🫀Face sans pile 1/2
Après avoir atterri dans cette ravissante ville française et déambulé dans ses ruelles pour le simple enchantement visuel, nous nous stationnons devant l'imposant édifice hôtelier. Un léger sourire éclaire mon visage tandis que je m'extirpe du véhicule, suivi de près par Lucian qui se charge de nos bagages. Son soupir trahit une certaine inexpérience dans la réalisation de tâches par lui-même, toutefois, il daigne me regarder et poursuit son chemin.
Le vol entre la Pologne et Bordeaux a été marqué par un pensant mutisme entre nous depuis les événements de ce matin. Malgré la beauté de ce moment, ma première fois, une ombre s'est installée en moi, alimentée par les souvenirs d'un passé qui m'a infligé des blessures profondes. Je m'interroge sur la vitesse avec laquelle j'ai franchi cette étape... Était-ce dans l'espoir d'empêcher Lucian d'ouvrir le dossier de ma vie ou tout simplement parce que j'en avais envie ?
Mes esprits se dissipent, je perds pied, mais l'unique constat que je peux avouer est que, du commencement à la fin, il a été parfait, attentionné, parvenant à apaiser mes angoisses. J'aimerais réduire au silence ces voix internes qui me mettent en garde contre la poursuite de cette aventure, arguant que cela pourrait me coincer. Un rapide regard vers le ciel, et d'une pensée, je demande à ma mère de m'éclairer, car je me sens désorientée sur ce chemin obscur.
Irina avait prédit que je me ferais du tort à moi-même et cette vérité me torture déjà. Malgré la nécessité de tourner la page et de goûter au bonheur, je me retrouve prise au piège de démons intérieurs assoiffés de ma tristesse. Un soupir s'échappe de mes lèvres tandis que j'entre dans le hall de l'hôtel.
Mes yeux parcourent la zone. Je remarque rapidement une foule élégamment vêtue qui déambule dans les lieux. Lucian et Alek se dirigent vers la gauche, où se situe la réception, tandis que je reste immobile, captivée par les divers tableaux qui décorent les murs d'un rouge vif. Plusieurs représentent des monuments du monde, d'autres mettent en scène la splendeur de la nature. Un sourire esquisse mes lèvres et j'avance en observant quelques individus animés qui sirotent leurs boissons au bar, à l'extrémité du petit hall. Au loin, Lucian lève la main pour me montrer la carte d'accès, signal que nous devons nous rendre vers l'ascenseur. J'acquiesce d'un signe de tête puis parcours l'immense couloir pour rejoindre sa position.
À l'ouverture des portes, au dernier étage, le salon se révèle immédiatement. Les larges baies vitrées octroient une vue panoramique sur toute la ville. Je souris, appréciant la contemplation des merveilles que le monde peut nous offrir. L'atmosphère ici est plutôt sombre, ponctuée par les canapés blancs et quelques bougies sur une table qui émettent une lumière tamisée. À proximité du bar s'étend la cuisine, élégante et de style américain. Les meubles eux-mêmes semblent se fondre dans cette ambiance qui évoque la mort. Heureusement, quelques plantes disposées au sol contribuent à apporter une sérénité.
Chaque pas résonne sur le parquet gris comme une cacophonie pendant que je poursuis Lucian, qui ouvre la porte de droite, celle qui donne tout de suite dans la chambre. Il dépose ses bagages sur le tapis aux multiples teintes obscures, puis s'installe dans le fauteuil près d'une immense fenêtre. Il allume une cigarette. Derrière moi se trouve une commode où plusieurs brochures de mode sont présentes, accompagnées de deux verres et une bouteille de champagne. Je secoue la tête. Je préfère momentanément écarter l'idée de consommer de l'alcool. M'approchant du lit, je remarque trois ou quatre robes, probablement destinées à la soirée. Bien que cela ne soit pas mon style vestimentaire, une tenue élégante est exigée, et je n'ai pas mon mot à dire à ce sujet. Je lève les yeux au ciel, résignée.
