🖤 Soirée cauchemardesque (2/2)
Je n'ai pas l'opportunité de riposter que Lucian me soulève sans ménagement, tel un fardeau, pour me conduire vers la sortie. Ma tête oscille, peinant à émettre des mots, et je ne m'oppose même pas, trop faible pour offrir la moindre résistance. Alors que nous nous frayons un chemin à travers la foule, je scrute la pièce, mais l'ombre de Jonas a disparu. L'ai-je imaginé, submergée par la trop forte dose d'alcool que j'ai ingérée ? Aucune certitude, mais à cet instant, une peur tenace s'installe en moi, la crainte de ne plus contempler la lumière du soleil.
Dehors, Lucian me dépose à l'arrière du véhicule avec une évidente brutalité, tandis qu'Alek fait de même avec Irina. Encore une nuit marquée par le thème des larmes, une perspective des plus passionnantes.
Alors que le trajet du retour était plus court que celui du départ, dans un silence pesant, Alek arrête la voiture. Chacune de nous est saisie par le bras et les garçons nous accompagnent jusqu'à l'étage. Avec Irina, nous échangeons un dernier regard avant que la porte ne se referme. Lucian me pose et me scrute comme s'il allait m'arracher le cœur.
— Tessa, cette fois-ci, je...
Il n'a pas le temps de terminer sa phrase que je régurgite tout l'alcool sur lui.
— Je... Désolée. Je... Je ne voulais pas, enfin pas sur toi, finalement peut-être que si, parce que tu le mérites, mais là, je n'ai pas fait exprès, je te le promets.
Je souris nerveusement, maintenant mon regard fixé dans le sien qui s'assombrit à chaque seconde. Lucian m'attrape par le bras pour m'emmener dans la salle de bain. Il m'ordonne de m'asseoir sur le rebord de la baignoire, et rapidement, retire ses vêtements souillés pour se retrouver en caleçon. Je soupire en plaçant la main sur mon menton et je l'observe comme une enfant. Même si ma vision est floue, la courbe de ses fesses reste bien distincte. Son corps, ses tatouages, ses muscles, cela faisait longtemps que je ne les avais pas vus, et cela m'avait manqué. Lucian a toujours eu ce côté sexy qui m'a sans cesse attirée. Perdue dans mes pensées, je ne réalise pas qu'il me parle, trop absorbée par sa silhouette.
— Tessa ! crie-t-il. Au lieu de te baver dessus, je vais t'aider à te déshabiller afin que tu puisses prendre un bon bain. Veux-tu me laisser le faire ou préfères-tu l'exécuter toi-même ?
— Tu peux même faire plus, murmuré-je.
— Pardon ?
D'un seul coup, je relève la tête, consciente de la portée de mes paroles. Je me redresse, puis me dénude pendant que Lucian tire le robinet pour emplir la baignoire. Progressivement, la pièce se remplit de vapeur, jusqu'à obscurcir le miroir. Il me tend alors le bras, m'invitant à m'immerger dans l'eau chaude.
— Tu vas me devoir un costard, souffle-t-il.
— Tu es riche, tu peux te le payer tout seul, rétorqué-je, lassée.
— Toi aussi, non ? Donc tu vas demander à papa sa carte.
— Va te faire voir, Lucian, j'espère que c'est clair pour toi, pauvre demeuré.
Il lève les yeux au ciel, puis retire la couche qui dissimule son intimité pour me rejoindre. D'un geste de la main, il me prie de me décaler, veillant à ce que son imposante stature s'immerge sans pour autant m'écraser. Une fois dans l'eau, Lucian me rapproche délicatement de lui, ses mains se posant sur ma taille, scellant ainsi la réunion de nos corps.
Dans ce moment d'intimité, Lucian s'empare d'une noisette de savon et la fait glisser sur mes bras avant de s'aventurer sur ma poitrine à découvert. Mes tétons réagissent involontairement, pointant sous l'effet du contact. Il reprend ensuite le shampoing et masse mon cuir chevelu. Une sensation étrange m'envahit, oscillant entre la détente et une pointe de désir. L'envie de me retourner et de l'embrasser langoureusement, de ressentir ses mains sur moi comme il l'a opéré pendant des semaines, traverse mon esprit. Mais la complexité de notre situation actuelle ne permet pas d'aller au-delà de ces gestes.
