CHAPITRE 2

NOA

Ce que c'est bon d'être en entier, s'exclame le spectre.

Hum ? T'es certain de ce que tu affirmes ?Je crois que tu oublies un détail, me moqué-je ayant retrouver mes esprits.

Mais tu veux arrêter de me remettre ça sur le nez. Je sais que c'est ton corps, s'offusqua-t-il.

Et mon esprit ! Je t'avertis. Ce soir, pas de meurtre. Je veux cette sortie, déclaré-je déterminée.

— Qu'est-ce qui te dit qu'il était vraiment sérieux ?

Rien ... mais j'ai envie d'y croire, pour une fois.

Nous sommes interrompue par la porte de la pièce qui s'ouvre un peu trop brusquement, au goût de mon démon, sur un garde armé jusqu'aux dents. Le spectre se ravise de me pousser à attaquer impulsivement lorsqu'il voit le bâton électrique dans l'une des mains de l'homme vêtue entièrement de noir. Il déteste se faire électrocuter, et moi aussi. L'homme nous indique d'un signe de sa main à sa montre que l'heure est venue pour nous de se rendre là où on a besoin de nos services.

Sans un mot, j'enfile mon manteau sombre et me dirige vers le garde qui me menotte les poignets. C'est toujours la même chose, je dois porter des contentions pour éviter de m'enfuir ou attaquer lors de mes sorties. Comme si ça allait me nuire. Toutefois, je sais que les hommes de mains de James ont des armes beaucoup plus puissantes dissimulées sous leur veston. Des armes capables de me faire rencontrer la grande faucheuse, évidemment, mais aussi de tuer le spectre maléfique qui a élu domicile dans mon corps avec mon âme entre ses mains. On me retire ces menottes que lorsqu'on est bien certain que je ne tenterai rien et que je dois exécuter ma tâche. Il faut tout de même qu'ils aient une certaine confiance en moi.

Je suis le garde à l'extérieur du manoir où une voiture noire m'attend. Tandis que je passe la portière que le garde m'a préalablement ouverte, j'entend le démon argumenter dans ma tête pour passer à l'acte et nous permettent de nous enfuir. Je n'y fais rien. Le soldat part s'installer à l'avant du côté passager et la voiture se met en route.

Tu veux bien me dire pourquoi tu ne veux pas passer à l'acte ? m'interroge le spectre légèrement en colère.

Presque quatre ans que j'entends cette même question, sans lui répondre véritablement. Jours après jours, à chaque fois que je sors de ce foutu manoir. La vrai réponse : j'ai peur. Bien que je déteste ma vie dans cette maison de l'horreur, je ne sais pas ce qui m'arrivera au-delà de ses murs. M'enfuir pour aller où ? Je n'ai plus de famille. Tout s'est volatilisé il y a cinq ans. Même s'il m'assure qu'il va me protéger, tant que je ne peux pas répondre à cette question, je suis incapable de bouger.

Je tiens à te rappeler notre accord, ajoute-t-il.

J'ignore son commentaire, je préfère me concentrer à le contenir puisqu'il se débat à l'intérieur de mon être afin d'avoir une seconde de contrôle. Son attitude désinvolte me rappelle les quatre ans où l'on a apprit à s'apprivoiser. Où j'essayais de comprendre cet être fourbe et rempli de folie qui voulais la destruction à la moindre foulée de mes pas. Il respirait le chaos. Il en émane encore, d'ailleurs.

On m'avait dit de ne jamais faire confiance à ce genre d'esprits maléfiques. Qu'ils étaient toujours prêts à manipuler pour obtenir ce qu'ils désiraient. Après tout, ils ont, eux aussi, vendu leur âme au Diable. « Les démons ne sont pas censés éprouver d'émotions autres que le pouvoir et la destruction ». Pourtant, celui à qui je me confronte, maintenant, dans mon esprit, me démontre tout autre.

Après quatre ans de thérapie passée dans ma tête, dont je joue la psychologue, j'arrive presque à croire qu'il est sur le chemin de la rédemption, parfois. Je tente de désamorcer son âme torturée, s'il y en a une et si brisée soit-elle, malgré nos écarts de conduite. Nous avons passé des heures de joute afin d'établir un lien de confiance qui sera peut-être éphémère et qui se retournera possiblement contre nous, au moment où je m'y attendrai le moins, mais je continuerai de le faire pour ma survie. Le pouvoir de mes mots et de mes actes envers lui le gagne peu à peu. En dépit de la douleur émotionnelle perpétuelle que je ressens, je réussis à convaincre ce spectre qui ne fait pas partie de notre monde de me laisser la vie sauve à chaque jour de mon existence. Et malgré tout, je ressens que ce lien de confiance mutuelle reste intact depuis tout ce temps passé ensemble.

Nous ne sommes pas si différents. Nous sommes deux êtres qui ont subi la trahison et les mesquineries d'un être cher. Nous partageons cette douleur commune qui au fil du temps a créé un lien d'amitié, si l'on peut appeler ça de cette façon. Après quatre ans, j'ai peine à le croire, mais je dois tout de même l'avouer, nous ne faisons plus qu'un dans ma masse de chair et d'os.

