🫀Premier contact - LUCIAN

L'image d'une bière glacée, glissant le long de ma gorge, s'impose à mon esprit comme un mirage de cette pièce surchauffée. La chaleur m'opprime, me faisant suer à grosses gouttes et seul ce précieux liquide pourrait apaiser le brasier qui couve en moi. Je tire une nouvelle bouffée de ma clope, puis laisse la fumée se mêler à mes poumons. Les réunions avec le gang sont d'un ennui mortel, surtout lorsqu'il s'agit de discuter des nouvelles concernant nos cargaisons. J'écoute à peine Adéla, qui parle d'une voix assurée en tant que chef intérimaire. Tout ce que je désire, c'est m'échapper d'ici pour sauter une de ces salopes du Naseband's.

Dans un mouvement brutal, la porte s'ouvre violemment puis se referme aussitôt. C'est Tobias, le patron. Il passe sa main dans ses cheveux grisonnants, marqués par le temps et la cruauté, avant de prendre place devant le grand tableau où Adéla dispense les rares informations nécessaires aux nouveaux venus. Son regard froid et perçant scrute chaque détail.

— Qu'en est-il du timing ? interroge Tobias, brisant le silence pesant qui s'est installé.

Tous ces imbéciles se contemplent mutuellement, incapables de répondre à une question si simple. Leur incompétence est affligeante. Je me demande encore pourquoi le boss a décidé de les embaucher. Je soupire, écrase ma cigarette dans le cendrier à ma droite et retrousse les manches de ma chemise d'un geste impatient.

— Une fête est bientôt prévue du côté de la Königsallee, annonce Jonas. Une occasion parfaite pour mettre la main sur de la marchandise fraîche.

— Bien, réplique Tobias. Lucian, ce soir, tu accompagneras Adéla pour finaliser nos affaires avec les GroßenRat.

Le regard de Jonas se durcit, défiant l'autorité du boss.

— Et moi ? lance-t-il, son ton empreint d'une arrogance mal placée.

Le patron l'épie avec un sourire en coin déformant légèrement ses lèvres.

— Comme d'ordinaire, reprend Tobias, tu continueras à t'abandonner à tes vices de camé et tu baiseras des putes. De toute manière, ce n'est pas ce que tu fais de mieux ?

Jonas s'emballe. Ses mains crispées en poings révèlent sa colère. Je rallume une clope et l'observe fixement. Il croit sincèrement qu'il a une chance de monter en grade aux côtés de son père, mais il se méprend. Il n'est qu'une coquille vide qui empeste la cocaïne à plein nez. Il n'est pas taillé pour ce genre de vie et je reste perplexe quant à la raison pour laquelle Tobias ne l'a pas encore viré ou égorgé. Quand la réunion finit, les autres partent un à un, ne laissant que le rejeton et moi dans la pièce.

— Tu penses vraiment détenir un quelconque pouvoir sur mon père ? s'énerve Jonas.

Soudain, ce fils de pute me plaque brutalement contre le mur. Un rire sec s'échappe de ma gorge, suivi par la fumée de ma cigarette, que je lui crache au visage.

— Tu mérites que je t'arrache les yeux, espèce de bâtard ! vocifère-t-il.

Ma mâchoire se crispe et je plonge mon regard dans le sien. Rapidement, je sens ses doigts s'enfoncer dans mon épaule. C'en est assez. J'ai peut-être été trop tolérant, lui permettant de se croire tout permis. D'un geste vif, je fracasse mon front contre le sien. Jonas recule, surpris, posant ses mains sur son visage douloureux.

— T'es malade ou quoi ? crie-t-il, sa voix trahissant son choc.

Je sors mon arme, cachée à l'arrière de mon pantalon, et la braque sur sa tempe.

— Écoute-moi bien, répondis-je, ici, tu n'es rien. Ton père te tolère seulement parce que tu es son rejeton, alors à ta place, je réfléchirais avant de te mesurer aux plus puissants. La prochaine fois que tu abîmeras mon costume, je briserai tes doigts pour les offrir aux chiens. Est-ce clair ?

Un long filet rouge s'écoule lentement sur ses joues, un spectacle qui ravive l'excitation brutale qui sommeille en moi. Sa tronche minable mériterait d'être écrasée, de peindre les murs de cette villa. Mais je me retiens. Je contiens ma fureur afin d'attendre patiemment le moment où je m'emparerai du poste de Tobias au sommet de cette organisation. Je lui jette mon mégot à la gueule, remets mon arme en place puis m'éloigne. J'ai besoin de prendre l'air, de laisser mon esprit s'évader avant que je ne sombre dans la folie.

