🖤 Destruction (2/2)
Il est vingt heures. La conclusion de mes préparatifs de voyage m'étreint d'une mélancolie. Une légère crispation agite mon cœur. Les échanges avec Irina, du lever au coucher du soleil, m'ont été d'un précieux réconfort. Les escapades audacieuses hors de la villa, empreintes de frivolité, resteront gravées dans ma mémoire, tout comme les taquineries à l'égard d'Alek qui m'ont procuré tant de joie. À mon arrivée, je pensais rencontrer des personnes mal intentionnées, mais au contraire, des êtres bienveillants ont guidé mon chemin. Les débuts incertains ont progressivement laissé place à des liens solides, des alliés inespérés dans les moments de détresse. Le combat intérieur pour accepter l'amour qui m'est offert, bien que ma mère l'ait prodigué avec une tendresse infinie, demeure constant. Peu ont su m'apprécier comme je le mérite.
Un sourire niais étire mes lèvres tandis que je descends rejoindre les autres déjà attablées. Je m'installe entre Lucian et Tobias, ce dernier affichant une expression inhabituelle. Son visage porte des marques de préoccupation, cela se voit à la manière dont il tambourine distraitement sa fourchette contre la table. Cela me rappelle les moments où il était en désaccord avec ma mère, adoptant cette même habitude.
— Vous ne deviez pas préparer une soirée, monsieur Tobias ? l'interroge Irina.
— Un imprévu à contrecarrer mes plans, donc je l'ai reporté à demain.
— Que s'est-il passé ? demandé-je.
— Rien d'important, Tatjana, rassure-toi.
Je me tourne vers Irina et l'observe attentivement. Un sentiment d'appréhension m'envahit alors que je perçois un échange étrange entre eux deux. Elle hausse les épaules, plantant ses couverts dans son poulet avec un geste presque mécanique.
— Elle possède une nouvelle identité, je te rappelle. C'est Tessa, pas Tatjana, souffle Lucian.
— Attends, que je réfléchisse, c'est toi qui l'as sorti de tes couilles ? Je ne détenais pas cette information.
Je réprime un rire tandis que mon père fronce les sourcils, témoignant de la complexité qui règne entre eux. Une appréhension sourde s'installe en moi à l'idée que les tensions pourraient s'accentuer lorsque nous résiderons tous les trois. Même si Lucian n'a pas exprimé clairement ses sentiments, Tobias restera une part intégrante de ma vie. Je l'ai déjà perdu une fois, et je ne pourrais supporter de le perdre à nouveau. Je le touche légèrement sur l'épaule pour attirer son attention, tandis qu'Irina, surprise, recrache son eau et éclate de rire, manquant d'avaler de travers.
— Tu aurais dû t'étouffer, ça aurait fait une chienne de moins, sourit Andréa.
— Si j'entends une seconde fois ta voix, ou un regard déplacé envers moja słodka, je t'enfonce mon couteau bien profond dans la gorge. Tu auras une bonne raison de faire du bruit.
— Et pour te répondre, Tobias, non, mais j'aime bien quand elle me les bouffe, se moque Lucian.
Les yeux grands ouverts, j'observe, sans dire un mot, le visage de mon père virer à l'écarlate devant un tel manque de manières. D'un léger mouvement, je me tourne vers Lucian et lui adresse un regard sévère. Malgré tout, le dîner se déroule dans une ambiance agréable, où chacun participe aux échanges sur divers sujets. Il est rare que nous partagions quelque chose d'aussi harmonieux, sans tension palpable dans l'air.
Après plus d'une heure, nos estomacs pleinement satisfaits, nous regagnons enfin nos chambres. Je me hâte vers la salle de bain et me glisse sous la douche pour laisser l'eau chaude couler sur ma peau. Pendant de longues minutes, je m'abandonne à la détente, mon regard se perdant au loin. Mes muscles se relâchent, mon esprit se libère, procurant un soulagement bienvenu. Une fois fini, je m'habille seulement d'un t-shirt ample et d'une culotte, prête à m'installer entre les draps. Au même moment, la porte s'ouvre pour dévoiler Lucian, paré d'une simple serviette blanche autour de sa taille.