Deux heures ont passé, et maintenant, en pyjama, je suis étendue sur le lit à côté d'Irina. L'alcool ne fait plus effet sur notre humeur, et tout le bonheur que j'avais réussi à attraper s'évapore progressivement, laissant mon cœur dans un état de tristesse. Après le bain, Lucian n'a pas échangé un mot avec moi, se contentant de me revêtir avant de quitter la pièce. Il est probablement parti dormir chez Andréa. Le silence et le manque de communication m'ont plongée dans un cauchemar où je suis impuissante à deviner ses pensées.
Je reste inefficace face à son comportement, incapable de comprendre les raisons qui motivent ses actions. La souffrance m'envahit, et chaque matin, je me lève avec une boule au ventre. L'attente devient une épreuve insoutenable. Je souhaite que tout cela prenne fin. La douleur est trop lourde à porter. Même en m'efforçant de chasser sa présence de ma tête, c'est une tâche titanesque. Alors que des larmes discrètes coulent sur mon visage, Irina se redresse.
— Qu'est-ce qui ne va pas, Tessa ?
— Malgré tout ce qui s'est passé, j'aimerais tellement apaiser les choses et pouvoir recommencer à zéro.
D'un seul coup, mon amie se lève du matelas et se dirige vers la porte.
— Où te rends-tu de ce pas ? interrogé-je, intriguée.
— On s'est amusé, malgré nos conneries, mais il est temps de réparer les bêtises. Il y a une chose que j'aurais dû réaliser, quand j'en ai eu l'occasion. Je te demande juste d'avoir confiance en moi, Tessa.
Silencieuse, j'acquiesce d'un signe de tête. Je n'ai pas encore compris ses intentions, mais j'espère qu'il s'agit d'un évènement sans aucun doute positif. Pour me réchauffer, je prends une profonde inspiration avant de me glisser sous la couette. Je repositionne confortablement l'oreiller, et y engouffre mon visage afin de pouvoir trouver du repos, soulager ces blessures invisibles qui ont marqué cette journée particulièrement difficile, comme toutes les autres.
Je me suis trop longtemps dissimulée derrière un masque d'émotions, mais j'ai désormais le désir que tout s'apaise. Vivre dans la souffrance devient insupportable. Si ma mère était là, elle aurait pu arrêter mes sanglots, mais Tobias, malgré ses efforts, ne peut comprendre la situation comme elle l'aurait fait. La douleur est partout, elle imprègne chacune de mes fibres.
Après d'interminables minutes, la porte s'ouvre et se referme. Mes paupières se scellent immédiatement lorsque l'odeur envoûtante de son parfum boisé titille mes narines. Lucian est présent et le mystère de sa venue reste en suspens. Les craquements du parquet résonnent sous le poids de son corps, et le matelas s'affaisse lorsqu'il se pose dessus.
— Je ne sais pas par où je pourrais commencer, en fait. Je suis conscient que ces derniers temps ont été difficiles pour toi, et je ne veux pas que tu sois triste, voire malheureuse. Ce que je t'ai dit tout à l'heure, je le pensais sincèrement. Tes larmes ne devraient pas couler pour des connards comme moi. Nous ne les méritons pas.
Il marque une légère pause.
— Je reconnais que je t'ai fait souffrir ces précédentes semaines avec mes paroles dégueulasses. Mes émotions m'ont échappé. J'ai beau réaliser des efforts, je n'arrive pas à les contrôler. Mon passé m'a laissé vidé de l'intérieur ; la seule chose qui m'aide à guérir est de transmettre ma douleur à d'autres.
Lucian souffle.
— Tessa, je sais que tu fais semblant de dormir. Je te connais parfaitement bien.
— Si je t'adresse la parole, je sais pertinemment que je vais encore être cassée à nouveau et, pour être honnête, je n'ai plus envie.
Je peux sentir son mouvement alors qu'il se lève, puis d'un seul coup, la couette disparaît, jetée à l'autre bout de la pièce par ses mains. Ses iris gris me dévisagent intensément, comme s'il allait me dévorer. Je ravale difficilement ma salive, puis me redresse pour lui faire face.
— J'ai besoin de parler avec toi, Tessa. Je veux briser cette glace entre nous.
— Pendant des semaines, j'ai tenté de surmonter cette barrière, souhaitant dialoguer avec toi, mais tu m'as repoussée, m'humiliant devant tous. Comment puis-je espérer survivre à cette épreuve ? Mes efforts pour rester forte, pour démontrer l'insensibilité de tes mots, se révèlent vains. Chaque jour, je rassemble les miettes éparpillées de mon cœur, cherchant à le reconstituer.
