🖤 Destruction (1/2)
Debout devant la fenêtre, contemplant les premiers rayons du soleil qui s'élèvent lentement, trop de pensées tourbillonnent dans mon esprit. Le sommeil ne m'a pas particulièrement aidé même aux côtés de Lucian. Cette conversation m'a anéantie, son regard stoïque m'a foudroyée de l'intérieur, et je peine à y faire face. Pourtant, je suis convaincue qu'il ressent aussi mon absence. Il a toujours été un homme habile à dissimuler ses sentiments, à repousser toute intrusion dans son cœur, une tâche qui s'avère bien plus ardue pour moi. J'aimerais récupérer mes ailes qui ont brûlé pour prendre mon envol, mais je suis prisonnière d'émotions qui me tourmentent au point de perdre toute notion du bien et du mal. Lucian est parti sans même prononcer un mot. Peut-être est-il en train de réfléchir, je n'en ai aucune idée, mais j'espère tout de même obtenir une réponse, car j'y crois encore. Même si c'est difficile, je refuse de gâcher cet infime espoir de retrouver le bonheur. Je soupire profondément et me dirige vers la salle de bain.
Sous la douche, je laisse l'eau chaude ruisseler sur ma peau tout en fermant les yeux. Les paroles de Lucian sur son passé continuent de hanter mes pensées, des images qui tournent en boucle dans mon esprit, comme un film sans fin. Que lui est-il précisément arrivé ? Pourquoi refuse-t-il de me dire quoi que ce soit ? J'aimerais infiltrer son être pour y découvrir l'obscurité de son âme afin de lui apporter l'aide que moi-même je n'ai jamais reçue pour affronter les démons qui cherchent à nous détruire. Malheureusement, cela n'est pas possible. J'affaisse les épaules et finis par sortir après de longues minutes.
Vêtue d'un pantalon noir et d'un pull rouge, je pénètre dans la cuisine, un lieu déserté comme d'habitude. Un vent frais, porteur d'une rage glacée, me fait frissonner le visage et m'incite à fermer la fenêtre. Je souffle sur mes mains pour les réchauffer, puis me prépare un café, afin d'éveiller mes sens. Debout devant la machine, chaque goutte qui s'échappe semble résonner tel un rappel constant de mes échecs. Agacée par les réflexions noires qui envahissent mon esprit, je m'installe sur un tabouret et savoure les crêpes d'Arleta.
Plongée dans mes pensées, le récipient encore tiède entre les doigts, je me relève légèrement pour écouter le bruit qui vient des escaliers. Irina arrive vêtue d'un pull blanc en laine et d'un jean sombre. Ses longs cheveux ébène sont attachés dans une queue-de-cheval qui ondule derrière elle à chacun de ses pas. Son visage s'illumine d'un sourire alors qu'elle ouvre le réfrigérateur et attrape d'un smoothie aux fruits avant de prendre place à côté de moi.
— Malgré que la conversation d'hier n'ait pas abouti comme je l'espérais, je t'en reste reconnaissante. J'ai réussi à lui faire saisir que chaque mot sorti de sa bouche depuis le jour où nous avons pris l'avion me détruit complètement. Je pense que Lucian a compris, même s'il persiste à emprisonner son cœur dans un endroit impossible d'accès, avoué-je avec difficulté.
— Il a tout de même effectué un premier pas en prenant conscience qu'il était un abruti, et ça, ce n'est pas donné à tout le monde.
Dans certains cas, les paroles peuvent évoquer des épées invisibles qui entrent plus profondément qu'on ne l'aurait cru probable. Les blessures de l'âme prennent du temps à guérir, et parfois, il faut plusieurs essais pour ouvrir le passage de cette cellule émotionnelle.
— Et toi avec Alek ? J'espère qu'il ne t'en veut pas trop.
— Bizarrement non, s'étonne-t-elle. J'en étais persuadée lorsque je suis arrivée dans le salon, mais, nous avons discuté d'une certaine manière. Puis, je n'ai pas tellement envie de rentrer dans les détails. Sache juste qu'entre nous, tout va bien ou du moins, je l'espère.
Je ris faiblement puis lui adresse une tape légère sur l'épaule. Au moins, l'une d'entre nous connaît le bonheur, et cela procure un sentiment des plus réjouissants. Tandis que nous poursuivons notre discussion sur des sujets divers, la porte d'entrée s'ouvre sur Tobias. Comme à son habitude, il avance vers nous dans un élégant costume gris, un sourire radieux aux lèvres. Il m'embrasse sur le front, fait la bise à Irina, puis dépose une énorme boîte de chocolats sur le comptoir. Alors que nous tentons d'en prendre un, il frappe doucement nos doigts, nous fixant intensément avec ses iris azur.
