🖤 Le monstre ne meurt jamais - LUCIAN

Assis sur le rebord du lit, mes doigts caressent ses longs cheveux blonds qui encadrent son visage. Les joues marquées par les larmes qu'elle a versées à cause de son ex, reflètent la douleur qu'elle tente de dissimuler. Après cette rencontre éprouvante, Tessa a pris la décision de rentrer, cherchant simplement un répit. Ignorant le repas que j'avais commandé, elle s'est repliée dans les draps pour enfouir sa peine, et cette passivité m'est plus difficile à supporter qu'une déclaration de guerre. Je ne peux tolérer de la voir souffrir davantage, et l'absence de son sourire m'est devenu atroce. Je lui dépose un baiser sur le front avant de me diriger vers la salle de bain. Les mains installées avec fermeté sur le rebord de l'évier, je contemple mon reflet.

Je me replonge dans le souvenir mémorable où Eileen soufflait les bougies de son quatrième anniversaire. Nous nous amusions, éclatant les ballons pour susciter les cris des parents. Bien que ma sœur ait invité des amis, personne n'était venu. Elle se sentait rejetée, ainsi je l'ai prise sur mes genoux et l'ai serrée si fort, lui assurant que je serais toujours là pour elle, à toute heure.

Tout au long de la journée, nous avons partagé des confiseries et sauté sur le trampoline. Elle me promettait souvent qu'un jour elle toucherait les étoiles pour m'en décrocher une. Nous riions aux éclats, mais alors que nous passions un moment agréable, des hurlements ont retenti dans toute la maison. J'ai demandé à ma sœur de rester dans le jardin le temps que j'aille voir, et avec stupéfaction, j'ai découvert ma mère au sol, les bras sur le visage afin de se protéger des coups infligés par mon père. Du sang maculait le carrelage blanc, et entre ses mains, il brandissait une batte de baseball.

Mon regard s'est transformé en une vision atroce, comme si le démon en moi se libérait après avoir été emprisonné dans une cage épineuse. Prêt à lui arracher la carotide, Eileen est arrivée en pleurs. Elle a serré mes doigts d'une manière inoubliable. M'accroupissant à sa hauteur, j'ai dissimulé son visage dans mon torse pour qu'elle ne voie pas le mal qui régnait dans cette maison.

Mon père a décidé d'emmener notre mère à l'hôpital. Pendant plus de trois heures, nous avons patienté dans la salle d'attente. Avec Eileen, nous avons joué à cache-cache et au chat et à la souris pour nous divertir. Miraculeusement, elle avait oublié cette scène, comme si j'avais retrouvé le sourire qui lui manquait. Je me souviens de son "je t'aime, grand frère" et de son odeur fruitée. C'était la dernière fois que je contemplais son doux visage, car ensuite, elle a disparu pour laisser mon âme arrachée.

Je suis persuadé que ma sœur aurait adoré rencontrer Tessa, je suis même certain qu'elles seraient devenues amies, mais cet espoir n'est qu'un mirage au beau milieu de mes cauchemars. La seule lueur positive réside dans le fait que le cœur d'Eileen continue de battre dans celle que j'aime par-dessus tout, et je sais qu'elle est présente, observant le connard que je suis. Elle doit sans doute me haïr, mais si je n'ai pas tenu ma promesse envers elle, je dois le faire avec Tessa. Plus personne ne saisira son bonheur, et je veillerai personnellement à cela. Je souffle profondément, jette un dernier coup d'œil à cette jolie blonde, puis ferme la porte en douceur.

Les rues sombres s'étendent devant moi de la même manière que le territoire d'une chasse nocturne. Je m'installe derrière le volant, laissant le cuir du siège accueillir mon corps. Le moteur ronronne tel un lion prêt à rugir. La bande originale de "Requiem for a Dream" émane des haut-parleurs, mes doigts, agiles comme des croupiers de casino, tapent le rythme de la mélodie, une préparation mentale pour l'opération qui se profile.

Klemens m'a livré le précieux sésame, l'adresse du traître. Ce fils de pute n'aura pas de rédemption. Les affaires se règlent dans l'obscurité, et cette nuit ne fera pas exception. Mon auto roule dans le noir, une ombre parmi d'autres.