Je traverse les couloirs du bâtiment, salue quelques personnes dont j'ai oublié les prénoms, tant ils sont insignifiants à mes yeux. J'ai hâte de retrouver le sanctuaire de ma chambre, l'endroit où je peux me libérer de l'agitation du monde extérieur. Arrivé devant ma porte, je la pousse, prêt à rejoindre le calme. À ma grande surprise, je découvre Andréa allongée sur mon lit, son corps entièrement nu. Mes sourcils se froncent. Comment diable a-t-elle obtenu la clé, cette salope ?

— Salut, mon chou. Je t'attendais, lance-t-elle, un sourire aux lèvres.

— Mais pas moi, répliqué-je en retirant ma veste. Qu'est-ce que tu fous ici ?

— À ton avis, trésor ? Tricoter des pulls ou peut-être enfiler des perles ? rit-elle avec insolence.

Aussitôt, ses paroles me rendent fou. Je bondis sur le lit, me place au-dessus d'elle et saisis son visage entre mes mains. Je sens sa peur à travers ses yeux brillants, mais une étrange excitation la consume, du moins, je le suppose puisque ses muscles se tendent. Elle remet une mèche de ses cheveux dorés derrière son oreille et me dévore du regard, comme si j'étais une proie à sa merci. Je serre les dents pour me retenir de ne pas lui donner une leçon qu'elle n'oubliera pas de sitôt.

— Je sais que tu as envie de moi, que tu rêves de me posséder, susurre-t-elle.

— Certes, j'ai besoin de soulager mes couilles, mais sache une chose, Andréa, c'est que jamais ça ne sera avec toi.

— Tu me désires ! Arrête de faire semblant de ne pas bander pour moi ! s'écrie-t-elle, sa main glissant doucement sur mon pantalon.

— Même avec un sac sur la tête, je ne te baiserai pas.

Un rire m'échappe et je la repousse, lui lançant une robe de chambre. Si je continue à la regarder, je risque de la tuer.

— Dégage ! ordonné-je d'une voix tranchante.

— Tu n'es qu'un minable, Lucian ! pleure-t-elle.

Je souris et m'effondre dans le fauteuil près de la baie vitrée. J'allume une cigarette, observant le paysage avec un goût amer dans la bouche. Le claquement de la porte résonne derrière moi. Andréa est probablement déjà partie. Je lève les yeux au ciel et laisse échapper un soupir de fumée avant de me servir un verre de whisky. Les nerfs en ébullition, j'ai besoin de calmer cet ouragan intérieur qui menace de me submerger.

***

Dans la voiture, en route vers le bar, je réfléchis à la manière dont le contrat va se conclure. Même si nos futurs acheteurs sont généralement sur la même longueur d'onde, parfois les choses peuvent dégénérer, car tout tourne autour de l'argent. Face à moi, Adéla et Klemens s'embrassent langoureusement, ce que je déteste.

— Prenez une chambre d'hôtel ! grogné-je, agacé.

— Toi, tu as passé une sale matinée, ricane Adéla.

Klemens se met à rire également et replace ses lunettes sur le bout de son nez. Je les dévisage, crachant par la fenêtre. Pas génial, c'est le moins qu'on puisse dire. Lui, c'est un ami de longue date. Nos chemins se sont croisés dans le même centre de redressement pour enfants. Un lien fort s'est tissé entre nous. Je le considère comme un frère, le seul que je tolère.

— Andréa t'a encore fait des avances ? intervient-il.

— Cette fois, elle m'attendait dans mon lit. Peu importe combien je lui dis qu'elle ne m'intéresse pas, elle ne lâche pas l'affaire, cette idiote, rétorqué-je en grinçant des dents.

— Coupe-lui la tête et le problème sera réglé, réplique Adéla.

Elle passe une main dans ses cheveux bruns, puis me lance un sourire en coin.

— Laisse là, la pauvre, ajoute son mec.

— Attends, veux-tu que je te rappelle ce qu'elle a fait, cette garce ? s'énerve-t-elle.

— Non, ça ira, s'amuse Klemens.