La voiture se stoppe, ce qui me fait perdre le fil de mes pensées. Le garde descend et m'ouvre la portière à nouveau. Je lui allonge mes poignets afin qu'il les libère. Puis, je me dirige vers l'emplacement que m'indique l'homme vêtu de noir. En chemin, je me demande comment nous allons procéder face à mon adversaire. James m'a dit qu'il serait costaud, mais je n'en n'ai rien à faire. Je sais qu'avec mon démon la tâche de récupérer le fameux colis sera une partie de plaisir. Or, la partie la plus difficile sera de contenir l'esprit maléfique afin qu'il ne tue pas notre cible.

Au fond de moi, tout ce que je veux c'est en finir au plus vite pour revenir dans le « confort » ma chambre. Même si c'est ma prison, je préfère celle-ci à me battre ou tuer quelqu'un pour obtenir quelque chose. Affronter d'autres démons n'est pas toujours une partie de plaisir au grand malheur de mon propre corps.

Je continue de marcher une vingtaine de mètre pour enfin atteindre une ruelle sombre. Je vois alors deux petits points brillants au fond de celle-ci. Je rabats mon capuchon de blouson un peu plus sur ma tête pour camoufler mon identité.

— Je crois qu'on y est, affirmé-je à voix basse pour que seul mon démon n'entende.

Très bien ! Alors, allons réduire en bouilli ce petit être malfaisant, s'exclame-t-il d'une voix machiavélique.

Démon ! Cette fois-ci pas de tuerie, j'ai dis, indiqué-je insistante.

— Je sais, je sais ... Tu pourrais au moins me laisser m'amuser un peu ... Ça fait des jours que je ne suis pas sortie de mon sommeil, s'indigne-t-il d'une voix remplie de fausse déception.

— À qui la faute ...

— Nous deux, c'est toi qui m'a autorisé à prendre le contrôle, je te signale.

— Les deux premiers peut-être, mais le dernier, tu m'avais assuré que tu ne voulais que jouer avec ... Tu as fini par le tuer.

— Oh, ça va ! Je te promet que cette fois, je ne ferai pas de folie.

— Et tu penses que je vais te croire ?

— Croix de bois, croix de fer. Si je mens, je vais en enfer !

— Mais tu viens déjà de cet endroit, idiot.

— Alors tu n'as que mes mots pour placer ta confiance en moi.

— Tu vas finir par me rendre folle ! m'exaspéré-je.

— Tu l'es déjà un peu à cause de moi ... hihi ! ricane-t-il.

Sur ce point, il a raison. Avant ces événements, je savais me laisser aller, enfin je croyais, mais avec lui c'est à un autre niveau. Il a fait ressortir en moi cette folie que je ne me suis jamais autorisée à vivre et maintenant je la savoure pleinement. Après toutes ces années, à avoir deux esprit dans ma tête, dont un complètement déjanté, je me suis décoincée. Bien que je regrette ma décision d'il y a cinq ans, chaque jour que je passe à ses côtés est un peu moins pesant. Il m'a donné cette confiance en moi que seule j'aurais eu de la difficulté à atteindre, malgré mon statut. Je me sens forte et capable de presque tout lorsqu'il est éveillé avec moi. Il m'a appris à me défendre avec les mots, même s'il peut être grossier. Mon esprit est devenu vif à répondre à la moindre agression verbale. Les gens de mon ancienne vie me diraient que j'ai changé et j'ose croire que je l'ai fait pour mon bien, car j'aime cette fille forte qui n'a presque plus peur de rien.

— Bon assez parlé ... Il est temps de récupérer ce fameux objet.

— Je ressens la présence d'un démon, mais nous ne sommes pas suffisamment près pour que j'en évalue les capacités. Il va falloir que tu te rapproches.

J'avance de quelques pas supplémentaire. Je fais maintenant face à mon adversaire, il est seul. Ses iris sont orangés tel la couleur du brasier. L'homme dégage la rage pure et semble dangereusement impulsif et meurtrier. Il est grand, ses bras sont très musclés. Le vieux ne mentait pas, il est très costaud. Je sens mes yeux s'illuminer de plus bel et mon démon s'agité à l'idée de relever ce défi. Je lance une oeillade furtive vers l'arrière pour m'assurer que personne ne nous voient. Un petit sourire narquois apparait sur le coin de mes lèvres.

C'est un démon de rang inférieure, m'indique le spectre. Un bon coup à la tête et au dodo.

Tu sauras te contenir si je te laisses aller ? le questionné-je.

— Pourquoi es-tu toujours méfiante lorsqu'il s'agit de se battre contre un autre humain ? Et je tiens à te préciser que c'est un démon à l'intérieur d'un humain.

— Je ne suis pas méfiante, seulement prudente. Je te connais depuis le temps. Ton amusement va bien au-delà du mien.

— Je te promet de me contenir ... à une seule condition.

