Chapitre 12 : Un dossier en cache toujours un autre

Il fait claquer ses chaussures à talonnette sur le parquet clair, faisant en sorte de se faire entendre dans tout le commissariat, quitte à déranger les policiers au passage. Rares sont les fois où il se déplace jusque Tokyo, et le peu de fois c'est toujours pour affaire. Aujourd'hui ne déroge pas à la règle puisqu'il est bien là pour affaire, et qu'il compte bien repartir avec des réponses à ses questions. Le dossier de Midoriya en main, il longe le couloir qui mène au bureau de Tsukauchi Naomasa, inspecteur de la capital mais avant tout, un ami de longue date. Il toque fortement, même si l'envie de pénétré sans frapper était présente.

- Entrez !

Il reconnaît entre mil la voix caractéristiquement rauque de son ami, et il pénètre donc dans la pièce. Dire qu'actuellement son bureau est mieux rangé que le sien est un euphémisme. Takafumi n'a pas l'habitude de faire le ménage, étant quelque peu bordélique sur les bords, mais en voyant l'état du bureau de Naomasa, il est à deux doigts de faire une syncope. Les armoires sont grandes ouvertes, laissant s'échapper des monticules de feuilles, son bureau est introuvable car ensevelis de dossier en tout genre et le sol est dans un état déplorable. Il aperçoit Naomasa penché par dessus son bureau, lisant une feuille à l'autre bout sans même penser à l'avancer pour être plus à l'aise.

- Je dérange peut-être ? Le taquine gentiment le plus vieux en s'asseyant sur un tabouret laissé à l'abandon près de la porte, le seul n'ayant pas été endommagé par la tempête Naomasa. Ce dernier lève la tête, un stylo coincé entre ses dents. Il le retire et hausse les sourcils.

- Takafumi, ça fait tellement longtemps. Il abandonne sa paperasse et son stylo prémâché pour venir à la rencontre du plus âgé et ainsi lui offrir une accolage virile mais amicale. Mon dieu, tu ne rajeunis pas. Constate t-il en regardant ses tempes blanches. Que me vaut cette visite ?

- Nous nous sommes pourtant appelés la dernière fois. Tu dois bien te douter pourquoi je suis là. Le noiraud s'assoit sur son fauteuil, dégageant un dossier d'un mouvement de main habile.

- Évidemment que je sais, je ne pensais simplement pas te voir d'aussi tôt. Il croise les bras, un air grave sur le visage.

- Ce n'est pas que le temps presse, mais quand j'ai une idée en tête, je ne peux pas me la retirer de l'esprit.

Naomasa se lève et sers deux cafés dans des tasses miraculeusement propres. Il se réinstalle sans oublier de mettre un peu de sucre dans la sienne.

- Tu aimes toujours le café noir ? Il boit une première gorgée en regardant Takafumi droit dans les yeux.

- N'essaie pas de changer de sujet, je ne suis pas venu pour parler chiffon.

- Dérides-toi un peu. Tu as un visage si tendu que tu fais peur à voir. Il dépose sa tasse, agitant sa main lascivement. Alors vas-y, je t'écoute.

Takafumi dépose le dossier qu'il tient sur la table, le mettant bien en évidence sous les yeux du noiraud. Ce dernier regarde le dossier puis Takafumi, sans comprendre.

- Regarde. Dit le directeur, sans rien ajouter.

C'est ce que fini par faire l'inspecteur, tournant les pages avec précaution, regardant les images avec détail, mordant sa lèvre de temps à autre. Le plus âgé boit sa tasse en attendant qu'il termine, non sans regarder ses réactions au passage.

- C'est le dossier d'un de tes détenus. Assez jeune je dois dire, bon cursus, casier vierge. Il referme le dossier, le faisant glisser sur le bureau vers Takafumi. Et alors ?

- Et alors ? Répète Takafumi en fronçant les sourcils. Tu ne trouves pas ça bizarre qu'un étudiant sans problème, travaillant sans relâche, se retrouve mêlé à une affaire de vol ? Que les caméras de surveillances aient comme par hasard arrêtés de fonctionner au même moment ? Que ses complices soient introuvables ? Et que par dessus le marché, l'affaire se soit classé en deux jours ?