— Essaie-les, sélectionne celle que tu aimes, ensuite nous partirons à la boîte de nuit, déclare Lucian.
— Oui chef !
Il laisse échapper un soupir et écrase son mégot. Je secoue légèrement la tête pendant que Lucian s'installe sur le matelas. Dans un état de perplexité, je me retrouve indécise quant au choix qui s'offre à moi. Chacune de ces robes est tout aussi rayonnante que les autres. Je hausse les épaules avec indifférence, puis enfile celle dont la teinte est dorée. Après l'avoir ajustée avec minutie, je me dirige vers le miroir, placé près de la porte. Un moment de réflexion s'implante alors que je m'observe en détail, mais quelque chose me dérange, elle ne suscite pas particulièrement mon enthousiasme.
— Tu aimes ? lui demandé-je.
— Je te préfère sans, répond-il d'une voix calme.
— Ça m'aurait étonné de toi, ris-je. Je vais tester la verte.
Je me débarrasse de ma robe, laisse glisser mes bretelles. Installé sur le lit, Lucian scrute attentivement tout en explorant mon corps du regard, marqué de désir. Malgré la nécessité d'essayer une nouvelle tenue, il arrive à me perturber. Mon cœur bat la chamade, une sensation intense émerge dans le creux de mon ventre. Les souvenirs du matin remontent, la façon dont il m'a aimée, son respect constant de bout en bout. Je n'ai pas vacillé, j'ai même apprécié. Les baisers déposés sur ma peau et la douceur inattendue de sa pénétration persistent dans ma mémoire. À travers le miroir, je l'observe. Ma poitrine est dénudée, seule la fine étoffe de ma culotte voile à moitié mon intimité. Délicatement, je me retourne, une tension palpable à son paroxysme. Logiquement, je devrais m'éloigner, mais une force irrésistible me retient. Sans perdre de temps, je bondis vers le lit afin de capturer ses lèvres avec les miennes. Il répond à mon élan en agrippant mes fesses, puis me positionne à califourchon sur lui.
Son érection qui témoigne de son excitation se presse contre ma féminité. Mon bassin ondule sur le sien pour s'abandonner à l'envie. Il émet un grognement de plaisir alors que ma respiration s'accélère au fil des secondes. Sa langue s'entrelace avec la mienne. Une de ses mains remonte en douceur sur ma poitrine, puis, avec une lenteur exquise, il caresse mon téton dressé. Notre désir est trop intense, irrépressible. Sans plus attendre, il se penche brièvement pour attraper un préservatif qu'il enfile prestement. Profitant de l'instant, je me débarrasse de mes sous-vêtements avant de me remettre sur lui. Lorsque ses doigts descendent entre mes cuisses, un sourire malicieux se dessine sur son visage. Je suis déjà humide. Il me replace au-dessus de lui et s'empresse de s'enfoncer en moi.
Ses paumes sur mes hanches guident nos mouvements. Les va-et-vient sont lents, puis s'intensifient au fur et à mesure. Le plaisir atteint son apogée, mes gémissements incontrôlables excitent davantage Lucian. Mes mains agrippent ses épaules, mes yeux se perdent dans les siens. Son regard s'assombrit, me dévorant sans mot dire. Soudain, la porte de la chambre s'ouvre brusquement, l'interrompant dans son élan. Irina pâlit avant de la refermer prestement.
— Oh mon Dieu, j'ai besoin de javel ! hurle-t-elle. Il faut que je me brûle la rétine pour ce que je viens de voir.
Je me retrouve partagée entre l'amusement et la gêne. Être surprise dans une telle situation, bien que cela ne soit pas un secret, me met mal à l'aise.
— N'arrête pas, petite brebis, me supplie Lucian en tentant de me faire revenir.