— Retirez vos pattes, petites terreurs, ce n'est pas pour vous, gronde-t-il.
— Il y en a suffisamment pour nourrir tout un régiment, maugrée Irina en se frottant le dessus de la main.
— Tu vas nous laisser mourir de faim, ce n'est pas sympathique, soufflé-je.
Il lève les yeux au ciel.
— À qui est destiné ce plaisir, monsieur Tobias ?
Mon père n'a pas le loisir de répondre, car la porte s'entrouvre, révélant l'ombre d'Arleta. Rapidement, la nervosité se dessine sur son visage. Il se frotte les paumes sur son pantalon, puis se recoiffe précipitamment. Je secoue la tête, amusée par son comportement. Il semble que je ne puisse pas le résigner : son penchant pour cette femme demeure évident. J'espère qu'un jour les tourments de son cœur s'apaiseront et qu'il trouvera le bonheur.
Alors que nous ricanons avec Irina, la servante s'approche, une housse de vêtement accrochée à un cintre dans ses mains. Tobias, lui, tend la boîte de chocolat comme un enfant intimidé, ce qui est ironique compte tenu de son rôle de chef de gang et de tueur. Cependant, devant elle, il perd tous ses moyens.
Après quelques secondes dans un silence pesant, mon père commence à s'exprimer en polonais, entamant une conversation à sens unique. J'essaie de balader mes yeux sur les deux individus, mais je ne comprends toujours pas. Néanmoins, alors qu'il ne s'arrête plus, manquant de s'étouffer, Arleta pose une main réconfortante sur son bras.
— Respirez, lui sourit-elle.
Il ricane nerveusement, mais arrive à se calmer. Il lui adresse une nouvelle question qui semble la faire rougir. Elle s'empare des confiseries et lui chuchote un léger oui. Heureux, Tobias se retourne vers moi.
— Il va falloir que je m'en aille, j'ai une soirée à préparer. Soyez sage les petites terreurs.
— N'oublie pas de te protéger, m'amusé-je.
— La ferme, Tatjana, soupire-t-il.
Nous le regardons prendre la fuite, puis reportons notre attention sur Arleta qui ouvre sa boîte et nous la glisse.
— Mangez, sourit-elle.
D'un signe de tête, je la remercie tout en choisissant trois délicieux cœurs blancs. Des souvenirs remontent, notamment ceux de mes séjours en Bretagne, où ma grand-mère avait l'habitude d'effectuer une halte dans une grande boutique de confiserie. Là-bas, l'odeur du cacao emplissait l'air. Cette fragrance parvenait à mes narines alors que je déambulais dans la ruelle. À chaque fois, je tirais doucement sur sa robe pour l'inciter à faire une pause gourmande. Les images de l'intérieur du magasin me reviennent en mémoire, où l'on pouvait déguster une variété de chocolats, et je me rappelle avoir tout goûté. Mémé me grondait, prédisant un mal de ventre imminent, mais cela m'importait peu, du moment que j'étais avec elle. Un sourire discret se dessine sur mes lèvres à cette pensée, tandis qu'avec Irina, nous descendons au sous-sol pour quelques tirs au stand. Pas de blagues, pas de problèmes.
Assis sur le canapé, Otto et Julian se lèvent instantanément. Je les salue d'un signe de tête, puis prends Otto par le bras pour l'emmener à l'écart. Il me dévisage de son regard sombre et glacial.
— Je souhaitais simplement te faire savoir que si Lucian cherchait à te punir, je serais là pour l'en empêcher, avoué-je, légèrement tendue. Je comprends que la situation semble délicate, mais je tenais à te le dire. Comme convenu, ton secret restera entre nous, tu peux me faire confiance.
— Eh bien, tu pourras lui demander de rendre le doigt qu'il m'a coupé alors, fulmine-t-il.
Rapidement, mes yeux descendent et s'arrêtent sur le bandage qui couvre sa main. Je déglutis avec peine et me triture la peau des ongles pour cacher mon stress. Je ressens de la compassion pour lui, comprenant sa colère. Tout est de ma faute et je ne peux rectifier ce qui a été opéré.