Naomasa fronce les sourcils une seconde fois, mais cette fois-ci d'incompréhension. Trop de hasard et de karma accumulé en une soirée. Pourtant, cela n'excuse pas l'acte qu'ai commis ce Midoriya Izuku. Un vol reste un vol, surtout quand il s'agit de dérober l'entièreté des biens d'un individu.

- Cela ne veut rien dire, Takafumi. Je ne sais pas ce que tu insinue, mais je te conseille d'oublier ce que tu essaie de sous-entendre. L'avertit son ami, essayant de lui éviter de dire des bêtises plus grosse que lui.

- Je ne sous-entend rien puisque j'ai des preuves. Dit-il catégorique.

- Ce n'est pas des preuves mais des suppositions. Puis les caméras en pannent, ça arrive. Par contre, "aider" un couple à déménager, en pleine nuit, tu m'excuseras mais j'ai plus de mal à croire la version de ton soi-disant innocent.

Les doigts de Takafumi se crispent sur sa tasse qu'il repose avec précautions. Il tente de calmer son corps et ses mains tremblantes. Il sait qu'il a raison. Il n'a encore que peu de preuve, et il ne parvient pas encore à tout tracer d'un coup de stylo, mais il sait que la version de Izuku est vrai. Un jeune homme aussi innocent et propre sur lui, tremblant comme une feuille et peureux comme tout, serait capable de faire une bêtise pareil pour se retrouver derrière les barreaux pour un acte de "charité". Les probabilités sont d'une infinitésimale, mais parfois, la justice est fourbe.

- Je te l'accorde, ce gosse est bête et peureux comme tout, mais je te confirme que sa version tient debout. Pour l'avoir côtoyé et pour ce que j'entends derrière les murs, c'est quelque chose qu'il est capable de faire.

Naomasa se passe une main sur le visage, grognant comme jamais. Il reprend le dossier avec hâte, le regard dur. Il tourne les pages encore et encore, relisant chaque mot, chaque déclaration. Examinant chaque indice, chaque photo.

- Cette affaire, commence l'inspecteur en reposant le dossier avec plus de calme, me dit quelque chose. Il se lève, se rapprochant d'une armoire en désordre. Il en ressort un petit dossier très peu épais, dont le temps semble avoir rongé les pages. Il le tend à Takafumi qui s'en saisit avec précautions.

- Qu'est-ce que c'est ? Demande le plus vieux en l'ouvrant avec délicatesse.

- Une vieille affaire, d'une dizaine d'année. Tout comme celle-ci, dit-il en désignant le dossier de Midoriya, elle a été très vite classé. Un peu trop à mon goût.

Il lit alors le nom "Koji Koda".

- Continue. L'incite Naomasa en se réinstallant.

Il regarde alors le parcours de ce jeune homme. Étudiant en art le jour, travaillant de son temps libre dans une animalerie, aucune famille et il s'est retrouvé lié à une affaire de vol auprès de Kai Chisaki, le PDG de Overhaul entreprise. La coïncidence est alors étrangement mise de côté puisque Koji s'est retrouvé également en prison avec pour unique preuve, les dires de Kai. Selon le dossier, L'étudiant n'a pas duré longtemps en prison puisque après deux semaines, il a été retrouvé mort dans sa cellule, le corps recouvert d'hématome. Les images sont elles que Takafumi préfère refermer le dossier plutôt que de regarder cette immondice. Pauvre garçon, pense t-il immédiatement.

- Es-tu en train d'insinuer la même chose que moi ? Lui demande le directeur en lui rendant le dossier.

- C'est moi qui étais chargée de l'affaire. Koji s'est mit à travailler pour Overhaul entreprise en tant que technicien de surface, en sommes il s'occupait du ménage dans les locaux. Apparemment, ça payait plus que l'animalerie. Il a accusé Koji de lui avoir volé de l'argent dans son coffre alors que sa clef avait disparu. Quand tu es jeune, sans argent et en plus de ça, nouveau dans l'entreprise, tu ne tardes pas à devenir la cible. Sans preuve, il a été accusé. J'avais beau vouloir attendre avant qu'il ne passe en jugement, le chef n'était pas d'accord.

