35. Et ensuite ?

A peine la sœur se fut-elle éloignée qu'Amélie souleva mes couvertures pour se glisser à mes côtés. Elle resta silencieuse, le temps de vérifier que personne ne l'avait remarquée. Et lorsqu'elle fut certaine d'avoir été suffisamment discrète, son chuchotement me parvint :

« - Comment vas-tu ?

- Mieux que cet après-midi... »

A la vérité, je n'avais cessé de penser au futur mariage de Guillaume. De quel droit m'indignais-je, alors que je ne voulais plus me préoccuper de lui ? Je ne comprenais pas mon comportement.

Je sentis Amélie me frotter le bras, et elle souffla :

« - Donc... Tu connais le prince ?

- C'est une... Longue histoire.

- Nous avons toute la nuit, ne t'inquiète pas. »

J'agrippai sa main, pressant ses doigts avec force :

« - Promets-moi de ne rien à dire à personne !

- Bien sûr, Juliette. Je te le promets. »

Un souffle soulagé m'échappa. J'avais besoin de l'entendre dire. Alors, en me blottissant contre elle, je finis par avouer :

« - Avant... J'était une pauvre fille, qui devait travailler dans une taverne pour gagner de l'argent.

- C'est là que tu l'as rencontré ?

- Oui, au début... Je ne savais pas qu'il était prince. C'était un soir, j'attendais... Le frère d'un ami qui m'avait prêté de l'argent. Et Guillaume a surgi de l'ombre. Je dois avouer que j'ai d'abord eu peur en le voyant, il était si... »

Je m'interrompis un instant, cherchant mes mots. C'était si dur de repenser à tout cela, à ses mensonges... Amélie me chuchota :

« - Terrifiant ?

- Un peu, il était... Si grand, imposant... Jamais je n'avais vu un homme aussi musclé ! Et il avait un regard si sombre... Je n'ai jamais vu de personne avec des yeux si noirs que les siens. Et moi, j'ai logiquement pensé que c'était le frère d'André. »

Je dus aussi repenser à Jean. Je serrai les dents lorsque son visage me revint en mémoire. Il était bien trop parfait physiquement pour l'être mentalement. Un frisson me secoua, et je m'empressai de me reconcentrer sur Guillaume :

« - Alors je lui ai tendu l'argent, et... Il a engagé la conversation. Et soudain... J'ai entendu une sorte de cri d'animal, je... »

Je fronçai les sourcils :

« - Une chouette, m'a-t-il dit. J'ai entendu son cri deux fois, et brusquement, Guillaume m'a rendu l'argent, en me disant qu'il n'était pas le frère d'André.

- J'imagine que tu as dû avoir peur ? »

La douce voix d'Amélie me sortit un instant de mes souvenirs. Elle était restée silencieuse, ce qui m'apprit qu'elle était très attentive. Normalement, elle ne pouvait s'empêcher de parler. Un léger sourire m'échappa, avant que je ne hausse une épaule :

« - Oui, je... Je me suis demandé ce qu'il me voulait, pourquoi il n'avait rien dit plutôt, et... Il m'a dit qu'il pensait que j'étais une guérisseuse, car son père était malade. »

Ma voix était devenue amère. J'avais été si aveugle, tout était devant mes yeux... Je sentis Amélie presser doucement mes doigts :

« - Et ?

- Je lui ai dit que ce n'était pas le cas, et... Je me suis enfuie. Il me semblait terrifiant, imposant, et... Je n'avais pas envie de rester seule avec lui. Pourtant, le lendemain... Il est revenu à la taverne. »

Je me tus en repensant aux émotions qui s'étaient bousculées en moi lorsque je l'avais revu, en pleine lumière. Il m'avait semblé étrangement... Beau. Je soupirai :

« - Je travaillais avec une amie d'enfance, Betty... Elle semblait toute heureuse de le revoir, et s'est aussitôt éclipsée pour nous laisser tous les deux, alors qu'elle ne le connaissait que depuis la veille. Il... Il me troublait tellement, je... Je n'aimais pas être en compagnie d'hommes, j'avais bien remarqué les regards qu'ils avaient pour moi, mais lui... Guillaume il me regardait comme si j'étais... Unique, précieuse... Et fragile. »

Dès le début, il m'avait regardée ainsi, je m'en souvenais. Un soupir m'échappa, et je repris :

« - Il a, encore une fois, engagé la conversation, il a même insisté pour que je m'asseye avec lui.