Je contemple sans mot dire son corps se profiler sous mes yeux. Des gouttes d'eau ruissellent sur ses abdominaux dessinés, derrière ses nombreux tatouages. Bien que son motif de présence m'échappe, il est conscient que sa peau produit un effet troublant sur moi. Sans préavis, il jette la dernière pièce qui dissimule son intimité par terre. Son membre, tendu par l'excitation de me voir vêtue ainsi, exprime en toutes lettres le désir qu'il ressent pour moi. Cependant, je n'ai pas l'intention de me laisser aller la première. Je retire mon haut, me retrouvant seulement habillée d'une culotte en dentelle. M'approchant de lui pour le dépasser, je prends le temps de le bousculer, tout en m'excusant. Le galbe de mes fesses frotte contre lui, dans un excès voulu. Un feu ardent traverse ses yeux, et sans comprendre ce qui m'arrive, je suis projetée à plat ventre sur le lit. Je gémis lorsque son bassin s'appuie sur mon postérieur. Sa verge se glisse entre mes cuisses, puis caresse la dentelle de ma culotte.
— C'est très vilain d'exciter un homme sans lui laisser le plaisir de te faire jouir, petite brebis, souffle-t-il.
Ses lèvres effleurent la fine peau de mon cou pendant que sa main explore le trajet inverse, du ventre à l'intimité, en passant par le tissu. La présence de cyprine se fait déjà ressentir, et je peux percevoir un sourire sur son visage lorsqu'il aperçoit que mon sous-vêtement est imprégné d'humidité.
— Je n'ai encore rien réalisé, que tu meurs d'envie que je te prenne. Tes désirs silencieux sont des ordres.
D'un geste brusque, il me retourne sans ménagement, écarte mes cuisses, et avec son index et son majeur, déplace la dentelle pour introduire ses doigts. Sans aucune réserve, ses mouvements deviennent rapides et maîtrisés, il sait exactement où toucher. Mes cris s'échappent involontairement, mes ongles s'enfoncent dans le matelas qui n'a rien demandé. Mon regard ne peut se détacher de son visage maintenant sérieux. Le feu ardent qui danse dans ses yeux pourrait m'enflammer. Aujourd'hui, Lucian ne me fait pas l'amour ; il me baise d'une manière que personne n'a jamais réussi à accomplir. Alors que l'orgasme semble imminent, il s'arrête.
— Qu'est-ce que... Tu... Lucian ?
Son index se pose sur mes lèvres, pour me signifier de me taire, puis il entoure mon cou de ses doigts avant de me pénétrer avec une intensité dépourvue de douceur. Je m'abandonne au plaisir et je me laisse emporter. Ses coups sont vifs, puissants, enflammés. Il maintient un rythme rapide qui me provoque des gémissements de plus en plus prononcés. J'espère que les murs sont suffisamment isolés, car il est incertain que je sois assez discrète. Sa bouche s'unit à la mienne dans un baiser qui diffère considérablement des fois précédentes, imprégné de passion.
Après tout cela, je me livre dans les bras de Lucian. J'oublie les événements passés, retrouvant l'homme que j'aime et qui m'a manqué. Mon corps se laisse aller dans une extase de plaisirs. À cet instant, il n'y a que nous et l'orgasme. Un courant électrique se propage à travers tout mon être tandis que ses lèvres demeurent collées aux miennes et que nos langues s'entrelacent. Je m'abandonne à cette sensation qui envahit tout mon être, alors que lui atteint rapidement l'euphorie et le vit avec une totale liberté. Nos cœurs ne font à nouveau qu'un. Pour un bref moment, j'ai retrouvé le bonheur de savourer le corps de Lucian.
***
Assise dans la salle à manger, je porte la tasse de café encore fumante à mes lèvres, tandis que mes yeux se fixent sur l'horloge murale marquant dix heures du matin. Les réflexions de la nuit précédente persistent, plongeant mon esprit dans un tumulte émotionnel. Le caractère enchanteur de cet instant ne saurait être ignoré, mais je me demande si ce n'est pas simplement une concession facile dictée par mes sentiments amoureux, une force à laquelle il semble impossible de résister. Je n'ai aucune conviction quant à ce que j'opère. J'erre dans un océan d'incertitudes.
Pourtant, à l'heure actuelle, une vague de soulagement m'envahit, car c'est le jour du départ d'Andréa. Peut-être cette séparation lui offrira-t-elle l'opportunité de se remettre en question et de progresser vers une meilleure version d'elle-même, même si mes doutes persistent. Je relève les yeux, me redresse avec hésitation, puis je rejoins Alek, Otto, Julian et Lucian à l'extérieur.
