🫀Doutes

Réveillée par les rayons du soleil qui viennent caresser ma peau dénudée, je n'ai pas particulièrement réussi à dormir cette nuit. J'ai cherché une position confortable, mais rien n'a pu apaiser mes craintes et mon esprit en ébullition. La nouvelle m'a prise de court et je suis hyper angoissée. Suis-je prête à devenir maman ? finirai-je à m'en occuper comme ma mère s'est souciée de moi, ou vais-je me transformer en Tobias ? Trop de questions se mélangent dans ma tête à m'en donner la nausée. Heureusement, hier, Adéla a maîtrisé les mots pour apaiser mes craintes. Je sais que je peux compter sur elle, dans les bons et dans les mauvais moments.

Je me redresse et reste quelques instants à l'observer. Il dort paisiblement. Au moins, une personne qui n'est pas préoccupée par des cauchemars. En douceur, je lui caresse la joue de mes doigts. Je pourrais demeurer ainsi pendant des heures, à le contempler. J'inspire profondément, prête à me diriger vers la salle de bain. Néanmoins, Lucian agrippe mon poignet et me chavire sur lui. Ses lèvres s'étirent en un sourire, tandis que ses mains se baladent sur mon dos.

— Tu comptais partir sans m'embrasser, petite brebis ?

— Je ne voulais pas te réveiller, tu dormais si paisiblement, m'amusé-je.

Lucian enfouit avec délicatesse sa tête dans mon cou pour déposer une série de baisers, avant de me faire basculer sur le matelas. Ses doigts s'entrelacent aux miens, son parfum imprègne chaque centimètre de mon épiderme. En douceur, sa langue trace un chemin sur ma poitrine, tandis que je résiste à l'excitation qu'il suscite en moi. Je serre les dents, inspire profondément. J'apprécie la connexion de sa peau contre la mienne, chaque moment passé avec lui, et je ne voudrais en aucun cas les effacer. Lorsque mes jambes frémissent sous le contact de ses lèvres, ce moment délicieux s'interrompt aussitôt quand une personne frappe à la porte. Lucian lève les yeux au ciel, soupire puis se redresse. Il enfile rapidement un pantalon et se dirige vers l'entrée. Je me cache sous les draps et ferme les paupières quelques instants.

— Ils sont arrivés, confesse Otto. Tu peux descendre quand tu veux.

— Merci, on se retrouve dans cinq minutes.

Je peux entendre les pas de son homme de main traverser le couloir tandis que Lucian revient vers moi et me dépose un baiser sur le front.

— Il parlait de quoi, Otto ? demandé-je par curiosité.

— Rien qui puisse t'intéresser, petite brebis. Rejoins Adéla quand tu le souhaiteras. J'en ai pour plusieurs heures.

— Quelque chose de grave, devrais-je m'inquiéter ?

Du bout des doigts, il caresse le long de mon bras avant de planter ses yeux dans les miens.

— Tu sais que rien ne peut m'arriver, sourit-il.

— Permets-moi d'en douter, soufflé-je. Je te signale que tu n'es pas un robot. Tu es juste un homme qui, certes, est plutôt puissant et fort, mais tu n'es pas non plus une machine. Alors s'il te plait, fais attention à toi.

— Tu es mignonne quand tu t'inquiètes pour moi, rit-il.

— Ce n'est pas drôle, m'énervé-je. Je n'ai pas envie de me réveiller un matin sans toi.

— Petite brebis, aussi longtemps que tu vivras, je serai toujours là pour veiller sur toi, je te le garantis.

J'espère de tout cœur qu'il respectera sa promesse, même lorsqu'il apprendra la vérité, car tôt ou tard, mes démons risquent de ressurgir pour faire de mon quotidien un enfer.

***

Installée dans le bureau de Tobias, j'attends depuis une bonne dizaine de minutes. Il souhaitait avoir une discussion avec moi, mais comme à son habitude, il est en retard. Je laisse échapper un soupir alors que je joue avec la balance en bille d'acier. Cependant, cela ne dure pas longtemps, car la porte s'ouvre et se referme immédiatement. Vêtu d'un costume gris et d'une chemise mauve, il m'embrasse le front puis s'assoit.

