🫀 Mission - LUCIAN
Assis dans la voiture, je contemple l'immense building qui se dresse devant nous depuis près d'une demi-heure. Une bouffée de ma cigarette emplit mes poumons, alors que la fumée s'insinue en moi. L'homme que je suis venu voir n'est pas encore au courant de ma visite, j'aime l'effet de surprise. Ma montre m'indique onze heures. Je soupire, mes pensées se tournant vers elle, cette petite emmerdeuse. J'espère qu'elle ne va pas foutre en l'air nos plans, qu'elle va se tenir tranquille, surtout avec Adéla à l'entrepôt. Je secoue la tête et jette un regard à Klemens, qui ne cesse de gesticuler.
— Tu as un vers dans le cul ? lui demandé-je d'un ton posé.
— Je crois que j'ai oublié mon portable, grimace-t-il.
— Au moins, ta gonzesse ne nous soulera pas avec ses photos à moitié à poil.
Il arque un sourcil, surpris par ma remarque.
— Tu n'es pas très discret, répliqué-je avec un léger sourire ironique.
— Écoute, ça m'aide à me détendre pendant les missions, répond-il en haussant les épaules.
— Voilà pourquoi tu fais souvent de la merde.
— Toi, tu devrais penser à en trouver une, ça te rendrait moins con, ricane Klemens.
J'abaisse la vitre de la voiture et jette ma cigarette. Je pouffe de rire, m'enfonçant davantage dans le siège en cuir.
— Comme Tessa, par exemple, reprend-il, provoquant un éclair de colère dans mes yeux.
— Si tu veux conserver ta langue, je m'abstiendrais à ta place, grimacé-je.
— Ne nie pas, Lucian. Je te connais assez bien pour comprendre que ton esprit est ailleurs depuis quelques jours. Ça pourrait peut-être te décontracter, tu sais, détendre ces muscles constamment raides, se moque-t-il.
— Arrête de raconter des conneries et sors de la voiture ! lui ordonné-je, sentant la tension monter en moi.
Klemens me lance un regard amusé avant d'ouvrir la portière en m'adressant un doigt d'honneur. Je secoue la tête, exaspéré. Je n'ai aucune envie de parler de Tessa. Je me force à chasser ces pensées de mon esprit. Je dois rester concentré sur cette mission, trouver non seulement le salaud qui prend plaisir à graver mon nom sur les corps, mais aussi celui qui a tenté de faire du mal à Irina.
Je retrousse les manches de ma chemise, prêt à passer à l'action. La personne que m'a indiquée Alek se tient là : Johann Bronner, employé chez Herbrews à Dortmund. Discret, il bosse dans la finance, marié et père de deux garçons âgés de dix et six ans. Sa peau d'ébène brille légèrement sous les reflets du soleil. Sa silhouette mince me donne l'impression qu'il n'est pas particulièrement adepte des combats ou d'autres activités du genre. Un avantage.
— Johann Bronner ? interrogé-je en me plaçant devant lui.
— Oui, répond-il d'une intonation tremblante.
Son langage corporel trahit son malaise : regard fuyant, les doigts qui s'entrelacent nerveusement et un mordillement de la lèvre jusqu'au sang.
— Tu es redevable envers deux mercenaires, il y a un peu plus de cinq ans. L'heure est venue de t'acquitter de ta dette, déclaré-je d'une voix autoritaire.
Il nous observe de ses yeux marron, puis déglutit, sa gorge se nouant légèrement. Il passe une main dans ses cheveux courts et, d'un signe de tête, nous invite à le suivre. Il ouvre sa Mercedes et nous fait monter à l'arrière. J'allume ma clope et espère qu'il puisse nous donner des informations utiles. Je n'aime pas perdre mon temps.
— Je... Euh... On ne fume pas ici, fait-il, gêné.
Je le scrute à travers le rétroviseur, tire une longue bouffée de ma cigarette avant de la souffler lentement en sa direction.
— D'accord, réagit-il. Que désirez-vous ?
