🖤Flashback - LUCIAN

🚨 Chapitre pouvant heurter la sensibilité des âmes sensibles  🚨


Seize ans plus tôt...

Allongé sur mon lit, clope au bec, je scrute le plafond avec une intensité qui semble défier le temps. Midi sonne, mais l'idée de descendre, de me confronter à sa tronche me répugne. Les hurlements incessants, du matin au soir, m'ont lassé. Je préfère rester dans ma bulle à faire des ronds de fumée en rêvant du jour béni où je pourrai enfin larguer cette existence de merde. Pour l'instant, je dois me contenter de cette vie pourrie qui me colle à la peau.

Après de longues minutes à méditer sur mes pensées, je me redresse et me dirige nonchalant vers l'armoire. À travers les fringues entassées, je déniche la bouteille de whisky dissimulée. Un sourire en coin, je m'installe sur le rebord de la fenêtre grande ouverte. Le ciel, gris et menaçant, libère ses larmes en grosses gouttes. Des nuages sombres dessinent des formes obscures. Le vent souffle avec une telle intensité que la plupart des gens pressés courent se réfugier à l'intérieur de bâtiments solides. Je secoue la tête, puis porte la bouteille à mes lèvres.

La plupart de mes journées se récapitulent à errer entre ces murs fades, depuis que le lycée a fermé ses portes à ma présence, renvoyé pour des accès de violence que je ne regrette pas. Ma mère, conne comme elle est, a gobé l'histoire que lui a vendue son soi-disant mari. Dans dix jours, je m'envolerai vers un établissement de redressement, une nouvelle étape dans cette descente aux enfers orchestrée par celui qui prétend être mon père. Pour l'instant, je me contente de ma solitude, de ma bouteille, et de cette vue pluvieuse qui résume si bien mon état.

— Tu n'en as pas marre de me casser les couilles, Lucian ? hurle-t-il.

Je tourne lentement la tête pour l'observer de haut en bas. Patrick, qui a une bedaine dépassant de son T-shirt couvert de taches de nourriture et porte des miettes collées au coin de la bouche, me regarde comme si j'étais un déchet.

— Tu es aussi mal éduqué pour ne pas frapper ? craché-je.

— Espèce de petite merde que tu es. J'aurais dû dire à ta mère d'avorter.

— Ouais, tu aurais dû dire ça à la tienne, parce que vu le spécimen que tu es, je te plains, répliqué-je en levant les yeux au ciel.

À peine le regard tourné vers la fenêtre, une pression violente saisit mon crâne. Aucun gémissement de souffrance n'a le temps de franchir mes lèvres avant que Patrick ne me traîne par la tignasse le long du couloir. La petite pièce où, depuis trois ans, je suis devenu son bouc émissaire m'attend. Un poing s'abat sur ma gueule, suivi de coups dans les côtes. Désorienté, mon crâne vacille, la vue se brouille. Mes tentatives de redressement demeurent vaines ; Patrick me force à m'asseoir et m'attache aux accoudoirs avec des sangles préalablement placées là.

Je secoue légèrement la tête, puis crispe la mâchoire. Ici, c'est le noir absolu, une seule bougie, posée sur la table, éclaire la pièce, où sommeillent tous les outils de son sadisme. La fenêtre est barricadée, aucune issue possible. Il a pris soin d'insonoriser les lieux dans le but de condamner ma douleur à l'enfermement. Au début, je criais et je suppliais qu'il ne me fasse pas de mal, car un père est censé protéger son fils. Mais avec le temps, la terreur a cédé la place à la colère et à la rage.

Quant à ma mère, je ne sais pas si je peux la qualifier de vulnérable ou de femme stupide. Elle aussi encaisse les coups depuis belle lurette. Malgré ses tentatives pour dissimuler les marques avec du maquillage, ses hurlements me parviennent chaque soir comme un écho. Mais j'admets toutefois qu'il n'existe aucun lien entre nous. Surtout après ce qu'elle a effectué : qui laisserait son mari brutaliser son enfant et rester silencieux ou l'encourager pendant que cela se produit ? Elle. Gizele a toujours assisté à mes tortures, n'a jamais levé le petit doigt, car selon elle « l'amour la rendait aveugle. » Mon cul, ouais. Elle n'aurait jamais dû arriver à terme de sa grossesse. J'aurais préféré qu'elle me bute avant même que je n'aperçoive la lumière du jour.

— Comment j'ai pu créer un garçon comme toi ! hurle-t-il.

— En baisant ma mère, je ne vois pas d'autre idée.

En un battement de cils, trois gifles cinglantes s'abattent sur mes joues, chacune plus brutale que la précédente. Les dents serrées, je le fixe sans jamais détourner le regard. S'il pense qu'il peut me faire mal, il se trompe. J'ai appris à accepter les coups, mon corps s'est forgé une carapace que Patrick ne peut briser. À l'intérieur, l'enfant joyeux qui courait dans l'herbe en chassant les papillons a disparu, laissant place au cauchemar de ses nuits.