— À en juger par ton expression, tu ne m'as pas contacté pour m'annoncer des nouvelles réjouissantes, glissé-je.

— Je n'ai reçu aucune information sur Jonas, réplique-t-il d'une voix impérieuse, depuis plus d'un mois. J'ai mobilisé plusieurs hommes sur l'affaire, mais aucun d'entre eux n'a réussi à le localiser.

— Penses-tu qu'il prépare quelque chose ?

— Ce n'est pas improbable. Jonas a toujours obtenu ce qu'il voulait, usant de tous les moyens possibles. Je suis convaincu qu'il trame un truc, mais malheureusement, cette enflure brouille toutes les pistes.

Je crispe mon visage, puis serre mes mains là où je sens mes ongles s'enfoncer dans mon épiderme. La salive peine à passer tandis que je m'efforce de chasser ces pensées sombres qui m'envahissent. Je suis consciente que Jonas rôde quelque part, peut-être même qu'il espionne chacun de mes faits et gestes, et c'est cette certitude qui me rend folle. Il ne renoncera pas tant qu'il n'aura pas fait de moi sa captive. Je prends une grande inspiration, observe Tobias se lever pour se diriger vers le bar et se servir un verre de whisky.

— Inutile de t'inquiéter, affirme-t-il. Au besoin, je m'assurerai qu'un de mes hommes te surveille en permanence. Je ne permettrai jamais à quiconque de te causer du tort.

— Je suis enceinte, avoué-je spontanément.

Aussitôt, la gorgée que mon père s'apprêtait à avaler est immédiatement recrachée, son regard me fixe intensément. Les traits de son front se déforment, tandis que ses lèvres tracent une grimace.

— Nous sommes en septembre, les blagues du premier avril sont terminées, souffle-t-il.

Un sourire nerveux se dessine sur mon visage.

— Oh, putain ! s'exclame-t-il. Il ne manquait plus que ça.

Je frotte mes mains humides à plusieurs reprises sur mon pantalon pendant que Tobias vide son verre d'un trait avant d'en verser un nouveau. Il défait légèrement les premiers boutons de sa chemise puis reprend place dans son fauteuil, affichant une expression dépitée.

— Avec... euh...

— Oui, Lucian, le coupé-je.

— Tatjana, soupire-t-il, tu aurais pu choisir quelqu'un d'autre. Enfin, tes relations ne me concernent en aucun cas, mais tout de même. Nous parlons d'un homme qui ne vit que pour les crimes, qui torture des gens pour prélever leurs organes afin de les revendre. Je ne songe pas que Karine aurait souhaité cela pour toi.

— Elle t'a bien épousé alors que tu es bien pire que Lucian, répliqué-je en levant les yeux au ciel.

— Et s'il venait à découvrir qui tu es réellement, penses-tu que votre relation resterait idyllique ? Crois-tu qu'il continuerait à te regarder de la même manière qu'il le fait actuellement ?

À ces paroles, mon cœur connaît un soubresaut. Cette vérité, que j'avais pourtant tenté d'occulter dans les recoins de mon esprit, me frappe tel un coup de poignard dans la poitrine. Alors que les larmes menacent de me submerger, Tobias se lève et s'accroupit à ma hauteur, fixant ses yeux couleur océan dans les miens. J'essaie de dissimuler mes émotions derrière un masque de résilience, de donner l'illusion d'une force inébranlable, mais c'est une façade fragile. La peur m'étreint, une appréhension face à cet avenir qui demeure inconnu.

— Je ne suis personne pour te juger, bien au contraire. J'accepterai ta décision et veillerai à ce que vous ne manquiez de rien. Cependant, en tant que père, même si tu ne me perçois pas ainsi, il est de mon devoir de te faire part de mes inquiétudes.

— Penses-tu que je devrais lui révéler la vérité ?

— Je ne te le conseillerai pas, avoue-t-il. Car cela ne pourra que se terminer en bain de sang, et je suppose que tu ne souhaites pas que les choses en arrivent là.

— Alors, que dois-je faire ? Je me trouve égarée dans un océan d'incertitudes. J'ai l'impression de toujours adopter de mauvaises décisions.

Je prends une grande inspiration pour apaiser mes angoisses, mais chaque seconde qui s'écoule me provoque des douleurs invisibles. Je ferme les yeux quelques instants et sens des doigts se poser délicatement sur les miens.