— J'ai besoin de tes compétences pour découvrir qui me baise, répondis-je d'un ton sévère.
— Un fils de pute s'amuse à graver son nom dans la chair des cadavres, ajoute Klemens.
— Et pourquoi ne pas le faire vous-même ? demande Johann.
Je pose doucement ma main sur mon arme, agrippe le manche de mes doigts. Je craque mon cou, crispe la mâchoire tout en maintenant mon regard fixé sur lui.
— Il serait dommage que tes deux enfants grandissent sans père, m'énervé-je.
— Je... Je, bafouille-t-il, je me suis mal exprimé, je souhaitais dire que...
— Nous préférons régler ça entre nous. Nous ne voulons pas que l'histoire s'ébruite, coupe Klemens.
— Avez-vous des soupçons sur quelqu'un ou aucune piste ? questionne-t-il laconique.
Je lâche un soupir de mépris, Johann comprend immédiatement que ma patience diminue.
— Tu crois vraiment que nous sommes ici pour effectuer de la figuration ? fulminé-je.
Pendant que je fais claquer chaque os de mes doigts, ses yeux me scrutent puis descendent jusqu'à mon cou. Une lueur terrifiante s'insinue en lui. Une goutte de sueur perle sur ses joues.
— C'est... C'est donc vous les...
Johann n'achève pas sa phrase et se tait, laissant un lourd silence s'installer.
— Bon, presse-toi, s'impatiente Klemens, chaque minute compte.
— J'ai des contacts en Allemagne, affirme-t-il. Je vais me renseigner et vous fournir un nom d'ici demain au plus tard.
— Parfait, rétorqué-je en souriant légèrement. Je te donne le numéro où tu peux me joindre. Et une dernière chose pendant que nous y sommes.
Je sors une photo que je lui place sous le nez.
— As-tu une idée de qui appartient ce tatouage ?
Johann prend une pause, plongé dans ses pensées. À mes côtés, Klemens devient peu à peu impatient, sa gestuelle plus agitée. Je lui lance un sourire en coin et me concentre à nouveau sur l'homme, qui passe une main sur sa barbe.
— Il y a quelque temps, mon cousin m'a parlé d'un gars qui traîne toujours dans le même bar. Comment se nomme-t-il déjà... Ah, oui, le Dä Spiegel. Il se vantait d'avoir réussi à dérober la cargaison d'un foutu mafieux européen. D'après Dimitri, il a dessiné ce tatouage pour rappeler que les plus puissants ne sont pas intouchables. Il riait de sa performance entre deux verres de whisky qu'il avalait comme de l'eau. Peut-être que je me trompe, mais cela correspond étrangement.
Au départ, je cherchais simplement le gang qui avait osé toucher Irina, mais finalement, ça fera d'une pierre deux coups. J'ai l'impression que cette histoire est liée à tout ce que nous découvrons maintenant.
— Le gérant, ce n'est pas Harzel Knifer ? demande Klemens. Le fils de Kazten, celui que tu as buté ?
— Oui, acquiescé-je. Ce salaud ne voulait pas céder son établissement, alors j'ai trouvé un moyen rapide de faire comprendre à ses chiens de garde qu'ils n'avaient pas le choix.
— Espèce de tordu, pouffe-t-il.
— Les affaires sont les affaires, mon ami, ris-je. Merci, Johann, pour ta coopération. J'attends ton appel demain, sinon, je viendrais te rendre une petite visite de courtoisie là où tu habites.
— Oui, monsieur, conclut-il.
À tour de rôle, nous sortons du véhicule et aussitôt, Johann démarre en trombe. Je souris fièrement et tapote légèrement l'épaule de Klemens pour lui faire comprendre qu'il a accompli du bon boulot.
— Allons chercher ce fumier, déclaré-je.
