🫀Point de non-retour

Lorsque nous franchissons le seuil de l'établissement, je reste émerveillée par la beauté du restaurant. Même si j'ai déjà dîné plusieurs fois dans des endroits prestigieux avec ma mère, celui-ci m'attire particulièrement. Lucian n'a pas lésiné sur les détails. Peut-être éprouve-t-il la nécessité de se racheter, ou peut-être tente-t-il simplement d'être sympathique pour une fois ? Ces idées esquissent un sourire sur mon visage, mais il s'efface aussitôt lorsque je repense à ce qu'il m'a dit quelques heures plus tôt. Qu'est-ce qui a bien pu se passer dans son enfance pour qu'il soit aussi méprisant envers les autres ? J'ai essayé de considérer plusieurs possibilités, mais la seule qui revient est la même que la mienne. Un soupir de frustration m'échappe, perturbée par une hypothèse qui me glace le sang.

Nous avançons sur le carrelage, là où mon reflet se distingue à merveille, si bien nettoyé. La salle est éclairée par des spirales pendues au plafond qui propage une lumière tamisée. Je lève les yeux et peux admirer le ciel à travers la vitre transparente. C'est vraiment splendide. Nous choisissons de nous installer au premier étage, où il n'y a personne. C'est parfait, car cela me permet d'avoir une vue dégagée sur toute la pièce. L'endroit est agrémenté de plusieurs plantes suspendues aux poutres et disposées au sol. Je prends place à la table noire où Lucian s'assoit en face de moi. Je jette un rapide coup d'œil aux tableaux qui décorent les murs, la plupart font référence à des écrivains de notre pays. Ma bouche s'étire en une gaieté tandis que Lucian range son téléphone et me fixe.

— Qu'aimes-tu en dehors de torturer des personnes ? débuté-je pour briser ce silence pesant. 

— Imaginer te loger une balle entre les deux yeux est-ce ça compte ?

Un léger sourire apparaît sur mon visage.

— Je suis consciente que ça te démange, mais si nous pouvions éviter d'en arriver là, cela me plairait bien, plaisanté-je.

— La guitare, avoue-t-il. J'ai commencé à m'y adonner à l'âge de dix ans et je persiste à en jouer, même à l'approche de mes trente ans.

— Une raison particulière à cette passion ?

— Afin de soulager ses crises d'angoisse, ma mère trouvait du réconfort en écoutant les mélodies de cet instrument. Chaque soir, dans sa chambre, je venais lui offrir un petit concert pour qu'elle puisse s'endormir sans se soucier du reste.

Mes sourcils se soulèvent à la suite de ces paroles. Je m'attendais à toutes sortes de conversations pendant ce repas, mais pas à entendre une part de sa vie.

— Elle n'est plus parmi nous ? lui demandé-je, ressentant de la peine.

— Tessa, je ne suis pas du genre à étaler mon passé, mais sache que je te comprends.

Son visage pâlit et sa voix tremblante révèle qu'il est ému par ces confidences. Pour la première fois, je discerne une expression de sensibilité en lui et cela ne me met pas mal à l'aise, bien au contraire. J'aimerais pouvoir l'assister, l'aider, mais mes moyens sont limités. Il soupire puis s'adresse au serveur qui vient d'arriver, et fort heureusement, car je n'aurais pas eu le cœur de prolonger cette conversation marquée de tristesse, même si une part de ma curiosité aspire à en apprendre davantage. Je parcours brièvement la carte des menus et opte pour une choucroute savoureuse. Ma mère avait l'habitude d'en préparer chaque dimanche midi et ça me manque. Justus, dont le nom est brodé sur sa chemise bleue, prend des notes sur un carnet puis s'écarte.

— Et toi, en dehors de faire des doigts et de casser les couilles, as-tu d'autres passe-temps ? interroge Lucian.

Je manque de m'étouffer avec l'eau que je venais de porter à mes lèvres.

