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Saru
La réunion de la dernière fois était seulement pour nous féliciter et nous faire visiter la base où l'on passera tout notre temps, sauf durant notre unique jour de congé de la semaine : personnellement, c'était le mardi. Les autorités préféraient mélanger les jours de congés afin d'avoir plus de monde sur le terrain tout le temps. Logique ...
On nous avait annoncé que nous allions enfin commencer notre formation 3 jours après la sélection entre ceux qui avaient réussi et ceux qui avaient échoué. Je n'avais pas revu les enfants depuis mais d'après les gardes, ils auraient été déplacés dans une autre division.
Le laps de temps entre l'invocation de l'esprit et aujourd'hui devait servir à faire connaissance et à se familiariser avec son serviteur. Cependant, depuis que nous étions entré dans la base, le vampire ne cessait de faire la tête et de regarder furtivement tout le monde comme s'il craignait un assassinat. Aldéric me faisait peur des fois, mais là, il émanait presque une aura menaçante autour de nous. Je n'osais pas lui poser la question du "pourquoi", il avait grogné la dernière fois que je lui avais parlé, comme si c'était plus important pour lui de jouer le policier que l'ami. Une minute .... Je viens vraiment de considérer Aldéric comme un ami ?! Je viens à peine de le connaitre ...
- Aaaaaah ! Il me faut une cure de désintoxication ! Criais-je en me secouant les cheveux sous mon béret.
Bien que portant l'uniforme officiel de l'armée, la tête était libre de porter ce qu'elle souhaitait. Dans mon cas, j'affectionnais beaucoup mon petit chapeau clair, dans d'autre cas ... il y avait des coupes de cheveux bien étrange, la couleur changeait de temps en temps. Entre les esprits et les bizarreries de leur propriétaire, on se croirait dans un cirque !
- Pourquoi tu cris comme une poissonnière la naine ? Demanda Aldéric (le chaton) qui essayait de me faire baisser d'un ton, les gens autour de nous regardant comme des abrutis complets.
- Aldériiiiiic, commençais-je à pleurer en voulant m'accrocher à lui. Est-ce que tu es mon ami ?
- Non, tu n'as pas d'amis ! Dit-il rapidement et s'éloignant de moi comme de la peste. En même temps, qui voudrait de toi ?! T'es même pas vendable en tant qu'esclave, tu ferais plus de pertes que de bénéfices ...
- Ah je me sens mieux d'un coup ! J'ai cru qu'on était devenu potes !
Aussitôt, je me redressa gaiement et partit rejoindre l'assemblée dans la cour à l'intérieur de la base militaire qui me faisait déjà une place d'honneur. A moins qu'ils ne voulaient éviter mes conneries ? Mais nooooon ! C'est juste que je suis tellement incroyable qu'ils s'inclinent devant moi !
Après notre échange, Aldéric était devenu complètement glacial et ne m'adressait plus la parole. Vexé ? Ça peut devenir vexé un vampire ?
En réalité, je ne sais rien des vampires, ni de lui, malgré ce qu'Aldéric m'a dit ... Est-ce qu'ils sont toujours aussi froid ? Est-ce vrai qu'on ne les voit pas dans le miroir ? Sont-ils capable de contrôler quelqu'un par le regard ? Ont-ils peur de l'ail ? ....
D'un coup, je me figea sur place, et mon serviteur, sous sa forme esprit, passa à travers moi, ne m'ayant pas remarqué. Je ressentis comme un froid poignant entre mes côtes qui me fit frissonner, ce n'était pas douloureux, juste surprenant. Et très gênant ...
- Pourquoi t'es tu immobilisé ? Me demanda enfin Aldéric, sa tête dépassant de mon ventre sans gène. Tu aimes observer des gens à l'intérieur de ton anatomie ? Euuuuh ... Tu n'aurais pas pu le dire autrement ?!
