26. Il est mort de chagrin.
« - Et où mène cet escalier ? »
Guillaume se tourna vers moi, et suivit mon index tendu du doigt. Il fronça les sourcils, avant de me répondre :
« - C'est la crypte. Là où sont enterrés la plupart des souverains du pays.
- Ton père y est aussi ? »
Il se frotta le visage, et finit par hausser une épaule :
« - Oui. Il a voulu s'inscrire dans le sillage des précédents rois et reines. »
Guillaume se détourna en levant la tête pour observer le plafond peint. Et malgré son détachement, j'avais bien envie de descendre ses marches et de découvrir les tombes des souverains. Non pas qu'admirer les tableaux religieux m'ennuyait, mais... Je n'appréciais pas trop les églises. Et voir des tombes me semblaient bien plus attrayant.
Alors, sans prêter davantage attention à Guillaume, j'entrepris de descendre les marches, ma jupe relevée. Je sentis aussitôt la différence de température : il faisait bien plus frais dans la crypte. Et le silence, déjà lourd dans l'église, était encore amplifié. Je me frottai les bras, avant d'écarquiller les yeux en m'apercevant que j'avais débouché au centre de toutes les tombes.
L'émerveillement s'empara de moi. Je m'avançai légèrement, ne sachant quel chemin emprunter. Tous se rejoignaient aux escaliers d'où je venais. Sans réfléchir, je me dirigeai vers la gauche, les yeux grands ouverts. C'était magnifique. Tous les souverains étaient représentés allongés, sculptés dans de la pierre. D'une main légère, j'effleurai le visage de l'un d'eux, avant d'apercevoir un petit écriteau devant lui. Je réussis à déchiffrer en plissant les yeux un « e », puis un « d », et... Je m'agenouillai devant la statue, grommelant de mon incapacité à lire. Je savais que j'aurais dû davantage m'entraîner...
« - Edouard 1e, né en 1348 et mort en 1381. »
Je sursautai en entendant la voix de Guillaume à mon oreille. Je tournai la tête pour l'apercevoir, accroupi à mes côtés, et la mine amusée. Je me frottai la nuque, avant de souffler :
« - J'étais bloquée à la troisième lettre.
- Je m'en suis douté. Tu fronçais le nez. »
Il m'y donna une légère pichenette, avant de m'aider à me relever :
« - Tu avais vraiment envie de descendre, hein ? »
J'eus un sourire innocent, et haussai les épaules :
« - Il faut croire que oui. »
Et avant qu'il ne puisse répliquer, je me pendis à son cou pour l'embrasser. Guillaume sourit contre mes lèvres :
« - Tu sais comment t'y prendre pour m'amadouer, hein... »
J'embrassai sa joue, avant de le prendre par la main pour l'entraîner à ma suite dans les allées.
J'étais fascinée par ces sculptures. Elles étaient... Fabuleuses !
Sans pouvoir me retenir, je pointai une statue représentant un homme du doigt :
« - Et lui, qui est-ce ?
- Attends que je voie ça... »
Guillaume se rapprocha, avant de déclarer :
« - André, roi de 1476 à 1479. Il a été assassiné.
- Oh... »
Je déglutis difficilement. J'avais oublié que le pouvoir faisait des envieux. Et que certains étaient prêts à tuer pour accéder au trône.
Je déambulai dans les allées, avant de m'arrêter devant la statue d'un homme. En plissant les paupières, je réussis à déchiffrer le prénom « Louis ». Mais les dates étaient plus compliquées pour moi à lire, alors j'appelai Guillaume. Celui-ci vint à mes côtés, et fronça les sourcils :
« - C'était l'un des fils de mon oncle. Enfin... Le frère d'Edmond, celui qui était roi avant lui. Il est mort d'une chute à cheval.
- Oh, c'est triste... Mais... L'un des fils ? Pourquoi l'autre n'a pas régné à sa suite ? »
Guillaume se détourna brusquement en entendant ma question. Et alors qu'il s'éloignait, je l'entendis me répondre :
« - Il est mort de chagrin. »
Je fronçai les sourcils, ne comprenant pas. Pourquoi serait-il mort de chagrin ? J'eus un regard hésitant pour les autres tombes, avant de me remettre à marcher. Si Guillaume ne voulait pas m'en parler, j'allais trouver sa tombe.