— J'apprécie écrire. Ça me permet de m'évader et de m'éloigner de mes problèmes, ne serait-ce que pendant une petite heure. Je joue à la console aussi. J'aime me défouler à éclater quelques têtes, souris-je.

— Et après, on parle de moi, soupire-t-il.

— Attends ! m'exclamé-je. Moi, c'est du virtuel. Toi, tu le fais vraiment. D'ailleurs, ce genre d'idée t'est venue comment ? Un matin, tu t'es levé en te disant : « Tiens, si j'allais voler le cœur des gens, ça peut-être grave fun ! » ?

Je remarque rapidement qu'il se met à sourire.

— À un moment donné de ma vie, je suis arrivé au bout d'un tunnel où je ne voyais plus la lumière. Je n'avais plus rien, plus de famille. J'étais complètement désossé. Quand on m'a viré du foyer avec Klemens, à dix-sept ans, on n'avait plus aucun repère. On traînait dans les bars, on faisait des coups, jusqu'au jour où on a tenté de dépouiller Tobias. Je pensais qu'il allait nous balancer aux flics, mais pas du tout. Il nous a pris sous son aile et nous a fait découvrir son monde. Au début, on flippait, des gamins dans un univers de grands, mais on a continué sans regretter.

— Eh bien, tu étais déjà un vrai casse-cou, ris-je.

— Lorsqu'on ne possède plus rien à quoi s'accrocher, on se cramponne à l'unique présence qui offre un minimum de compassion.

Je grimace discrètement, consciente que Lucian a raison. En ce moment, je le réalise, car le motif pour lequel je suis encore ici réside dans l'espoir de ne pas affronter seule mes démons. Si j'étais au Nevada, il est probable que je ne sois déjà plus de ce monde, emportée par le désir de rejoindre ma mère. Cette sombre pensée a souvent hanté mes réflexions, même ces derniers jours. Et pourtant, malgré moi, en sa présence et en celle d'Adéla, c'est comme si j'avais trouvé des personnes sur lesquelles je pouvais compter. Cela devient d'autant plus difficile, car je sais que je vais devoir faire des choix aux conséquences irréversibles.

Le serveur vient nous apporter nos plats et les dispose devant nous. Il plonge ses yeux marron dans les miens et nous souhaite un bon repas. Je le remercie puis reste quelques instants à contempler ma choucroute qui dégage encore de la vapeur. Tout ce que j'aime s'y trouve : du lard, des saucisses, du jarret. C'est un véritable délice de pouvoir y goûter. Je tourne la tête vers Lucian, qui lui a opté pour un steak saignant, là où le sang continue de s'écouler. Il me sourit légèrement puis entame son assiette.

— La dernière fois, tu as laissé entendre que tu avais une femme, mais qu'elle était décédée. Que lui est-il arrivé ? demandé-je.

J'espère ne pas avoir touché une corde sensible chez lui. Je n'ai pas encore envie de devenir la cible de ses tirs.

— Il y a cinq ans, Franziska venait de rejoindre notre organisation, car elle ne savait plus à qui se tourner. C'était une gonzesse très séduisante, que tous les hommes voulaient baiser.  Six mois après, j'ai découvert qu'elle nous avait trahis. C'était une putain d'infiltrée qui travaillait pour le FBI.

Les yeux écarquillés, je m'efforce de finir le reste de mon assiette. Ainsi, elle est la fille mystérieuse dont Adéla m'avait parlé.

— L'as-tu éliminée ?

— Je ne touche pas aux femmes, rétorque-t-il d'un ton autoritaire.

— Alors, où se trouve-t-elle ?

Lucian rit nerveusement avant de porter son verre de vin rouge à sa bouche.

— Là où personne n'ira la chercher.

Au fond de moi, je ressens cette intuition qu'elle n'est plus en vie. Bien qu'il respecte à la lettre cette règle d'or, les traits déformés sur son visage ne peuvent cacher la rage qui sommeille en lui. Malheureusement, je ne pourrais pas obtenir davantage d'informations, sous peine de l'irriter. Mais je dois le découvrir, il le faut.