Ensemble depuis quatre ans et pas un seul instant où ils ne se disputent pas. Je ricane en me retroussant les manches. Enfin, nous sommes arrivés. Je descends du véhicule et rentre dans l'établissement. Derrière moi, les deux continuent à se chamailler. Je hausse les sourcils et me dirige vers la pièce secrète, dissimulée aux yeux des clients. Je fais un signe de tête au videur, il ouvre la porte, puis je monte les escaliers jusqu'à une salle privée d'où je peux observer toute la foule. Je m'installe sur le canapé, me sers un verre de vodka et allume une cigarette. Je suis venu simplement pour surveiller comment Adéla gère nos acheteurs. Pour l'instant, je préfère contempler les belles femmes qui défilent devant nous.

Une rousse s'assoit sur mes jambes. Le spectacle qui s'offre à moi me semble réjouissant. Ses yeux bleus rappellent l'océan. Elle passe ses doigts sur mon torse et approche sa tête de la mienne. Son souffle chaud caresse ma peau. Mon érection se fait sentir, une douleur plaisante.

— Un coup de main ? demande Klemens.

— À remettre ma bite en place ? Ça va aller, merci, répondis-je.

Il esquisse un sourire en coin avant de s'asseoir sur l'un des canapés. Tout à coup, trois hommes se joignent à nous. Je pousse la jeune femme qui grimace, mais dans notre monde, les affaires restent les affaires.

Pendant qu'ils parlent, je remarque rapidement que le plus âgé observe Adéla d'un œil pervers. À côté de moi, le visage de Klemens vire au rouge. Il serre la mâchoire et cramponne ses doigts sur les accoudoirs. Je suis certain qu'il a envie de lui arracher les orbites, mais je me redresse et pose ma main sur son épaule pour lui faire comprendre qu'il ne doit pas bouger. Nous ne pouvons pas foirer le contrat, pas maintenant. Je secoue la tête et m'affale sur la rambarde de sécurité. Les gens dansent, crient, boivent comme des alcooliques. Certains se droguent même. Un sourire s'étire sur mon visage jusqu'à ce que la voix de Adéla me ramène à la réalité.

— À bientôt, prononce-t-elle.

— Oui. Nous sommes ravis de pouvoir finaliser avec une femme aussi belle que vous.

— Tobias sera enchanté de savoir que maintenant, nous collaborons avec votre clan, termine Adéla.

Maintenant que l'affaire est conclue, ils se relèvent tous et sortent de la pièce. Je ne daigne même pas les saluer et continue à observer le bar. Beaucoup de monde se trouve en ces lieux ce soir, plus que d'habitude. Certainement des touristes venus ici pour la grande fête qui s'annonce. Rien que d'y penser, je me réjouis d'avance. Un sourire s'étire sur mon visage jusqu'à ce que je l'aperçoive, au milieu de ses mannequins de chair imbibés de stupéfiants.

Son corps se dandine au rythme de la musique. Sa sublime chevelure d'or brille sous les néons. À présent, elle entoure ses bras couverts de tatouages autour de Tilmann, un habitué. De loin, je ne peux pas voir clairement, mais je distingue peu à peu sa peur lorsqu'elle le repousse pour s'écarter de son emprise.

— Tu vas où, Adéla ? crie Klemens.

Je me retourne pour l'observer. Ses mains tremblent, sa peau devient blafarde.

— Je ne vais pas laisser cette pauvre femme entre les griffes de ce pervers ! s'exclame-t-elle.

— Tu restes ici ! ordonné-je.

— Mais tu sais très bien qu'il va la violer ! fulmine Adéla.

— Et ? répliqué-je. Ce n'est pas notre problème, peut-être que ça lui servira de leçon la prochaine fois qu'elle veut fréquenter ce genre d'endroit.

Soudain, sans m'y attendre, je la vois foncer sur moi et sa main s'abat rapidement sur ma joue. Surpris, je grimace. Une sensation de colère m'envahit. Je suis à deux doigts de lui faire regretter son geste.

— Je... je, bégaie-t-elle, pardonne-moi, Lucian, sanglote-t-elle.

Je serre les dents pour contenir ma folle envie de lui démonter la tête. Je remarque immédiatement que Klemens s'avance pour me calmer, mais d'un geste de la main, je lui dis de ne pas bouger.

— La seule raison qui me pousse à ne pas te mettre une balle, c'est parce que Klemens t'aime bien et je n'apprécierais pas le ramasser à la petite cuillère, grogné-je.

— Je ne voulais pas, je ne sais pas ce qui m'a pris, panique Adéla. 

— Si tu tiens à la ramener, fais-le, mais sache que tu viens de sceller son destin. En plus, ça tombe à pic, nous avons besoin d'argent cette semaine, conclus-je.

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