40. J'accepte.

L'esprit lourd, j'écoutais la voix monotone de la sœur qui lisait un passage de la Bible. De temps à autre, Amélie pressait doucement mes doigts, mais je me contentais de cligner des yeux, je ne réagissais pas. J'avais l'impression que ma vie n'était qu'une succession d'échecs. Cela avait commencé lorsque j'étais blanchisseuse et que j'avais éconduit Louis-Antoine, le fils de la maison, qui m'avait renvoyée. Ensuite, la mort de mes parents adoptifs, puis l'échec de ma relation avec Guillaume, et enfin... Déshonneur suprême, je portais son enfant.

Je baissai les yeux, abattue. Je n'avais plus qu'à espérer finir ma vie dans cette Institution, si je n'étais pas mise dehors à cause de ma faute. Je déglutis, avant de sentir Amélie qui, de nouveau, pressai doucement mes doigts. Je tournai les yeux vers elle, et la vis me sourire affectueusement. La gorge nouée, je me détournai.

J'entendis la porte de la salle s'ouvrir, et la voix de la sœur chargée du parloir me parvint :

« - Veuillez m'excuser de vous déranger ainsi. Juliette, venez je vous prie. »

Je fronçai les sourcils en entendant mon nom, et relevai la tête. Toutes mes camarades étaient tournées vers moi, le regard interrogateur. Nerveusement, je me levai, aidée par Amélie, que j'entendis me murmurer :

« - Courage, Juliette. »

Les jambes tremblantes, je sortis de la pièce, avant d'être entraînée par la sœur vers le parloir. N'y comprenant rien, je me laissai faire.

Je fus introduite dans la même pièce. Un homme s'y tenait, de dos. Ce n'était pas Guillaume, je m'en aperçus au premier coup d'œil. Lorsque la porte se referma, l'homme se retourna, et je reconnus avec surprise Pierre-Henri. Il eut un sourire poli pour moi, avant de m'indiquer la chaise d'un geste élégant de la main :

« - Ne restez pas debout, Juliette. »

Docilement, je m'assis, et remarquai qu'il y avait également une chaise libre en face de moi. Il s'y assit, avant de prendre mes mains dans les siennes. Je relevai un regard surpris vers lui. Pierre-Henri toussota nerveusement, avant de croiser mon regard :

« - Mère Louise m'a informé de votre... Etat. »

Son regard se porta sur mon ventre. Aussitôt, je repris mes mains pour les y poser, dans un geste incontrôlable. En me voyant agir ainsi, il eut un sourire :

« - Je ne suis pas ici pour vous proposer une solution répugnante. Elle m'a expliqué qu'il s'agit de l'enfant de votre défunt mari. »

Je retins une exclamation stupéfaite. Mère Louise avait menti sur le père de mon enfant ? Ne pouvant réagir, je l'écoutai continuer :

« - Je comprends mieux votre comportement hésitant de la dernière fois. Et... Je sais que cela peut vous sembler précipité, mais... »

Il baissa un instant les yeux, comme pour trouver du courage. Je me mordillai la lèvre, ne sachant que faire.

Brusquement, Pierre-Henri releva la tête vers moi, et reprit doucement mes mains :

« - Je vous trouve charmante, Juliette. Et... Si cela vous rassure, j'aimerai cet enfant comme le mien. Je ne peux vous blâmer à cause du décès de votre époux. »

Je croisai ses prunelles bleues, qui semblaient hésitantes, mais il continua vaillamment :

« - Dès que je vous ai vue, je... Je vous ai trouvée charmante, et... J'ai conscience de la précarité de votre situation, alors... J'aimerais vous offrir la possibilité de recommencer votre vie, et... Et d'offrir un avenir à votre enfant. »

J'écarquillai les yeux lorsque je compris enfin ce qu'il essayait de me dire. Il voulait m'épouser.

Je repris vivement mes mains, le cœur battant à tout rompre. Sans pouvoir me retenir, je balbutiai :

« - Mais... Je ne vous connais pas, et... Et vous non plus !

- Nous apprendrons, Juliette. »

Stupéfaite par la tournure de la conversation, je clignai plusieurs fois des paupières, incapable de répondre. Il... Il n'était pas sérieux ? Il voulait réellement m'épouser, alors qu'il ne me connaissait pas ? Mais... Pourquoi ?

Je croisai son regard, et lui demandai :

« - Pourquoi... Pourquoi moi ?

- Juliette, je vous l'ai dit... Vous êtes charmante, et sincère. »

Il reprit doucement mes mains pour les presser doucement :

« - De plus... J'aurais quelque part l'impression de vous abandonner si je vous laissais là, alors que vous êtes enceinte. »

Comme je ne répondais pas, Pierre-Henri eut un sourire :

« - Je ne vous demande pas de m'aimer dès le début, soyez-en certaine. »

Je respirai profondément, ne sachant comment réagir.