— Tu es réellement tordu et malaisant, soupiré-je.

— Mais la vraie question, Tessa, c'est pourquoi tu persistes à discuter avec moi si tu me trouves mauvais à ce point ?

Si je lui réponds que c'est simplement pour que les prochaines années de sa vie soient confinées entre les quatre murs d'une cellule, ce serait me mentir à moi-même. Quelque chose se produit à chaque instant passé à ses côtés et je n'ai jamais éprouvé ça. Lucian dégage une aura qui éveille tous mes sens. En sa présence, je me sens en sécurité, même si je n'ose pas l'admettre. Malgré nos échanges de piques incessants, en dépit de sa volonté constante de me faire du mal jour et nuit, ce que je ressens pour lui va à l'encontre de mes attentes initiales lorsque j'ai plongé mon regard dans le sien.

Je crispe mes doigts sur le rebord de la table, en colère contre moi et contre mes émotions qui s'embrouillent dans ma tête. C'est une faiblesse d'esprit d'éprouver une telle attirance pour un individu de son genre, et au mépris de mes efforts pour lutter contre cette tentation, je n'y parviens pas.

— Parce que je suis convaincue qu'à travers cette carapace, tu n'es pas l'homme que tu prétends être aux yeux des autres, répliqué-je. Tu te dissimules derrière tes propres démons et tes peurs pour éviter de montrer ta vulnérabilité, mais ton cœur est tout aussi meurtri que le mien. Toutefois, nous n'avons pas la même manière de réagir face à notre passé. Toi, tu prends la vie de personnes pour apaiser ta douleur, tandis que moi, j'écris mes romans pour combler ce vide.

Lucian serre les poings et se rapproche à quelques centimètres de mon visage. Je peux sentir son souffle effleurer ma peau, mais je lui tiens tête.

— Penses-tu me connaître ? lance-t-il.

— Non, réponds-je, mais je suis persuadée d'avoir raison, sinon tu m'aurais déjà annoncé que tu comptais me loger une balle.

Je peux l'entendre ricaner alors qu'il se rassied.

— Tu as de la chance que je...

Il n'a pas le temps d'achever sa phrase qu'une femme aux tatouages qui recouvrent la totalité de son corps, sauf son visage, s'arrête devant lui. Ses longs cheveux blonds descendent en dessous de son imposante poitrine. Je jette un rapide coup d'œil aux miens et lève les sourcils, frustrée. Les mains sur son sac, elle plante ses yeux verts dans les miens et me toise comme un obstacle à abattre.

— Andréa, que fais-tu ici ? demande Lucian, visiblement agacé.

— Je passais dans le coin et j'ai vu ta voiture, alors je voulais venir te dire bonjour, sourit-elle.

— Eh bien maintenant, tu peux repartir et aller casser les couilles à d'autres personnes.

— Je pensais qu'après les nuits où tu as pris plaisir à me baiser sur la table, nous avions tissé un lien, mais il semble que tu cherches déjà ton prochain plan cul.

Elle m'adresse un regard sombre.

— Andréa, s'énerve-t-il, ma patience à des limites.

— Quoi, je n'ai plus le droit de parler de nos débats que tu aimes tant ?

— Dans ta putain d'imagination surtout !

La tension s'installe lentement, perceptible dans l'atmosphère. Je constate qu'il se masse l'arête du nez pour tenter probablement d'apaiser les voix qui murmurent des pensées atroces dans son esprit. Quant à Andréa, elle semble tirer un amusement de la situation. Un sourire béat illumine son visage.

— De toute manière, s'adresse-t-elle à moi, tu n'es qu'une salope parmi tant d'autres dans son tableau de chasse. Ne crois pas un seul instant que tu as tes chances avec lui.

Si elle pense pouvoir m'atteindre, elle se trompe. Je me redresse, exaspérée par la situation, et m'approche à quelques centimètres de son corps.