— Tessa...
— Lucian, je t'ai aimé sincèrement. Tu étais celui que j'avais choisi pour l'éternité. Crois-tu que j'aurais délibérément causé la perte de notre enfant ? Ne comprends-tu pas que je me tourmente déjà assez ? Tu as prononcé des paroles atroces, évoquant ma propre mort. Comment peux-tu articuler de pareilles horreurs ? Ton intention était de m'anéantir, et tu as réussi.
Mes larmes s'écoulent librement, irrépressibles. Je serre mes poings si fort que mes jointures deviennent blanches, et je contracte tellement la mâchoire que j'ai l'impression que mes dents pourraient se briser. Une sensation de vide m'envahit, une fatigue profonde face à la lutte incessante contre quelque chose d'invisible. C'est comme si mon corps abandonnait après tant d'années à affronter ses propres démons.
— Ta présence aux côtés d'Andréa m'indigne et t'imaginer partager ton intimité avec elle donne la nausée, parce que moi, je ne trouverais jamais la force de passer à autre chose. Mon amour pour toi transcende la complexité de notre situation actuelle, Lucian. Une partie de moi te voue une haine, tandis que l'autre t'aime d'une intensité que tu ne saurais concevoir. Et c'est là que le dilemme m'affaiblit. Je m'en veux, je me déteste de ressentir des sentiments pour quelqu'un comme toi.
— S'il te plait, Tessa...
— Non ! hurlé-je. Ce n'est pas aussi facile que ça ! Tu ne peux pas revenir après tout le mal que tu m'as infligé. Tu m'as détruite de l'intérieur. La simple idée de continuer à vivre me paraît insurmontable. Ma tristesse est si accablante que par moments, je souhaite rejoindre ma mère. Et tout cela, c'est de ta faute.
— Et toi ? Tu m'as trahie, alors ne rejette pas tout sur moi, Tessa, car ça ne fonctionne pas ainsi !
Une main posée sur ma poitrine, j'ai l'impression que je vais mourir. Mes jambes menacent de s'effondrer à tout instant. Je ne parviens même plus à tenir debout. La respiration devient difficile, ma vision se trouble, submergée par la douleur qui irradie mes pommettes.
— Mais bon sang, quitte cet endroit ! m'écrié-je. Si tu avais seulement ressenti le quart de ce que j'ai enduré, peut-être comprendrais-tu. Mais apparemment, tu ne changeras jamais.
— Que connais-tu de mon vécu ? fulmine-t-il. Chaque jour, je me réveille avec ses mains dégueulasses qui se posent sur moi, avec l'odeur de son alcool sur mon corps. Alors oui, Tessa, je sais ce que tu as éprouvé. Mais jamais je ne t'aurais fait ça, parce que tu étais celle que je voulais épouser. Tu étais mon monde.
Les yeux écarquillés, une sensation étrange m'enveloppe. Suite à cette révélation, mes émotions s'entremêlent. Les paroles prononcées font résonner en moi une multitude d'éclairs, qui évoquent un passé douloureux et des cicatrices encore sensibles. La colère de Lucian est palpable, émanant de chaque syllabe fulminée.
— Que souhaites-tu que je te dise ? sangloté-je. Que moi aussi, je t'aime de tout mon cœur, et que j'adorerais réparer les dégâts en remontant ensemble les morceaux. Ton corps me manque terriblement, tes caresses sur ma peau me manquent, tes mots doux, toi tout entier.
— Je voulais simplement te dire que te voir malheureuse me fend le cœur, Tessa, et que je t'ordonne de ne plus pleurer pour un mec comme moi.
Alors que Lucian s'avance vers la porte pour partir, je m'approche de lui et lui empoigne le bras.
— Je t'en prie, reste avec moi. Accorde-moi au moins cela. Ne m'abandonne pas, tu me l'avais promis.
Le visage bouffi, le regard empreint de tristesse, je l'implore une nouvelle fois silencieusement. Je ne veux pas être seule, je ne peux pas l'être. J'ai besoin de lui, de sa présence, car là, mes démons reviennent me hanter. Lucian hoche la tête, ramasse le duvet, puis d'un geste de la main m'indique de m'installer. Je soupire profondément et m'étends, tandis qu'il place la couette et s'allonge près de moi.
— Bonne nuit, petite brebis.
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