quand tu seras prêt.

Sans attendre de réponse, le sorcier aux courts cheveux blonds blancs sortit de la pièce et disparut dans un panache d'étincelles magenta sous le regard encore embué de Magnus. Le Grand Sorcier de Brooklyn se laissa tomber dans son fauteuil en soupirant et se perdit dans la contemplation de la mer en contrebas, les paroles de Malcolm résonnant dans son esprit, tourbillonnant sans jamais s'arrêter. Il se sentait las, fatigué, et si triste d'avoir perdu son ami une fois de plus, qu'il s'en retrouvait complètement amorphe. L'Indonésien s'en était longtemps voulu, la dernière fois. Même si Alec et toute leur famille lui avaient assuré qu'il était normal de pleurer la perte d'un être cher, l'immortel s'était sentit coupable de pleurer Malcolm, que tout le monde considérait comme un meutrié rongé de remord qui avait finit par se suicider. Avec le temps, il avait comprit que son suicide n'en était pas un, et qu'il avait été tué par Camille, sur les ordres d'Asmodée. Malgré tout, Magnus avait eu le temps de faire son deuil, comme il avait fait celui de Raphaël mais, une fois encore, il devait dire adieu à un être cher. Il ne sut combien de temps il resta là à fixer le remou des vagues qui venaient se fracasser sur les côtes. Il ne sut combien de temps son esprit vagabonda au milieu de ses souvenirs enfouis de ses innombrables vies, ressassant chaque moment avec minutie, cherchant des réponses qu'il ne trouvait pas, avant de fondre subitement en larme, son visage enfoui entre ses mains tremblantes. Il pleura de tout son saoul sur les âmes qu'il avait perdu, sur les gens qui l'avaient quitté, sur les pertes qu'il avait subi, jusqu'à pousser un hurlement d'agonie pure et de chagrin dévastateur qui lui déchira les cordes vocales sans manquer de lui briser le coeur un peu plus. Il voulait rentrer chez lui, il voulait retrouver son ami, ses fils, ses petits enfants, leur famille, et que la vie cesse enfin de les faire souffrir sans raison, s'acharnant sur eux sans relâche. Mais les voix de ses souvenirs ne le lâchaient plus, comme des fantômes revenant le hanter, encore et encore. L'asiatique pleura plus fort, fermant les yeux à s'en fendre les paupières, et il plaqua ses mains sur ses oreilles pour faire revenir un peu de calme et de silence dans son esprit. Alors qu'il priait silencieusement que ce rêve devenu cauchemar s'achève, l'Indonésien sentit deux mains tièdes se poser sur les siennes pour les retirer doucement de ses oreilles, et une voix appeler son nom, encore et encore.

- Magnus...Magnus...Calme-toi, mon chat, tout va bien tu es en sécurité...Magnus, c'est moi, tout va bien...