— Tu parais plutôt tendue. J'ai toujours deux réservations pour un massage relaxant si ça t'intéresse. Ça pourrait contribuer à apaiser toute cette tension qui sommeille en toi.

Andréa se décompose immédiatement. Les mots semblent coincés dans sa gorge. Alors qu'elle lève sa main pour abattre ses doigts sur ma joue, Lucian bloque son poignet et se relève d'un bond.

— À ta place, je ne m'aventurerais même pas à toucher ne serait-ce qu'un de ses cheveux, gronde-t-il.

— Je ne sais pas pourquoi Tobias l'a recrutée, peste-t-elle, mais je te jure qu'elle ne fera pas long feu chez nous.

— Ne t'engage pas dans ce jeu, tu risques de perdre bien plus que ce que tu crois.

— Donc tu vas me dire que tu te laisses séduire par ce genre de femmes ? crie-t-elle. Je pensais que tu valais mieux que ça, Lucian.

Je réprime un rire face à cette situation grotesque. Je tapote légèrement le bras de Lucian pour lui faire signe de partir. Je n'ai plus envie de rester ici. Il finit par la relâcher tandis qu'Andréa continue à prononcer des mots que je peine à comprendre. Je hausse les épaules et me dirige vers la sortie. Néanmoins, ma fierté n'apprécie pas vraiment de se faire insulter de la sorte.

— Et pour répondre à ta question, je n'ai pas besoin d'avoir des chances avec lui, puisqu'il partage mon lit chaque soir, conclus-je.

***

Il est déjà vingt heures passées, mais je peine à trouver le sommeil, même avec Otto qui surveille la porte. Malgré mes nombreux changements de position, mes yeux refusent de se laisser emporter vers le repos. Vêtue d'une chemise qui s'arrête légèrement au-dessus de mes genoux, je me relève, agitée. Après cette journée mouvementée sous tous les aspects, mon esprit continue de tourbillonner. Je me dirige vers la salle de bain, me sers un verre d'eau pour apaiser ma gorge asséchée. Je passe mes paumes sur mon visage à plusieurs reprises pour chasser cette pensée qui tourne en boucle, je soupire et me résigne à l'accepter.

Je croise brièvement le regard de l'homme de main qui me dévisage alors que je sors de la pièce. Sans poser de question au moment où il me voit m'avancer vers la chambre de son patron, il m'indique d'un signe de tête son approbation et prend congé. Il a sûrement besoin d'une bonne nuit de sommeil lui aussi. Je toque trois fois à la porte de Lucian, mais aucune réaction. Incertaine de savoir s'il dort ou s'il choisit de plein gré de ne pas répondre, je m'apprête à faire demi-tour. Cependant, le bruit assourdissant de la serrure se fait entendre, et la silhouette de Lucian apparaît devant moi. Mes yeux descendent sans réfléchir sur son caleçon, l'unique vêtement qui couvre sa musculature. Je hausse les sourcils afin de me reconcentrer rapidement sur son visage.

— Je n'arrive pas à me reposer, prononcé-je, stressée.

— Et ? rétorque-t-il. Tu penses que dans mon lit tu trouveras plus le sommeil ?

Je souris bêtement comme une enfant.

— Je ne souhaite pas rester seule, même en présence d'Otto qui me surveille.

— Tu crois que je suis une sorte de baby-sitter ? souffle-t-il.

— Pas du tout ! Je recherche simplement une présence. Tu n'as pas besoin de dormir à mes côtés, je peux très bien me contenter du sol, grimacé-je.

Il incline la tête avec mépris, néanmoins, il lève la main pour me faire signe d'avancer. Je souris légèrement et me dirige vers le tapis pour aspirer à me reposer quelques heures.

— Tu es déprimante, lâche Lucian. Viens, mais j'espère pour toi que tu ne bouges pas trop, sinon, je te promets que je te dégage rapidement.

J'acquiesce sans le laisser voir que, d'une certaine manière, une partie de moi est ravie. Dormir à même le sol est assez difficile, je dois dire. Je me glisse dans les draps qui respirent la fraîcheur et la menthe, puis place convenablement mon oreiller.