Alors qu'Andréa s'affaire à ranger ses bagages dans le coffre, Tobias, que je n'avais pas remarqué jusqu'alors, s'approche d'elle avec le visage imperturbable. Au moment où elle s'apprête à monter, il claque la portière. Mes sourcils se froncent, surprise par cette action inattendue.
— Qu'est-ce que tu fous, tu voulais me dire quelque chose ? souffle-t-elle.
— Non, mais toi oui, il me semble, réplique Irina en avançant depuis l'entrée.
— Je n'ai pas envie de discuter et surtout pas avec toi, maintenant j'aimerais rentrer chez moi et plus voir ta gueule de pute, s'énerve Andréa.
— Sois tu leur dis, sois je leur montre la vidéo, menace Irina.
J'observe Lucian qui tout aussi perdu que moi, hausse les épaules.
— Bon, qu'est-ce qui se passe ? fulmine Lucian.
— Te souviens-tu de comment tu as kidnappé Roberto Fröhlich pour l'amener dans notre entrepôt ? lance Tobias.
— J'ai balancé un peu d'arsenic dans son verre pour le diriger vers toi. Mais je ne vois pas où tu souhaites en venir, là, souffle-t-il.
— Douleur dans l'estomac, nausées, vomissements, ajoute Irina.
Soudain, mon esprit replonge dans la nuit où j'ai perdu mon enfant. Les souffrances lancinantes au creux de mon ventre refont surface, les haut-le-cœur oppressants, et le chagrin silencieux qui m'a étreinte avant que je ne m'effondre. Quand j'ai rouvert les yeux, il n'y avait que le vide. Il avait disparu pour toujours.
— Moja slodka ? demande Alek.
— J'ai bu de l'eau avant de me sentir mal, avoue mon amie.
— Et Tessa aussi, dans ma voiture, enchérit-il.
— Je ne saisis pas votre charabia ! s'énerve Andréa. J'espère que vous ne m'accusez pas, surtout pour des choses grotesques.
— Parle avant que je n'effectue les pires sévices sur ton corps dégueulasse ! vocifère Lucian.
Je lutte pour garder mon calme, mais une tension menace d'envelopper tout mon être. Mes efforts pour attirer l'attention de mon père semblent vains, comme s'il avait déjà compris depuis le début les machinations de cet endroit. Malgré les pensées répétitives qui tournoient dans ma tête, je refuse obstinément d'accepter cette réalité.
— Irina, je te laisse leur dire puisqu'elle n'a pas l'intention d'avouer, prononce Tobias.
— Le fameux soir de notre fuite, Andréa nous a empoisonnés et a tué le bébé, confesse-t-elle.
— Avant qu'elle ne rentre dans le gang, tout était différent ! sanglote Andréa. Tu n'as jamais été ainsi, Lucian, mais tu t'es amouraché de cette salope et tu es devenu la pire version de toi-même. Tu étais bien mieux sans Tessa, ta vie aurait été plus joyeuse avec moi à tes côtés et il était hors de question qu'elle t'ait pour elle toute seule.
Je me trouve plongée dans un abîme d'agonie, la douleur m'étouffant, rendant mes mots impuissants à décrire l'effondrement de mon corps. Mon âme semble se détacher, hors de ma portée. Les larmes embuent mes yeux, mon cœur saigne, et mon esprit est assailli par des images cauchemardesques. Comment peut-on commettre un acte cruel sans la moindre once de remords ? Comment peut-on ôter l'existence avec une pareille indifférence ? Comment peut-on vivre sous le poids écrasant d'une telle culpabilité ?
La réflexion m'échappe, submergée par un désarroi dévorant. Le sang bat brutalement dans mes tempes, me rendant aveugle à toute raison. Sans aviser, je me précipite vers elle, la jetant violemment sur le gravier. Même avec les bras qu'elle a pour se protéger, mes poings continuent de l'assaillir. Mes cris révèlent ma douleur, ma colère peint le tableau du chagrin qui m'habite sans répit. Les larmes et la rage m'envahissent, noyant toute pensée dans la vengeance.