***
Il est midi et le bar est déjà bondé. Nous franchissons l'entrée de l'établissement et rapidement, l'odeur âcre de l'alcool mêlé à la sueur envahit mes narines. Je pousse un soupir de dégoût et me fraye un chemin à travers la foule. Je m'avance vers le comptoir en bois et m'installe sur un tabouret. Le barman, plongé dans la préparation des boissons derrière sa machine à bière, ne me remarque pas de suite. Cependant, quand ses yeux bleus rencontrent les miens, il saisit immédiatement la situation. Un léger geste de tête de sa part suffit à le faire interrompre ses activités, et il se hâte de nous servir deux verres de whisky.
— Tu es vraiment incorrigible, putain, pouffe Klemens.
— Ma gorge est sèche, faut que je la désaltère.
— Je peux te donner une meilleure idée, si tu veux, rétorque-t-il d'un clin d'œil.
— Va te faire foutre, connard.
Klemens éclate de rire avant de me pousser avec son coude d'un signe amical. Je balaye rapidement la salle et remarque les changements opérés. La première fois que j'ai mis les pieds ici, l'endroit était plongé dans des couleurs fades, mais cet enfoiré a décidé de rénover en repeignant les murs en rouge. Plusieurs tableaux de cow-boys ornent désormais les parois. Près des toilettes, une petite estrade accueille un chanteur et son guitariste. Je hausse un sourcil. Je ne parviens pas à saisir comment les gens peuvent écouter une telle merde qui déchire les tympans. Je vide mon verre d'un trait jusqu'à repérer l'homme en question. Son tatouage apparent ne laisse aucun doute. Un léger sourire se dessine sur mon visage. Je me lève puis, d'un geste discret, ordonne à Klemens de me suivre.
Lorsque nous arrivons à sa hauteur, il est vautré sur le canapé beige, une bière à la main. Je ne sais pas combien de bars il a fait, mais il empeste la mort. Les taches de graisse sur son t-shirt gris témoignent de son laisser-aller. Je m'assois en face de lui et le fixe d'un regard impénétrable. Un sourire en coin se dessine sur mes lèvres tandis que son visage pâlit à chaque vacillement du lustre qui pend au plafond. Je croise les bras, une posture de prédateur observant sa proie, et réfléchis à la manière dont son dernier souffle de vie va s'éteindre. Plusieurs idées tournent dans mon crâne, chaque option aussi sombre que mon cœur.
— Qu'est-ce que vous voulez ? crache-t-il.
— Ta tête en guise de décoration de chambre, articulé-je d'une voix glaciale, mais avant tout, des renseignements.
— Tu ne vois pas que tu me déranges, fils de pute ? Alors, va sauter ta mère et ne viens pas me faire chier.
Rapidement, j'entends Klemens éclater de rire. Je me frotte le front à plusieurs reprises pour tenter de calmer la fureur qui menace de lui exploser la cervelle. Je dois me ressaisir, du moins pendant quelques minutes, juste le temps de lui extirper ce qu'il sait. Mes phalanges craquent tandis que je me relève d'un geste assuré.
— Allons-y, Klemens ! lui ordonné-je.
— Mais...
— Tout de suite !
Il ne comprend pas et me regarde avec un air inquisiteur, mais il ne bronche pas et me suit jusqu'à la voiture. Je peux l'entendre derrière moi me parler, mais mon esprit est trop préoccupé pour prêter attention à la moindre de ses paroles. J'ouvre le coffre pour prendre la batte de baseball, un instrument de rétribution pour les vermines de son espèce.
— Reste ici, je reviens dans deux minutes, affirmé-je.
Klemens acquiesce de la tête et s'adosse contre le pare-chocs. Moi qui voulais y aller doucement, eh bien finalement, mes vieux démons me rattrapent.
Alors que cet enfoiré boit comme un porc, aussitôt, je lui éclate la main. Le hurlement de douleur qui s'échappe de sa bouche brise le silence de plomb du bar. Tous les clients se retournent, l'atmosphère s'enveloppe d'une tension électrique.
— Mais putain, tu es qui, toi ? crie-t-il, son regard écarquillé de terreur.
— Ton pire cauchemar.