Après une bonne demi-heure de route, je coupe le moteur devant cette vieille maison délabrée. Le jardin est à l'abandon, avec des détritus et des merdes canines éparpillés sur l'herbe négligée. Je sors de la voiture en jetant ma cigarette, et chaque articulation craque légèrement sous la pression, une préparation silencieuse pour ce qui va suivre. La mâchoire serrée, le visage impassible, je respire une grosse bouffée d'air frais avant de m'avancer. Le dilemme de la politesse ou de la brutalité traverse mon esprit, mais la décision se prend d'elle-même. D'un coup de pied, j'enfonce la porte en bois vieilli.

La cuisine, en entrant, révèle un spectacle de négligence. Des boîtes de pizza à moitié dévorées jonchent le sol, des cannettes de bière éparpillées, et une odeur de vomi flotte. Je m'empare d'un couteau du plan de travail que je glisse dans ma poche avant de me diriger vers l'étage. Les escaliers gémissent sous mon poids, mais je poursuis ma montée sans faire attention au bruit. Les pièces sont en désordre, le papier peint déchiré témoigne d'un abandon. Le couloir délabré et la veste de prix détonante qu'il portait créent un étrange contraste.

— Qu'est-ce qui se passe ? hurle-t-il. Si c'est toi, Mike, je vais te rembourser. Faut juste que je trouve la thune.

— Rembourser n'est pas vraiment la priorité maintenant, mon pote.

D'un coup sec, j'explose la porte. Ses yeux s'écarquillent violemment à ma soudaine apparition. Il porte un caleçon troué qui semble avoir été hérité de son grand-père, et un vieux t-shirt déchiré. Son corps frêle commence à trembler comme une feuille au vent. La trace blanche sur son nez ne laisse aucun doute sur ses addictions.

Tessa, ma petite brebis égarée, tu as dû te perdre dans les ténèbres pour tomber amoureuse de ce genre de mecs.

Dylan, paniqué, essaie de fuir en sautant par-dessus une table au centre de la pièce. Mais bien sûr, il rate son coup et s'étale lamentablement à mes pieds. Sa tête se relève légèrement, et son regard croise le mien, une lueur de terreur mêlée à un désespoir pathétique.

— Je t'avais prévenu que nous nous reverrions bientôt, souris-je.

— Putain, mais t'es qui ? s'écrit-il.

— Ton pire cauchemar, tu n'as même pas idée.

Sans même prendre le temps de réfléchir, ma chaussure s'abat violemment sur son visage, encore et encore. La rage s'empare de moi, comme si j'étais animé par les enfers eux-mêmes. L'unique chose que je vois à présent, ce sont ses mains dégueulasses qui ont abîmé l'innocence de Tessa, son parfum qui s'accrochait à ses larmes alors qu'elle était toute seule, sans personne pour lui porter secours.

— Il me l'a demandé ! crie-t-il. Je te le jure !

Je lui agrippe le t-shirt, le soulève pour le plaquer contre le mur. La fureur coule dans mes veines, et chaque battement de son cœur résonne comme un compte à rebours vers sa fin. Il va regretter chaque coup, chaque insulte, et lorsqu'il crèvera, Dylan se rappellera de mon visage.

— Pendant trois ans, il m'a fait des virements tous les mois. Je devais frapper Tessa et lui rendre la vie impossible pour qu'elle retourne en Allemagne !

— De quoi tu parles ? fulminé-je.

— Un jour, un mec est venu m'accoster dans un bar avec une enveloppe remplie de pognon, sanglote-t-il. Il m'a stipulé qu'il me ferait la même somme chaque mois si je brisais Tessa. Au début, j'ai dit non, car je l'aimais vraiment, mais il a menacé de dire à ma famille que je traînais dans des bars gay, que je me droguais. Alors, je n'ai pas eu le choix, je te le jure.

Les révélations glaçantes tombent comme des poids lourds dans l'atmosphère. La vérité émerge, déchirant les voiles des mensonges et des manipulations. La situation est encore plus sombre que je ne l'avais imaginé. Mes doigts se resserrent sur son vêtement. Mon cœur bat la chamade, tandis que des sueurs froides s'imprègnent en moi.

— Il ressemblait à quoi ! lui ordonné-je.

— Blond, grand, des yeux bleus terrifiants, mais surtout pleins de tatouages couvraient son corps. C'est tout ce que je sais, il ne m'a jamais dit comment il s'appelait, pleure-t-il.

D'un seul coup, mes pensées encombrent ma tête. Je ferme les paupières quelques instants, et rapidement le rapprochement s'opère. Jonas... Ce fils de pute a tout orchestré depuis le début. Il le savait, connaissait où elle habitait, était au courant de tous les détails de sa vie. Il l'a épiée pour mieux le fracasser. Il ne l'a jamais perdue de vue, au contraire. Tessa était sa chose, son jouet dans lequel il s'amusait. Il lui a fait croire qu'elle était en liberté, mais pas du tout. Et au moment où elle a été le plus brisée par la mort de sa mère, il a fait appel à ces putains de faux agents.