— Ce n'est pas ce que...
— Tessa, me coupe-t-il la parole, tu n'as pas remarqué que depuis que tu es dans notre gang, tout part en couille ? Tout s'effondre. Alors, si tu veux mon avis, tu devrais te poser certaines questions. Par exemple, est-ce que Lucian n'est pas mieux sans toi ?
— Je ne tolère pas que tu dises ça, m'énervé-je. Tu ne sais absolument rien sur notre relation ni sur moi. Tu te permets de me balancer des choses déplaisantes, mais toi aussi, tu portes un masque en cachant qui tu es aux yeux de tous tes amis. Tu crains qu'ils te regardent différemment, tu as peur de mourir, mais ton amour pour un homme n'est-il pas plus important que l'avis des individus ?
— Ne t'aventure...
— Arrête ! l'interromps-je. Tu mesures peut-être deux mètres et tes bras sont dix fois plus gros que les miens, mais tu es intérieurement détruit comme moi. Moi, j'ai voulu réaliser les choses bien, je me suis trompée du début à la fin et toi, visiblement, tu tues des gens et tu te fais passer pour quelqu'un d'autre. Sommes-nous si différents, Otto ?
La mâchoire crispée, il me dévisage comme s'il allait m'arracher les entrailles. Je dois admettre que je ne suis pas sereine. Un frisson parcourt l'échine, mon cœur palpite intensément, mais je m'efforce de feindre l'indifférence en restant de marbre. Alors qu'un silence pesant s'installe, semblable à l'anticipation d'une mort atroce, Otto hausse un sourcil puis se dirige sans un mot vers Julian. Je lève les mains dans l'incompréhension, mais il ne me prête aucune attention. Je laisse échapper un soupir de frustration.
Le stand de tir, dénué de salle privatisée, est exposé à la vue de tous. Contre le mur, deux tables rondes, sur la droite, une armurerie discrète à travers des grilles, sur la gauche, une vue dégagée sur la cible. Une caméra est placée au-dessus de la porte par laquelle l'arsenal est entreposé. Julian nous laisse le libre choix de l'arme que nous désirons, et instinctivement, je me dirige vers le Colt 45. Je maîtrise son maniement, et je me sens plus à l'aise avec un fusil d'assaut. Sur la petite table derrière moi, je m'équipe de lunettes que je pose sur mon visage, et j'insère directement des bouchons d'oreilles.
— Tu es prête à imaginer Andréa sur la cible ? ricane Irina.
— Si seulement nous pouvions partir avec l'une d'entre elles pour lui faire peur.
— Il faut arrêter nos idées loufoques, Tessa.
Je lâche un soupir profond tandis que je pointe l'arme avec détail vers les objectifs. Mon doigt presse la détente, et chaque tir est précis, infaillible. Aucune cible ne m'échappe, néanmoins, tenir cette arme entre mes mains provoque un frisson d'horreur. Le sentiment d'infliger la mort à quelqu'un, même à mon pire ennemi, me submerge d'une anxiété. Ce monde de violence n'est pas le mien, et il ne le sera jamais.
Ma mâchoire se crispe tandis qu'un flot d'émotions déferle en moi. Les pensées remontent, me ramenant à ce jour où Lucian avait tenté de me solidifier, méconnaissant que, au plus profond de moi, j'étais une éponge pour mon chagrin. Il ignorait que mon vécu m'avait déjà endurcie, et que lui seul pouvait pénétrer ma forteresse pour me désarmer de mes péchés.
Mon passage dans cette région m'a permis d'évoluer et de me mûrir davantage. J'ai surtout appris que je serais prête à tout pour protéger ceux que j'aime, même si ma propre existence était menacée. Je secoue la tête après de longs instants de réflexion, puis retire les équipements. Cependant, la silhouette d'Andréa se manifeste devant nous, ramenant avec elle un cortège d'ombres et de souvenirs douloureux.
— Si tu baises aussi mal que tu tires, ça ne m'étonne pas que ton mec en saute une autre, sourit Andréa à Irina.
— Coupe-moi si je me trompe, mais tu es la seule que personne ne souhaite baiser ici, réplique-t-elle.
— Mince, alors ils ne vous ont rien dit ? On s'est pourtant éclatés tous les trois pendant que vous étiez enfermées dans votre pauvre chambre à pleurer toutes les larmes de votre corps. D'autre part, Tessa, j'ai aimé faire une fellation à Lucian. Vu qu'il a gémit, je pense qu'il a adoré. Ça doit lui changer, surtout avec une coincée comme toi. D'ailleurs, nous remettons le couvercle ce soir. Tu peux venir observer si tu veux.