Je lui redonne un autre coup, cette fois dans le ventre, le faisant chuter au sol dans un gémissement de souffrance. Je soupire, mon souffle chargé de haine, puis l'attrape par le col de sa chemise pour l'entraîner dehors. Klemens accourt vers moi, afin de m'aider à le placer à l'arrière du véhicule, une cage destinée à l'animal.
— Conduis-nous au building ! ordonné-je à Klemens.
Il hoche la tête, comprenant la gravité de la situation, et s'installe derrière le volant. Moi qui pensais rentrer rapidement et plonger dans la piscine, c'est raté.
Après une trentaine de minutes, Klemens finit par se garer sur le parking. Il coupe le contact, mais reste dans la voiture. L'autre connard descend, menacé par l'arme que je lui pointe sur la gueule. Ses cheveux noirs virevoltent à chaque rafale.
Je fais un signe de tête au garde dans sa petite cabine, et immédiatement, il déverrouille les portes. Nous avons acquis presque tous les bâtiments dans chaque ville d'Allemagne, que nous remodelons par la suite selon nos besoins. Celui-ci bénéficie d'un club de striptease, de chambres très privées, d'un niveau où l'on cultive la drogue, d'une vue imprenable sur toute la ville. Il y a également un bar à disposition, mais aussi d'un étage réservé aux individus de son espèce, là où même le diable ne voudrait pas mettre les pieds.
Je le pousse dans l'ascenseur, sa peur palpable transparaît dans chaque geste. Son t-shirt se gorge de sueur, ses mains tremblent violemment. Quand le mécanisme cesse, il sursaute comme une proie terrorisée. Mon envie de le tuer sur-le-champ atteint son paroxysme, mais je me retiens.
Une fois arrivés, nous nous arrêtons devant Heiner, notre agent de sécurité. Ses longs cheveux blonds tombent en désordre tandis qu'il s'approche de moi pour prendre le porc et l'installer sur une chaise. Heiner connaît la routine, il a l'habitude de me voir au moins une fois par semaine. D'un geste habile, il attache chaque membre de l'homme pour le paralyser. Malgré ses mouvements rapides et ses cris désespérés, grâce au double vitrage asymétrique, personne ne pourra entendre ses supplications.
Je lui fais signe de se retirer à sa place. Ce que j'apprécie ici, ce sont les murs en pierre qui suinte l'horreur des victimes. Le sol en béton, recouvert d'une immense bâche blanche, produit un son satisfaisant. Au centre de la pièce trône une table en métal rouillé, surchargée d'instruments de torture : pinces, couteaux et divers mécanismes que Nils, notre ingénieur, a créés. À proximité, des crochets pendent du plafond, parés à être utilisés.
— Es-tu prêt à parler cette fois-ci ? lui demandé-je en retroussant les manches de ma chemise.
— Va te faire foutre ! Tu es complètement taré, putain.
— C'est ce qu'on me dit souvent, réponds-je en esquissant un sourire.
Je m'avance vers la table. Aujourd'hui, je n'ai pas l'envie de me salir davantage, alors je vais tester le dispositif de Nils. Il m'a brièvement expliqué son fonctionnement et je dois dire que c'est assez ingénieux. Il s'agit du Schädelschneider, un piège qui se fixe autour du cou. Équipé de douze petits mécanismes, il émet des lasers qui encerclent la totalité de la tête. Une mauvaise réponse, et ces lasers se resserrent progressivement jusqu'à trancher le crâne en plusieurs parties. Un sourire narquois s'étire sur mes lèvres tandis que je place l'appareil. Ses cris résonnent dans la pièce, des menaces fusent de sa bouche. Je dois admettre qu'il parvient à me faire rire. Je saisis la chaise qui se trouve en face de lui et m'installe à ses côtés, prêt à débuter notre petite séance d'interrogatoire.
— Tu bosses pour qui ?
— Je ne suis qu'un garagiste !
— Mauvaise réponse, déclaré-je d'un ton glacial.
