31. Oh non, c'est impossible...
Je ne m'étais pas trompée, ce n'était pas un couvent. En me prenant par le bras, la sœur continua à parler :
« - Ici, les jeunes filles que nous avons recueillies enfants apprennent les bonnes manières, à se comporter en société, et ne nous quittent que pour se marier. Certaines, au contraire, décident de prendre le voile et de se consacrer soit à Dieu, soit à l'éducation de leurs camarades.
- Comme vous ? »
La jeune femme eut un sourire de fierté :
« - Oui, comme moi. »
J'eus pour elle un sourire. Elle semblait gentille.
Tout en m'entraînant plus loin dans le couloir, elle eut un regard en coin pour moi :
« - Vous serez ici comme chez vous. Nous ne refusons jamais d'aider une jeune femme qui est dans le besoin. Comme vous. »
Je baissai les yeux, avant de murmurer :
« - Merci. Je... Je m'appelle Juliette. »
Le dire raviva la peine en moi. Je serrai les poings, et la sœur eut un sourire affectueux :
« - Je m'appelle Marie. Vous serez bien ici, je vous le promets. Si je peux me permettre... Quel âge avez-vous ?
- Je... Vingt ans. »
J'avais failli répondre que je ne savais pas, ce qui était la vérité. Mais je ne préférais pas m'étendre sur ma vie trop chaotique.
En souriant toujours, Marie nous fit bifurquer à gauche, tout en continuant à m'expliquer le fonctionnement de cette Institution :
« - Vous serez avec des jeunes femmes qui ont environ votre âge. Vous passerez vos journées à prier, apprendre les bonnes manières, mais vous aurez également des temps libres. Vous dormirez dans un dortoir, afin de favoriser la bonne entente entre vous. Et lorsque... L'occasion se présentera, vous partirez. »
J'avais l'impression que j'allais rester ici toute ma vie. Je me mordis la lèvre, et nous croisâmes soudain une vieille femme. Marie inclina la tête en signe de respect, et je devinai qu'il devait s'agir d'une des doyennes. Mais alors que nous la dépassions, la vieille femme s'écria :
« - Seigneur, Titania ? »
Mes yeux s'agrandirent, et je me retournai brusquement, le cœur battant à tout rompre. Etait-ce possible que cette femme ait connu ma mère ?
Je la vis secouer la tête, ses prunelles bleu pâle fixées sur moi :
« - Oh non, c'est impossible... Impossible.
- Vous... Vous avez connu ma mère ? »
Je n'osais y croire. J'entendis Marie me murmurer :
« - Mère Louise n'est plus consciente d'elle-même. Venez, Juliette. »
Pourtant, cette femme avait cru voir une « Titania » en moi. Lentement, je m'avançai vers cette vieille sœur et lui redemandai :
« - Avez-vous connu ma mère ?
- Oh, Titania... »
Sans réfléchir, je sortis mon collier de mon corsage, et lui montrai le médaillon :
« - Reconnaissez-vous ce collier ?
- Oh Seigneur ! »
Mère Louise chancela, et je m'empressai de la soutenir. Aussitôt, Marie ouvrit une porte :
« - Asseyez-la, il faut qu'elle se ménage, elle est faible. »
Elle eut un regard mécontent pour moi. Je baissai les yeux, aidant la vieille sœur à s'asseoir sur un siège. J'avais conscience que j'étais responsable de sa faiblesse. J'arrangeais ses jupes lorsqu'elle ordonna d'une voix étonnamment forte :
« - Laissez-nous, Marie.
- Bien. Appelez-moi si vous avez besoin de quoique ce soit. »
J'entendis la porte se refermer.
Aussitôt, Louise baissa les yeux sur moi :
« - Montrez-moi encore ce médaillon... »
Docilement, je l'inclinai à la lumière pour que la fée soit visible. Elle eut un hoquet de surprise, et prit mes mains dans les siennes :
« - Seigneur, vous êtes la fille de Titania... Et de Côme, vous avez ses yeux verts... Ma pauvre enfant... »
Je baissai les yeux devant sa voix compatissant. Elle me caressa doucement les cheveux, et releva mon visage vers le sien :
« - Vous ressemblez vraiment à votre père, mais... J'ai cru voir en vous votre mère.