- Il y a quelque chose que je ne comprend pas, répliquais-je en essayant de le faire partir de là où il était. Peine perdu, je passe à travers ... Dégage pervers de vampire ! Je n'ai plus aucun souvenir avant mon matin ici, pourtant je connais beaucoup de choses, comme les légendes sur les vampires ou encore des trucs simples de math : 2 + 2 = 4. Ne devrais-je pas également avoir perdu le sens de l'équilibre ou de la parole ?
Aldéric vola devant moi, me libérant de cette étrange sensation de mort dans mon propre corps, et me fit signe d'être discrête. Un homme en uniforme, en forme pour le nombres de ses rides, avec de nombreuses médailles sur le torse, fit face à la douzaines de personnes qui avaient réussi l'expérience.
- Bonne question. Je ne prétend pas connaître la réponse, mais veux-tu connaître tout de même mon avis ? chuchota-t-il en gardant un œil sur le général Panke.
- Oui. Après tout, tu possèdes bien plus de connaissances que la plupart ici.
- Merci du compliment. Je pense que tes acquis, tes réflexes instinctifs et ce qui s'est logé dans ton inconscient n'a pas été volé. Seul ce que tu avais en tête au moment décisif a disparu, le reste est enfoui au fond de toi ... Il est plausible qu'ils ne ressortent jamais.
- Volé ? Remarquais-je dans son explication.
- J'éclairerais ta lanterne une autre fois. Ecoute.
- Oui maman, dis-je pour le faire grogner.
Je pris alors conscience que quelqu'un me fixait, je releva la tête et vis que Panke ne me lâchait pas du regard. Ses yeux lançaient presque des éclairs à ce moment-là et je déglutis difficilement, j'avais l'impression qu'il me serrait la gorge de sa simple présence.
Aussitôt la première impression passée, le général reprit le sourire du vieux papa gâteau qu'il avait toujours incarné et nous félicita grandement, mais je ne pouvais enlever cette image de ma tête. Il est si différent ... joues-t-il un rôle ?
- A présent, pour évaluer vos aptitudes, nous allons faire des tests.
- Des tests ? S'éleva une voix parmi la foule.
- Des combats entre chaque personne ici présente.
- Mais nous ne sommes que des débutants ! Cria la même personne à la voix portante.
- Les résultats seront affichés ici et seront mis à jour toutes les semaines, après un tournoi hebdomadaire, continua le général Panke comme s'il n'avais rien entendu. Les plus hauts placés recevront plus d'argent et plus de permissions.
- Qu'arrivera-t-il à ceux qui ne sont pas bien placés ? Demandais-je en me sentant mal. Aldéric ne devait pas se révéler en tant que vampire, comment faire ?!
- Les 5 derniers du classement se verront attribuer le rôle de bouffon et n'auront aucun traitement de faveur. Ils devront faire tout ce qu'il leur ait demandé et seront de simples soldats au front.
- Nous n'avons pas signé pour ça ! S'exclama un homme, révolté, bientôt suivi par les autres.
Dans quel merdier nous sommes-nous fourrés ?
Le général Panke voulu prendre la parole mais le brouhaha qui régnait à présent ne lui permettait même pas d'en placer une, personne n'écoutait. Je revis une lueur de danger passer dans ses yeux gris et cessa de manifester avec les autres, prise d'un sentiment étrange.
- Baisse toi Saru ! M'avertis Aldéric en me poussant sur le côté. Il est de nouveau tangible ?
Je lui obéis en essayant d'attraper sa queue toute noire mais ma main passa à travers comme si ce n'était que de la fumée. Ah .. Il avait seulement muté ses pattes, dommage, il est si doux !
Je n'eu pas le temps de penser plus, ("penser étant déjà un exploit" dirait une certaine personne que je ne citerais pas !), une pluie de balles passa au-dessus de nos têtes et frôla plus d'un qui se trouvait au devant de la scène. La huée de colère devint un hurlement collectif de panique et je vis de nombreuses personnes tomber en se tenant fermement le bras ou la jambe qui menaçaient de répandre leur sang à terre.
- MAIS QU'EST-CE QUE ... Criais-je en essayant de me faire entendre par dessus le bruit autour.
