🖤 Coeur brisé - LUCIAN

Les images défilent dans ma tête. Depuis cette putain d'arrestation jusqu'à l'entrepôt où j'ai subi d'innombrables sévices, mais le plus déchirant n'est pas le mal physique, car ça peut se réparer, c'est le mental. En un éclair, mon monde s'est effondré, mon cœur s'est brisé en découvrant que Tessa n'était pas ce qu'elle prétendait être.

Tatjana ? Sérieusement ? Depuis le départ, elle collaborait avec les flics, depuis le commencement, elle me manipulait. L'unique pensée qui m'envahit est de l'anéantir, de la tuer. Je la vois devant moi, des larmes qui dévalent ses joues rougies. Les battements précipités de son cœur résonnent lorsque mes doigts se resserrent autour de son cou.

Un regard furtif vers Tobias. Non seulement ce fils de pute était au courant depuis le début, mais il est aussi son père. Celui qui m'a dérobé le joyau le plus précieux de ma vie. J'aurais dû comprendre que cette famille était la pire espèce, j'aurais dû les éliminer quand j'en avais l'opportunité. Je range finalement mon arme et emboite le pas à Alek. Il est temps de régler ça, de calmer les démons sur le point de se déchaîner.

Une grimace se dessine sur mes lèvres alors que nous gravissons les escaliers, mais à peine entrés dans la pièce, ma main se transforme en poing pour s'abattre sur le visage de Tobias. Il recule légèrement, mais ses yeux me scrutent, un regard aussi sombre que le mien actuellement. Il est paré à riposter, je suis prêt à le tuer, mais Daniel et Julian interviennent pour nous retenir. Ce salaud a de la chance que nous soyons là, sinon j'aurais arraché son cœur.

— Ça suffit vos conneries de gamin, s'énerve Aleksander. Chacun prend place à l'extrémité de la table et vous vous conduisez comme des adultes civilisés.

Malgré la fureur qui me ronge, je m'installe et fixe aussitôt Tobias du regard. Il ne va pas s'en tirer ainsi, oh que non, car je vais transformer sa vie en un chaos dont il suppliera de mettre fin à tout. Julian se dirige vers le bar, sort une bouteille de whisky qu'il pose au centre et dispose également des clopes avant de s'asseoir aux côtés d'Alek. Sans un mot, je me sers un verre et en allume une. J'ai besoin de cette bouffée de nicotine, exigence de sentir la brûlure dans mes poumons, reflétant la douleur que mon cœur endure actuellement.

— Vous allez mettre les cartes sur table, maintenant, reprend-il, et si l'un de vous dégaine une quelconque arme, je vous l'enfonce bien profondément, histoire que vous réfléchissiez à deux fois.

Sans détourner le regard, Tobias et moi sortons notre revolver en même temps pour la glisser jusqu'au centre.

— Bien, qui commence ? questionne Alek.

— Je ne savais pas que le FBI recrutait des salopes, fulminé-je.

— Espèce de fils de...

Mais avant qu'il n'achève sa phrase, Alek frappe le mobilier avec fermeté.

— Pas d'insulte ici !

J'essaie de conserver mon sang-froid, pourtant être dans la même pièce que lui fait ressurgir des souvenirs que j'aurais préféré délaisser. Tout se brouille dans l'obscurité. Je serre la mâchoire et laisse chaque articulation de mes doigts émettre un foutu craquement. Le fait qu'il soit le chef des Herzdiebe ne m'empêchera pas de lui mettre une balle dans la tête, bien au contraire.

— Lui as-tu au moins donné l'opportunité de s'expliquer ? demande Tobias.

— À quoi bon ? C'est une traîtresse, et tous les traîtres méritent de crever.

— Donc, tu tuerais la mère de ton enfant ?

Mes yeux s'écarquillent, mon cœur manque un battement. Un rapide échange de regards avec Alek confirme la gravité de la situation. Les mots entretenus en polonais prennent soudainement tout leur sens. Non, cela ne peut pas être possible. Tessa aurait dû tout me dire. Je serre mes mains, cherchant à apaiser la fichue voix dans ma tête. Il doit sûrement dire n'importe quoi pour éviter que je ne tue sa fille, c'est obligé. Je bois mon whisky d'une traite, tentant d'étouffer ma haine, et tire une grande bouffée sur ma clope, cherchant refuge dans la fumée.

— Est-ce que tu te fous de ma gueule ? réagis-je.

— J'ai l'air de rire, pauvre abruti ?