La possibilité d'avoir des enfants et de réaliser les rêves de ma propre mère a été volée par la jalousie. Mes mains me font souffrir, mon cœur saigne, et je perds toute maîtrise. Pourtant, des bras m'encerclent, cherchant à apaiser la tempête en moi.
— Regarde-moi, Tessa ! tonne Lucian.
Je me refuse d'écouter, aveuglée par le seul désir d'infliger à Andréa autant de douleur que celle qui me déchire. Je lutte avec fureur, tentant de repousser Lucian pour qu'il me laisse poursuivre ce que j'ai commencé. Mais il maintient fermement son emprise sur moi, m'immobilisant. Mes cris lacèrent l'air et mes larmes ruissellent sur mes joues.
Je sombre, emportée par le tourbillon de mes émotions. Cette fois, personne ne pourra m'en sortir. Je me perds dans l'obscurité de ma propre folie, sans plus aucun repère. Lucian, jadis un baume pour mes blessures, n'est plus qu'une silhouette dans le noir de ma rage, alors que mon cœur saigne en plein jour.
— Je t'en prie, calme-toi ! ajoute-t-il.
Les mots m'échappent alors que je suis envahie par une douleur intolérable, qui consume chacune de mes fibres. En cet instant, l'unique désir qui m'anime reste de m'évader, de fuir cette douleur qui oppresse mon corps depuis des semaines, avant qu'il ne succombe sous son fardeau désolant. Je crie de toutes mes forces, exténuée. Mes ressources sont harassées, et la cruelle réalité de la situation m'accable.
— Non, je ne peux pas, je n'y parviens pas ! m'écrié-je, débordé par l'épuisement. C'est une tâche insurmontable. Non, je ne peux tout simplement pas. S'il te plaît, mets fin à mes souffrances, mais c'est trop difficile à supporter.
Mes paroles trahissent mon incapacité à affronter cette circonstance aussi étouffante. J'implore Lucian de soulager le poids accablant qui m'écrase, cherchant désespérément une échappatoire à cette douleur.
— Elle m'a tout pris, m'écrié-je. Elle a anéanti mon existence, cette femme a tué mon enfant. J'aurais pu être mère, j'aurais pu voir notre bébé grandir, mais à cause d'elle, je ne jouirai jamais de ce privilège. Je t'avais demandé de la renvoyer, mais tu n'as pas daigné m'écouter, car tu désirais me causer du mal. Putain, laisse-moi mettre fin à sa vie, laisse-moi apaiser la souffrance qui vient de déchirer mon âme !
Lucian pose ses mains sur mon visage. En temps normal, quand la douleur s'intensifie, je ferme mes paupières et me réfugie dans ses bras en quête d'un semblant de sécurité. Mais maintenant, une seule pensée m'obsède : lui infliger la même souffrance, lui faire ressentir l'ampleur de mes tourments. Le contrôle de mon être m'échappe, je me sens dépérir. La simple volonté de respirer m'abandonne, et ma tête tourbillonne. Comment puis-je espérer me relever après tout cela ? Où puiser l'énergie nécessaire pour continuer ?
— Je suis tombé amoureux de toi pour ton innocence, alors, je t'en supplie, ne devient pas comme moi, murmure-t-il. Je vais m'en occuper, je te le promets.
Le regard perdu, je me sens incapable de trouver en moi la moindre once de force, impuissante devant cette révélation déchirante. Mes poings martèlent le sol à intervalles réguliers alors qu'Alek se dirige vers Andréa pour la saisir par les cheveux.
— Si seulement je pouvais revenir en arrière, sangloté-je, car en ce moment, je me consume par la douleur.
— Non, rétorque Lucian d'une voix ferme, car alors tu ne serais pas celle que j'aime aujourd'hui, dans toute ta vulnérabilité. Laisse-moi m'occuper de cela, je te le promets.
Mon corps tremble, des frissons parcourent mon échine. C'est comme si les flammes de l'enfer me brûlaient, sans qu'aucune source d'apaisement ne se profile. Alors que mes larmes continuent à couler sans pouvoir s'arrêter, Irina m'enlace, puis pose la tête sur mon épaule, me transmettant ainsi un sentiment de réconfort. Nous observons Alek trainer Andréa à l'intérieur, suivi de près par Lucian, Otto et Tobias.
Aujourd'hui, Tessa est partie.
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