D'un geste, j'actionne le bouton. Des rayons bleus entourent sa tête. Son front est couvert de sueur, ses lèvres se ferment dans le silence. La seule chose perceptible est sa respiration haletante.
— D'accord, d'accord, je te dirai tout, mais épargne-moi ! implore-t-il.
— Donne-moi des explications, et ensuite j'aviserai.
— J-Je... balbutie-t-il, je travaille pour Caesar. Il dirige un gang à Brest en Biélorussie.
— Qu'est-ce que tu fous en Allemagne ?
— Après qu'il m'ait demandé de voler un homme, j'ai revendu sa marchandise et j'ai quitté le pays. Laisse-moi partir, s'il te plaît ! Si tu veux, je peux même te donner de l'argent.
Un rictus se dessine sur mon visage. Ses supplications sonnent creux dans cet endroit. Il a imaginé qu'il pouvait échapper à son destin, mais il se trompe lourdement. Mon regard le transperce, le plongeant dans une réalité glaciale. Il a rejoint la longue liste des idiots qui ont cru pouvoir se jouer de nous. La sentence est tombée et il est trop tard pour regretter.
— Pourquoi ton patron t'a-t-il demandé de voler cette cargaison ?
— Aucune idée, il n'a rien voulu me dire, avoue-t-il.
— Que sais-tu d'Irina que l'un de tes complices a tenté de buter ? fulminé-je.
— Je ne connais pas cette nana ! hurle-t-il.
J'éteins le mécanisme et d'un geste rapide, je lui administre une gifle cinglante qui résonne dans la pièce. Son visage bascule sous la force du coup, et un silence s'ensuit.
— Je n'aime pas qu'on me prenne pour un con, grogné-je.
— Je te promets que je ne suis au courant de rien ! sanglote-t-il. Je veux juste rentrer chez moi, s'il te plaît.
L'homme assis en face de moi, visiblement terrifié, affiche une mine pâle et crispée. Ses yeux errent dans la pièce pour chercher une issue. Sa respiration haletante révèle son angoisse. Ses vêtements sont collés à sa peau moite.
— Où se cachent tes complices ? poursuis-je.
— Ils vivent dans un entrepôt isolé, au cœur d'une forêt. C'est tout ce que je sais.
Il est évident qu'il n'a plus aucune information à m'offrir. Je me redresse et m'avance vers la sortie.
— Qu'est-ce que tu fais ? sanglote-t-il. S'il te plaît, je veux juste rentrer chez moi !
— Je m'en vais baiser ta mère, conclus-je.
Il gueule, se débat, mais ça ne sert à rien, son destin était scellé avant même qu'il pose un pied dans ce trou à rats. Un dernier clic sur la télécommande et, d'un coup sec, plus un son ne sort de sa bouche. Les lasers lui ouvrent le crâne en deux. Sa peau se balade, le sang gicle. J'inspire profondément. Enfin, je vais pouvoir me détendre avec un bon verre de whisky.
Lorsque je retrouve Klemens après une heure, je m'adosse au capot et m'allume une clope, j'en avais bien besoin. Je sens mes muscles se décontracter. Je me baisse légèrement et prends mon téléphone que j'avais laissé là. Je n'aime pas être dérangé, donc je l'éteins toujours. Toutefois, quand je le réactive, je remarque qu'Adéla m'a appelé une vingtaine de fois. Je grimace. Elle ne peut pas me lâcher une journée.
— Lucian ? décroche-t-elle.
— J'espère que c'est pour une bonne raison, soufflé-je.
— Il s'est passé quelque chose au QG. Je ne sais pas où se trouve Tessa, panique-t-elle.
Je reste silencieux pendant quelques instants. Je serre le poing, la colère gronde en moi.
— Tu n'étais pas censée la surveiller à l'entrepôt ? fulminé-je.
— Si, mais je n'y suis pas allée avec elle, rétorque Adéla, Jonas est venu la chercher, car Tobias voulait lui parler et vu que j'avais un rendez-vous, je suis partie.
— Tu te fous de ma gueule, Adéla ?
— Je suis désolée, répète-t-elle.
