🫀Une grande nouvelle
Trois semaines se sont passées, et pour la première fois depuis le douloureux départ de ma mère, je sens renaître en moi une lueur d'existence. Les larmes, longtemps versées par mon cœur meurtri, se sont finalement tarées, laissant place à une clarté que j'avais égarée. Mes moments se sont en particulier écoulés avec Adéla, mais aussi aux côtés de Lucian. Bien qu'il n'ait pas initialement souhaité que je l'accompagne sur le terrain, un simple sourire de ma part a suffi à changer la donne.
Les relations avec lui ont progressé de manière significative. J'ai enfin fini à déceler cette parcelle de bienveillance en lui. Il apprend à aimer, et de mon côté, je lui enseigne les subtilités de ce sentiment qu'il ne connaissait pas. Malgré les moments difficiles que Lucian peut vivre, je ne le laisse pas seul. Au contraire, je suis là pour le soutenir en toutes circonstances.
Au commencement, j'avais égaré ma route, perdue dans les méandres de mon propre tourment, mais aujourd'hui, j'ai réussi à traverser les flammes sans me consumer. J'ai trouvé l'amour, mais aussi un père que je méprisais par le passé. Bien que je ne puisse lui pardonner les torts infligés à ma mère, Tobias mérite une seconde chance.
Étendue sur le transat de la piscine, là où les rayons du soleil prodiguent une caresse chaleureuse à ma peau, je m'abandonne à l'arôme fruité de la végétation qui chatouille mes narines. Depuis plus d'une heure, je m'efforce de tisser la trame de mon roman, car tel un gentleman, Lucian a concédé en m'offrant un ordinateur et un téléphone. Je ne me considère plus comme une captive, et cette liberté nouvellement acquise me procure un bien-être fou. Bien qu'à tout instant, je pourrais fuir, reprendre mes jambes à mon cou et retrouver mon quotidien d'antan, c'est désormais cette existence que je choisis de vivre. Ma mère aurait sans aucun doute été ravie de me voir sourire à nouveau.
Je respire profondément, déguste une gorgée d'eau, et me plonge dans mes pensées à la recherche de l'inspiration. Cependant, la silhouette d'Adéla se dresse devant moi. Toujours rayonnante, elle s'installe près de moi et dépose un doux baiser sur mon front.
— Tu n'as pas trouvé le titre encore ? me demande-t-elle.
— Non, je suis affligée par le syndrome de la page blanche, soupiré-je.
— « Le voleur de cœur et sa prisonnière », ça pourrait être cool ?
Je la fixe, les yeux grand ouverts, tandis qu'elle éclate de rire.
— Ce n'est pas bête, rétorqué-je. Je pourrais rédiger ma biographie.
— Hé bien ! Tu vois, parfois, je ne suis pas totalement conne.
— C'est depuis que tu fréquentes moins Lucian. Cela t'a remis les idées en place, m'amusé-je.
— Même en mon absence, vous parlez de moi, s'exclame-t-il.
Surprise, je relève les yeux et l'examine attentivement. Aujourd'hui, il a choisi d'enfiler un short accompagné d'un t-shirt basique. Intriguée par cette modification vestimentaire soudaine, mes lèvres s'étirent en un sourire. Je suis satisfaite des efforts qu'il déploie depuis plusieurs semaines. Certes, son costume le met en valeur et éveille mes sens, mais je préfère nettement cette simplicité.
— Tu es charmant habillé ainsi, déclaré-je.
Je me redresse puis lui dépose un baiser.
— Ouais, enfin, j'ai l'air d'un charlatan, grogne-t-il.
— Tu changes, Schneider, tu deviens vraiment un canard, plaisante Adéla.
Je réprime un rire puis détourne légèrement la tête pour ne pas croiser son regard assombri.
— Attention, il pourrait te mettre une balle entre les deux yeux, blagué-je.
— Ah, vous avez décidé de vous liguer contre moi ? s'énerve-t-il.
— Nous ? s'exclame-t-elle. Pas du tout, non, je ne vois pas de quoi tu parles.
Je frappe la main d'Adèla qu'elle me tend amicalement, une action qui déplaît à Lucian. Celui-ci réagit en m'attrapant par la taille pour ensuite s'adonner à une séance de chatouilles. Une aversion bien connue de ma part, dont il use consciemment. Mes efforts pour me dégager de cette accolade sont vains, ses bras encerclant dur comme fer mon buste. Malgré mes tentatives de riposte, heurtant ses côtes, il demeure imperturbable.
— Tu as une sacrée chance, petite brebis.
— Tu l'es également, d'avoir croisé le chemin d'une femme telle que moi, ironisé-je.
— Arrête de te lancer des fleuristes, réagit-il en roulant des yeux.
Je me libère de son étreinte et l'observe avec malice, geste qui ne semble pas lui déplaire puisqu'il me fait un léger clin d'œil.
— Vous souhaitez manger quelque part ? s'enquiert-il.
— Je n'ai pas spécialement faim, lui avoué-je.
— Tu n'as pas touché au repas que je t'ai préparé ce matin ? réplique Adéla, soucieuse.
