1. Ils se sont embrassés dans l'infirmerie

Yoon Jeonghan, infirmier au lycée Cheodong, avait une routine bien définie. 

Il se levait le matin, faisait des exercices de respiration pendant dix minutes puis allait prendre une douche ; ensuite, il disciplinait ses cheveux châtains, s'habillait et prenait le bus de 6h10 pour arriver devant l'établissement à sept heures.

Une fois là, il faisait comme tous les élèves en retard : courir la pente le plus vite possible avant que les portes ne se ferment.

« Vous savez qu'il ne vous arrivera rien monsieur...» lui avait dit une élève, toute essoufflée alors qu'ils venaient tous deux de passer le portail de justesse « si vous arrivez en retard.

- Je fais ça pour vous montrer que même les adultes doivent être à l'heure. » avait-il répondu en joignant un clin d'œil à ses paroles.

La vérité était que son cœur battait toujours la chamade quand il voyait les surveillants taper leurs baguettes de bois (toujours faites pour intimider, jamais pour sanctionner) sur le béton de la route pentue.

Après l'épreuve de la pente, il arrivait dans son bureau, enfilait sa blouse et s'asseyait à son bureau. Et passait le reste de sa journée assis à ne rien fai—

« Bonjour, Monsieur Yoon. »

Un homme dans sa trentaine venait d'entrer. Il ne fallut qu'une seconde à Jeonghan pour reconnaître les cheveux noirs proprement coiffés et les yeux fermes aux longs cils.

Choi Seungcheol était le nouveau proviseur du lycée Cheodong. Il était arrivé il y a un an et il avait captivé tout le monde. C'était un bel homme, cultivé et poli ; sa mère devait être fière de lui. Et toutes les femmes, folles de lui.

Jeonghan se leva et fit un court salut à l'homme.

« Bonjour, Monsieur Choi. Que puis-je faire pour vous ?

- Je voulais vous demander de participer à la réunion mensuelle qui aura lieu ce soir. Je vous ai envoyé un mail mais vous n'avez pas répondu donc je suis venu vous voir en personne.

- Oh... Désolé, je ne vérifie pas mes mails tous les jours... »

L’infirmier observa le proviseur commencer à se balader dans la petite infirmerie, à étudier chaque recoin de la pièce avec minutie et à juger l’état général des lieux. Il n’aimait pas trop ça.

« Quoiqu’il en soit, je viendrai. Merci beaucoup de vous être déplacé pour me prévenir. » ditil en espérant que l’homme cesse son inspection. En vain. Le proviseur commença à contourner le bureau parce que, pour une raison qui était tout à fait inconnue à Jeonghan, il se sentait assez l’aise pour dépasser cette barrière invisible.

Mr. Choi posa les yeux sur la peluche de lapin bleue posée sur l’étagère derrière Jeonghan et pointa le doigt vers celle-ci.

Il fit encore un pas, s’approchant un peu plus de l’infirmier. Malheureusement, il ne vit pas le sac à dos de se dernier et s’entremêla les pieds dedans résultant à une perte d’équilibre.

Il manqua de tomber sur l’infirmier qui le rattrapa de justesse.

Flap !

La porte de l’infirmerie s’ouvrit.

« Monsieur Yoon, Mina est— » s’exclama une jeune fille avec sa camarade sous le bras. Elle se figea, les yeux grands ouverts comme des soucoupes. Soudainement, sa bouche se ferma et elle se mit à rougir. « D-désolée de vous déranger monsieur mais… » elle sembla hésiter et ce sont les plaintes de son amie qui l’encouragèrent à poursuivre « Mina a très mal au ventre. »

Jeonghan repoussa doucement Mr. Choi et contourna le bureau pour aider l’élève à poser son amie sur l’un des lits cachés par un rideau. Il prit la température de l’adolescente puis lui posa quelques questions. Il se tourna pour récupérer une bouillote quand il se rendit compte que le proviseur n’avait pas bougé depuis tout à l’heure.

« Je viendrai à la réunion Monsieur Choi, merci. » dit-il simplement. Le proviseur comprit instantanément le message et partit.

Mais qu’est-ce que c’était que ça ? pensa Jeonghan. Puis il se rappela que l’épisode final de sa série était pour ce soir et pleura intérieurement en se disant qu’il devrait le regarder plus tard puisqu’il avait dit qu’il irait à la réunion.