Il passe une main dans ses cheveux, se dirige vers l'armoire et en extirpe une bouteille de vodka qu'il avale d'un trait. Les éclats de son rire m'atteignent, alimentant ma colère. J'aimerais pouvoir l'étrangler, l'empêcher de respirer le même air que moi, le voir s'éteindre loin de ce monde. Il ne mérite pas de vivre. Mes poings se serrent, mes ongles s'enfoncent dans ma peau tandis qu'il se penche vers moi, plongeant ses yeux marron dans les miens.

— Tu sais, si tu te comportais en bon fils, je n'aurais pas à t'infliger cela. Mais non ! Lucian, tu veux jouer les durs. Tu sais très bien que tu ne me bats pas sur ce terrain.

— Va te faire foutre !

Alors qu'un sourire malsain étire ses lèvres gonflées et fissurées, il se dirige vers la table en bois. Après quelques secondes de recherche, Patrick s'approche de moi, une seringue à la main. Il s'accroupit à ma hauteur, puis, avec lenteur, caresse mon visage de ses doigts dégueulasses.

— C'est dommage pour toi, parce que tant que tu ne comprendras pas, je continuerai. En attendant, j'espère que tu apprécieras, mais tu as l'habitude, fiston, rit-il.

D'un geste sec, il enfonce l'aiguille dans ma cuisse dénudée. Je ressens le liquide parcourir son chemin. Immédiatement, une sensation de malaise m'envahit. Mes paupières deviennent lourdes et je perds la capacité de bouger. Patrick défait mes liens puis m'étend au sol. Le visage collé contre le carrelage froid, j'ai une vue directe sur l'entrée, et une silhouette se profile aussitôt : celle de ma mère. Je tâche de la contacter silencieusement du regard, mais elle ne réagit pas. Sa bouche semble scellée, comme si elle avait été cousue. Dans une tentative désespérée, je m'efforce de ramper, mais le liquide a fait effet, je suis tétanisé. Une fois de plus, je vais devoir endurer, devoir demeurer fort face à l'horreur qui m'attend.

Je ressens ses mains enlever mon caleçon. J'essaie de parler, mais mes mots restent pris au piège. Le froid me pénètre, mon cœur bat la chamade dans ma poitrine, mais paralysé, je suis un simple spectateur de ma propre tragédie. Alors qu'il s'insinue à l'intérieur de mon corps pour s'amuser comme il en a l'habitude depuis des années, mes yeux fixent Gisele, toujours présente, mais immobile. Je pensais qu'elle m'aimait, que je pouvais compter sur elle, mais une fois de plus, mes espoirs se révèlent être des illusions. Après de longues minutes, Patrick finit par se retirer. J'entends le bruit de sa fermeture éclair au moment où il remet son jean.

— Lorsque tu auras retrouvé l'usage de tes jambes, prépare ta bouche, si tu vois où je veux en venir, conclut-il.

***

Deux heures se sont écoulées depuis les horreurs infligées par mon père. Étendu sur le lit, les souffrances sont insupportables maintenant que l'effet du liquide s'est estompé. Bouger est une épreuve, et par moments, je saigne. Même si je refuse de le montrer, cette putain de douleur me paralyse. J'essaie de trouver une position confortable, mais rien ne soulage mon tourment. En soufflant profondément, je me redresse tant bien que mal pour attraper mon whisky. Toutefois, la porte s'ouvre et se referme immédiatement.

— Je suis désolée, Lucian, sanglote Gizele.

Je ricane avant de porter la bouteille à mes lèvres. Le liquide chaud apaise ma gorge, et pour un court moment, une lueur de bonheur se reflète dans mes yeux.

— Je t'en prie, parle-moi, supplie-t-elle.

— Te dire quoi ? m'énervé-je. Depuis des années ton mari abuse de moi, me frappe et toi, mauvaise mère que tu es, tu contemples la descente aux enfers de ton fils. Épargne-moi tes excuses et va lui sucer la bite comme tu sais si bien le faire.

— Ce n'est pas ce que tu crois, je te le jure !

— Arrête ! hurlé-je. Depuis la mort d'Eileen, je ne représente plus rien à tes yeux. Tu m'as effacé, tu m'as abandonné. Comment peux-tu te regarder dans un miroir, hein ?

La seule chose qu'elle parvient à réaliser, c'est de laisser échapper toutes les larmes de son corps. Autrefois, j'aurais accouru vers elle, pour la prendre dans mes bras, pour lui assurer que tout irait bien. Mais à présent, l'idée qui me vient à l'esprit est de lui cracher dessus, de la détruire.

— Je t'aime, mon fils, jamais je ne souhaiterais te faire souffrir.

— Je te conseille d'aller dormir, Gisele, je ne veux plus voir ta sale tronche ici.