— Et c'est reparti ...

— Évites de prendre les cachets.

— Et puis quoi encore ? Tu veux que je passe des nuits de torture ... Non merci, j'ai assez donné.

— S'il-te-plaît ! me supplia-t-il d'un ton dont je ne pouvais malheureusement pas résister.

— Bon très bien ...

— Je te promet de me faire discret.

— J'ai bien hâte de voir si tu vas la tenir, cette promesse.

Agacé de l'attente, l'homme fait craquer ses jointures.

Comme s'il allait me faire peur.

— Allez ! Que le spectacle commence ! s'écrie mon esprit maléfique.

Je prends mes écouteurs que j'ai posé au fond de la poche de mon blouson et les remets à mes oreilles. Je tombe sur Blinding Lights de The Weeknd.

Autant ajouter de l'ambiance à ce cauchemar.

Je me concentre de nouveau sur mon adversaire. D'un rugissement profond, l'homme aux yeux orangés fonce sur moi. Mon sourire s'agrandit.

Grave erreur, mon petit chat.

J'esquive son attaque avec la rapidité et la fluidité que me procurent mon démon. Le combat est officiellement commencé. Je continue d'éviter ses coups puissants comme si mes mouvements faisait partie d'une chorégraphie. J'entends le spectre de mon esprit prendre plaisir à ce petit jeu du chat et de la souris. Nous avons l'intention de l'épuiser avant de riposter. Entre-temps, j'essaie de me convaincre qu'en agissant de la sorte, mes coups seront de la légitime défense puisqu'il a attaqué en premier. Je m'amuse à danser tout en l'évitant. Autant donner un vrai spectacle, même s'il n'y a personne. Il se jette soudainement vers l'avant pour m'attraper, mais mes jambes exécutent un saut en faisant une pirouette avant pour me retrouver derrière lui.

Il s'en est fallu de peu. Merci ! dis-je à mon démon.

J'ai intérêt à te garder en vie, réplique-t-il amusé.

À mon atterrissage, je vois qu'il est à bout de souffle. Bouger ses gros muscles l'encombre et le fatigue rapidement. J'ai donc l'avantage en étant petite et beaucoup plus rapide que lui.

— On dirait bien que c'est notre tour de frapper, Démon, murmuré-je avec un petit sourire sur le coin des lèvres.

J'avance vers lui d'un pas décidé, telle une lionne qui vient de trouver son repas de la journée. Mon adversaire se retourne et s'avance rapidement vers moi. La rage m'envahit, mes autres émotions m'ont fuit, décuplant ainsi mes forces. J'évite alors son coup de poing pour riposter avec le mien qui frappe son menton. Ce coup ne l'arrête pas, alors, je décide de me reposer sur l'entièreté de la force du spectre maléfique l'espace d'un instant. En espérant, que celui-ci n'en profite pas pour me déjouer sur la confiance que je lui ai accordée. Je sens alors mon corps lui assainir un violent coup de pied à la figure qui le déboussole. Il tombe un genou au sol, il est sonné. Du bout de mon doigt, je le pousse vers le sol. Il a perdu connaissance, sonnant ainsi la fin du combat. Je souffle de soulagement. Dieu merci, il ne l'a pas tué.

Il n'a suffit que de quelques minutes pour mettre au sol cet adversaire. Je me mets alors à fouiller rapidement dans ses poches pour trouver le fameux colis de Goodman. Lorsque je mets enfin la main sur cette petite fiole argentée, je repars aussitôt en direction de la voiture, laissant l'homme à moitié conscient dans la ruelle.

Je retourne là d'où je suis arrivée quelques minutes plus tôt. Le garde m'ouvre, me remet les contentions pour le protéger de moi et dépose au creux de ma main, deux petits cachets blanchâtres. Le Requiem. Ces pilules vont endormir le démon jusqu'à ce qu'il reçoit sa prochaine dose. Je me rappelle alors la promesse que j'ai faite à mon camarade un peu plus tôt. Il n'a pas tué ce soir, à mon tour de tenir ma parole. Je porte la drogue à ma bouche et habilement, à l'aide de ma langue, je camoufle les cachets entre mes joues et mes gencives du haut. Je fais semblant de déglutir comme si je venais de les avaler. Le garde me fait alors signe, car il veut vérifier. J'ouvre la bouche et tire la langue. Il fait mine de regarder, mais son air suffisant le trahit. Mes yeux ont cessé de scintiller, car j'ai demandé au spectre de le faire. Je lui ordonne d'arrêter ses frasques et de se tenir à carreau le temps du trajet.

À bord de la voiture, je recrache les comprimés subtilement dans ma main et les insèrent dans la fente entre les sièges arrières de la voiture de luxe.

Maintenant, direction la « maison ».

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Hey !

Un chapitre un peu plus court cette fois-ci, sans pour autant délaisser l'action. On en apprend un peu plus sur les capacités surnaturelles du démon. 

Noa, a-t-elle fait une erreur en faisant confiance à son démon ?

À très vite !

Raven 💛

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