2. Ils ont des rendez-vous secrets à la laverie automatique

Une rumeur circulait depuis quelques jours. Au début, Jeonghan pensait qu’elle était au sujet de deux élèves et donc ça ne l’avait pas intéressé. Puis, il s’était rendu compte que les quelques étudiants qu’il croisait dans les couloirs chuchotaient toujours en le regardant. Jeonghan n’était pas moche mais il n’était pas non plus assez beau pour qu’on parle de lui en rougissant ; c’est pourquoi il ne tarda pas à comprendre que la rumeur le concernait.

Il ne savait ce qu’elle disait mais il n’en avait rien à faire. Du moment qu’il ne risquait pas de perdre son travail à cause de celle-ci, tout allait bien.

Quoiqu’il en soit, avec cette rumeur qui circulait, les étudiants avaient laissé tomber l'idée qu'il y ait un fantôme hantant l'école, avaient localisé l’infirmerie et venaient souvent la squatter.

Soudainement, tout le monde avait des maux de ventre et de tête et son bureau autre fois si calme et agréable n'était maintenant que plainte et acné.

Jeonghan n'aurait rien contre les étudiants bien sûr ; il aurait probablement tué pour ne pas aller à l'école. Feindre la maladie était sans nulle doute plus raisonnable.

« Bonjour monsieur ! »

Ça, par contre, ça n’était clairement pas raisonnable.

« Mademoiselle Kwon, retournez à votre salle. » dit l'infirmier sans se tourner vers la porte.

« Mais j'ai mal à la tête ! » protesta la jeune fille.

Jeonghan donna des vitamines à un garçon qu'il renvoya aussi tôt en cours, ignorant ses complaintes.

Il devrait songer à racheter des vitamines ; en donner à tout le monde impactait considérablement son stock.

« Je comprends que l'école puisse être pénible parfois mais je ne veux pas être complice de tes actions. Compris ? »

Kwon Mina était une élève de première. Depuis qu'elle était venue pour un (vrai) mal de ventre, dans les bras de son amie, elle ne cessait de venir ici. Elle s'installait toujours sur le même lit près de la fenêtre et dormait au soleil comme un chat jusqu'à la prochaine heure de cours. Elle ne dérangeait pas Jeonghan d'habitude mais il commençait à s'inquiéter pour son avenir scolaire ; ce n’était pas bon de rater autant de cours. Il ne pouvait donc pas la laisser continuer ainsi.

« Monsieur... s'il-vous- plait ? » dit-elle doucement en s'asseyant sur son lit habituel.

Tiens… Il ne l'avait jamais entendu aussi triste.

Jeonghan jeta un coup d'œil par-dessus son épaule.

Elle avait l'air épuisée.

Comment peut-on avoir une telle expression à son âge ? se demanda-t-il en prenant un sachet de vitamine en poudre et un verre d'eau.

« Prend ça. » il tendit le gobelet à Mina « Et va te coucher, tu iras mieux dans une heure. »

Il tira le rideau et alla s’assoir à son bureau. Il fixa méchamment l’écran de son ordinateur, très insatisfait de sa décision finale.

C’est la dernière fois que la laisse rester, la dernière !

Il soupira.

Est-ce qu’elle a des problèmes à la maison ou à l’école ? Peut-être qu’elle est fatiguée parce qu’elle a beaucoup étudié hier soir… Elle n’a pas l’air de prendre l’école assez au sérieux pour ça. Elle ne serait quand-même pas harcelée ?!

Jeonghan ferma la page Netflix de son navigateur. Il allait mener sa petite enquête.

∘◦❁◦∘

Jeonghan était un oiseau de nuit. C’était l’une des raisons pour lesquelles il avait du mal à se lever le matin. Une fois, quand il était encore au collège il avait expérimenté le calme de la nuit et le sentiment de liberté l’accompagnant et puis il en était tombé amoureux.

La nuit, ses voisins de parlaient plus fort et les voitures ne passaient plus aussi souvent sous sa fenêtre. Les chiens dormaient et les insectes murmuraient. Et les rues étaient pleines de chats en balade.

Ils étaient habituellement les seuls êtres vivants qu’il croisait quand il sortait faire sa lessive. Il aimait la manière dont ils s’immobilisaient et l’observaient passer avec leurs yeux perçant avant de reprendre leur route une fois qu’ils ne s’inquiétaient plus de lui.

Si seulement je pouvais en adopter un, pensa Jeonghan en fixant la tête ronde et sûrement douce d’un chat blanc et marron, Il faut que je trouve un nouvel appart’.

Il raffermit sa prise sur le panier de vêtements sales qu’il tenait et reprit sa route.

L’une des choses que Jeonghan aimait particulièrement faire la nuit, c’était sa lessive. Il n’y avait personne que venait aussi tard donc il pouvait s’assoir tranquillement à la laverie automatique et lire des mangas en attendant que ses vêtements soient propres .

La laverie automatique était, même si cela ne se voyait pas de l’extérieur, très jolie. Le sol était couvert de dalles rose pastel et blanches, des bancs en bois clair avaient été installé contre un mur, une longue table en plastique dur blanc était positionnée au milieu de la pièce et devant le mur opposé à celui des bancs se trouvé une ligne de machines à laver posées les unes sur les autres. Quelques plantes étonnamment en bonne santé comblaient les angles de mur libre et il y avait un distributeur de lessive en dose à l’entrée ; avec quelques wons, il était même possible d’acheter une boisson.