Les dents serrées, le cerveau en ébullition, je dépose mon arme et me précipite vers elle pour saisir sans ambages sa chevelure, la propulsant violemment contre la table. Les hurlements d'Andréa résonnent tandis que des gouttes de sang s'écrasent au sol. Le visage tuméfié, elle se redresse péniblement, les mains pressées contre son nez, le regard aussi sombre que les pensées tourmentées qui s'agitent dans mon esprit. Malgré mes tentatives répétées pour maintenir le contrôle, pour faire abstraction de ses provocations, mon cœur atteint un point où il ne parvient plus à refermer les portes de sa propre souffrance. La forteresse protectrice qu'il érigeait vole en éclats.
— Ce que tu vas apercevoir, Andrea, c'est lorsque tu réussiras à faire émerger le démon en moi qui n'aspire qu'à te dévorer jusqu'à la dernière miette.
— Va me laver le visage, tu fais peine à voir, crache Irina.
Julian, désespéré, effectue un signe de tête à Otto lui intimant de la tirer dehors avant que les choses n'empirent davantage. Je soupire alors qu'Irina me propose de regarder un film dans le coin cinéma. J'acquiesce aussitôt, ressentant le besoin pressant de changer d'air, de me libérer de ces maudites images qui étreignent ma poitrine. Après avoir pris quelques confiseries, nous nous installons dans les fauteuils, devant un grand écran fixé au mur. Irina lance « Le Seigneur des Anneaux », un choix que j'apprécie particulièrement. Avec ma mère, chaque samedi, nous visionnions cette trilogie tout en savourant nos popcorns ; nous riions, nous discutions. Même si ces moments ne pourront plus jamais se reproduire, ils resteront éternellement gravés dans mon cœur.
— Nous avons quelque chose à vous annoncer, communique Alek.
Prises au dépourvu, nous interrompons le film et nous tournons vers eux, silencieuses, dans l'attente de la suite que je pressens ne sera pas des plus agréables.
— À partir de demain, vous serez séparé, sourit Lucian.
— Pour quoi faire ? réplique Irina, en levant un sourcil.
— Est-ce que tu as demandé notre accord ? Parce qu'il me semble que non, soupiré-je.
— Si tu savais à quel point je m'en fous. Mais en attendant, prépare tes valises.
— Tu n'es vraiment pas drôle, Lucian, lance mon amie en se dirigeant vers lui.
Alors qu'elle remonte à l'étage avec Alek, je me redresse et m'approche à quelques centimètres de Lucian, qui me dévisage avec son habituelle coutume. Je ne comprends pas complètement ses motivations, mais les frontières entre mes sentiments commencent à vaciller. Comme si un navire explorant ma capacité à rester calme était ballotté par les vagues déchirantes de mon existence.
— Elle était celle qui avait le pouvoir d'apaiser mes douleurs, celle qui réussissait à me faire sourire lorsque mes larmes coulaient par ta faute, et toi, tu ne trouves rien de mieux que de nous séparer ?
— Tu as fini, c'est bon ?
— Non, pesté-je. On va rentrer en Allemagne et après ? Tu vas m'ignorer, et il ne me restera que mon père, qui effectue certes des efforts, mais je serai seule. Alors quoi ? Je vais retourner au Nevada, dans ma vie passée ? Ça peut être une excellente idée, parce que je ne te rencontrerai plus et je ne ressentirai plus cette aura menaçante chaque fois que l'on se croise. Mais tu ne peux pas m'enlever mon amie juste à cause de quelques bêtises. Toi, tu ne le fais jamais ? Ah si, excuse-moi, tu apprécies batifoler avec ta copine Andréa. D'ailleurs, elle a adoré ta petite fellation.
Aussitôt, mes sourcils s'arquent lorsque je l'entends ricaner.
— Tu trouves cela amusant, Lucian ? Ai-je dit quelque chose de divertissant ? fulminé-je.
— Attends, penses-tu réellement que j'ai laissé Andréa me toucher ?
— Je... Oui, bafouillé-je. Tu l'as bien ramenée ici juste pour atteindre mon cœur, donc il ne serait pas étonnant que tu l'aies sautée pour enterrer davantage les derniers vestiges d'amour que j'ai pour toi.
