🫀 Descente aux enfers

Allongée dans mon lit, je lutte pour trouver le sommeil. Malgré mes multiples tentatives de me positionner confortablement, mes paupières refusent de succomber à l'emprise de Morphée. J'ai essayé de dissimuler mon angoisse, de la camoufler derrière une façade calme, mais en vain, surtout avec Lucian, qui semble avoir l'œil partout. Je ne peux pas lui avouer que le téléphone qu'Irina m'a confié a disparu. Il m'en voudrait terriblement, et elle aussi endurerait des représailles, ce que je ne souhaite pas. Ce sont mes erreurs, et personne d'autre ne devrait en subir les conséquences.

Vêtue d'une longue chemise, je me rends à la fenêtre qui, désormais, est dépourvue des barreaux grâce à Lucian. Je peux enfin céder à la caresse du vent sur mon visage. Un léger sourire se dessine sur mes lèvres alors que je me dirige vers la salle de bain pour me servir un verre d'eau afin d'apaiser ma gorge asséchée. Prête à regarder un film à la télévision pour tromper mon ennui, mes yeux croisent les siens, et mes doigts laissent échapper le récipient qui s'écrase brutalement au sol. Mes larmes menacent de s'écouler et mon cœur bat si rapidement qu'il provoque des douleurs à ma poitrine.

— Tu cries, je te bute, c'est compris ? crache-t-il.

Je fais un léger signe de tête en signe d'approbation.

— J'ai élaboré toutes sortes de vengeances pour anéantir ta foutue vie de merde depuis le jour où il m'a été interdit de franchir ces portes, s'indigne Jonas. Mais j'ai trouvé quelque chose de bien plus satisfaisant et qui pourrait nous plaire à tous les deux.

— Qu'est-ce que tu veux de moi ? sangloté-je.

— Imagine un instant que Lucian découvre que tu parles aux flics, tu crois qu'il réagirait comment ? sourit-il. Moi, je songe qu'il te torturerait avant de te buter, mais cela signifierait que je ne pourrais plus jouer avec ton délicieux cadavre.

Les yeux écarquillés, je le fixe intensément. Mes pensées s'entremêlent avant de réaliser que c'est lui qui a dérobé mon portable. Comment les gardes n'ont-ils pas pu le repérer lorsqu'il est arrivé et reparti comme une ombre ? C'est inconcevable. Mon esprit est troublé et l'anxiété me parcourt l'être, mais je n'ai pas le temps de comprendre ce qui se passe que Jonas se précipite sur moi et me plaque par terre. Ses mains serrent mes poignets, tandis que son corps écrase mon abdomen. La respiration devient difficile, les larmes roulent sur mes joues. Je tente de me défaire de son étreinte, mais il est bien trop fort.

— Mais tu as de la chance, reprend-il. Lucian pense pouvoir me remplacer, mais il se trompe lourdement. Ce gang sera sous mon contrôle, qu'il le veuille ou non. Alors, tu peux continuer à baiser avec lui et te balader à moitié à poil dans sa chambre, mais je sélectionnerai un jour de la semaine pour me vider les couilles en toi. Puis, bien entendu, je garde le téléphone. Ainsi, je pourrai tout balancer sur son cas pour que le FBI le chope. Ça te semble un bon compromis ? Enfin, je dis ça, mais en réalité, tu n'as pas vraiment le choix.

— Lucian t'arrachera le cœur, répliqué-je, tremblante. Tu ne pourras pas sortir d'ici vivant, du moins, et tu le sais très bien, car tu ne fais pas le poids contre lui.

D'un seul coup, son poing s'abat violemment sur ma joue. Ma tête vacille, ma vision devient floue. Un goût amer envahit ma bouche alors qu'il commence à glisser sa main sur ma cuisse dénudée.

— Dis-moi, petite salope, arrivera-t-il avant que je te pénètre ?