Kowinski se racle la gorge pour rappeler de choisir correctement ses mots. Pendant ce temps, mes yeux restent fixés sur Tobias. Je réalise alors que je vais être père, et que j'aurais pu la tuer sans même le savoir. Je crispe la mâchoire et inspire profondément. Bien sûr, cela me chamboule, je ne peux pas le nier, mais cela n'atténue en rien la rage qui se propage dans chaque fibre de mon être à la vitesse de l'éclair.

— Ça ne change rien à son cas et à ses actes, craché-je.

— Ma fille est innocente, et jamais je ne te laisserai lui faire du mal, clame-t-il.

— Ma sœur aussi était inoffensive, pourtant on a fait en sorte que personne ne puisse la sauver. C'est tout de même déplacé de s'attaquer à un être fragile quand on est soi-même père.

Soudain, Tobias se décompose. Son visage perd toute couleur, et il ajuste nerveusement sa cravate, son front perle de sueur. Il avale son verre sous le regard stupéfait des autres personnes présentes dans la pièce. Oui, je n'ai pas oublié, et je n'oublierai jamais qu'il a enlevé ma sœur alors qu'elle n'avait que quatre ans. Je lutte pour contenir mes émotions, dissimulant la tristesse qui m'envahit, mais évoquer Eileen fend toujours mon cœur, même après toutes ces années. S'il pensait que j'ignorais la vérité, il s'est trompé à mon égard. Car rejoindre son gang n'a été motivé que par la seule idée de me venger et de le détruire, tout comme il l'a fait pour moi.

— Je n'avais pas le choix, souffle-t-il. Si tu étais à ma place, tu aurais agi de la même manière.

— On l'a toujours, siffle Aleksander, lançant un regard complice à son frère.

— Sauf que ce n'est pas le cas et ça ne change rien au fait que tu t'en es pris à une gamine sans défense, m'agacé-je. Qu'est-ce que tu dirais si je butais ta fille ou ton petit-enfant impunément ?

— Alors le cœur d'Eileen cessera de battre. Est-ce vraiment ce que tu souhaites, Lucian ?

Mes poings s'abattent sur la table sans que je réfléchisse. Il n'a pas le droit de prononcer son prénom de sa vulgaire bouche. Mes yeux s'ouvrent en grand, comprenant soudainement tout. Il a tué ma petite sœur, sacrifié son existence pour permettre à Tessa de continuer à vivre. Une vague de rage me submerge, et l'envie de sauter à la gorge de Tobias, de l'exécuter, de ne plus partager le même air que lui, m'envahit. Alek me lance un regard, tentant de m'inciter au calme, mais comment puis-je me maîtriser quand le meurtrier d'Eileen est là, devant moi ? Tobias mérite une douleur pire que les flammes de l'enfer. Il va payer, ce fils de pute et si je dois faire souffrir sa fille, alors je le ferai sans remords.

Les images de cette séquence défilent encore comme un film dans ma mémoire. Eileen, étendue sur la table d'autopsie, ma mère en pleurs, mon père adossé contre la porte sans un mot. Il se contentait de regarder la scène, sans verser une larme. À part nous battre, c'était la seule émotion qu'il connaissait. Je me rappelle de m'être approché d'elle, tentant de la réveiller. J'ai hurlé de toutes mes forces, la secouant pour qu'elle agrandisse les yeux et me dise qu'elle m'aimait. Mais elle ne les a plus jamais ouverts. Le médecin légiste, dépourvu d'humanité, nous a avoué qu'il lui manquait son cœur. Selon lui, elle n'a pas souffert, parce qu'elle avait un taux élevé de propofol. Qu'est-ce que j'en avais à foutre, sérieusement ? Je voulais juste la venger. Son visage ne pourra plus jamais apparaître, car Tobias me l'a arrachée pour toujours.

— Il a cessé de battre pour moi le jour où tu me l'as enlevée, craché-je.

— On va arrêter la discussion là. Lucian, viens avec moi, exige Alek.

Nous nous levons, et je ne quitte pas des yeux cette ordure. J'aurai sa peau, même si ce n'est pas maintenant. De mes mains, il mourra. Je soupire et me dirige dans le couloir, mais à peine qu'Alek referme la porte, je frappe avec colère la paroi. J'ai besoin d'apaiser cette foutue souffrance qui refuse de partir.

— As-tu fini de martyriser mon mur ?

— Comment peux-tu valider ce qu'il a fait subir à Eileen ? m'énervé-je.

— Je ne l'accepte pas, mais les années se sont écoulées, et je n'ai pas le monopole sur cet acte. Je ne suis pas meilleur que lui avec ma première victime.

— Ils mériteraient de crever... tous les deux.

Il soupire puis plonge son regard dans le mien.

— Sûrement. Toutefois, on va aller passer une semaine en Russie pour calmer un peu cette colère qui te ronge, et ensuite, on avisera.