— Ce serait mentir si je te disais que ce monde est propice à l'éducation d'un enfant, confesse Tobias, mais le choix t'appartient. Si tu es parée à emprunter le chemin que Karine a suivi par le passé, alors fais-le. Mais si tu n'es pas prête, sache que je serai là pour toi.

— Tu dois me trouver stupide d'avoir des sentiments pour un homme comme Lucian, souris-je, nerveusement.

— Non, car je retrouve en toi la femme que j'ai épousée autrefois. Tu lui ressembles en tout point, et c'est ce que j'ai toujours admiré en elle.

— Merci pour cette conversation, concédé-je en me redressant. Je vais lui en parler, ensuite nous verrons en fonction. Après tout, je n'ai pas conçu ce bébé toute seule.

— Attends, Tatjana, j'ai quelque chose pour toi.

Il se lève et se dirige vers l'immense armoire. Le mystère entoure l'objet de sa recherche, mais Tobias explore méticuleusement tous les tiroirs avant de revenir vers moi avec un collier entre les mains. Il se positionne derrière moi pour l'attacher. Avec précaution, j'ouvre le petit écrin et dévoile une photo de ma mère et moi. Instantanément, une larme se libère et trace son chemin le long de ma joue.

— Quand tu te sentiras mal, n'oublie jamais que Karine veille sur toi, conclut-il.

Je lui adresse un sourire avant de quitter la pièce. Il est impératif que je change d'environnement, mais avant toute chose, je dois m'entretenir avec Lucian. Cela allègera ma conscience d'un premier fardeau. Je me déplace à travers les couloirs, saluant quelques individus rencontrés en chemin. Néanmoins, mes yeux croisent les siens. Je soupire puis tente de la contourner, mais Andréa me bloque le passage.

— Dis-moi, que ressens-tu à l'idée que ton heure approche ? rit-elle.

— Que veux-tu dire par là ?

— Le compte à rebours de ton destin est lancé, petite blonde. J'espère que tu profites de tes derniers instants ici, à savourer les moments avec Lucian, car bientôt, tout ne sera plus qu'un souvenir.

— Écoute, je comprends que tu sois éperdument amoureuse de lui, Andréa, mais en l'occurrence, il partage son lit avec moi et non avec toi. Alors, arrête de te faire du mal, ton pauvre cœur souffre déjà assez. Essaie de trouver quelqu'un d'autre, du moins, si quelqu'un veut de toi, et cela, je n'en suis pas aussi sûre, souris-je.

— J'espère que tu apprécieras ta petite journée en Pologne, conclut-elle.

Pendant quelques instants, je l'observe se déplacer comme une enfant en direction de la sortie. Je crispe la mâchoire et me retiens de ne pas arracher ses cheveux mal soignés. Ignorant sa quête, je ne comprends pas ce qui l'a animée, mais elle a réussi à m'irriter. Je serre les poings et inspire profondément. Il est crucial que je ne me laisse pas submerger, du moins pas ici.

Après plusieurs minutes à explorer la demeure, je décide d'emprunter les escaliers qui mènent aux salles situées au sous-sol. D'un signe de tête, je salue les deux hommes qui surveillent les environs puis j'écoute attentivement à chaque coin de porte. Néanmoins, aucun son ne me parvient à l'oreille. Désespérée, je suis sur le point de faire demi-tour lorsque je sursaute brusquement. Le cri de Lucian vient de résonner dans le couloir. J'avance à pas feutrés puis, sans frapper, j'entre, car j'ai la nécessité de lui parler, mais la scène qui se déroule face à moi me laisse sans voix. Les yeux écarquillés, j'aperçois un homme attaché à un siège, où plusieurs blessures se dessinent sur son corps dénudé. Son visage enflé se pivote vers moi, et son regard m'indique de le détacher pour mettre fin à ce supplice.

— Putain ! s'énerve Lucian. Qu'est-ce que tu fous ici ?

Je me tourne légèrement dans sa direction et le fixe. Des traces de sang parsèment ses joues, et ses mains sont maculées de ce liquide écarlate, m'induisant une envie de vomir. Sa chemise blanche n'est plus qu'un souvenir lointain.