J'ai l'impression d'être un escargot à côté d'un chat ... aucune chance qu'on m'entende ! Attend, ça crie un escargot au moins ?
Soudain, un poids s'écrasa sur moi et je me retrouva plaquée au sol sans pouvoir comprendre ce qu'il était en train de se passer.
- Euuuh ... T'es qui ?
- Abrutie ! Ah ... Aldéric ... Toujours aussi sympa ...
J'aperçus alors une partie de ses cheveux blancs dans son cou et son costume ridicule qui me recouvrait entièrement. On dirait un père et son gosse ! Je ne voyais pas son visage, il était trop grand pour ça, mais j'entendais toujours la fusillade derrière son dos. Une minute ... Pourquoi Aldéric est-il sous forme humaine ?
- Tu .... Tu m'étouffe triple crétin ! Fut la seule chose qui me vint à l'esprit.
- Ne bouge pas ! Sinon je te tus ... Dit-il en reculant quand même.
- Explication please ? Demandais-je en respirant à nouveau.
- Apparemment, le général Panke cherche à faire étalage de sa force, cela devrait cesser sous peu. Après tout, il vous veut vivant, même en tant que chiens de chasse.
- Ah ... et ton comportement à toi, tu me l'expliques ?
- Je t'ai entendu crier et je t'ai vu te relever, tu as failli te prendre des balles en pleine tête.
- Tu m'a protégé ?
- Je m'en fous de ta santé, tant que t'es vivante. Si le maître meurt, son serviteur peut devenir complètement fou. Je ne le suis pas assez pour vouloir tenter l'expérience.
Quelle froideur ... Et dire que ces 3 jours n'auront servi qu'à faire évoluer son langage.
- Maintenant, vous êtes prévenus ! Vous êtes mon armée, vous obéissez à mes ordres ! S'éleva une voix au-dessus du tumulte. Et vous allez gagner vos droits dans votre talent pour le combat !
- Il y en a qui sont blessés ! C'est injuste ! Dit l'homme de tout à l'heure qui semblait porter la voix du groupe.
- MIRAAANDA ! Cria le général Panke sans avoir besoin de haut-parleur.
Une femme un peu potelé avec un visage de poupée apparut à ses côtés juste après son appel. A côté d'elle se trouvait un animal marin entouré d'épines, je mis du temps à comprendre que c'était une sorte d'oursin sciant avec un œil noir immense au milieu.
- Oui ?
- Tu connais ton boulot.
- Oui, mon général, s'inclina la fameuse Miranda avec soumission.
Aussitôt, elle s'activa autour des blessés avec l'air d'une maman poule, son sourire rafraîchissant était un paradoxe à ce qu'il se passait 5 minutes auparavant et inspirait la confiance. Elle portait un uniforme avec un petit bonus, un insigne en croix sur son bras qui la désignait comme la chef du service médicinale de la base. Contrairement au général, elle était douce et gentille. Les futurs soldats ne manquaient pas de se détendre avec elle, malgré que sa méthode pour soigner soit assez ... violente.
Je m'en rendis compte lorsqu'elle se rendit à mon chevet :
- Tu es blessé ?
- Euuuh, dis-je déstabilisé avant de me rappeler d'Aldéric. Moi non, mais lui oui !
- Lui ?
- Lui, affirmais-je simplement en lui montrant Aldéric qui était allongé ... sur moi.
- Ah oui, je vois. Il a reçu une balle électrocutante dans le bas du dos, ça a du le paralyser légèrement. Laisse-moi faire !
- Je vous en prie.
J'étais assise à moitié, Aldéric sur mes genoux, il avait glissé quand je m'étais redressé mais n'avais pas bougé depuis. Il parlait très bien tout à l'heure pourtant ... J'espère qu'il n'a rien de grave !
Miranda se pencha au-dessus d'Aldéric et retira les vêtements de l'impact de la balle sans émettre la moindre réaction face à ses habits ... déconcertant. Je ne pus voir qu'une tâche rougeâtre sur ses mains une fois qu'elle eut fini de retirer la balle, le bras du vampire me bouchait la vue. L'infirmière appela son esprit qui vint se placer face au blessé, il prépara une aiguille et s'apprêtait à le planter dans la blessure. Ouille, ça doit pas faire du bien ... Miranda a un sacré sang-froid ...