Mais je fus rapidement distraite dans mes recherches par un somptueux monument funéraire. Tout de marbre sculpté, il représentait un couple, tenant dans leurs bras un petit garçon. Ce qui me frappa fut leurs regards tristes. Alors que sur toutes les autres statues, les souverains semblaient apaisés, ceux-ci étaient... Réellement tristes. Le cœur serré devant tant de peine, je m'avançai jusqu'à pouvoir toucher le monument.
Sur l'écriteau, je réussis à déchiffrer « Côme ». Ce prénom sonnait bien dans ma bouche. Ce devait être l'homme. Quant à la femme... Le nez presque sur la pancarte, je lus avec difficultés « Titania ». Mais le troisième prénom était bien trop compliqué pour moi, avec trop de lettres différentes.
Je soupirai de déception. Si je m'étais davantage entraînée à lire, j'aurais sûrement réussi à déchiffrer ce prénom. Je me relevai lentement, le regard fixé sur le couple. L'impression de tristesse qui s'en dégageait me déchirait le cœur. Je levai la main, et effleurai la joue de la femme. Le marbre était glacé. Je retirai vivement ma main, et sursautai en entendant une exclamation de surprise.
Je me retournai vers Guillaume, qui avait ses yeux écarquillés. Il fixait les statues. En fronçant les sourcils, je les regardai de nouveau, mais n'aperçus rien de surprenant. Rien à part leurs visages tristes. Je me tournai de nouveau vers Guillaume. Il semblait bouleversé. Ses mains tremblaient, tandis que son regard semblait lointain.
Lentement, je m'approchai de lui, le cœur battant. Il m'inquiétait. Je passai ma main devant ses yeux, l'appelant d'une voix douce :
« - Guillaume ? Regarde-moi... »
Il recula d'un mouvement vif, avant de poser sur moi un regard terrifié.
Son état me paniquait. Jamais je ne l'avais vu dans une telle agitation. Sans réfléchir, je pris son visage entre mes mains pour coller mon front au sien :
« - Guillaume, c'est moi, Lili... Je t'en prie, regarde-moi...
- Lili... »
Il semblait hésitant. Je ne savais pourquoi il était si troublé, mais il ne valait mieux pas rester dans cet endroit. Alors je le lâchai pour prendre fermement sa main dans la mienne. Et je l'entraînai avec moi. En suivant l'allée, j'aperçus l'escalier. Je pressai le pas, et nous fis remonter dans l'église.
Mais Guillaume ne semblait pas apaisé. Il semblait même totalement hagard. La panique gagna mon cœur. Je pressai ses doigts, mais il n'eut aucune réaction. Ne sachant que faire, je décidai finalement de retourner au château. Peut-être que dans un environnement plus familier, il reprendrait ses esprits...
Le trajet du retour se fit en silence. Guillaume se laissait entraîner sans réellement sembler prêter attention à où il marchait. C'était comme s'il était détaché de ton corps. Le cœur battant, je réussis à retrouver le chemin de ses appartements. Là, je l'aidai à s'asseoir sur un fauteuil, et me laissai tomber à ses pieds, ses mains dans les miennes :
« - Guillaume... Je suis là, nous sommes dans tes appartements... »
Il cligna des paupières, et posa enfin un vrai regard sur moi.
Ses yeux s'agrandirent, et Guillaume prit son visage entre ses mains en gémissant :
« - Oh Seigneur... J'avais cru... Laisse-moi Lili ! »
Son ordre me fit ciller. N'osant croire avoir bien entendu, je bredouillai :
« - Qu'est-ce que...
- Laisse-moi, je... Je dois être seul. »
Mon cœur se déchira, mais je n'eus pas d'autre choix que d'obéir. Si c'était la solution pour qu'il reprenne ses esprits...
En m'éloignant, je murmurai :
« - Si jamais tu as besoin de moi... Tu sais où me trouver... »
Je n'eus aucune réponse. En me mordant la lèvre, je sortis de ses appartements, et refermai la porte.
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