CHAPITRE 10
COLE
South Beach, Miami.
Je regarde l'écran allumée de mon portable assis dans la voiture que je viens tout juste de m'offrir. Une McLaren d'un bleu azur aussi vif que le ciel au-dessus de ma tête. Je n'ai pas l'habitude d'avoir un penchant pour l'excentricité, mais j'y ai fait une exception cette fois-ci. La brise de l'océan s'engouffre dans l'habitacle dont j'ai préalablement retiré le toit pour la première sortie du bolide. J'affiche un sourire plus que satisfait à la vision du texto que m'a envoyé le réparateur.
De JAXON :
> [C'est bon. Elle est stabilisée. Je l'ai installé à la maison des démons de San Marco.]
Elle s'est effondrée dans mes bras avant même que nous ayons fini notre petite conversation. De savoir que je pourrai poursuivre un peu plus tard pour enfin obtenir ce que je désire, me rend fébrile.
Je ne lui en veux pas. Les lésions qui lui tapissaient le dos m'ont fait comprendre qu'elle se battait bien avant que je commence ma partie. Je préfère les combats plus équitables dont je garde un peu d'avantages. Celui-ci ne l'était clairement pas.
Alors que je les emmène dans mon antre de torture, les êtres de l'Enfer de rang inférieur délient toujours leur langue à la simple menace d'une balle blanche. C'est de cette façon que je réussis à leur extorquer leur nom, mais je n'ai absolument rien récolté cette fois. Ils m'ont bien signifié, tous les deux, qu'il n'était pas né de la dernière pluie et qu'elle en avait vu d'autres. Son obstination qu'elle a pour éviter d'ouvrir la bouche afin que je puisse connaître l'identité du démon me titille. Toutefois, j'ai bien vu qu'il avait pris le contrôle lorsqu'il m'a provoqué afin de me pousser à tirer, pour ne rien me donner en retour. J'ai affaire à plus puissant et j'en suis agacé. Ce démon est aussi fourbe qu'un homme politique et ne pas connaître son nom est une roche dans ma chaussure que je ne peux retirer.
Pour l'instant.
Mais elle m'intrigue tout autant. Elle a d'abord captivé mon attention lorsque j'ai accroché mon regard à ses prunelles émeraudes, alors qu'elle descendait cet escalier. J'ai vu les barricades s'ériger à l'intérieur de son être au moment où j'ai tenté de m'immiscer. Une protection qui en dit long sur ce qu'elle a pu subir.
Lorsque la possédée de la Soirée des Anges a posé son regard sur elle, sa réaction fut invisible, mais je l'auscultais du coin de l'oeil. Il fallait être aveugle pour ne pas voir le supplice mental que l'être maléfique lui faisait subir. Quand il a foncé droit sur elle, je n'ai pu m'empêcher de la protéger, car il menaçait de toucher à ce que je projetais d'acquérir. Malgré tout, elle s'est relevée avec grâce. Je ne sais encore pour qu'elle raison cela est arrivé, mais j'ai bien l'intention de le découvrir pour le mettre à mon profit.
Elle n'est pas comme les autres. Ce qu'elle cache à l'intérieur de son corps n'est pas, non plus, dans les normes. James avait raison, elle et le démon sont une beauté rare.
Je descends de la voiture garée devant cette bâtisse d'un blanc immaculé. Le nom de l'établissement est formé de néons rouges qui scintillent. Hideout. C'est le nom que j'ai donné à mon nouveau repère. L'entrée de ma dernière acquisition immobilière est soulignée de portes noires aux poignées dorées. Des hublots de forme ronde sont disposés sur chacun des panneaux à la manière rétro. À chaque soir, j'y fais dérouler un tapis cramoisis et y fait installer des cordeaux de la même couleur pour contrôler la file à l'entrée. Un vrai décor digne d'un tapis rouge pour la première d'un film hollywoodien.
Tout est là. La devanture est fin prête pour accueillir les clients qui arriveront dans quelques heures. Bien que ceux qui fréquenteront ce lieu n'en connaîtront probablement jamais le propriétaire, je désire tout de même que la façade de mes commerces émane la perfection.
Je passe la porte et fais un léger signe de tête en guise de salutation au barman qui se tient derrière le comptoir. Il se crispe et un petit sourire s'affiche sur mes lippes à la vue de sa réaction. Il sait qui je suis, mais ne connaît pas pour autant mes activités. Il sert à camoufler le pot aux roses qui se passe derrière.
Je ne m'attarde pas et me dirige vers l'arrière boutique. Je traverse aussitôt la porte en verre miroir qui se dérobe lorsque l'éclairage de la boîte de nuit est en action. Je m'engouffre dans le long couloir sombre et étroit qui donne sur une salle arborant une toute autre ambiance que la précédente qui me sert de couverture. Ce lieu camouflé n'est que pour les invités de marques qui y ont réellement été conviés.