Ce que je n'avais osé espérer m'arrivait quasiment sur un plateau d'argent : un homme voulait m'épouser, malgré ma grossesse certaine. Alors pourquoi hésitais-je ? Rien ne me retenait ici. Amélie allait s'en aller épouser un homme qu'elle disait aimer, Guillaume allait en épouser une autre... Je n'avais aucune raison de rester là, près de mon passé, et surtout près de l'homme que j'avais follement aimé. Mais pourquoi était-ce si dur d'accepter ?

Je vis un éclat de déception passer dans son regard. Pierre-Henri soupira, et me lâcha pour se gratter le crâne :

« - J'ai conscience que c'était précipité, mais... J'avais espéré que... Enfin... Je comprends. Je suis navré de vous avoir importunée. »

Il se releva après m'avoir adressé un sourire crispé, et se détourna. Et sans pouvoir me retenir, je déclarai d'une voix tremblante :

« - J'accepte. »

Je le vis s'immobiliser, comme incertain. Lentement, il se retourna vers moi, la mine stupéfaite :

« - Vous... Ai-je bien entendu ?

- J'accepte. »

J'étais tiraillée entre deux émotions. D'un côté, j'étais heureuse d'avoir enfin la possibilité de commencer une nouvelle vie, mais de l'autre... Je n'épousais pas un homme que j'aimais.

Sans sembler se rendre compte de mon état d'esprit, Pierre-Henri revint vers moi, et s'agenouilla à mes pieds, le regard brillant d'émotion :

« - Oh, Juliette... Si vous saviez à quel point vous me rendez heureux ! »

J'étirai un sourire crispé, qu'il crut sincère, car il prit mes mains pour les embrasser. En un éclair, je revis le nombre de fois où Guillaume avait fait ce geste, et mon cœur se serra brutalement. Comment pourrais-je aimer un autre homme aussi fort que je l'avais aimé ? J'avais si peur de souffrir de nouveau...

Pourtant, lorsque je croisai le regard bleu de Pierre-Henri, je ne pus ressentir de méfiance. Il semblait tellement sincère, timide, honnête... Tout le contraire de Guillaume, qui lui était très grand, sombre, viril... Celui que je venais d'accepter d'épouser en était l'exact opposé.

Mon sourire se fit moins crispé tandis que je l'écoutais parler :

« - J'avais déjà engagé les préparatifs de mariage, et je vous emmènerai dans mon château, en campagne. Vous y serez bien, je vous l'assure. Il y a un grand parc qui, je suis sûr, vous plaira. »

Je m'y voyais presque. Presque...

J'entendis la porte s'ouvrir, alors tournai la tête pour découvrir la sœur chargée du parloir. Aussitôt, Pierre-Henri lâcha mes mains, l'air gêné. Il se releva en toussotant, tandis que la sœur lui souriait poliment :

« - Monsieur ? La directrice de l'établissement souhaiterait vous voir afin de planifier le départ de notre pensionnaire Juliette.

- Oh... Oui, bien sûr. »

Il inclina la tête pour me saluer, et après un dernier sourire ravi, il sortit du parloir, me laissant seule.

J'eus un long soupir, et enfouis mon visage dans mes mains, le cœur battant. Avais-je fait le bon choix ? J'avais la terrible impression de trahir Guillaume, alors que lui n'avait sûrement pas autant hésité avant d'épouser sa femme. Je déglutis difficilement, la gorge nouée par l'appréhension.

Qu'allait-il m'arriver, une fois que je serais mariée ? Quelle allait être ma vie, aux côtés de cet homme pourtant charmant ? Je portai une main à mon ventre en pensant à mon futur enfant. Et je ne pus retenir le sourire qui étirait mes lèvres. J'allais être mère. Et peu m'importait qui était le père de cet enfant. C'était le mien, c'était mon enfant. Pierre-Henri m'avait promis de l'aimer comme le sien, et je lui faisais étrangement confiance. Il me semblait incapable de duperie.

Doucement, je caressai mon ventre. Il était mieux pour nous deux de partir. Là-bas, à la campagne, je pourrais me reconstruire. Je serais loin de mon passé, loin de Guillaume, que je pourrais oublier. J'aurais un mari, et un père pour mon enfant. C'était la vie dont je rêvais, petite. Alors tout ne pouvait que bien se passer.


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Hey !

Voici le dernier chapitre de ce tome ! Je sais que cette fin n'est pas forcément ce que vous attendiez, et pour être honnête avec vous, j'avais prévu un quatrième tome. Malheureusement entre temps je me suis un peu détournée des romans historiques alors cela ne se fera pas. Je m'excuse d'avance si vous êtes déçus, mais j'espère que ça vous aura quand même plu !

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