— Premièrement, tu règles ça avec ton père, car c'est lui qui l'a emmenée. Ensuite, tu es bien la seule nana qui peut poser ses mains sur moi, alors calme-toi avant que je ne finisse réellement par te mettre une balle entre les deux yeux, ce qui me démange depuis plusieurs semaines.
La mâchoire crispée, je le dévisage tout en serrant les poings. D'un côté, cela m'insupporte, mais de l'autre, une légère satisfaction m'envahit, car il ne lui a jamais manifesté d'intérêt. Même si nous avons eu de nombreux conflits, Lucian n'a jamais cherché à se tourner vers une différente femme. Bien que j'aimerais sourire, je reste stoïque, ne voulant pas lui révéler ce sentiment de bonheur qui m'habite.
Il prend délicatement une de mes mèches de cheveux pour la replacer derrière mon oreille, tout en laissant glisser sa seconde main le long de mon cou. J'inspire profondément. Il est impératif que je ne cède pas. La douleur, trop intense, ne peut pas s'estomper d'un simple claquement de doigts. J'ai enduré trop de souffrances pour permettre à mon âme de verser de nouvelles larmes. Je me recule légèrement, préservant la distance.
— Nous ne rentrons pas encore en Allemagne, avoue-t-il. J'ai acquis une maison pour le moment, le temps de réaliser certaines démarches, donc sois rassurée, tu pourras toujours voir Irina.
— Pourquoi ? Que se passe-t-il ? demandé-je, intriguée.
— Chez nous, c'est bien trop dangereux pour toi. Jonas connaît toutes les ficelles et pourrait facilement t'atteindre, alors qu'ici, cela sera bien plus difficile. Tout à l'heure, j'irai avec Alek installer des caméras dans la propriété et briefer ses gardes qui vont surveiller jour et nuit notre nouvelle résidence. Je ne peux pas me permettre de ramener mes hommes, car ils doivent s'occuper de notre gang, mais personne ne pourra te faire de mal.
Je me trouve confrontée à une révélation délicate. Entre la perspective d'une bonne idée et le fait que Lucian ignore que j'ai vu mon frère à plusieurs reprises, je suis convaincue que des individus armés n'auront aucun impact sur lui. La pensée de quitter cet endroit, où finalement je me sentais en sécurité, me remplit d'appréhension. Je ravale péniblement ma salive, tout en craquant chaque phalange de mes mains dans l'espoir d'atténuer la douleur intérieure.
— Et Tobias ? l'interrogé-je.
— Tu connais mon avis là-dessus, s'irrite-t-il. Qu'il retourne gérer ses affaires. De toute façon, s'il ne souhaite pas recevoir une balle dans le crâne, c'est préférable pour lui.
— Hors de question ! Si je dois emménager avec toi, je veux que mon père soit près de moi.
— Ce n'est pas négociable, maintenant va préparer tes fringues, exige-t-il.
Le visage austère, il saisit d'une main ferme mon bras pour me faire avancer ; néanmoins, je le repousse légèrement pour me libérer de son étreinte. Je ne tolère aucunement la violence, mais, selon les enseignements de ma mère, il est parfois nécessaire d'offrir une chance à ceux qui ont fauté. Bien qu'il ne soit pas un père exemplaire, en sa présence, je ressens l'importance de ma propre existence. Je suis convaincue que Karine, depuis son perchoir, observe ces événements. Lucian ne peut pas m'arracher la dernière parcelle de ma famille, je refuse.
— Non, riposté-je. Je vais rester ici jusqu'à ce que tu répondes positivement à ma requête. Je pense que tu m'as déjà assez torturée pour encore me blesser davantage. J'ai besoin de Tobias.
— Écoute, réplique-t-il en haussant la voix, quand je te...
— Les actes qu'il a opérés envers ta sœur demeurent impardonnables, et j'en suis profondément désolée, mais je t'assure qu'il aspire à se racheter. Ce n'est pas un individu mauvais, simplement quelqu'un qui a été emporté par les démons de sa vie. Je ne te sollicite pas pour lui accorder une seconde chance, mais plutôt pour le faire en ma faveur, dans le but d'atténuer ma souffrance.
— Et qu'est-ce que je gagne à cohabiter avec le meurtrier d'Eileen ?
— Peut-être à réparer les tourments que j'ai endurés depuis que je te connais.
— Monte et prépare tes valises, nous partons demain matin, conclut-il.
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