Je parcours l'endroit d'un oeil critique. Les rénovations ont été laborieuses, mais nous y sommes parvenus. Je découvre les teintes du bleu roi affichées sur les murs qui enveloppe avec richesse la pièce. Les banquettes et les tables noires qui exposent leur support aux reflets d'or longent les cloisons de couleur royal. Le bar central entièrement fait de verre, dont l'étalage des bouteilles est une pyramide en son centre, trône sur le parquet en bois parfaitement ciré. Il est imposant, mais constitue la pièce maîtresse de l'espace. Une vrai oeuvre d'art que l'on affiche avec opulence. J'y entrevois la scène un peu plus loin qui avance vers les tables disposées de façon aléatoire à travers les parois transparentes.
Tout me semble être à sa place.
Mon inspection terminée, je recherche cette tête familière qui était censée être dans les parages pour notre rendez-vous. L'impatience me gagne lorsque mon regard ne se pose pas sur la dite personne. Je retire une clope de son paquet et l'insère entre mes lèvres afin d'y mettre le feu. Je tire une première taffe pour calmer mon impétuosité et l'exhale doucement.
— Raquel, crié-je, encore à demi-irrité.
Je vois aussitôt une tête s'élever sur la mezzanine. Elle se relève de sa position, replaçant sa robe noire qui dévoile ses longues jambes fines. Elle descend l'escalier avec sa démarche qui lui est propre, féline et aguicheuse.
— Tu es en retard, me fait-elle remarquer sèchement.
Elle s'approche avec cette nonchalance dont elle est la seule à en connaître le secret. Ses cheveux noirs et raides, à mi-dos, ondulent aux mouvements de ses pas qui semblent flottés sur le couvre-plancher. Elle m'accorde à peine un regard lorsqu'elle me croise pour se rendre derrière le bar. Elle prend alors deux verres qu'elle dépose sur le plan de travail, ses yeux verts en-dessous de sa frange au carré me fixe pour déceler la moindre émotion sur mon visage. Je reste impassible à son attaque.
— Surveille ce ton que tu empruntes, répliqué-je.
Ne démontrant pas plus que ce qu'elle veut bien me laisser voir de son ressentiment, elle verse du whisky dans les deux récipients. Elle en fait glisser un vers moi, au moment où je m'approche du comptoir. Je m'appuis sur mes avants-bras en saisissant le cristal dans l'une de mes main et l'amène à mes narines pour en humer l'odeur. J'en décèle les arômes de vanille et de caramel.
— Depuis le temps que je te connais, tes menaces tu peux te les garder, affirme-t-elle d'un ton plus grave qui transpose son agacement et sa moquerie.
Je pousse un petit rire nasal en faisant tournoyer le prestigieux alcool. Je finis par prendre une lampé du liquide qui réchauffe ma gorge à son contact. Elle fait de même.
Raquel Morez me connaît définitivement sous toutes mes coutures.
Je n'ai jamais réellement su comment mon géniteur l'avait dégotée. Je n'étais qu'un adolescent de 13 ans, lorsqu'elle travaillait dans une buvette du coin, dans le Downtown de Miami. Les malfrats un peu saouls n'hésitaient pas à lui confier sans retenue les coups foireux qu'ils s'apprêtaient à orchestrer. Sans vraiment faire partie intégrante de l'organisation familiale, elle jouait l'informatrice pour mon paternel, malgré son jeune âge. La moindre combine tordue des autres réseaux criminels se ramenait aux oreilles de mon père en partie grâce à elle.
Au moment où mon procréateur a rendu son dernier souffle, mon frère, qui devait reprendre les reines de l'entreprise familiale, est reparti la queue entre les jambes en Angleterre avec ma génitrice. Laissant dépérir l'organisation et m'abandonnant à mon sort alors que je n'étais qu'âgé de 17 ans. Ne voulant pas être un sous-fifre dans une piètre allégation, j'ai décidé de reprendre le flambeau des affaires en décrépitude. Avec tous les tuyaux que Raquel dissimulait dans ses manches, j'ai pu regagner la notoriété de ma famille en établissant mon propre gang aux fils du temps. Les cinq ans passés avec mon père l'avaient convaincue de m'apporter sa contribution.
Dix longues années à orchestrer des coups d'état dans des organisations malfamées chancelantes pour récolter des soldats. Dix ans à soudoyer et menacer des hommes politiques à travers le pays pour reconstituer ma réputation. Cette période fût compliquée et définitivement sanglante, mais Raquel ne s'est jamais défilée pour extirper la moindre information utile d'une conversation. Elle a rejoint mes rangs sans même prendre le temps d'y penser lorsque je lui ai proposé, il y a sept ans.