Le Grand Sorcier de Brooklyn lâcha un sanglot étranglé de soulagement en comprenant qu'il s'agissait de son époux et il se laissa aller entre ses bras, recherchant le réconfort dont il avait tant besoin. Alec, qui supposait que son mari avait eu affaire à un nouveau cauchemar pendant son bref épisode de sommeil, le berça contre lui en s'installant au bord du lit de ce dernier, non sans lever les yeux vers ses proches pour tâcher de comprendre l'état du plus vieux. Max et Rafael, blottis l'un contre l'autre dans un minuscule fauteuil, secouèrent la tête de dépit, aussi impuissants que leur père face à la réaction de leur Ayah, et Ragnor usa subtilement de sa magie pour apaiser son cœur tout autant que ses larmes. L'immortel aux yeux mordorés se calma peu à peu, sans pour autant quitter le giron rassurant de son Chasseur d'Ombre qui n'avait pas plus l'intention que lui de s'éloigner. Il inspira profondément, souffla doucement pour reprendre ses esprits et Max se rapprocha de son Ayah, jouant de son empathie pour lui partager son calme et sa sérénité pour remplacer sa peur et ses doutes. Lorsque le tourbillon de son esprit se fut tarie et que les voix de son passé se turent, Magnus embrassa le front de son plus jeune fils et se laissa retomber contre les oreillers de son lit médicalisé. Il garda le silence de longues minutes avant de trouver la force de leur raconter son rêve et de leur parler de ses interrogations. Malheureusement, ni son mari ni ses fils ne purent lui apporter un quelconque élément de réponse. En même temps, il s'y attendait plus ou moins. Même Ragnor paraissait perplexe. L'ancien professeur à l'Académie des Chasseurs d'Ombre fronça les sourcils tellement fort que son fils l'imagina un instant assis sur un trône de céramique et il ne put retenir l'éclat de rire qui le traversa. Comprenant certainement la pensée qui venait de traverser son cadet, l'immortel à la peau verte haussa cette fois un sourcil avant de lever les yeux au ciel, ce qui détendit l'atmosphère, reléguant la vision de l'Indonésien au second plan. Ce dernier, par ailleurs, leva les yeux vers son compagnon et joignit leurs mains sur son ventre à peine tendu. Ils plongèrent mutuellement dans les yeux chargés d'émotion de l'autre et se sourirent comme si plus rien n'existait autour d'eux. Alec, la voix tremblante, fut le premier à prendre la parole.

- Tu es enceint..., pleura-t-il en souriant jusqu'aux oreilles.

- On va avoir un bébé, Sayang, confirma l'asiatique en hochant la tête, tout aussi ému que son mari.

- On va être papas...

- Merci de penser à vos enfants ici-présent, leur rappela Rafael avec un clin d'œil. Vous êtes déjà papas !

- Pardon Pequeno..., s'empressa d'ajouter Magnus, les nerfs en pelote et les larmes à vif.

- Je vous taquine, Ayah, le rassura l'Argentin en venant les serrer avec Max contre leur cœur pour les féliciter. On est heureux de devenir grands frères. Enfin, surtout pour toi Corazon, moi je sais déjà ce que ça fait !

Pour seule réponse, le jeune papa lui tira la langue avant de lui voler un baiser tendre, rapidement imité par Magnus qui captura les lèvres d'Alec pour sceller la nouvelle de sa grossesse comme une promesse d'espoir pour leur avenir. Ragnor immortalisa l'instant avant de se mêler à leur câlin et il souffla une bénédiction silencieuse, protégeant ainsi son ventre et le bébé qui y grandissait bien au chaud et à l'abri. Ils restèrent là tous ensemble, blottis les uns contre les autres, avant que la porte ne s'ouvre sur Catarina qui se figea, un sourcil levé. S'étant absentée le temps du malaise de Magnus pour ranger son matériel, l'infirmière à la peau bleue ne s'était certainement pas attendue à le retrouver quelques minutes plus tard, déversant des larmes de joie avec ses proches agglutinés autour de lui. Ragnor releva la tête à son approche et sourit tendrement à sa compagne, ouvrant un bras pour qu'elle vienne s'y blottir. Catarina rendit son sourire à son époux et se joignit à leur câlin de groupe en les enveloppant tous les six de sa magie protectrice et fraîche comme une brise. Une fois remis de leurs émotions, Magnus et Alec relâchèrent délicatement leur étreinte et la sorcière en profita pour examiner de nouveau son ami de toujours. Tension, battement cardiaque, dilatation des pupilles et réflexe rotulien et réflexe ostéo-tendineux. Elle passa également en revu le résultat de ses examens et lui apprit avec certitude qu'il était enceint d'un petit mois maintenant. Ils ne mirent pas longtemps à réaliser, grâce à la réflexion de Max, que ses parents s'étaient rendus au bord du Lac Lyn à cette même période. La magie du lieu ayant déjà aidé à provoquer sa grossesse, il n'était pas étonnant que l'Indonésien soit enceint, et Ragnor leur promit de chercher dans les archives du Labyrinthe en Spiral tout ce qu'il pourrait trouver en lien avec le Lac Lyn. Visiblement, ce dernier pourrait rendre les sorciers fertiles. Magnus accepta la nouvelle sans trop de difficulté, étant déjà passé par là pour Max. Pour le reste, en revanche...