- Tu veux dire que tu étais le seul à être de son côté ?

- Je n'étais pas vraiment de son côté, mais quand tu es inspecteur, ton devoir est d'obtenir des preuves avant d'accuser qui que ce soit. Quand j'ai découvert que les clefs du coffre n'avait jamais quitté le tiroir du bureau, j'ai trouvé ça plus que louche. J'en ai parlé au chef, mais il m'a dit de me taire.

- Quoi ?

- Tu as très bien compris, Takafumi.

Ce dernier baisse les yeux, réfléchissant à vive allure. Serait-ce là une affaire plus grosse encore ?

- Ne te monte pas la tête. Le coupe son ami. C'est peut-être qu'une coïncidence.

- Bien sûr ! Takafumi hausse le ton en agitant ses bras. Ça a beau remonté à dix ans, cela ne veut pas dire que Kai n'a pas fait le même coup.

- Mais sous quel prétexte ? Koji n'avait rien fait contre lui et je ne pense pas qu'il ait un lien avec Izuku non plus. Pourquoi voudrait-il s'en prendre à lui sans le connaître ? Par amusement ?

- Peut être un coup monté, ou bien qu'ils sont liés mais que nous n'en savons rien. Hypothèse le plus âgé en grattant son menton.

- Si c'était le cas, il t'en aurait parlé, n'est-ce pas ? Demande Naomasa en se levant, rangeant le dossier dans son armoire.

- Il m'a tout raconté et je ne pense pas qu'il ait évoqué un quelconque lien.

- Alors tu as la réponse à ta question.

- Mais nous devons...

- Arrête ! Tu n'es pas venu pour déblatérer des choses insensés ! Naomasa fait claquer ses mains sur le bois, hurlant fortement.

- Tu es le premier a avoir confirmé mes pensées ! S'emporte à son tour le plus vieux.

Ils finissent par se taire, ne trouvant rien de plus à se dire. Les esprits s'échauffent alors que sans même le savoir, tous deux s'approchent du but. Néanmoins, il reste encore des éléments à éclaircir et des preuves concrètes à dénicher. L'un se met à soupirer, et l'autre à regarder son bureau en bazar. Il est vrai qu'ils auraient pu continuer à en discuter, mais ils savent que cela ne ferait qu'agrandit le fossé qui sont actuellement en train de creuser.

- Changeons de sujet pour l'instant. Propose l'inspecteur calmement. J'ai envie de discuter avec mon ami, pas avec le directeur impatient. Il parvient à détendre l'atmosphère et à dérider Takafumi qui sourit en coin, le visage toujours un peu crispé.

- Tu as raison, ce n'est que partie remise. Le dossier de Midoriya sur le coin du bois brut, un second café servit, l'un avec les jambes sur le bureau et l'autre avec les jambes croisées, ils se mettent à discuter de tout naturellement, oubliant l'épisode épineux de tantôt.

- Dis moi, comment se passe ta vie désormais ? Demande le noiraud en buvant une gorgée du café brûlant.

- On va dire que ça dépend des jours. Mon travail prend une grande partie de ma vie et de mes journées, donc ça se passe calmement.

- Même sentimentalement parlant ?

Takafumi regarde par la fenêtre sur sa gauche, pensif.

- Comment veux-tu avoir l'envie de créer quelque chose à mon âge avec le passif que j'ai ? Beaucoup de femme me fuiraient.

- Ne dis pas n'importe quoi, ce n'est pas comme si tu avais tué quelqu'un. Tente Naomasa légèrement gêné.

- C'est tout comme. À mon âge, je n'ai plus l'envie d'essayer les rendez-vous et les sorties. J'ai passé l'âge.

- Regarde moi comme tu es grognon. Tu as la quarantaine, pas soixante ans. Ils rigolent tous les deux, faisant résonner le son dans la pièce. Mais après tout, je peux comprendre ton point de vue.