Je lui attrape la main et la chasse de la chambre. J'adorerais pouvoir les effacer de ma vie, diminuer cette haine qui s'empare de moi. D'un geste brusque, je renverse tout sur mon bureau, je jette tous mes vêtements, je déchire tous les dessins que j'avais réalisés. Je ne supporte plus de résider ici. J'aimerais me libérer de cette emprise, ne plus jamais revoir leur visage. Soudain, un cri poignant s'échappe de mes lèvres alors que je m'effondre, martelant le sol à plusieurs reprises. Non, il faut que j'en finisse. Je refuse d'être le jouet sexuel de mon père, de demeurer la tragédie de ma mère.

Je ferme les yeux quelques instants, prenant une profonde inspiration. Les souvenirs du visage de ma petite sœur ressurgissent, elle qui apportait tant de bonheur dans ma vie. L'image de moi qui lui ai donné un baiser après sa chute en vélo me revient en mémoire, ainsi que les minuscules gouttes perlant sur ses joues, délicates et belles. Je lui avais promis de la protéger, mais j'ai échoué. J'aurais tant aimé qu'elle soit encore là, qu'elle panse la douleur qui déchire mon cœur, mais je l'ai perdue. Après un léger secouement de tête, résolu, je me dirige vers le salon où mon père m'attend.

— Te voilà enfin, sourit-il. Tu peux commencer, je l'ai nettoyée exprès.

Patrick est assis sur le canapé, devant la télévision, absorbé par son match de baseball. Une bière à la main, comme à son habitude, je peux l'entendre marmonner dans sa barbe. Le visage est fermé, les poings crispés, je m'approche à sa hauteur. La nécessité de m'échapper, de fuir devient impérative.

Tandis qu'il pose sa paume sur ma tête, je déboutonne son jean et prends son sexe entre mes doigts. Une nausée m'envahit, mais je me retiens de ne pas lui vomir dessus. Personne ne peut m'aider, car ce fils de pute est un policier, et porter plainte ne mènerait à rien. Il a toujours eu le pouvoir, et il le conservera systématiquement. La seule manière de le stopper, c'est qu'il périsse comme les enfoirés de son genre.

Pendant que je commence mes mouvements, je ne réfléchis plus, mon corps ne m'obéit plus. Ma mâchoire se serre tandis que ses cris résonnent dans la pièce, mais je ne m'arrête pas, bien au contraire. Avec violence, j'enfonce mes dents, puis arrache un morceau que je jette plus loin. Le sang jaillit, m'éclaboussant de toutes parts.

Je me relève immédiatement et, d'un seul coup, je le frappe sans relâche. Mes coups se font plus brutaux sur son visage et toutes mes rancœurs sont alors libérées. Je le déteste, je le hais, et il mérite de crever. Pendant plusieurs minutes, je le défonce, ce n'est que lorsque je peine à respirer que je m'écarte, l'observant avec un sourire. Il ne bouge pratiquement plus, se contentant de gémir.

Je pivote légèrement la tête puis saisis le vase posé sur la table basse. D'un seul coup, je le lui écrase sur le crâne jusqu'à ce que ses yeux se ferment pour de bon. Un silence pesant s'installe, rompu uniquement par les soupirs douloureux qui s'échappent de son corps meurtri. Mais je n'ai pas terminé. Ce n'est que le commencement.

Sur le champ, je retourne tout ce qu'il y a dans la maison, renversant des objets pour provoquer un désordre susceptible d'être attribué à un cambriolage. Après avoir semé le chaos, je monte à l'étage et ouvre la porte de la chambre à Gisèle. Grâce à ses somnifères, elle dort paisiblement. Je m'approche doucement d'elle et lui tiens la main.

— Tu sais, j'ai toujours voulu avoir une mère, un modèle sur lequel m'appuyer, murmuré-je, mais tu n'as jamais été là pour moi. Tu as failli à ta mission, tu ne m'as pas protégé. Tu prétendais souvent que tu ne quitterais jamais papa, parce que tu l'aimais trop. Tu t'excusais fréquemment pour son comportement, mais tu ne m'as jamais soutenu, même lorsque tu me voyais pleurer. Aujourd'hui, je vais exaucer ton vœu. Tu pourras le rejoindre et dormir éternellement à ses côtés.

D'un geste décidé, je prends le coussin à côté d'elle. Sans remords, je le pose sur son visage et serre de toutes mes forces, l'empêchant de respirer l'air que je partage avec elle. C'était la deuxième personne à qui j'ai souvent répété que je l'aimais, mais tout prend fin. Plus personne ne me fera de mal, plus personne ne réussira à fracasser ma carapace, car à présent, je tâcherai de ne plus jamais exprimer un sentiment. Un silence emplit la pièce, seulement brisé par le son étouffé de la lutte de Gisèle. Mes mains tremblent légèrement, mais je maintiens ma prise. Les battements de mon cœur résonnent dans mes oreilles, comme pour souligner le poids de cette décision.

Lorsque l'effort cesse, je retire lentement le coussin, où un visage apaisé par la mort se révèle. La froide réalité de mes actions s'installe, comprenant que quelque chose en moi s'est éteint avec elle. Lucian, l'adolescent que j'étais, n'est plus.

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