Mon cœur s'affole, je ne sais pas si je pourrai reprendre les rênes. Comme s'il lisait en moi, son bras se place dans mon dos et d'un geste rapide, il m'immobilise contre le matelas. Il adopte le contrôle et poursuit ses mouvements. La cadence s'accélère, l'extase de notre plaisir se manifeste clairement. Plus il continue, plus je ressens l'orgasme approché. Quelques minutes suffisent pour éprouver la décharge électrique au creux de mon ventre, et le cri que je pousse résonne dans la pièce. Je sens son membre tressauter et il atteint à son tour l'apogée de la passion.
— Tu as aimé ? me demande-t-il.
— Tout était parfait, souris-je.
Je dépose un doux baiser sur son front avant de me lever, puis m'avance vers la salle de bain. D'une beauté et d'une dimension remarquables, je m'enferme dans la douche. Alors que mes pieds effleurent le marbre noir, j'active l'eau et la laisse s'écouler librement sur ma peau. Je ferme les paupières quelques instants, savourant ces moments qui me sont encore octroyés. Après quelques minutes, je finis par sortir, empoignant la serviette sur le lavabo en pierre pour me sécher.
Lucian fait son entrée dans la pièce pendant que je décide de revêtir la robe verte en satin, fendue élégamment sur la cuisse. Je saisis le sac à main argenté déposé sur la commode, mais mes yeux s'arrêtent sur le couteau finement gravé aux initiales de Lucian. Mes pensées tournoient dans ma tête. Un léger sourire se dessine sur mes lèvres alors que je glisse l'objet dans ma sacoche. On n'est jamais trop prudent.
***
Arrivée devant la boîte de nuit, je suis captivée par la splendeur qui émane de ce lieu. L'entrée entremêle l'éclat doré d'un trésor avec la noirceur d'un sentiment refoulé, telle une magie des ténèbres. Lucian glisse délicatement une main dans le creux de mon dos, et ensemble, nous progressons vers l'escalier. Passant à travers une arche, nous sommes scrutés par un homme dont la carrure imposante égale celle de Lucian et Alek. Le compagnon d'Irina s'approche légèrement.
— Kowinski, déclare-t-il.
L'individu acquiesce d'un hochement de tête et nous ouvre. Nous poursuivons notre marche en traversant quelques minutes plus tard une porte rouge. D'ici, les pulsations assourdissantes de la musique parviennent déjà à mes tympans.
— Pourquoi cette salle est-elle située au sous-sol ? interroge Irina.
— En journée, explique Alek, il s'agit d'un bâtiment dédié aux affaires, mais dès la tombée de la nuit, les étages inférieurs deviennent le théâtre de la luxure.
— On va s'éclater alors, sourit Lucian.
Exaspérée, je lui lance un regard noir avant de le bousculer pour être la première à entrer. Les lieux sont saturés d'individus qui respirent la richesse. Les divers jeux de lumière, aux teintes variées, assaillent directement mes rétines. Cette réalité m'est familière, car dans mon enfance, Tobias avait l'habitude de nous emmener dans ce genre d'établissements.
Accompagnés d'Alek, nous nous frayons un chemin parmi des clients déjà imbibés d'alcool. Des canapés en cuir noir sont disposés ici et là, occupés par des hommes assis où des femmes à demi dévêtues qui se livrent au divertissement. Je fronce les sourcils et rejoins les autres jusqu'à un emplacement dans lequel une vue panoramique sur la piste de danse s'offre à nous.
Mes yeux croisent ceux de Lucian, qui comprend immédiatement mes pensées, tandis qu'une inconnue s'approche de nous. Habillée d'une tenue au caractère provocateur, Alek consigne quelque chose dans un carnet qu'il lui présente ensuite. Elle esquisse un sourire puis s'éclipse.
— C'est plutôt étrange, s'étonne Irina.