— Remets correctement ta chemise, bordel ! Ne me tend pas ton cul comme ça, je risquerais de déraper.

— Bah en même temps, je ne t'ai pas demandé de me relooker, soupiré-je.

— Tu as vraiment le don de m'énerver !

Je pivote pour lui faire face et plante mes yeux dans les siens. Une certaine lueur émerge, mais ce n'est pas celle du début, c'est tout autre chose. Je respire profondément et me répète que cette frontière ne peut pas être dépassée, qu'il ne faut pas que je cède, car ce serait un point de non-retour.

— Oui, oui, avec ton envie de me mettre une balle, je connais le refrain.

— Là, c'est autre chose que je souhaite te fourrer, grimace-t-il.

— Tu as une élégance qui fait peur. Voilà pourquoi aucune femme ne veut de toi, répliqué-je, soulée.

— Attends, qui frappe à ma porte pour pioncer avec moi ? Ne renverse pas les rôles.

— Ce n'est pas un truc de dingue non plus ! Tu aurais pu me dire non à ce que je sache.

— Ah bon ? rit-il. Alors pourquoi as-tu proclamé qu'on couchait ensemble toutes les nuits à Andréa ? N'est-ce pas une pointe de jalousie que j'ai vue à ce moment-là ?

Je ferme immédiatement les yeux et simule le ronflement pour faire comprendre que je dors. Je n'ai pas l'intention de débattre de ce sujet avec lui, néanmoins, je peux ressentir son souffle caresser mon visage. Je le sens à proximité.

— Arrête de te foutre de ma gueule, crache-t-il.

— Laisse-moi me reposer, répliqué-je. Je suis fatiguée.

— Réponds à ma question  ! ordonne-t-il.

Lorsque mes paupières s'ouvrent, une sensation étrange m'enveloppe tout entière. Je n'arrive pas à la faire partir. Devant moi, Lucian se mord la lèvre inférieure, ce qui provoque une tension palpable dans la pièce. J'essaie de rester concentrée, de penser à autre chose, mais à cet instant précis, je n'ai d'yeux que pour sa personne. Être dans cette position et le contempler me procure un bien fou, et pour ça, je me déteste. C'est la première fois qu'un homme me regarde d'une telle façon. Même Dylan ne le faisait pas autant, à part me faire du mal toutes ces années, il ne servait pas à grand-chose.

Délicatement, je passe mes doigts sur sa joue et ressens sa chaleur. Je n'arrive plus à mépriser ce que j'éprouve pour cet homme. Je colle alors mon front au sien, ses bras viennent enlacer mon buste. Je frissonne, mais ça ne m'arrête pas, au contraire. 

— Et puis, merde, susurré-je. 

Je plaque brutalement mes lèvres aux siennes afin de m'offrir ce premier baiser que je désirais tant. Immédiatement, mon corps réagit et je me laisse porter dans ce tourbillon excitant. Je me redresse pour me placer sur son torse pendant que nos langues jouent entre elles. Ses doigts se posent sur mes fesses, les serrant en douceur. Il en a envie tout aussi bien que moi, et je ne veux plus attendre, je ne peux plus aller à l'encontre de mes pensées qui n'arrêtent pas de me faire vivre un enfer ces derniers temps.

Je passe légèrement ma main dans son caleçon pour y ressentir son membre dur comme de la pierre. Lucian me retourne sur le matelas puis déboutonne ma chemise pour laisser mes tétons pointus à l'air. Mon corps tremble avant de connaître cette sensation de plaisir intense. Il commence à s'amuser avec le bout de sa langue sur chaque partie de mon être. Sa paume glisse sur ma cuisse.