Dans un accès de terreur, je me surprends à pousser des hurlements aussi déchirants que possible, mais Jonas resserre ses doigts autour de mon cou. Mes efforts pour le rejeter se révèlent vains, mes dernières réserves de force s'épuisent rapidement. Ma respiration devient laborieuse. Soudain, il me renverse brutalement, plaquant mon ventre contre le sol, aussi glacial que son être. Le son distinct de sa ceinture qu'il retire résonne à mes oreilles. Je tente de ramper pour chercher quelque chose afin de le neutraliser, mais il saisit mes cheveux et martèle ma tête à plusieurs reprises. Une douleur lancinante parcourt mon crâne, mes larmes s'écoulent en cascade. Alors qu'il s'apprête à franchir une limite impensable, la porte s'ouvre d'un coup sec, dévoilant le visage d'Otto. Avant même que je puisse assimiler la situation, mon frère se redresse et s'élance à toute vitesse. Des pas résonnent dans le couloir, mais je ne parviens plus à discerner clairement mon environnement. Je frappe violemment le tapis, puis pousse des cris de détresse. La faiblesse m'envahit.

Je me relève et m'adosse au lit, recroquevillée sur moi-même, cherchant à effacer de ma mémoire le regard dévorant de Jonas, cette lueur malveillante qui le caractérise. J'essaie de canaliser les émotions qui dansent sur les flammes de l'enfer, mais tout devient complexe. Un sentiment de vide m'enveloppe. J'aurais dû dire toute la vérité lorsque j'étais enfant, révéler le mal qu'il me faisait quand il se glissait la nuit dans mes draps, mais la peur de voir mes parents me détester m'a refoulée. J'ai donc enduré, mon corps portant les stigmates de cette horreur que même des années après, je n'arrive pas à effacer. Je souhaite sa mort, pour que mon âme puisse commencer à guérir de ses blessures, mais au fond, je sais que cela n'est pas possible.

Enveloppée dans des réflexions qui me retiennent prisonnière, partagée entre le désir de poursuivre mon existence et cette voix intérieure qui me susurre d'arrêter de respirer dans ce monde, une silhouette s'approche de moi. Un soupir de soulagement m'échappe, mes battements de cœur ralentissent, et peu à peu, la peur se dissipe. Difficile à expliquer, mais en sa présence, mes craintes s'apaisent et mes douleurs s'estompent. Jamais je n'aurais pensé ressentir cela, mais la simple vision de sa personne éclaire chaque instant que la vie daigne me laisser subsister.

— Lucian, murmuré-je avec un léger sourire.

Je me lève pour l'enlacer, mais sans avertissement, il me soulève sur ses épaules et sort de la chambre. Mes sentiments sont en tumulte. Confusion et peur se mélangent. Je tente de lui demander ce qui se passe, mais ses lèvres demeurent scellées. Il refuse de parler, de révéler où il m'emmène. Malgré mes coups sur son dos, Lucian reste impassible. J'avais espéré découvrir du réconfort en sa présence après l'attaque de Jonas, mais la réalité qui se profile devant moi est tout autre.

Après quelques minutes, nous descendons au sous-sol, là où les salles de tortures se trouvent. Mes yeux s'ouvrent grand, mon cœur rate un battement en comprenant où il veut en venir. Paniquée, je le frappe pour qu'il me lâche, je crie, je me débats, mais Lucian perdure à rester silencieux. Il finit par me placer sur une chaise et m'attache afin que je ne bouge plus.

— Tu ne peux m'infliger ça ! m'écrié-je.

Son mutisme persévère.

— J'ai besoin de toi, Lucian, sangloté-je. Tu ne peux pas me laisser ainsi, surtout après ce que je traverse. S'il te plaît, prononce quelques mots.

Je n'arrive pas à comprendre son comportement, ce qui perturbe mon équilibre émotionnel. J'aimerais trouver ce qui sillonne son esprit, à empoigner les raisons de sa réaction, mais il persiste dans un silence qui glace mes veines. Aussitôt, la porte s'ouvre, révélant Eugen et Otto. Ce dernier se dirige vers Lucian pour lui murmurer quelque chose que je peine à saisir. En un instant, leur chef frappe violemment le mur et son visage se déforme pour laisser place à une colère enragée.