- Comment l'avez-vous connue ? »
Son regard pâle se fit plus lointain, tandis qu'elle se renfonçait dans le siège. Et elle finit par murmurer :
« - Titania était pensionnaire ici. Nous l'avions recueillie alors qu'elle n'était qu'un bébé. Et c'est ici qu'elle a rencontré le prince. »
Ainsi, ma mère avait vécu ici ? J'eus soudain l'impression que le destin m'avait guidée ici, sur les traces de mes parents.
De nouveau, Louise caressa mes cheveux :
« - Pourquoi êtes-vous ici, mon enfant ?
- Je... J'ai fui. »
De nouvelles larmes perlèrent à mes paupières. Diplomate, elle ne me demanda rien, se contentant de déclarer :
« - Je veillerai à ce que vous soyez bien ici...
- Juliette. »
Un instant, un fugace sourire éclaira son visage :
« - Oh oui, Juliette... J'aurais dû m'en douter. »
Elle caressa ma joue :
« - Vous serez bien ici. Vous oublierez vos peines.
- Puis-je être traitée comme les autres filles ? Et... Et pas comme la fille de Titania et du prince ? »
Louise laissa errer son regard sur mon visage. Après un instant de flottement, elle finit par acquiescer :
« - Bien sûr, Juliette. Je m'occuperai de tout. »
Elle contempla encore mon visage, avant de me sourire affectueusement :
« - Allez, il est temps de vous montrer votre nouvelle vie. »
Je l'aidai aussitôt à se relever, et ouvris la porte. J'aidai Louise à sortir, et elle m'indiqua le chemin :
« - C'est par ici. A cette heure-ci, toutes les pensionnaires sont occupées à diverses activités. Quel âge avez-vous, Juliette ?
- Vingt ans. »
Elle acquiesça en marmonnant, puis poussa une porte.
Nous débouchâmes dans un grand réfectoire, vide. Louise eut un grand geste de la main :
« - C'est ici que vous mangerez, midi et soir. Avez-vous faim ? »
Même si je n'avais pas mangé depuis hier, tout ce que j'avais appris me nouait le ventre, et me rendait nauséeuse à la moindre idée de nourriture. Alors je secouai la tête.
Tout en continuant ses explications, Louise m'entraîna hors de la pièce. Elle me montra les jardins, où je voyais des petites filles courir en riant malgré la luminosité qui baissait. Puis, elle me fit visiter les dortoirs, où elle m'assigna un lit, ainsi que le grand cabinet de toilette et les différentes salles (de danse, de broderie, de peinture etc.).
Enfin, nous retournâmes dans le réfectoire, et Louise me fit asseoir à une table :
« - Normalement, les autres pensionnaires ne devraient pas tarder. Je vous présenterai comme une nouvelle camarade.
- Merci... »
Je m'assis sur l'un des bancs, le cœur battant. J'avais l'impression de commencer une nouvelle vie, et c'était terrifiant. L'espace d'un instant, le visage de Guillaume s'imposa sous mes paupières closes, et j'eus un tressaillement. Dire qu'il n'avait que me mentir... J'essuyai une larme qui roulait sur ma joue, le cœur déchiré. Je l'aimais tellement, et il m'avait trahie de la pire des manières...
Je clignai des paupières lorsque la main de Louise quitta mon bras. Je tournai la tête vers elle, et elle eut un regard affectueux pour moi :
« - Ne vous inquiétez pas. Elles seront gentilles avec vous. »
Des bruits de pas me parvinrent, et je déglutis difficilement. J'étais terrifiée à l'idée de recommencer ma vie, loin de tout ce que j'avais connu. Mais mon cœur se desserra rapidement. J'étais au plus proche de ma mère.
*************
Hey !
Eh oui, dîtes bonjour à Mère Louise !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top