◦❁◦

Ce n’est pas que ce genre de réunion était inutile mais Jeonghan ne voyait pas d’intérêt à sa présence. Il n’était pas professeur et n’avait donc aucun impact ou pouvoir sur les élèves ; il ne connaissait même pas le visage de la plupart d’entre eux et il savait qu’une rumeur circulait à son sujet (il serait un fantôme qui se matérialise à l’entrée de l’école le matin et dans les couloirs une fois la fin de journée arrivée). Et comme ceux qui arrivaient en retard étaient toujours les mêmes, seule une poignée d’élèves était au courant de son existence. Et l’administration, qui préférait renvoyer les élèves malades chez eux sans les envoyer à l’infirmerie au premier abord n’arrangeait rien.

Bref. Jeonghan était un fantôme pour les élèves… et les professeurs aussi, il semblerait.

« Nous avons une infirmerie ? » dit une professeure en fixant Jeonghan avec méfiance.

« Incroyable… » murmura un autre professeur comme si cette information remettait en cause toutes ses croyances.

Jeonghan leva les yeux au ciel, irrité. Quel genre d’établissement scolaire n’a pas d’infirmerie ? Est-ce même légal de ne pas en avoir une ?

Une main se posa sur son épaule et il sursauta intérieurement –parce Jeonghan ne savait pas sursauter ; tout son être se tendait et ses jambes devenaient faibles mais il ne sursautait pas : il n’y avait jamais de preuve visible de sa surprise.

« Monsieur Yoon travaille ici depuis presque cinq ans maintenant et vous ne le saviez pas ? » dit le proviseur en fronçant les sourcils. « Comment cela se fait-il ? Que faites-vous des élèves malades ? »

Le pauvre homme ne savait pas dans quel lycée il avait mis les pieds…

« C’est qu’il ne s’est jamais manifesté, monsieur. » expliqua encore une autre professeur « L’administration contacte d’elle-même les parents de l’élève malade pour qu’ils viennent le chercher.

- Et ceux dont les parents ne peuvent pas se déplacer ? » Le silence dans la salle de réunion fut la seule réponse.

Monsieur Choi ne sembla pas savoir comment réagir et Jeonghan, étouffant sous la gêne générale, décida d’intervenir :

« Je comprends être passé sous le radar, après tout l’infirmerie est au fond d’un couloir et personne ne s’y aventure jamais. » Les deux jeunes filles de ce matin étaient seulement là parce que l’une des deux faisaient partie des retardataires récidivistes. « Du coup, je me disais qu’on pourrait coller des posters sur le tableau d’affichage et dans les couloirs pour que les élèves heu… apprennent qu’ils peuvent venir me voir s’ils ne se sentent pas bien. »

Jeonghan n’avait pas parlé autant depuis longtemps ; il était légèrement essoufflé. Mais toujours impressionné par ses capacités d'improvisation.

« Ce n’est pas une mauvaise idée. » une professeure lui sourit « Et puis, maintenant que nous savons qu’il y a une infirmerie, nous allons pouvoir y envoyer nos élèves. »

Jeonghan hocha la tête. La main du proviseur glissa de son épaule et il tourna son regard vers celui-ci. Il ne s’était pas rendu compte que sa main était restée aussi longtemps sur son épaule –Mr. Choi non plus, vu son expression.

« Bien. Maintenant que cela est réglé, passons au gymnase. »

Jeonghan hocha la tête, l’air concentré. Il passa tout de même tout le reste de la réunion dans ses pensées.

Mr. Choi parla soudainement un peu plus fort que précédemment et il posa ses yeux sur lui. Il avait l’air jeune, probablement un peu plus vieux que Jeonghan. Grand et musclé, une mâchoire carrée, pas une ride sur le visage, de longs cils et des cheveux coiffés avec application… C’était un homme séduisant. Il ressemblait à cette figure d’homme stable et fort que les médias aimaient dépeindre comme le genre préféré des femmes. Il devait aussi plaire aux hommes ; Jeonghan était bien placé pour le savoir.

Est-ce que Mr. Choi est marié ? se demanda-t-il Hum… Pas d’alliance. Il a l’air d’un homme secret, ce ne serait pas étonnant qu’il la retire avant le travail.