— Non, en ce moment, j'ai plutôt envie de tout régurgiter, alors je m'abstiens.
Étrangement, le visage de mon amie se décompose. Son sourcil arqué, elle se rapproche légèrement de moi et m'attrape le bras.
— Je te la rends dans cinq minutes, j'ai besoin de lui parler de choses de femmes, déclare-t-elle.
Lucian lâche un soupir puis allume une cigarette, sans toutefois broncher. Je ne sais pas où elle m'emmène, mais Adéla reste mystérieuse. J'avale difficilement ma salive tandis que nous pénétrons dans le petit cabanon où tout le matériel de la piscine est rangé.
— Très classe, ta cachette, souris-je.
— Depuis combien de temps es-tu dans cet état ?
— Je n'ai pas compté, mais deux, trois jours, quelque chose comme ça, pourquoi ? m'inquiété-je.
— Tessa, s'agace-t-elle. T'es-tu toujours protégée lors de tes relations avec Lucian ?
— Oui... Enfin, peut-être qu'une fois nous l'avons fait sans.
Les bras croisés sur sa poitrine, Adéla me dévisage tout en secouant la tête d'un air désespéré.
— Non, ris-je, nerveusement. Je vois où tu veux en venir, mais c'est impossible.
— Et pourquoi donc ?
— Parce que... je... bordel, Adéla, c'est inimaginable, n'est-ce pas, rassure-moi, s'il te plait !
— Si je n'avais pas de doutes, j'aurais frappé ton crâne vide, souffle-t-elle. Reste avec Lucian, je vais aller faire un tour en ville pour t'acheter un test.
Malgré mon désir de lui répondre, mes lèvres demeurent scellées dans un profond silence. Une boule se forme dans mon estomac, tandis que mes jambes peinent à soutenir mon poids. Je pose ma main sur la charpente dans l'intention de respirer comme il faut. Adéla se rapproche de moi et place ses doigts sur mes épaules pour m'apporter son réconfort, mais, à cet instant, je suis complètement déboussolée. Je ferme les yeux quelques secondes, inspire profondément afin de contenir mon anxiété qui est sur le point d'éclater à la vue de tous.
— Et suppose un moment que c'est positif, que devrais-je faire ?
— J'ai toujours rêvé d'être tata, rit-elle.
— Ce n'est pas particulièrement amusant, soupiré-je.
— Ça va aller, tâche-t-elle de me rassurer. Profite de cette journée, ensuite nous aviserons, mais n'y pense pas trop, sinon ça risque de te rendre malade.
Je me frotte à plusieurs reprises les mains sur mon vêtement. Mon cœur bat à tout rompre, tandis que mon front perle de sueur. Je serre les dents et tente de me dire que je ne dois pas m'inquiéter, mais cela reste plutôt ardu. Les lèvres d'Adéla s'étirent en un sourire alors qu'elle ouvre la porte du cabanon. Pendant qu'elle franchit la demeure, je décide de rejoindre Lucian, toujours affalé sur le transat.
— J'avais cru comprendre que tu avais des engagements aujourd'hui, m'exprimé-je tout en faisant glisser mes doigts dans sa chevelure.
— Non, je veux t'emmener dans un lieu qui me tient particulièrement à cœur.
— Quelle surprise m'as-tu réservée, monsieur Schneider ? souris-je.
Il se plonge dans un silence avant de se lever et de m'enlacer tendrement. Je pose ma tête contre son torse pour m'imbiber de la fragrance envoûtante de lavande qui imprègne son vêtement. J'aimerais pouvoir rester ainsi, écouler mes journées à mesurer les pulsations de son cœur, à ressentir sa chaleur caresser ma peau, car cela me procure un apaisement.
Dix-huit heures passées, j'avais espéré qu'il m'entraîne vers un lieu qui évoque la joie, mais finalement, nous aboutissons devant un cimetière. Je réprime difficilement ma salive et quitte le véhicule. Le ciel se dégrade, les nuages s'amoncellent dans la voûte céleste, et le vent se réveille. Mes pas résonnent sur le macadam tandis que je prends le bras de Lucian. Nous franchissons un imposant portail noir et déambulent entre les tombes. Une profonde tristesse m'envahit. J'aurais souhaité pouvoir me recueillir sur celle de ma mère, lui offrir des fleurs, mais la distance rend cela impossible. Je secoue la tête pour chasser cette pensée, alors que nous faisons halte devant la sépulture où est inscrit Eileen Schneider.
— S'agit-il de ta maman ? lui demandé-je.
— Ma sœur, avoue-t-il.
Surprise, je me dégage légèrement de son étreinte et plonge mon regard dans le sien. Les mots me manquent pour exprimer ma tristesse. Un nœud se forme dans ma gorge alors que Lucian s'agenouille pour effleurer du bout des doigts le prénom gravé.
— Eileen était une enfant adorable, confesse-t-il. Elle souriait en permanence, même face à de petites blessures. C'était son tempérament. Elle représentait le symbole de ma vie, celle qui parvenait à me guider lorsque tout allait mal. J'aurais tout donné, décroché la lune pour elle, mais elle s'est envolée loin de moi.