Je serre les draps tandis qu'il explore mon anatomie. Sa langue entame une caresse humide sur mon clitoris. Lucian le lèche avec douceur. Ma respiration s'accentue à mesure qu'il me goûte en profondeur. Mes gémissements deviennent plus intenses, plus forts. Ses doigts remontent sur mon sein pour le palmer, ce qui me procure plus de plaisir qu'il ne m'en donne déjà. Un courant électrique prend possession de mon corps, là où je relâche cette pression extrême qui m'étreint. Mon cœur bat à tout rompre, mes jambes tremblent sans que je ne puisse les contrôler. Pour la première fois, je sais enfin ce qu'est un orgasme. Même si je tente de réprimer ce cri de bonheur, je n'y parviens pas, ce qui fait rire Lucian. Il se penche alors vers moi et me dévore. Je prends son visage entre mes mains et lui souris.

— Je veux être certain que tu souhaites aller plus loin, murmure-t-il.

— Je te désire, Lucian, confessé-je.

Il tire le tiroir de sa table de chevet pour sortir un préservatif et le mettre. Je suis légèrement tendue, mais j'essaie de ne pas lui montrer. J'ai juste envie de partager une excitation commune en sa compagnie et pouvoir, ne serait-ce qu'un moment afin d'oublier toute cette misère. Prêt à me pénétrer, il s'amuse à mordiller mes seins pour faire durer le plaisir. Je crispe la mâchoire et frémis de satisfaction à chaque toucher qu'il me procure. Toutefois, lorsque je sens son membre rentrer, mes yeux se ferment d'emblée et mes larmes coulent en cascade.

Je reste comme pétrifiée, impossible de bouger. D'un seul coup, mon corps se met à trembler, j'ai des sueurs froides, et ces horribles images reviennent comme un boomerang. Je me relève immédiatement avec cette sensation d'étouffer. Mon cœur rate un battement lorsque Lucian prend ma main.

— Tessa ! Qu'est-ce qui se passe ? Je t'ai fait mal ? Si c'est le cas, ce n'était pas mon intention.

— Je suis désolée, je ne peux pas, sangloté-je.

Je m'enroule dans la couverture, puis me lève pour me diriger vers la baie vitrée. À ce moment précis, je peine à exprimer l'amertume qui me consume. Un sentiment de honte m'envahit. Le bonheur semble hors de portée, impossible à atteindre tant qu'il est là, celui qui a anéanti mon enfance et ma vie. Mes mains se serrent jusqu'à sentir mes ongles s'ancrer dans ma peau.

— Que t'arrive-t-il ? s'inquiète-t-il.

Je fais volte-face pour me retrouver en face de Lucian, les doigts crispés dans l'espoir d'apaiser ma souffrance, en vain.

— Je... Je n'ai jamais couché avec un homme. La peur s'est emparée de moi. Je ne veux pas connaître la désillusion, car c'est un instant que toute femme aspire à chérir. J'ai cette crainte de te décevoir, de m'engager dans quelque chose sans lendemain, mentis-je à demi-mot.

— Tessa, regarde-moi et essuie tes larmes, exige-t-il. Malgré mes intentions de te mettre une balle dans la tête ou le fait que tu me casses les couilles, si j'ai choisi d'aller plus loin avec toi, c'est parce que j'en ai envie. Tu n'as pas à avoir peur de quoi que ce soit avec moi. Si tu ne te sens pas prête, alors j'attendrai le temps qu'il te faudra.

Mon cœur se fissure une nouvelle fois, redoutant le moment où il s'éteindra à cause de mes décisions. Le visage baissé, je laisse couler ma souffrance, incapable de retenir ce flot de douleur qui s'agrippe à chaque parcelle de mon être. Lucian s'approche de moi et dépose un baiser sur mon front. Tout devient flou, ma tête est sur le point d'exploser.

— S'il y avait autre chose, tu me le dirais ? demande-t-il.

— Oui, bien entendu.

Lucian ne doit en aucun cas être informé que quelqu'un a profané mon être de toutes les manières possibles. Je suis convaincue que son regard en serait altéré. Si jamais il venait à le découvrir, ça révélerait ma véritable nature, du moins avant que mon âme ne s'éprenne de sa personne.

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