« N’est-ce pas monsieur Yoon ? » parla soudainement l’homme qu’il observait.

Jeonghan se redressa un peu, rougissant.

« Tout à fait. » répondit-il avec une voix beaucoup plus stable que son état intérieur.

Mr. Choi hocha la tête puis reprit où il s’était interrompu et Jeonghan retourna à ses pensées.

◦❁◦

« Bien. Bon travail tout le monde. » dit Mr. Choi en tapant une fois dans ses mains. « Bonne soirée à vous tous. »

Tout le corps enseignant se mit en branle comme une machine et chacun rassemblait ses affaires pour partir. Quelques groupes se formèrent pour discuter de choses plus légères –tel que la chatte de Mme. Kim qui venait tout juste de donner naissance à cinq petits.

Jeonghan, ne désirant que rentrer chez lui et dormir jusqu’au lundi suivant, quitta discrètement la pièce.

Il se dirigea d’abord vers la sortie avant de faire demi-tour ; il devait passer à son bureau pour le ranger. Il aimait le trouver propre le lundi matin mais pour ça, il devait l’ordonner un peu le vendredi.

Il lui fallut quarante minutes pour arriver à un résulta satisfaisant –en grande partie parce qu’il s’était assoupi, appuyé sur le balais.

Tranquillement, il se dirigea dans les couloirs noirs du lycée en direction de la sortie. Ses clés, tournant autour de son index, résonnaient agréablement avec chacun de ses pas. Il arriva dans l’entrée et n’eut aucun mal à ouvrir la porte ; les autres devaient encore être dans la salle de réunion.

Il sortit et s’arrêta devant l’escalier. Il leva les yeux vers le ciel ; presque une pleine lune.

« Je vous ramène ? » dit-on dans son dos.

« Ah, proviseur Choi, c’est vous. » bien qu’il ait vu l’homme un peu plus tôt, il le salua tout de même « Ne vous inquiétez pas pour moi, je vais prendre le bus.

- A cette heure-ci ? Je sais que vous n’êtes pas habitué à rentrer aussi tard, surtout pour une réunion qui ne vous a concerné que cinq minutes. Vous ramenez chez vous est le moins que je puisse faire pour me faire pardonner. »

Jeonghan haussa les épaules.

« Il n’y a pas vraiment de quoi se faire pardonner. » Mr. Choi sembla vouloir encore insister et comme Jeonghan n’avait pas vraiment la force de continuer cette échange plus longtemps, il rajouta : « Mais je vous avoue que rentrer en dix minutes au lieu de quarante est une offre difficile à refuser. »

Le regard de Mr. Choi s’illumina et le coin de ses lèvres tremblèrent un peu, comme s’il se retenait de sourire.

« Bien. Je verrouille la porte et nous pouvons y aller. » il sonnait un peu plus enjoué que précédemment ; Jeonghan se dit qu’il avait fait le bon choix en acceptant.

Ils ne dirent rien de tout le trajet et l'infirmier fut soulagé qu’il ne dura effectivement qu’une dizaine de minutes.

« C’est ici. » dit-il en pointant l’immeuble à côté du sien –il n’était pas fou, il connaissait à peine le proviseur, il n’allait pas lui donner comme ça son adresse (il oubliait que l’homme avait déjà accès à ce genre d’informations).

« J’habite un peu plus loin. » informa Mr. Choi et Jeonghan sourit poliment. Ce n’est pas qu’il n’en avait rien à faire mais un peu quand-même.

« Bonne soirée, monsieur.

- Vous aussi. »

Jeonghan ferma doucement la portière de la voiture et Mr. Choi lui fit un petit sourire avant de démarrer.

Il attendit qu’il disparaisse au bout de la rue pour rentrer chez lui.

Quelle drôle de vision, songea-t-il en pensant au sourire du proviseur, même son sourire est beau.

ฅ^•ﻌ•^ฅ

Hé ! Voici une nouvelle histoire (pas si nouvelle, puisque postée sur AO3 depuis longtemps mais bref). Elle ne sera pas très longue et concentrée sur le Jeongcheol (naturellement). J'espère qu'elle va vous plaire :)

Qu'en pensez-vous ?

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