Je laisse échapper un cri de frustration et frappe violemment le capot de la voiture avec le plat de ma main. Putain, c'est quoi ce bordel ?
— Va voir immédiatement Otto et demande-lui de regarder les caméras ! menacé-je. Et dépêche-toi avant que je ne te colle une balle dans le crâne.
Le portable scotché à l'oreille, j'entends ses pas précipités résonner dans les couloirs. Ils claquent sur le carrelage comme autant de décharges électriques dans mes nerfs. L'agacement me tenaille, me faisant trépigner sur place. Klemens m'observe, perplexe, se demandant ce qui peut bien susciter une telle fureur en moi. Je suis au bord de l'explosion, ma rage bouillonne. Je me masse doucement la tempe dans un effort vain pour me calmer, mais à chaque minute qui passe, ma patience s'effrite davantage, jusqu'à atteindre un point de non-retour.
— Lucian, es-tu toujours là ? interroge Adéla, tremblante.
— Qu'as-tu découvert ? craché-je.
— Il est parti avec le fourgon, en compagnie de Tessa, répond-elle d'une voix à peine audible. La géolocalisation indique que le véhicule se trouve à quelques mètres de Benrather Forst.
Ma mâchoire se crispe, mes poings se serrent, mon regard glacial se perd dans le vide. Je raccroche immédiatement, laissant Adéla en suspens au bout du fil. Même si je brûle d'envie de tuer cette emmerdeuse, une règle d'or reste intangible : personne ne doit la toucher, personne n'a le droit. Rien qu'à l'idée que quelqu'un puisse lui faire du mal, une colère noire m'enveloppe. Je donne un coup sec sur le volant, ma main serrée en un poing.
— Klemens, monte immédiatement ! ordonné-je.
Je démarre en trombe, pressant la pédale d'accélération à fond. La route défile sous mes yeux, mais mon esprit divague, obsédé par la notion que Jonas aurait pu ne serait-ce que frôler un seul de ses cheveux. Je me promets qu'il connaîtra un enfer sans nom, que sa vie deviendra un putain de cauchemar. Je vais le tuer, le faire souffrir jusqu'à ce qu'il crève en regardant mon visage une dernière fois. J'ai du mal à me concentrer, submergé par l'intensité de mes pensées meurtrières.
— Qu'est-ce qui se passe, Lucian ? se soucie Klemens.
— Jonas est avec Tessa, grincé-je des dents. Je vais le buter, ce fils de pute.
— On va la retrouver, t'inquiète.
Il tente de me rassurer, mais il sait que la colère qui brûle dans mes yeux ne s'éteindra qu'après avoir explosé sa tête. Après une quarantaine de minutes qui me semblent une éternité, nous atteignons finalement la forêt. Mes pensées tournent en boucle, cherchant un plan, n'importe quelle piste pour le récupérer.
Quelques secondes passent alors que nous roulons sur le chemin boueux, ma tension palpable à chaque virage. Soudain, je braque l'auto avec le frein à main. Devant nous, Tessa apparaît, titubant. Son visage est couvert de saleté, ses vêtements tachés de sang. Des signes d'égratignures marquent ses paumes et ses jambes. Mon cœur rate un battement en la voyant dans cet état. Sans attendre, je sors de la voiture et me précipite vers elle, inquiet de l'étendue des dégâts.
— Tessa ! crié-je.
— Je... Je, bégaie-t-elle, ne m'approche pas !
— C'est moi, Lucian, tenté-je de la rassurer.
— Je ne me suis pas enfuie, pleure-t-elle.
Elle répète cette phrase à plusieurs reprises. Je crispe la mâchoire et sens chaque muscle tendu à l'extrême. Je lutte pour contenir ma colère, même si tout en moi hurle de la libérer. Les voix dans ma tête deviennent assourdissantes, martelant chaque pensée de violence.
— Tu es en sécurité, déclaré-je.
Mais alors que je m'approche d'elle, Tessa s'effondre. Elle vient de perdre connaissance.
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