— Les serveuses sont traitées comme des objets sexuels si le client le souhaite, concède Alek. Elles sont là pour servir les tables, mais leur droit à la parole est limité.
— Tu sembles visiblement bien renseigné sur cet endroit, réagis-je.
Lucian soupire et secoue la tête avec un brin de désespoir, alors qu'Alek rit légèrement.
— Nous avons tous un passé et des secrets, Tessa. Et toi ? Je serais ravi d'en apprendre plus sur le tien.
Avant même que mes lèvres ne puissent s'ouvrir pour répliquer, Irina se lève et saisit mon poignet. Je remarque aussitôt qu'il se trame quelque chose d'anormal. Son visage semble tendu, bien qu'elle s'efforce de dissimuler sa détresse. En dépit de son désir de paraitre stoïque, en tant que femme, je parviens clairement à discerner son mal-être.
— J'ai besoin d'un verre, déclare-t-elle.
Tandis que je crispe la mâchoire, cherchant à contrôler mes démons qui tentent une nouvelle fois de s'échapper, Irina nous trace un chemin pour accéder au serveur qui se tient au bar, non loin de notre position. Certains individus ne peuvent s'empêcher de nous dévisager, une situation qui, je dois l'admettre, me met mal à l'aise. Bien que j'aie confiance en l'homme qu'est Lucian, envers les autres, subsiste une réticence, une peur constante. Même si je parviens à la dissimuler, à l'intérieur, la maîtrise est plus complexe. Je soupire discrètement puis m'assois sur le tabouret. Après quelques secondes, le barman, vêtu sobrement d'une chemise blanche et d'un pantalon noir, s'approche de nous avec un léger sourire étiré sur ses lèvres. Il plonge ses yeux marron dans les nôtres.
— Bonsoir, que souhaitez-vous boire ?
— Un sex on the beach, affirmé-je.
— Et pour la jolie demoiselle ?
— Ce que vous avez de plus fort, finit-elle par dire.
L'homme s'éclipse quelques instants, nous laissant seules. Je profite de ce court répit pour observer la zone. La piste de danse est animée par des individus qui se déhanchent avec ferveur. Les tonalités de la musique électro résonnent en un écho vibrant et je distingue même les murs qui semblent trembler en réponse. Les spots, telles des entités vivantes, se déplacent avec une coordination singulière.
— Ils se sont bien trouvés les deux, de vrais connards, soupiré-je.
— Alek n'est pas un connard, on va dire qu'il ne te connait pas comme moi. Avec le temps, tu découvriras que ce sera différent.
Je réprime un léger rire nerveux. À mon humble avis, si l'un d'entre eux venait à détecter mon triste passé, il serait fort probable que je finisse quelque part, enterrée ou décapitée. Mais le plus déchirant dans tout cela, c'est que personne ne verserait une larme pour ma disparition. Je m'efforce de chasser ces réflexions sombres d'un revers de la main. Ce n'est certainement pas le moment de flancher.
— Tu penses qu'il a... Couché avec l'une d'elles, auparavant ? me demande-t-elle.
— Eh bien, même si Alek l'avait fait, c'était avant de croiser ton chemin. Comme il l'a souligné, nous avons tous un passé.
Je distille une expression mécontente avant de m'immerger dans mes souvenirs. La question persistante qui a toujours hanté mon esprit est celle de savoir s'il est possible à une personne d'échapper à son vécu, voire de l'effacer. Pourtant, aucune solution n'a jamais croisé mon chemin, aucune réponse susceptible d'apaiser le tourment de mon cœur. Le barman finit par déposer deux verres devant nous. Je porte mes lèvres au liquide et en avale une généreuse gorgée. Mes sourcils se lèvent, cet arrière-goût de vodka me replonge dans le souvenir d'une nuit bien trop agitée. Néanmoins, lorsqu'enfin je relève la tête, j'aperçois Irina s'éloigner. Sans grande conviction, je décide de la suivre.
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