2 bis

Aldéric

Je flottais dans le noir que même mes yeux ne purent percer à nu. Il ne faisait conséquemment pas nuit, et je n'étais pas enfermé. Il se passait autre chose, je ne sentais même pas l'attraction terrestre, comme si je volais ou si le temps s'était arrêté. Cependant, je n'avais pas l'air en danger, mentalement ou physiquement. Je m'attarda alors sur le pourquoi et le comment je me trouvais ici sans souci de l'extérieur.

Je ferma les yeux, un vieux réflexe humain qui, malgré toutes ces années, me prenait de temps en temps quand je me relâchais.  Je fouilla dans ma mémoire profonde et aussi vieille que le monde, dans l'espoir de chercher quelque chose de précis. Comme je le voulais, un souvenir me revînt : C'était une dame de grande aisance, assise sur un canapé carmin, avec un châle fait main sur ses genoux. Sa bouche, que la vieillesse avait ravagé de rides aussi profondes que les rigoles dans la campagne, s'activait à me raconter une aventure au delà des limites physiques de l'être. Sa situation avait été la même que la mienne actuellement.

Est-ce donc cela un voyage spirituel ? Mais pourquoi ?

L'étrangeté de l'instant ne me surprenait pas, après tout, j'étais moi-même une absurdité de la nature. Je réfléchissais néanmoins à la cause de tout ceci, je n'avais rien fait qui pouvait engranger de telles circonstances. A part ... Sans être paniqué ou effrayé, ce n'était pas dans ma nature, je réalisa que je me trouvais proche de la limite entre les mondes humains et mythiques. La date concordait avec la nouvelle lune.

Lorsque je pris conscience de cela, un bruit perça le silence absolu, comme un murmure qui viendrait chatouiller chaque atome qui me compose. Celui-ci s'amplifia de plus en plus, jusqu'à venir frapper à sang mes oreilles.

Un cri. Puissant. Un souffle de l'âme.

Ainsi que des mains. De grandes, qui m'arrachèrent à ma quiétude solennelle, et me tirèrent vers les fin fonds de l'abîme.

C'est là qu'un sentiment simple, le plus primaire de l'homme, mais que j'avais oublié depuis longtemps, vint remplacer ma neutralité permanente : je pris peur. Jamais on ne m'avait surpassé en force, je ne pouvais pas résister et c'était comme si je filais volontairement vers un nouvel endroit. Mon esprit ne pouvait que coopérer.

Que pouvait donc signifier une telle finalité ? Vais-je mourir ? Moi, une créature qui existe depuis la naissance de la Terre ?!

Après un temps que je ne pus quantifier : Des minutes, des heures, des jours ? (Le cycle temporel était bien plus différent dans ce monde spirituel que ce que je connaissais, d'ici ou d'ailleurs), je me sentis tomber bas, très bas, comme si mon corps pesait le triple de son poids habituel, jusqu'à me déposer en douceur sur un coussin chaud. Le paradoxe entre les deux situations me fit prendre conscience qu'il se passait quelque chose d'anormal.

- Bien plus que d'habitude, rajoutais-je à voix haute.

Un gémissement me répondis. Un gémissement ?

Je sursauta et me dégagea vivement du corps humain (c'était les seuls à posséder cette odeur si caractéristique) sur lequel je me trouvais à présent et que j'avais pris pour de simples oreillers doux. Mon regard se posa sur la partie anatomique de l'inconnu qui formait des bosses sous les draps et je compris pourquoi j'avais ressentis cette sensation. Je ne rougis pas, après tout, les femmes ont toutes le même corps, et continua mon inspection. Le reste de son corps étant recouvert, je ne pus m'aventurer de ce coin-là, si je faisais exception d'une jambe qui sortait du lit, et m'attarda sur son visage endormi. C'est là que je compris que quelque chose n'allait pas. Où sont passé tes facultés de perceptions hyper développées corniaud ?!

Sur son visage que la maigreur marquait cruellement, des gouttes de sueurs se mêlaient aux larmes. Je devina que sa peau était pâle même si son teint était relativement mate, elle mordait également avec force sa lèvre. Pour empêcher de crier inconsciemment sûrement. Un cauchemar ? C'était le seul point sur lequel je ne pouvais critiquer les humains, les créatures surnaturelles avaient elles-mêmes leurs part de noirceur.

Le gémissement repris, mais cette fois beaucoup plus fort et son corps commença à trembler également.

- Allons bon, tu vas pas me faire une crise là tout de suite ! M'écriais-je en cherchant dans la pièce quelque chose qui pourrait m'aider à arrêter cette horreur.

Pourquoi je me préoccupais de cette humaine ? Je dirais que c'était l'instinct, je ne devais pas la laisser comme ça, je me sentais lié.

- Je lui demanderais bien lorsqu'elle sera debout.

Aussitôt je m'activa, je ramassa ce que je pus dans les minuscules bains d'à côté, c'est à dire : une serviette et un verre d'eau. Je ferma la fenêtre laissée ouverte et lui épongea le front en me dégouttant moi-même. J'abandonna au bout d'un moment et lui laissa l'essuie main sur le front, en buvant moi-même le verre d'eau. Et puis quoi encore ?

Je finis par fatiguer à force d'attendre que le soleil se lève, et la femme de même. Il devait être très tôt, la lune était en train de tendre vers l'ouest. Je m'assis au bord du lit en poussant sans ménagement ses pieds hors de ma vue et appuya ma tête contre le mur. Mais qu'est-ce que je faisais ici ?

***

Lorsque je me réveilla et que je sentis mes moustaches me picoter, je sus que je m'étais transformé durant mon sommeil. Ça m'arrivait souvent lors de périodes épuisantes physiquement. Serait-ce le voyage tridimensionnel qui avait provoqué cet état ?

Je ne pouvais avoir de réponses de toute manière. Je me tourna vers l'humaine qui dormait joyeusement à mes côtés, la crise semblait être passée, je supposa qu'elle n'en garderait aucun souvenir. La serviette sur son visage menaçant de rencontrer le sol, je l'attrapa au vol et la remis sur son pendoir. Que faire de plus ?

Je choisis de me rendormir en tant que chat, c'était bien plus confortable ainsi, on verra la suite demain.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top