— Et tu sais que ça finira sur le canapé qui se trouve dans ton bureau, ajoute-t-elle avec un sourire des plus séducteurs qu'aucun homme ne peut résister.
Cette femme fatale a plus d'un tour dans son sac quand elle veut obtenir quelque chose. Ce n'est pas pour rien qu'elle a gravit les échelons du réseau. Passant d'une simple informatrice à la gestionnaire d'un de mes secteurs d'activités en plein expansion. C'est donnant-donnant. Je lui accorde ma confiance ainsi que son indépendance et je cède de temps en temps à l'allonger sur mon lit. Elle s'assure de remplir mes coffres et de m'informer de toutes actions suspectes qui pourraient encourir à la pérennité de ma nouvelle dynastie.
— Malheureusement, nous n'aurons pas le temps de l'inauguré. J'ai quelque chose à régler avant, réponds-je de manière détachée en terminant mon verre.
Bien que j'aime avoir les courbes de cette femme sous mon corps, cette rencontre avec ce démon m'a tiré tout mon envie de prendre part à mes idées libidineuses.
— Alors, tu veux bien me dire la raison de ta présence, dit-elle de cette voix suave toujours avec ce sourire en me resservant ma boisson préférée.
— Je t'ai déniché un nouveau jouet, annoncé-je sournoisement.
— Parfait ! Quel genre ? s'empresse-t-elle de me demander.
Je prends une autre gorgée, en esquissant un sourire. J'adore étirer le suspense et elle déteste attendre après mes répliques. D'ailleurs, je la vois déjà trépigner d'impatience.
— Du genre qui peut porter des jupes et dont les yeux s'illuminent, poursuis-je amusé de l'air à demi-suffisant, à demi-satisfait qu'elle exprime sur son joli visage.
— Du genre qui profitera à mon business ? ajoute-t-elle un peu suspicieuse.
Depuis quelques temps, Raquel a repris la direction de mon marché d'escortes. Mon intérêt étant nettement plus axé sur les trafics d'armes et de drogues que sur celui des humains, je me suis tourné vers cette femme vive d'esprit pour en assurer la continuité. Elle m'a en quelque sortes délivré de cette épine que j'avais sous le pied lorsque je lui ai remis les clés de cette partie de mon empire grossissant.
Elle fait un travail remarquable avec mon lègue. Elle en a même développé sa propre niche en créant un business à partir de catins possédées par des démons. Jamais je n'aurais cru qu'autant d'hommes se satisferaient dans la luxure auprès de ces êtres démoniaques. Ça me rapporte un paquet de fric et de la substance pour menacer quand j'ai besoin.
J'acquiesce en guise de réponse en sirotant une fois de plus le liquide alcoolisé.
— Son nom ? me demande-t-elle avide d'informations, maintenant que j'ai suscité sa curiosité.
— Noa Evans.
— Ce n'est pas la fille du pilote ? N'est-elle pas supposée être six pieds sous terre ?
— Apparemment non, et c'est ce que je vais tenter de découvrir.
— Et son démon ?
— C'est un supérieur, mais je n'en sais pas plus.
Son visage se décompose de consternation à l'attente de mes derniers mots. Je viens de toucher une corde sensible. Alors que je reste en contrôle de moi-même, j'observe son visage fin qui est sur le point de démontrer une toute autre expression dans quelques secondes. Les gènes de cette femme latino-américaine sont aussi explosifs qu'une mine antipersonnel posée dans un terrain vague. Si vous avez le malheur de poser le pied dessus, personne ne peut vous sauver. Toutefois, avec les années, j'ai appris à la désamorcer en usant de mon charme, qu'elle ne peut résister, ou me servant d'un avertissement plutôt convaincant à dissuader son affront.
— Tu veux dire que tu ne le contrôle pas ? tonne-t-elle.
Voilà la facette fougueuse de Raquel Morez.
— Elle ne m'en a pas laissé l'occasion. Je n'ai pas pu conclure le pacte de sang, mais ça viendra.
— Comment peux-tu me laisser un démon qui n'est pas à ta main, Cole ? Tu te rends compte des risques ?
Ses douces pommettes, habituellement hâlées, rougissent pour traduire la couleur de sa fureur. Je reste de marbre face à cette tempête qui se calmera bien assez tôt, au moment où je déciderai d'y mettre fin.
— Calmes-toi. Tout va bien se passer ce n'est qu'une question de temps, modéré-je en tirant une nouvelle fois sur ma cigarette alors qu'elle me foudroie de ses yeux perçants.