La réponse est déjà tout envisagée de mon côté. Même si ce voyage peut représenter une occasion de me contrôler, il ne pourra jamais éradiquer la haine qui m'habite. Seule la disparition des êtres qui m'ont anéanti pourra l'apaiser. Je hoche la tête tandis qu'il me tapote l'épaule, m'informant que je vais occuper la chambre d'amis, à proximité de celle de Tessa. Alors qu'il pénètre dans la pièce de réunion, je me dirige vers la salle de bain. J'ai besoin de solitude. Arrivé, je m'enferme à double tour, posant les mains sur le lavabo. Je fixe mon reflet dans le miroir, les dents crispées, le cœur battant rapidement. Jamais je n'aurais envisagé un tel renversement de situation. Moi qui croyais avoir trouvé l'amour, moi qui pensais bâtir ma vie avec elle, mon bonheur s'est écroulé en l'espace de quelques secondes.

Je frappe fortement sur le meuble et m'asperge le visage d'eau froide. Je voudrais tout effacer, tout oublier, mais c'est impossible. Après plusieurs minutes, je sors enfin, me dirigeant vers la chambre de Tessa. J'ai besoin d'avoir des réponses, de comprendre son comportement. Je dois l'affronter, même si je n'en ai pas l'envie. J'ouvre sa porte dans un fracas, sans même toquer, et la découvre près de la fenêtre. Au bruit assourdissant, elle se retourne. Les yeux rouges, ses larmes dévalent ses joues, mais ça m'est égal.

— Comment as-tu pu me cacher une chose pareille ? sifflé-je, la dévisageant.

— Tu voulais que je te dise quoi ? J'ai...

— Oh bah, je ne sais pas, commençé-je avec sarcasme, peut-être que tu attendais un enfant de moi, non ?

— Tu plaisantes, j'espère, soupire-t-elle. Toute la cérémonie, j'ai essayé de t'en parler, mais tu n'as aucunement prêté attention à moi.

— Tu aurais dû me retenir, insister... Le crier s'il le faut ! m'esclaffé-je. Putain, Tessa ! Te rends-tu compte de toute cette merde ?

J'effectue plusieurs pas vers elle avant de m'arrêter à quelques centimètres de son visage.

— Est-ce que tu arrives à ressentir ce que ça me fait, ta foutue traîtrise ? Tu m'as fait tomber amoureux de toi, tu m'as mis en confiance, et tu m'as regardé dans les yeux en sachant ce que tu avais commis. Tu m'as trompé, Tessa.

— Mais bordel, tu voulais que je fasse comment, hein ? s'écrie-t-elle. Lorsque ma mère est décédée, ils sont venus me voir. J'avais le choix entre trente ans derrière les barreaux ou démanteler votre organisation. Tu aurais réalisé quoi à ma place ?

— Je n'en ai foutrement aucune idée, mais je n'aurais jamais joué avec ton cœur.

Alors qu'elle tente de prendre mes mains, je recule immédiatement. Son contact me donne la nausée. Je n'ai plus envie, ne serait-ce que de la toucher.

— Je n'ai jamais joué avec tes sentiments, Lucian.

— Tu m'as fait culpabiliser quand j'ai ordonné aux deux gardes de te faire parler. Tu as ravivé le souvenir de la promesse que je t'avais faite, celle de te protéger de tout préjudice, alors même que tu étais la personne qui avait trahi Conrad. Comment peux-tu t'attendre à ce que j'accepte cette situation, putain ?

— Parce que je t'ai toujours aimé.

Je fronce les sourcils, secouant lentement la tête. Je ne souhaite plus entendre cette parole sortir de ses lèvres, ne plus me laisser embobiner comme je l'ai été depuis le début. Comment puis-je la croire à présent ? Les mots me manquent pour exprimer l'ampleur de la douleur qui m'enroule. Mon cœur est brisé, pulvérisé par cette trahison. Une partie de moi aspire à la comprendre, à la prendre dans mes bras, à l'embrasser. Pourtant, l'autre est trop meurtrie pour ne pas la détester. Je veux qu'elle ressente la souffrance qui m'envahit, qu'elle paie pour son erreur. La haine me consume, étouffant la raison qui tente de s'élever. Je soupire, puis annonce d'une voix lourde :

— Je m'envole avec Alek pour la Russie dès demain. On y restera une petite semaine.

— Donc, tu vas m'abandonner ? Notre relation n'a donc plus d'intérêt à tes yeux ?

Je me dirige vers la porte en silence, l'ouvre. Avant de franchir le seuil, je me retourne une dernière fois vers elle.

— Tu viens de détruire l'amour que je te portais. C'est fini, conclus-je. 

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