— Je... Je suis profondément désolée, réponds-je, ressentant un chagrin sincère. Que lui est-il arrivé ?
— Elle a été tuée et ma seule motivation à présent est la vengeance. Je ferai tout en mon pouvoir pour anéantir celui qui lui a ôté la vie.
Cette révélation me laisse muette. Mon cœur manque un battement et les mots peinent à trouver le chemin de la sortie. C'est la deuxième fois que Lucian me dévoile une facette de son passé, mais j'aurais préféré un moment de joie plutôt qu'un événement aussi douloureux.
— Personne n'a appréhendé le criminel ? m'indigné-je.
— Non, car il est intouchable, ce fils de pute, mais ça ne durera plus très longtemps.
Je me mets à sa hauteur et effleure sa joue. Je suis consciente de son besoin refoulé de verser des larmes, mais Lucian demeure l'homme qui dissimule sa fragilité. J'aurais souhaité apaiser ses peines, octroyer un réconfort à ses tourments, mais je comprends que cela relève de l'impossibilité. Ma tête se niche contre son torse, mes doigts s'entrelace aux siens.
— Je suis persuadée qu'elle serait fière de toi, lançé-je.
— Je n'en suis pas certain. Elle détestait la violence, tout comme toi, sourit-il. Chaque fois que je me battais, elle avait cette habitude de me réprimander, mais elle prenait toujours le temps de m'offrir une fausse tasse de thé. Je ne lui ai pas consacré assez d'instants et ça me rend fou.
Je n'ai pas les mots pour apaiser son cœur, mais je perçois ce qu'il endure. Mes mains se posent avec douceur sur son visage avant que mes lèvres ne rencontrent les siennes pour signifier que je reste à ses côtés dans les moments de bonheur comme dans les épreuves difficiles.
— Je suis consciente de la complexité que représente le partage de cet aspect de ta vie, Lucian, et sache que je suis présente. Je ne t'abandonnerai jamais. J'aimerais également te dire que...
Je n'ai pas le temps de finaliser ma phrase que son téléphone sonne.
— Eileen, ma princesse, je te promets que je tuerais celui qui t'a infligé du mal, tu as ma parole. Ton grand frère ne t'a jamais oubliée.
Nous nous dirigeons vers la sortie tandis qu'il discute. Toutefois, je reste peu attentive à ses propos, trop préoccupée par ce qui vient de se dérouler. J'aspire à dissoudre cette barrière, lui révéler la vérité sur mon passé, sur les raisons de ma présence ici. J'espère que Lucian comprendra mes agissements, car perdre son soutien serait intolérable.
— J'ai une bonne nouvelle, déclare-t-il en raccrochant. Nous sommes conviés au mariage de Maria et André dans quatre jours.
— Super, réponds-je. Tu devrais prendre une demeure en Pologne vu le temps qu'on passe là-bas.
— Tessa, soupire-t-il. Arrête de bouder, tu es casse-couille.
— Je suis très heureuse pour elles et cela ne me dérange pas spécialement, mais j'aimerais t'avoir un peu à moi.
Adossé sur le capot de la voiture, il se rapproche de moi et pose ses mains sur mes pommettes. Il m'embrasse délicatement sur les lèvres.
— Nous resterons une journée, et à notre retour, je te promets que ce sera ta fête, petite brebis.
— Tu éveilles ma curiosité, ris-je.
— Et que voulais-tu me confier tout à l'heure ?
Il vaut mieux proférer un mensonge qui n'inflige pas de blessures plutôt que de dévoiler une vérité qui pourrait le détruire.
— Rien du tout, ne t'en fais pas, souris-je.
***
Assise sur la cuvette des toilettes depuis une dizaine de minutes, je parcours la notice pour comprendre le fonctionnement de cette chose qui m'échappe. Le stress m'envahit, une douleur lancinante étreint ma poitrine et mes mains deviennent moites. J'essaie de respirer profondément pour maîtriser mon anxiété, mais la tâche s'avère plus compliquée que prévu.
— Bon, tu pisses sur le machin ou quoi ? peste Adéla derrière la porte.
— Parle moins fort, il est vingt et une heure, tu vas réveiller tout le monde, soupiré-je. Où est Lucian d'ailleurs ?
— Il est parti avec Klemens boire un verre, mais ce n'est pas le sujet ! grouille-toi.
Je lève les yeux au ciel tandis que je m'acquitte du test. Je le place ensuite sur l'évier et trépigne en attendant le résultat.
— Alors ? s'impatiente Adéla.
— Je ne souhaite pas regarder, j'éprouve de la crainte, m'angoissé-je.
— Allons, Tessa, tout se déroulera bien, ne t'inquiète pas.
Je ferme les paupières quelques instants et inspire profondément. J'essuie mes paumes sur mon pantalon afin d'apaiser la tempête qui gronde en moi. Après trois bonnes minutes, je m'empare de l'objet, et le résultat est sans précédent. Ma vie va prendre un nouveau tournant, et je ne sais pas si je suis préparée pour cela.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top