Takafumi le regarde du coin de l'œil alors qu'il poursuit, regardant son café.

- Tu as perdu ta femme tragiquement et tu travailles au même endroit où cette pourriture est retenu. À ta place, cela fait longtemps que j'aurais engagé les procédures pour le faire entrer dans le couloir de la mort.

Naomasa ne remarque pas le visage de Takafumi, et ce dernier détourne le regard, le visage indéchiffrable. Il continue donc sur sa lancée.

- Comment il s'appelait déjà ? Tuja ? Kuija ? Yu-...

- Yuga. Le coupe Takafumi d'une voix tranchante.

- Oui ! Aoyama Yuga, je m'en souviens maintenant. Il était blond je crois, je ne m'en souviens plus très bien... Il gratte son front et secoue la tête. Enfin bon, je ne vais pas ressasser le passé.

- J'ai fini par faire mon deuil. Enchaîne le plus âgé. C'était une étape intense à traverser, mais j'y suis parvenue.

- C'est bien pour ça que je te respecte, Taka. Je ne sais pas comment j'aurais réagit si l'on m'avait arraché ma femme. Je veux dire, cela ne doit pas être facile tout les jours ?

- Les murs sont nombreux et je passe le plus claire de mon temps dans mon bureau. L'émotion a quitté son corps au moment même où ils ont commencés à parler de lui. Takafumi ne parvient pas à reprendre une attitude normal, alors il préfère serrer les dents et regarder dehors.

- Tu as raison, et c'est tant mieux ! Il tape dans ses mains en secouant la tête. Enfin bref, tu repars quand ?

- Je repars ce soir avec le shinkansen.

- Mince, on a peu de temps devant nous ! Naomasa attrape sa veste et sans crier gare, commence à l'enfiler tout en incitant Takafumi à le suivre.

- Qu'est-ce que tu fais ?

- Depuis combien de temps tu n'es pas venu à Tokyo ? Je dois rattraper le temps perdu et t'emmener découvrir, non, redécouvrir les délices de la ville !

- Arrête, tu dois avoir du travail. Essaie Takafumi pour tenter de s'échapper.

- Pas tant que ça alors ça peut attendre ce soir. Il le pousse à travers le commissariat et très vite, ils se retrouvent dehors.

- Je ne suis pas enchanté par l'idée. Et c'est vrai. Nao a le chic pour passer du coq à l'âne et rouler à cent à l'heure, et c'est pourquoi il a du mal avec lui par moment. Son esprit est toujours focaliser sur le dossier de Midoriya et celui de Koji.

- Change un peu, et profite.

Traînant des pieds, l'esprit complètement ailleurs, Takafumi rend les armes et fini par suivre son ami à contrecœur.

Ils ont donc passés la journée, habillés en salaryman, à déambuler dans la ville, allant manger dans les derniers restaurants à la mode, allant dans les meilleurs quartiers, visitant quelque temple, sans oublier le petit souvenir avant de partir. Un porte-clés représentant la tour de Tokyo. On ne fait pas plus cliché comme souvenir. Malgré un démarrage sur les chapeaux de roues, Takafumi a apprécié cette journée singulière.

Arrivé au soir, ils se sont dit au revoir sur le quai, comme de vieux amis. Même si ils se téléphonent souvent, c'est rare qu'ils aient l'occasion de se voir. C'est quand il est enfin seul, assit dans son siège confortable, le shinkansen allant à la vitesse de la lumière, qu'il prend le temps de regarder ce dossier qu'il traîne depuis ce matin. Il ferme les yeux, savourant le calme et le mouvement du train, et sourit discrètement.

Que va-t-il faire maintenant ? Il faut encore rassembler les pièces du puzzle, mais il sent qu'il tient quelque chose de très juteux. À vrai dire, il a déjà le puzzle en main. Il ne reste plus qu'à trouver dans quel sens le regarder.

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Alors, ça vous plaît toujours autant ? ^^

Oh et merci pour les 500 vues ! Ça fait plaisir de se dire qu'on n'écrit pas pour rien ><

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