- Tu as accepté ?

- J'ai essayé de trouver une excuse, mais... Il semblait tellement en avoir envie, que... J'ai fini par accepter. »

Je me souvenais encore de son regard heureux. C'était comme si je lui avais fait le plus beau des présents. Je secouai doucement la tête :

« - Il m'a posé plusieurs questions, comme s'il voulait réellement mieux me connaître, et... Il a insisté pour que je lui en pose aussi. Il m'a dit qu'il était artisan au château. Et je l'ai cru.

- Juliette, tu n'avais aucune raison de ne pas le croire. »

Je tournai la tête vers la voix d'Amélie, qui avait senti le mépris de ma voix. Evidement, que je l'avais cru, je n'avais aucune raison de penser qu'il était un prince envoyé pour me tuer ! Ma respiration se heurta, mais je continuai en tentant de reprendre une voix neutre :

« - Et il a proposé de me ramener. J'ai aussitôt refusé, parce que... J'avais peur que finalement, il soit bien comme les autres. Mais il a aussitôt accepté, et est parti avant moi. Enfin, j'ai cru qu'il était parti avant moi. Parce que... En rentrant... »

Je me souvenais encore de la surprise que j'avais ressentie en voyant cette forme sombre, un peu plus loin devant moi, et... Et de la main qui se plaquait sur ma bouche. Je murmurai :

« - En rentrant, j'ai aperçu devant moi une masse sombre, et... Une personne m'a bâillonnée et entraînée dans l'ombre. Et là, j'ai vu... Cet homme, avec ce couteau, et... Cette femme, morte au sol... »

Ma voix se brisa, mais je repris :

« - Guillaume m'avait sauvée. Je... Je les ai entendus, ils... Ils parlaient de découper cette femme, de la jeter dans le fleuve, et... Je me souviens, je tremblais tellement, j'avais si peur qu'ils ne m'aient vue, qu'ils ne viennent vers nous... Je n'ai rien regardé. Et il m'a ramenée chez moi. »

La main d'Amélie agrippait fort la mienne, et elle souffla :

« - C'est horrible...

- J'avais si peur qu'ils ne viennent chez moi, qu'ils nous aient suivis, et... Je crois que c'est à cet instant que j'ai fait confiance à Guillaume. Après tout... Il m'avait sauvé la vie. Sans lui... J'aurais sans doute fini avec cette femme, dans le fleuve. »

C'était vrai. C'était lorsqu'il était parti de chez moi que j'avais décidé de lui accorder ma confiance. Je ne pouvais pas faire autrement.

Amélie me demanda doucement :

« - Et ensuite ?

- Mon amie est venue les soirs d'après, je lui avais dit que j'avais trop peur de dormir seule. Elle n'a pas posé de questions, comme toujours. Et... Guillaume est revenu. Il m'a aussitôt demandé comment j'allais. Et tu vas peut-être trouver ça stupide, mais... Son attention m'a touchée, j'avais l'impression d'être importante pour lui, alors que nous ne nous connaissions pas vraiment. »

L'espace d'un instant, je m'étais sentie... Belle, appréciée pour ce que j'étais, et non pas considérée comme un corps de femme attirant. Je repris :

« - Et Jean est arrivé.

- Jean ?

- Oui, le... Le véritable frère d'André. Il n'était pas encore venu chercher l'argent, et... Il m'a proposé de dîner avec lui. Et je ne sais pas pourquoi, mais... J'ai espéré que Guillaume réponde que j'avais déjà quelque chose de prévu avec lui. Sur le coup, je l'espérais vraiment, mais... J'ai vite réalisé que j'étais stupide. »

Je haussai une épaule :

« - Alors... J'ai accepté. Jean est parti, et quand je suis restée seule avec Guillaume, il... »

Mes sourcils se froncèrent lorsque je repensai à son expression. Il m'avait semblé... Furieux. Je murmurai :

« - Il semblait énervé. Comme s'il... N'avait pas voulu que j'accepte. Et il est parti brutalement, comme si... Je l'avais réellement énervé. »

Amélie ne perdit pas un instant pour rire doucement :

« - Il était sûrement jaloux ! »

Je secouai aussitôt la tête :

« - Quoi ? Non, c'est n'importe quoi !

- Je t'assure que si. Enfin, c'est la seule raison que je vois. Mais bon, oublions cela. Ensuite ? »


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Hey !

J'ai décidé de séparer le chapitre en deux, parce qu'il est vraiment long. ^^

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