— J'aurais souhaité discuter avec toi, mais il semble que tu sois occupé, déclaré-je.

— Tu fais chier, bordel. On en reparlera plus tard, tu n'as rien à faire ici.

— Comme si j'étais supposée savoir que tu torturais un pauvre innocent, soufflé-je. La prochaine fois, mets une pancarte avec marquée : « Interdit d'entrée », je ne sais pas, moi.

— Tu veux jouer encore à ça ? gronde-t-il. Il nous a volé une cargaison, donc il récolte juste les fruits de sa trahison.

— S'il te plaît, aide-moi ! plaide-t-il à mon égard. Je te jure que je t'offrirai bien mieux que ce que Lucian te donne.

Sans m'y attendre, le poing de Lucian s'abat sur lui. Je ravale difficilement ma salive puis me dirige vers la sortie.

— Tu devrais modérer ton comportement, ce n'est pas une manière adéquate de traiter les gens, même s'ils t'ont causé du tort. Tu devrais apprendre à te canaliser, ça t'aiderait, j'en suis certaine. N'oublie pas, j'ai toujours mes places pour le massage.

— Dégage avant que je te mette une balle entre les deux yeux, vocifère-t-il.

Je lui adresse mon majeur, ce qui provoque immédiatement son rire, puis je referme la porte. Après tout, Tobias a raison ; une personne née dans ce milieu criminel semble incapable de changer, et c'est cela qui suscite ma crainte. Je soupire de frustration puis prends la décision de rejoindre Adéla. J'aspire à une journée où nous pourrions faire du shopping, sans nous soucier du lendemain.

***

Seize heures passées, nous flânons dans les rues avec la charmante brune. Nous avons parcouru les boutiques et trouvé la robe pour la cérémonie prévue dans trois jours. J'espère que tout se déroulera sans accroc, contrairement à la dernière fois, sans meurtre, sans répandre de sang. En cet après-midi, quelques nuages se dessinent dans le ciel gris. Le soleil a choisi de somnoler, laissant son double maléfique prendre le relais. Les bourrasques se déchaînent, faisant virevolter les feuilles, dont plusieurs jonchent le sol. Adéla, gobelet de café en main, se dirige vers la voiture. Néanmoins, elle s'arrête devant moi et m'inspecte.

— À ton retour, nous irons toutes les deux voir le gynécologue des Herzdiebe. Ainsi, il pourra effectuer une échographie pour s'assurer que tout se déroule bien, sourit-elle.

— Tu sais, Lucian n'est pas informé. Je n'ai pas encore trouvé l'opportunité de lui révéler.

— Eh bien, pourquoi ne pas le faire en Pologne, dans la tenue élégante que tu as achetée ? Tu l'invites près de la piscine et là, tu lui fais part de la nouvelle.

— Je t'avoue ressentir une certaine appréhension face à sa réponse, rétorqué-je, stressée.

— Mais n'importe quoi ! s'exclame-t-elle. Lucian sera heureux, j'en suis convaincue, donc cesse de te tracasser.

Elle prend ma main dans la sienne. Ses lèvres s'étirent en un sourire. J'apprécie passer des moments avec Adéla, car elle parvient constamment à apaiser mes doutes.

— S'il réagit mal, on pourrait lui voler son cœur pour en tirer profit, plaisante-t-elle.

— Tu as toujours des idées farfelues, ris-je.

— Tu me connais, si je peux rendre service, c'est avec plaisir.

Elle effectue un clin d'œil tandis qu'elle m'ordonne de rester ici le temps qu'elle jette son gobelet de l'autre côté de la route. Je m'adosse au capot et laisse les réflexions sombres dans un coin de ma tête. Il faut que j'essaie de penser de manière optimiste et de voir les bonnes choses qui s'offrent à moi sans me poser constamment des questions qui me rendraient malade. Alors que je sors mon téléphone pour consulter mes réseaux sociaux en attendant, un effluve caresse ma peau. Je m'arrête immédiatement. Mon corps se fige, mon cœur rate un battement, et j'ai du mal à respirer. Cette odeur, je pourrais la reconnaître entre mille.

— J'espère que tu apprécieras ta petite journée en Pologne, lance-t-il.

À peine ai-je eu le temps de relever la tête que Jonas a disparu dans la foule.

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