— Je sais que tu ne me toucheras pas, articulé-je avec affliction. Tu n'es pas ainsi.

— Mais mes hommes de main, si, rétorque-t-il d'un ton autoritaire.

— Non, Lucian, tu n'as pas le droit !

— Tu avais réussi à me faire changer d'avis à ton sujet, tu avais légèrement cassé cette barrière que je m'étais fabriquée, mais voilà que tu m'as bien baisé. Putain, je ne sais pas ce qui me retient de ne pas te buter moi-même.

— De quoi parles-tu ? Je ne saisis pas.

Mon regard tente de capturer le sien, mais Lucian l'évite. Mes mains tremblent, ma tête est sur le point d'exploser sans comprendre ce que j'ai pu faire pour qu'il me déteste autant. Je croyais sincèrement que nous avions franchi un cap, mais je me suis trompée, encore une fois. Alors qu'une larme dévale mon visage, la tension dans l'air s'intensifie à chaque bouffée que j'inhale.

— Pour qui bosses-tu ? ordonne-t-il.

— Lucian, je t'en prie.

— Réponds à ma question, Tessa !

— Je ne vois pas de quoi tu veux parler, je te le jure, gémis-je.

— C'est à cause de toi que Conrad vient d'être arrêté. Par ta faute, nous courons de grands risques. Putain, je ne désire pas le faire, mais tu m'y obliges ! s'écrie-t-il. Tu ne t'en tireras pas impunément, et chaque choix effectué mérite les conséquences que tu vas subir.

— Mais c'est absurde ! Jamais je ne trahirais ta confiance.

Malgré mes cris, Lucian quitte la pièce sans un regard en arrière. Mes efforts pour me libérer des liens sont vains, la corde se resserre à chaque mouvement et arrache peu à peu ma peau. Non, pas ça, cela ne peut pas être réel, il ne peut pas me faire endurer ça. Les yeux fermés, j'espère que c'est juste un cauchemar qui tâche de me tourmenter, mais la réalité s'impose cruellement lorsque je ressens un coup frappé dans mon abdomen. Je dilate les yeux, la bouche entrouverte dans une tentative de capter l'air qui m'échappe désormais. L'intensité de la souffrance me submerge, et mon corps vacille en avant, cherchant à apaiser la souffrance qui m'assaillit. Une peur dévorante m'envahit, la crainte de perdre ma vie. Des gouttes de sueur froide glissent le long de mon visage.

— Vous n'êtes que des monstres, bordel !

Un deuxième coup s'abat, suivi de plusieurs autres. Je gémis de douleur, mes mains se crispent. Bouger mes membres devient difficile, la confusion m'enveloppe. Tout se déroule à une vitesse où le temps semble conspirer contre moi. Finalement, Otto saisit le creux de mes joues. Les paupières plissées, je retiens ma respiration en prévision du choc à venir, mais il plonge ses yeux dans les miens.

— Allez-vous faire foutre ! m'écrié-je.

Ma tête pivote vers la vitre teintée. Je suis certaine que Lucian m'observe, qu'il contemple la scène, et à cet instant, une sensation de serrement étreint mon cœur. Mon regard noir lui est lancé et je le qualifie des pires insultes qui me traversent l'esprit. Comment peut-il être si cruel, dépourvu de toute âme, pour m'asséner de telles douleurs après les moments partagés ensemble ? Je m'obstine à refuser d'y croire, mais il a néanmoins ordonné à ses hommes de me soumettre à la même torture qu'il inflige à ceux qu'il estime l'avoir trahi. Je le méprise et souhaite pouvoir lui faire éprouver chaque once de la souffrance que je subis.

— Je vous tuerai tous ! vociféré-je.