- Oh mon dieu, Aldéric, réveille-toi !
- Ne t'inquiètes pas, commença Miranda. Je vais ...
- La ferme la vieille, je vais très bien, gémis une voix lointaine juste avant que l'oursin ne le pique.
Deux réponses survinrent en même temps :
- Aldéric ?!
- La vieille ?!
Apparemment, Miranda n'avait pas très bien pris l'insulte d'Aldéric. Et pourtant, ce n'est pas la pire ... Soupirais-je intérieurement. Elle se releva vite fait après un sec "s'il va bien, je n'ai plus rien à faire ici", et alla chercher d'autres patients sans nous jeter un regard en arrière.
- Qui ça pourrait être d'autre la naine ?! Me répondit mon serviteur en se massant les oreilles. Et ne crie pas près de mon visage s'il te plait ... tu es mieux la bouche fermée en réalité.
- Grrrrr ... J'aurais mieux fait de ne pas m'inquiéter pour une enflure comme toi ! Dis-je en lui assénant un sale coup de poing sur l'épaule. Ne pas abîmer le visage d'un beau gosse ! 1e loi Sarunienne !
Aldéric soupira avant de se relever complètement, mon attaque ne lui ayant rien fait du tout, comme si ma force n'arrivait même pas à la cheville de la sienne. Je suis pire qu'un chien en fait, je suis une mouche ! pleurais-je sur ma dignité brisé.
- Idiote ! Si un esprit me touche, il comprendra que je ne suis pas humain ! D'ailleurs, je ne devrais pas rester si longtemps sous cette forme ... Il faut que je redevienne un esprit avant que l'on me pose des questions.
- Mais ... et ta blessure ?
- Je peux me soigner tout seul, je vais piocher dans tes réserves spirituelles, tu va juste te sentir un peu fatiguée après cela. Il faut que tu manges du sucre !
- Mouais ... Au fait ! Miranda est très gentille, tu n'aurais pas du la critiquer ... en plus, elle n'est pas vieille du tout !
- J'en doute ...
- Pourquoi ?
- Si j'observe bien ce qu'il se passe, je dirais que son esprit n'a pas de pouvoir régénérant, parce que déjà, c'est hyper rare ! De deux, il me semble simplement qu'il recule le temps jusqu'à ce que la blessure disparaisse ...
- C'est un peu la même chose que soigner, non ?
- Si tu le prends comme ça oui. Les lois physiques qui s'appliquent ici ne sont pas les mêmes du tout, ni les mêmes manifestations psychiques mais bon ... tu ne peux ni les sentir, ni les voir de toute façon.
- C'est un truc magique propre aux esprits ?
- Seulement aux être surnaturels.
- Je vois ... Si l'oursin remonte vraiment le temps, c'est pour ça que tu la soupçonnes d'être plus vieille qu'elle ne l'est ?
- Yep.
- Donc tu étais réveillé avant qu'elle vienne nous voir ! Tu as tout vu et tu étais simplement incapable de bouger ...
- Bravo Sherlock ! Dis-moi, t'a mangé quoi pour carburer comme ça ?
- Ah ah très drôle ! Je ...
Je partis en arrière, emportant ma phrase avec moi. Y'en a marre qu'il m'arrive que des trucs sans que je puisse finir de parler !
- Ah voilà la fatigue qui arrive, commenta Aldéric sans pitié.
- Et le trou de la balle ?
- Plus rien. Dors un peu, tout à l'heure, faudra qu'on combatte. Et j'ai en horreur de perdre.
- Comment on va faire ? Tu ne dois pas montrer tes pouvoirs de vampire !
- Je sais, je vais y réfléchir, maintenant motus et bouche cousue !
- .... Entendu chef.
Je lui fais confiance pour gérer ça, après tout, c'est un vampire très intelligent ! Bien que la gentillesse ne fasse pas partie de son vocabulaire ...
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