De temps en temps –comme ce soir, Jeonghan prenait une canette de thé glacé. Il avait choisi comme lecture de ce soir un manga que lui avait conseillé il y a des années, un copain de fac ; une histoire suivant les aventures d’un jeune garçon aux capacités hors-normes à la recherche de son père.

Quelle dévotion… Il tourna la page en fronçant les sourcils. J’espère qu’il lui en collera une quand ils se rencontreront enfin, c’est tout ce que mérite cet homme.

La porte de la laverie s’ouvrit et Jeonghan leva les yeux de son livre.

Qu’est-ce que–

« Proviseur Choi ? » s’étonna-il avant de se rappeler que ce n’était pas si surprenant que cela puisque le proviseur aussi n’habitait pas loin.

« Oh ! Infirmier Yoon. Bonsoir. »

Mr. Choi remplit une machine, la lança et fit un tour de la table avant de s’approcher à nouveau de Jeonghan.

« Que lisez-vous ?

- Un manga. » réponse stupide à une question stupide.

Le proviseur hocha la tête, ses cheveux dépourvus de gel rebondissant un peu.

C’était étrange de le voir comme ça, sans costume. Il avait l’air plus jeune et moins stricte ; presque mignon, même.

Jeonghan baissa les yeux vers son livre. Les yeux brillants et le sourire joyeux de Mr. Choi lui revinrent en mémoire.

« Vous voulez lire avec moi ? »

Ah, ils étaient de retour.

« Pourquoi pas ! »

∘◦❁◦∘

Lee Jihan, dix-sept ans, en première au lycée Cheodong, vivait avec un tyran. Ce tyran, c’était son grand-frère, Lee Jihoon, 29 ans, professeur de musique au lycée Cheodong. Cet homme, aussi petit soit-il, était l’être le plus intimidant que Jihan connaissait. Il était très calme et silencieux mais un regard de sa part pouvait figer sur place l’homme le plus grand et le plus fort.

Il savait à quel point il était intimidant et n’hésitait pas à se servir de son regard contre son fragile petit-frère pour lui faire faire tout ce qu’il voulait.

C’est pourquoi le pauvre petit Jihan était dehors au milieu de la nuit, deux sacs de vêtements sales dans les bras et un malheureux sweat à capuche sur lui contre le vent.

« Va faire la lessive. » lui avait dit son ainé sans quitter la télévision des yeux.

« Mais, hyung, il fait nuit… » avait-il répliqué en ramenant ses jambes contre son buste.

« Il ne va rien t’arriver. Va. » Jihoon ne lui avait jeté qu’un coup d’œil mais ça avait suffit pour qu’il se lève et obéisse.

Et le voila maintenant. Dehors, par ce froid de novembre, les jambes à la merci de l’extérieur.

Heureusement, la laverie n’était pas loin de chez eux. Il avait atteint la porte en une dizaine de minutes.

Il poussa celle-ci avec son épaule et entra. Il se courba poliment en direction des deux hommes déjà présents et se dirigea vers une des machines pour la remplir.

« Qui c’est, lui ? » dit l’un des hommes et, pensant qu’il parlait de lui, Jihan se tourna vers eux.

C’est là qu’il reconnut, malgré le manque de costume et de blouse blanche, le proviseur et l’infirmier de son lycée.

Il paniqua, baissant la tête pour ne pas être reconnu –comme si les deux adultes s’embêtaient à retenir le visage de chaque étudiant.

« C’est l’un des amis du personnage principal.

- Oh.

- Il est parti de son côté pour venger son clan, c’est pour ça qu’il n’apparait que maintenant. »

Ah… Ils parlaient du manga, pas de Jihan.

Il releva un peu la tête, juste assez pour voir le duo.

Ils étaient assis l’un à côté de l’autre pour pouvoir lire en même temps. L’infirmier se tenait bien droit, appuyé contre le mur et le proviseur était penché vers le livre, attentif à ce qu’il lisait. Ils étaient… très proches.

On aurait presque dit… un couple.

Jihan jeta un regard à l’horloge murale ; une heure du matin.

Est-ce qu’ils sont venus ensemble ? Oh mon dieu, ils sont venus ensemble ! Peut-être qu’ils sont colocataires… non, pas à leur âge. Ça veut dire que…

Jihan se sentit violemment rougir.

C’est un rendez-vous nocturne !

Il baissa les yeux sur son portable. Un épisode de la série qu’il regardait avec son frère lui revint en mémoire.

Oh les pauvres. Si ça se trouve, ils sont obligés de se voir ici parce que leurs familles respectives refusent leur relation ! Mr. Choi avait l’air de venir d’une famille riche et traditionnelle, Jihan ne serait pas choqué que celle-ci préfère avoir une descendance que voir leur fils heureux.

Les vieux sont horribles ! pensa-t-il en retenant un sanglot. Courage, vous deux !

Jeonghan sentit soudainement un frisson descendre le long de son dos.

Mr. Choi leva les yeux en sa direction ;

« Vous avez froid ?

- Non, mais… je crois bien que quelqu’un est en train de penser à moi. »

Mr. Choi se redressa en grimaçant.

« Je crois que moi aussi. »

Coucou ! Je vous poste maintenant ce chapitre, le prochain sera disponible le lundi suivant.

J'espère que vous avez aimé aussi ce chapitre !

Bonne semaine,

LullabyForACat

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