— Tu arrives toujours à les percer avant de les envoyer dans l'une de ces maisons. J'espère que tu l'as gardée, terrée dans ta pièce de torture.
— Elle est à San Marco.
Ses lèvres fines se pincent et son nez se retrousse face à son profond mécontentement. Je vais avoir droit à la deuxième ronde. De la voir lutter à ce point contre l'une de mes décisions m'amuse. Elle sait que je ne changerai pas d'avis, mais elle s'obstine à mettre le doute dans mon esprit refermé.
— Tu te fiches de moi ?
— Elle s'est évanouie. Jax m'a dit qu'elle avait besoin de repos pour se rétablir. Je lui accorde donc ce petit répit avant de reprendre la partie, me justifié-je sans remords.
— Pourquoi ne l'as-tu simplement pas exécuter alors ?
Je dois l'avouer, elle a raison sur ce point. Tout démon, qui me résiste, fini avec une balle dans le crâne, c'est un fait et une règle que j'ai établi pour ne pas nuire à l'écosystème que nous avons bâti. J'ai épargné cette créature pour le simple motif qu'elle et son démon ont éveillé ma curiosité. Raquel ne peut surtout pas connaître ces motivations qui m'animent. Elle m'arracherait les yeux, si seulement elle le pouvait.
— Es-tu conscient de la merde que tu vas foutre ? reprend-t-elle avec désinvolture.
Cette fois, ce ton vient me chercher d'une toute autre façon. La femme fatale devant moi connaît la bête que je terre au fond de mes entrailles. Il y a bien longtemps qu'elle ne l'avait pas titillée. Ou suis-je seulement affecté par le fait que ce démon ne m'a pas donné ce que je convoitais ?
Cependant, je ne peux laisser passer cette insulte à mes méthode que Raquel vient de me servir. Sans crier gare, je l'empoigne à sa jolie petite gorge et la penche vers moi. Elle est au bout de ses orteils, je sens son corps tremblé d'efforts pour se maintenir debout. Je m'approche de son faciès tel le prédateur que je suis.
— Depuis quand remets-tu en doute mes décisions ? Dois-je te rappeler à qui tu as affaire et ce que je viens de t'offrir ? la défié-je sans me préoccuper de celle que j'avais réellement entre les mains.
Elle cherche son air pour me répondre. Je lui donne cette seule chance de se rattraper en desserrant mon étau de fer de sa peau.
— Bien sûr que non, répond-t-elle étouffée de mes doigts, encore présents contre son cou, qui menacent de se resserrer à nouveau.
Je la relâche et elle se redresse derrière le comptoir. Elle me transpercent de ses orbes, qui pourraient m'envoyer des poignards, tout en replaçant sa robe qui avantage ses courbes généreuses. Je la détaille, un rictus satisfait sur mes lèvres. Elle tente de dissimuler cet orgueil que j'ai piqué au vif.
Évidemment, qu'elle céderait à cette avertissement. Elle ne peut se permettre de perdre ce qui constitue la pièce maîtresse de son business.
Raquel rêvait de ce cabaret pour y abriter son réseau d'escorte. Dès que j'ai conclu la transaction pour cet établissement, je lui ai offert en guise de remerciement pour services rendus. Toutefois, ce n'était pas sans que je lui apporte ma protection et garde un œil attentif sur le déroulement de ses affaires en restant propriétaire des lieux. C'est un marché que nous avons conclus, mais un privilège que je peux lui retirer à tout moment.
Je termine mon verre en écrasant mon mégot à l'intérieur et pose bruyamment le cristal sur le comptoir.
— Ne t'inquiète pas. Elle sera très jolie en se trémoussant sur cette nouvelle scène, terminé-je en me dirigeant vers la sortie.
— Est-ce que je compte sur ta présence ce soir ? questionne-t-elle sur une voix plus posée.
— Je ne raterai cela pour rien au monde, dis-je en m'engouffrant dans le couloir de mon arrivée.
Tout en marchant vers ma voiture, je compose le numéro du geek et approche le combiné de mon oreille. En seulement deux tonalités, il répond.
— Hey Boss ! s'exclame-t-il de cette intonation trop joyeuse qui m'horripile un peu plus à chaque fois.
— Andy, j'ai besoin que tu me déniches toutes les informations concernant Noa Evans, demandé-je.
— Bien reçu, dit-il d'une voix plus sérieuse en entendant mon ton.
Je n'étire pas la conversation et coupe l'appel. Le moteur de la voiture ronronne à mesure que mon pied caresse l'accélérateur. Je démarre sur les chapeaux de roue et conduis vers mon prochain point de chute.
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Salut !
Déjà 10 chapitres ... wow !
Ne vous inquiétez pas le meilleurs est à venir !
À bientôt !
Raven 💛
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