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Au début, il n'y avait rien. 

Le noir sévissait autant dans mon esprit qu'à l'extérieur. Mes yeux n'étaient pas ouverts, ou bien si ? Je ne pouvais distinguer la limite entre les deux, à vrai dire, je ne sentais même plus mon propre corps. Seul mon esprit était en vie ... enfin réveillé plutôt, car je savais qu'il n'était pas entier. Je ressentais comme un vide, une partie de moi, importante, n'était plus. Mais qu'est-ce que cela pouvait être ?

De plus, qui étais-je ?

Puis, la lumière apparut, et, en même temps qu'elle permit à ma conscience de revenir à mon corps, elle dissipa ces interrogations pour en imposer d'autres : Où étais-je ? Qui étaient ces personnes étalées par ci par là dans la pièce ? Et la question sûrement la plus importante .... Pourquoi il n'y avait aucun beau mec autour de moi ?

Mes yeux, habitués à l'obscurité qui ne régnait plus à présent dans cet endroit, avaient d'abord été surpris par l'intensité qui s'était infiltrée à travers une porte jusqu'alors invisible. Par la suite, ayant reporté mon attention ailleurs, par réflexe pour protéger ma rétine, je n'avais vu à mes côtés que des gens dans le même état que moi. Tous cherchaient un point de repère, quelque chose qui nous apprennent ce que nous faisions ici. Qu'ils soient des jeunes, des vieux, des hommes, des femmes, ... nous n'étions, à cet instant, que l'ombre de nous-même.

***

Deux ou trois personnes se tenaient à l'entrée mais elles étaient trop loin pour pouvoir distinguer autre chose que leurs silhouettes. Elles nous firent cependant signe de les rejoindre avec calme mais sévérité, puis de les suivre à travers d'interminables couloirs que j'oublia aussitôt. 

Je m'exécuta, comme tous ici, comme des pantins, et pus me rendre compte qu'en réalité, j'étais faible. Tellement faible que, lorsque ces scientifiques, au vu de leur accoutrement médical et technologique, me désignèrent un plateau repas rempli à souhait et un lit douillet, je me jeta dessus avec le même état d'esprit qu'une bête affamée et exténuée. A tel point que j'étais, à ce moment-là, dénuée de ce qui faisait de nous des êtres humains : la capacité de raisonner, de réfléchir, de penser, ...

Puis ce fut de nouveau le noir, mais quelque chose avait changé. Je ne retrouva pas cette torpeur de mon souvenir le plus ancien, je dormis simplement, sans me poser de questions, comme si je n'avais pas reposé mon corps et mon esprit depuis des jours et des jours. 

Pourtant, le lendemain, il a fallu me lever et m'arracher aux bras de ce lit confortable. C'est alors que je fis face à une incroyable et rocambolesque épreuve, le commencement d'une nouvelle ère. Mais évidement, je ne pouvais le deviner à ce moment.

***

Je m'étais réveillée avec la gorge sèche et la tête dans les vapes, pas au meilleur de ma forme, mais avec la tenace impression que je vivais pleinement ces instants. Puis, comme une habitude, j'avais observé avec attention ce qui m'entourait, je fus seulement déçue, je ne reconnaissais rien. 

La pièce était petite, un lit simple sur lequel j'étais assise, des lattes claires au sol, une petite table en bois et une chaise mince. Un miroir cependant me faisait face et le centre me révélait le visage d'une femme, jeune, dans la vingtaine, mais si anorexique que ça ne pouvait qu'être dû à la maladie. Son nom m'était inconnu. 

Quel âge avait-elle ? 

Quel âge avais-je ? Qui étais-je ? Pourquoi je ne me souviens plus de rien ?