- J'imagine que tu as des questions, souffla l'immortelle en s'installant au chevet de son ami. Alors je t'écoute, demande-moi tout ce qui te traverse l'esprit.

- J'en ai des milliers, confirma Magnus en secouant la tête. Je suis heureux, ne va pas croire le contraire, mais pourquoi une grossesse alors que ce sont les mêmes symptômes que mon cancer ? Et les saignements ? Je suis tout le temps fatigué alors que la grossesse de Max a pratiquement été un rêve à vivre.

- Les symptômes de la grossesse sont similaires à ton cancer pour la bonne raison que souvent le corps réagit comme s'il avait affaire à un virus, pour ça il te fait vomir, parfois avoir de la fièvre et tu es fatigué à force de combattre une maladie qui n'en est pas une. Quant aux saignements, il arrive que certaines femmes saignent légèrement dans les premiers mois, et ça n'a rien d'anormal. Je te rappelle que tu n'as pas ce qu'il faut pour donner naissance à l'heure actuelle. Je t'examinerai quand la chambre ne sera pas autant remplie, mais je pense que ta magie, comme celle de Max l'avait fait pour lui, transforme ton corps pour accueillir le bébé, ce qui a provoqué les saignements.

- C'est vrai, Ayah, j'avais saigné aussi au début et marraine m'avait dit que c'était normal. Oh, par contre il faudra que tu essaie l'huile de lavande de Rafe pour masser ton ventre, ça m'avait fait beaucoup de bien et avec les hormones...

Le jeune père à la peau bleue se mordit la lèvre avant de finir sa phrase et échangea un regard complice avec son compagnon qui lui lança un clin d'œil coquin et amoureux. L'Indonésien promis d'essayer leur huile en souriant mais perdit quelque peu sa bonne humeur en voyant la mine soucieuse de son amie.

- Qu'est-ce que tu ne me dis pas, Cat'..., comprit-il immédiatement.

- Tu as raison, ta grossesse commence bien plus difficilement que celle de Max. Je n'ai pas détecté de détresse fœtale, mais tu es bien plus fatigué que tu ne le devrait.

- A quoi tu penses, exactement ? S'enquit l'asiatique en posant une main sur son ventre pour protéger le bébé qu'il abritait.

- C'est son cœur, n'est-ce pas ? Réalisa tristement Ragnor en levant les yeux vers son épouse qui acquiesça péniblement.

- Tu es en bonne santé, Magnus, mais ton père a raison : avec ton traitement pour ton insuffisance cardiaque, tu es plus sujet à la fatigue. Une grossesse demande beaucoup d'énergie, mais étant donné qu'il s'agit d'un bébé sorcier, très certainement, ça t'en demandera encore plus...Avoir lié ta magie à ton âme a réduit ton centre et ça pourrait être dangereux. Je préfère te placer en grossesse à risque avec des périodes d'alitement et des examens plus réguliers. Avec un bon suivi, tout se passera bien, Magnus. Je fais ça justement pour éviter les complications.

- Je te fais confiance, lui assura le futur père avant de se rallonger confortablement dans son lit, ses yeux papillonnant déjà de fatigue.

Alec garda leurs mains jointes posées sur son ventre et Magnus s'endormit à peine quelques minutes plus tard. Il leur faudrait annoncer la bonne nouvelle à leur famille, mais pour l'heure l'Indonésien avait besoin de repos, comme chacun d'entre eux. Aussi finirent-ils leur nuit là, dans une chambre d'hôpital qui leur apparut cette fois non pas comme le symbole d'une catastrophe, mais comme celui d'un renouveau : le leur. 

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N'hésitez pas à donner votre avis, vos hypothèses. A bientôt...

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