— Je te promets que je ne l'ai jamais touchée sexuellement. Il m'avait ordonné de ne rien foutre, car Tessa lui appartenait, son corps était sa propriété, je te le jure sur ce que j'ai de plus cher ! hurle-t-il.

Petite brebis, je suis désolé, mais le monstre que tu redoutais tant vient de se réveiller, et la marche arrière n'est plus possible.

Mon genou s'abat violemment dans ses couilles. Ses gémissements résonnent, mais au lieu d'apaiser la situation, cela intensifie la haine qui s'accroche à moi telle une sangsue en manque de sang. Je le frappe sans relâche, alors qu'il s'est écroulé au sol. Ses hurlements sonnent comme une chanson tragique de son destin, tandis que je continue dans mon élan.

Je n'y vois rien, juste le visage de Tessa, l'air effacé du monde. La vengeance pulse dans mes veines, et chaque coup que je lui inflige est un nettoyage brutal pour tout le mal qu'il a causé. Les pulsations de mon cœur sont la bande-son de sa propre destruction.

— T'as vraiment joué au con en t'attaquant à une femme, mais surtout à la mienne, craché-je avec mépris. Quel genre de lâche faut-il être pour ne pas avoir le cran d'affronter un homme ? Je vais mettre fin à tes souffrances, mais n'oublie pas, on se retrouvera en enfer.

Je sors le couteau que j'avais discrètement glissé dans ma poche, l'exhibe à sa hauteur et sans la moindre hésitation, je lui tranche la carotide. Son sang s'écoule en abondance sur ma peau et mes vêtements, mais je reste là quelques minutes, observant froidement son agonie. Dylan tente d'arrêter l'hémorragie en appuyant ses mains sur sa gorge, mais d'un geste sec, je l'en empêche, savourant la scène avec satisfaction.

— Repose en paix, enfoiré, car même après la mort, j'en ai pas fini avec toi.

Les ténèbres de la vengeance se déploient autour de moi, tandis que je laisse Dylan succomber à l'obscurité qu'il a lui-même déclenchée.

***

Alors que le soleil commence à se lever, devant l'évier de la salle de bain, torse nu, j'essaie d'enlever les traces de sang séché, mais celui-ci s'avère plutôt coriace. Ma mâchoire se crispe tandis que ma peau prend la même teinte que mon être. Un soupir de frustration s'échappe de mes lèvres, mais subitement, sa voix me fait tout arrêter.

— Lucian, es-tu blessé ? s'affole Tessa.

Elle s'approche pour chercher des signes de lésion. Rapidement, elle réalise que ce n'est pas le mien que j'efforce d'effacer, mais celui d'un autre. Ses yeux s'écarquillent d'horreur, et ses mains se referment lentement.

— Dis-moi que tu n'as pas fait ça, je t'en prie.

Je ne réponds pas, me tournant face à l'évier, essayant de nettoyer les dernières taches qui maculent ma peau.

— Putain, mais dis-le-moi ! hurle-t-elle.

Je respire calmement, me forçant à penser à autre chose, mais son petit gabarit se positionne sur moi. Ses bras frappent sans relâche les miens dans l'espoir que je réagisse. Je tente de l'ignorer, de faire abstraction de ses cris, mais c'est trop.

— Tessa !

Je lui saisis les épaules fermement pour la plaquer contre le mur. Ses yeux bleus expriment la peur et la frayeur. Mon visage demeure impassible, tâchant de maîtriser la voix dans ma tête qui implore de tout lui révéler. Cependant, je m'abstiens, conscient que la briser davantage serait contreproductif. Après quelques minutes, je la relâche et me dirige vers la petite table où repose mon paquet de clopes.

— Non, tu ne peux pas fuir continuellement ! s'écrie-t-elle. Je t'avais dit de ne pas le tuer, et toi, tu t'es glissé en douce de la chambre pour aller assouvir tes foutues pensées meurtrières. Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez toi ?

Affalé dans le canapé, elle me bouscule pour susciter une réaction. Une légère grimace traverse mon visage avant que je me redresse pour lui faire face.

— Ne dépasse pas les limites, Tessa, exigé-je en haussant le ton.