J'eus beau tourner et retourner le problème dans ma tête, je ne trouvais toujours pas de solutions au bout de longues minutes. Je me perdis alors à nouveau dans la contemplation de mon entourage. Les réponses viendront petit à petit, rien ne sert de courir et de se casser la tête. Mon regard fut attiré par la seule touche de couleur présente dans la pièce : Quelques vêtements déposés avec un soin maniaque à mes pieds. Je pris cela comme une invitation à me changer, et, après avoir constaté l'état de ma robe en papier que nommer "habit" serait une injure à la mode, je les enfila avec plaisir.

La porte s'était ouverte la minute d'après. A croire qu'ils me surveillaient, pensais-je. Et je fus conduite à rejoindre un flot de personnes, toutes affublées du même uniforme que le mien, assez strict. 

C'est là où je me trouvais actuellement. Nous marchions dans de longs couloirs, simples mais coquets, souvent coupés par des portes ou des embranchements sur le chemin.

- Où sommes-nous ? Demanda, au bout d'un moment, une femme assez âgée, les marques de l'âge n'étant pas cachées par du maquillage ou des subterfuges.

- Oui, que faisons-nous ici ? Rajouta un autre, un peu plus jeune mais qui avait l'air d'en avoir dans la caboche. Dommage, trop vieux pour moi ...

Une fois le silence brisé, les protestations et l'incompréhension ne firent que s'amplifier, et j'observa la panique s'emparer de tout le monde à la vitesse grand V. Ah là là, sortez moi d'ici ... Je finis par ne pas me sentir tranquille également. Les personnes qui conduisaient le groupe ne répondirent pas plus qu'avant et se contentèrent de nous désigner une immense porte, une fois la fin du couloir atteint.

Les gens ne coururent pas à l'intérieur, mais presque.

Au cœur de la pièce se trouvait une estrade sur laquelle se tenait un vieux monsieur en costard, blanc de la tête aux pieds, et autour, plus de 20 chaises. Son sourire était chaleureux et rassurant, et c'est d'une voix douce qu'il articula dans un micro :

- Asseyez-vous je vous prie, je vais tout vous expliquer.

***

J'étais encore assise sur ma chaise à regarder le sol, que la moitié des gens ici présents avait quitté la salle. Certains étaient partis avec une somme terriblement importante dans la poche, d'autres, avec une lueur d'aventure dans les yeux. Moi, je n'avais toujours pas fait mon choix.

Nous étions les rescapés d'un village voisin que l'ennemi avait assiégé puis qui avait été sauvé par l'Empire. En fuyant, la République de Troka avait quand même fait exploser une bombe, ce qui avait détruit nos demeures et le traumatisme encouru avait obscurci nos souvenirs. Ici, nous avions été soignés et recueillis par l'unité scientifique de l'armée Impériale. Enfin, d'après ce que disait le général Panke. Malheureusement pour moi, heureusement pour lui, je ne pouvais qu'appuyer ses dires, ma mémoire me faisait défaut.

Là, ce bon vieux bonhomme nous laissait le choix : ou partir continuer notre vie avec une modique somme en poche (IRONIE), ou tenter l'aventure en l'aidant, lui et sa compagnie, à réaliser une expérience au delà du naturel pour appuyer l'armée plus tard (Bien sûr, grassement récompensé si elle réussissait : comme un poste haut placé par exemple, ... ).

Déjà 10 avaient choisi la belle vie, 8 autres se lançaient aux côtés de l'unité scientifique, et 13 se tâtaient encore. J'en faisais partie, jusqu'à que la décision ne s'impose à moi comme une évidence :

A quoi bon refaire notre vie si nous n'avions même plus de passé ? Autant travailler à un meilleur futur ... si tant soit peu ce "futur" pourrait exister aux côtés de la guerre.

Et je rejoins l'équipe des volontaires derrière le rideau du fond de la salle en me disant qu'après tout, je n'avais rien à perdre. Juste quelque chose me tracassait : quel était donc cette fameuse expérience ? 

Et aussi, j'espère pouvoir avoir l'occasion d'observer de beaux bruns à lunettes cultivés au travail ...

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