Une nouvelle vague de tourment déferle sur mon corps déjà meurtri. À cet instant, seule la mort paraît capable d'apaiser la douleur qui se propage à chaque coin de mon être. Dire la vérité et renoncer à voir le monde pour l'éternité, ou mentir et endurer l'enfer jusqu'à ce que je m'éteigne. Le choix est difficile, mais je n'ai pas le luxe d'y réfléchir, car un seau d'eau glacée est violemment versé sur moi. Mes pleurs incessants, mes supplications, semblent tomber dans le vide, comme si ma voix n'atteignait pas leurs tympans et laissait une sensation de solitude, une familiarité que je souhaiterais dissiper de mon existence.

— Lucian ! crié-je. Tu m'avais juré de ne jamais me faire de mal, d'être toujours à mes côtés, tu ne peux pas m'infliger ça, tu n'as pas le droit ! Jamais je ne t'aurais trahi, jamais.

Au début, tout n'était que tromperie, mais contre toute attente, mon cœur s'est épris de lui, et l'idée de causer sa destruction s'est effacée de mes pensées. Je suis à bout, peinant à suivre le rythme des assauts, et je ressens que mon corps atteint la saturation. La force même de crier m'abandonne, tout comme celle de me débattre.

— Je t'en prie, mets fin à ma vie, supplié-je. La seule culpabilité que je porte, c'est d'avoir posé les yeux sur toi et d'avoir développé des sentiments. Je te déteste Lucian. Tu es un foutu poison, et malgré moi, je m'obstine à croire qu'il subsiste une part de bon en toi.

Mes larmes se mêlent à l'eau qui persiste à couler le long de mes cuisses découvertes. Mon cœur est fissuré, mon esprit s'est replié dans une bulle où l'on peut l'éteindre. Je ferme les yeux, prête à accepter mon destin. Si je dois périr, alors ainsi soit-il. Je comprends maintenant ma mère. Elle a défendu sa famille jusqu'au bout, malgré la douleur qu'elle endurait, car elle croyait en la possibilité de changement chez Tobias. Je sais qu'au-delà, elle ressent de la honte face à ma fragilité, mais les mots peinent à dévoiler la vérité.

Si j'avais le pouvoir d'effacer tout, je le ferais, mais il est trop tard. Ma descente aux enfers commence et les flammes me dévorent de l'intérieur. Je crispe les doigts jusqu'à sentir mes ongles pénétrer ma peau. Je supplie à maintes reprises Lucian de m'ôter de la vie, car je n'ai plus la force de supporter cette douleur qui me paralyse. Je pensais agir correctement, mais me voilà piégée dans une spirale d'où, même avec toute ma volonté, je ne parviens plus à survivre. Je me noie dans cet océan obscur où chaque coup asséné confirme que bientôt, je rejoindrai ma mère. À ce stade, je ne ressens plus les poings, tant je me suis détachée de la réalité. Je ferme les yeux et implore que tout cesse.

Alors que les minutes paraissent suspendues et que la notion du temps m'échappe, j'entends la porte s'ouvrir violemment, mais je n'ai pas la force de relever la tête pour identifier la personne entrée dans la pièce. Une voix retentit, criant avec fureur. Je persiste à garder les paupières closes. Si c'est Lucian qui est venu pour m'achever, je n'aurai pas le courage de le regarder en face, cela serait bien trop difficile. Tandis que mes larmes continuent de couler sans relâche, je sens une main se poser délicatement sur mon visage.

— Je suis là, murmure-t-il.

Je soupire profondément, et aussitôt, mon corps se met à trembler. Pour la première fois de ma vie, je ressens une joie en voyant mon père devant moi. Mon regard reste fixé sur lui, incapable de me détacher. Lorsqu'il retire les cordes qui me maintenaient captive, je m'effondre dans ses bras et le serre aussi fort que possible.

— Merci, chuchoté-je.

Tobias me relève doucement et m'accompagne vers la sortie. La douleur me parcourt tout le corps, ce qui m'empêche de me déplacer seule. Alors que nous avançons lentement, Lucian se dresse devant moi. Un flot d'émotions envahit chaque parcelle de mon être. Sans réfléchir, ma main s'abat sur sa joue afin de libérer toute la haine qu'il m'a fait endurer.

— Tu m'avais promis, craché-je.

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