— Quand comprendras-tu que tu ne peux pas régler tous les problèmes en abattant ceux qui nous ont fait du mal ? La vie ne fonctionne pas ainsi !

— Si tu n'es pas contente, tu peux toujours rester ici, fulminé-je.

— T'es vraiment un sacré con, s'énerve-t-elle. Tu me baises et là, tu as l'audace de me demander ça ? Quel genre d'individu abject es-tu ? Je peine à te discerner, malgré mes efforts. Un jour, tu te montres sous un jour bienveillant, et le lendemain, tu te transformes en une personne épouvantable.

La tension monte d'un cran et m'est difficile à contenir. Le corps tremblant, elle baisse les yeux, luttant contre les larmes qui menacent de trahir sa vulnérabilité. Un silence douloureux s'installe, seulement rompu par le crépitement du tabac qui se consume.

— Ce n'est pas ce que j'ai voulu insinuer, répondis-je. Tu sais à quel point tu comptes pour moi, mais ce fils de pute l'a amplement mérité. Si l'occasion se présentait à nouveau, je prendrais la même décision sans hésiter, compte tenu du mal qu'il t'a fait endurer. Des monstres tels que lui ne méritent pas de partager le même air que toi.

— Mais, Lucian, tu en es également un, et visiblement, je n'arriverai jamais à te faire changer. Ta nature est bien trop sombre pour mes maigres épaules.

— Discuter avec toi ne sert à rien, tu comprendras jamais, donc arrête de me casser les couilles, m'emporté-je.

Je broie mon mégot avec colère, me levant brusquement pour m'éloigner et éviter de perdre le contrôle. Les dents serrées, les poings fermés, la haine m'envahit. Malgré mes tentatives de chasser tout ce carnage en secouant la tête, la voix de Tessa persiste à résonner. Je saisis alors l'opportunité de m'isoler dans la salle de bain. Sans réfléchir, je bascule tout ce qui se trouve sur l'évier. Un hurlement s'échappe de ma gorge. Moi qui voulais éviter une dispute, je me suis bien foutu le doigt dans l'œil. Si nous étions chez nous, j'aurais opté pour frapper le sac de boxe afin de libérer ma rage, mais ici, je suis contraint de me maîtriser.

Sous le jet, je laisse l'eau emporter avec lui une part de ma frustration. Mon esprit tourne à la recherche d'une solution pour apaiser les tensions, mais face à la cruelle réalité de l'amour qui semble me narguer, je reste désemparé. Je soupire tandis que je quitte la douche, et m'enveloppe dans une serviette.

— Dis-moi que c'est une pure invention, Lucian. Je t'en prie.

Mon portable entre ses mains, je réalise rapidement qu'elle a lu le message envoyé à Klemens, où je lui stipulais que c'était Jonas qui avait tout manigancé et qu'il fallait redoubler de vigilance pour la protéger. Elle se redresse du canapé, le visage humide de larmes et les joues rougies par la tristesse qu'elle traverse. Je n'avais pas l'intention de lui avouer, je voulais éviter cette situation pour qu'elle ne s'inquiète pas, mais Tessa est bien trop perspicace, et je n'ai pas pensé à effacer la conversation.

— Je n'ai jamais suscité la moindre animosité de sa part, sanglote-t-elle. Mon amour pour lui était sincère, profond, mais son âme s'est obscurcie, et je n'ai rien pu faire pour l'en empêcher. J'espérais pouvoir faire face à cette épreuve, mais je me découvre sans force, sans courage.

— Tessa...

— Pourquoi Jonas souhaite-t-il anéantir ma vie ? Qu'ai-je fait pour mériter cela, sinon l'aimer comme une petite sœur ? Je suis dévastée, plongée dans un vide absolu. Une sensation que personne ne semble capable de conjurer, un enfer qui guette, prêt à me consumer.

Elle pleure davantage, mettant mes émotions à rude épreuve. L'envie de m'emparer de sa douleur, d'effacer son désespoir me dévore, mais je sais que c'est au-delà de mes facultés. D'un pas déterminé, je m'approche d'elle, la prends par la taille et la serre de toutes mes forces, voulant lui assurer que je ne la laisserai jamais tomber, que je serai là pour la repêcher des flammes voraces. Ses mains se referment violemment sur mon dos, comme si elle cherchait à anéantir sa peine. Les échos de son chagrin résonnent en moi, comme des canons lors d'une guerre intérieure.

— Prépare-toi, nous rentrons chez nous. Je vais le retrouver et mettre un terme à sa vie, je te le promets, petite brebis.

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