27. J'ai fait courir cette rumeur, Titania.

« - Juliette, remets ton chapeau !

- Attends maman ! »

Elle avait une petite canne à pêche dans la main, et essayait de pêcher des poissons, les pieds dans l'eau. A ses côtés, Bertrand la surveillait d'un œil alerte. J'eus un sourire amusé, tout en berçant Alexandre dans mes bras. Il s'était endormi après que je lui ai donné le sein. A mes côtés, Agnès soupira, faussement surprise :

« - Eh bien, elle est très obéissante, ta fille... »

Je lui tirai la langue :

« - Attends de voir quand tu seras mère ! »

La blonde eut une moue triste, tournant son regard vers Bertrand. Je caressai doucement le front de mon fils en murmurant :

« - Ne t'inquiète pas... Je suis sûre qu'il finira par venir vers toi. »

Je vis ses joues rougir, tandis qu'elle haussait les épaules :

« - Je ne vois pas de quoi tu parles.

- Tu sais, je pense qu'il n'ose pas, parce qu'il ne voit pas que tu es folle amoureuse de lui. Alors que tout le village doit le savoir.

- C'est faux ! Je ne suis pas... Je ne l'aime pas. »

Je haussai un sourcil, peu convaincue. Elle s'empourpra encore plus, reportant son attention sur le sable à ses pieds :

« - Bon... D'accord. Tu as raison.

- Il faut juste que tu sois patiente.

- Mais... Elle prit une grande inspiration. Tu ne l'aimes pas ? »

Stupéfaite, je m'arrêtai de bercer Alexandre pour la fixer, les yeux écarquillés. Etait-elle sérieuse ? Pensait-elle vraiment que j'aimais Bertrand ? J'eus un éclat de rire, avant de répondre :

« - Oh non, Agnès ! C'est juste un ami, je t'en prie... »

Je pouffai de rire, et sentis mon fils s'agiter dans mes bras. Aussitôt, je me tus pour embrasser son front. Il ouvrit doucement les yeux, fixant rapidement ses prunelles pareilles aux miennes sur moi. Il tendit son petit poing potelé vers moi, alors je le pris entre mes doigts pour l'embrasser :

« - Comment vas-tu, mon cœur ? »

Il s'agita doucement, et tourna la tête vers Agnès. Elle effleura sa joue des doigts :

« - Bonjour, petit Alexandre... »

Je contemplais mon fils, le cœur gonflé d'amour. Il avait cinq mois depuis peu. Je l'embrassai, sursautant lorsque Juliette s'écria près de mon oreille :

« - J'ai réussi à attraper un poisson ! »

Je tournai la tête vers moi pour la voir, tenant un poisson à bout de bras. Un rire m'échappa devant sa petite mine fière. Je m'empressai de m'exclamer :

« - C'est génial, ma puce ! Tu es très douée.

- J'ai un peu froid, maman... »

Elle s'assit à mes côtés, les yeux suppliants. En soupirant, je marmonnai :

« - Très bien, je vais chercher ta cape. Mais la prochaine fois, tu penseras à la prendre !

- Oui, ma maman que j'aime plus que tout ! »

Elle me planta un baiser humide sur la joue, l'air réjoui. Amusée, je me levai doucement, et tendis Alexandre à Bertrand. Il le prit, le plaçant délicatement dans ses bras, et je ne pus m'empêcher de rajouter :

« - Pour que tu t'entraînes, pour quand tu auras des enfants. »

Je le vis porter aussitôt son regard sur Agnès, qui rougit.

Je m'éloignai d'un pas rapide, ne souhaitant pas que Juliette prenne froid. Je revins au village, et me dirigeai vers l'habitation que l'on m'avait attribuée. Frottant mes mains pour me réchauffer, j'en poussai la porte, mais me figeai. Une personne s'y tenait, de dos. Mais j'aurais reconnu cette stature entre des milliers. Il m'avait retrouvée. Je portai une main tremblante à ma bouche, et balbutiai :

« - Côme ? Mais... Comment... »

Je reculai jusqu'à buter contre la porte, qui se referma. Il reposa un de mes livres au sol avant de se retourner. Il eut un mouvement de surprise en me voyant, mais son visage prit aussitôt une expression furieuse. Jamais je ne l'avais vu si en colère. Il m'agrippa brutalement le bras en s'écriant :

« - Puis-je savoir pourquoi tu es partie ?! Comment as-tu pu emmener ma fille loin de moi ?! »

Entendre sa voix me déchira le cœur, encore plus que de le voir. Et si ses prunelles vertes avaient pu me tuer, je serais déjà morte. Ses doigts s'enfoncèrent dans ma peau tandis qu'il s'exclamait :

« - Pourquoi es-tu partie le jour de mon retour ?! Et pourquoi ai-je trouvé Eglantine, en pleurs, qui a tenté de m'agresser dès qu'elle m'a vu ?! Pourquoi, Titania ?! Pourquoi es-tu partie depuis huit mois ?! »

Comment osait-il seulement me demander cela ?! Furieuse à mon tour, je me dégageai de son étreinte et essayai de le gifler. Mais Côme enroula ses doigts autour de mon poignet gauche. Folle de rage, je tentai de le frapper avec mon autre main, mais il m'arrêta de la même manière. Des larmes de fureur dévalant mes joues, je criai :

« - Et toi ?! Comment as-tu osé me bafouer ainsi, alors que je gardais ta fille et que j'attendais ton fils ?! »

Son visage se tendit aussitôt. Mais je continuai à m'égosiller, même si cela ne servait à rien, puisqu'il ne m'entendait pas :

« - As-tu vraiment cru que j'allais attendre ton retour ?! Jamais je ne serais restée dans nos appartements à t'attendre, à attendre que tu ne m'ordonnes de partir pour y installer ta maîtresse ! »

Il fronça les sourcils, ce qui me rendit encore plus furieuse. Je me débattis en hurlant :

« - Comment oses-tu faire comme si tu ne savais rien ?! Tu crois que je ne suis pas au courant que tu t'encanaillais avec la maîtresse de ton frère ?! Tu as dû bien t'amuser avec cette... Cette Diane ! Mais j'imagine qu'elle n'était pas grosse, et méchante, et...

- Tais-toi, me coupa-t-il. »

Son ton dur me surprit. Je m'arrêtai de crier pour le fixer, les yeux embués de larmes. Il serra les dents, avant de m'assener :

« - Titania. Si tu me dis que tu es partie à cause de cela...

- A cause de cela ?! Tu dis cela comme si ce n'était rien, comme si j'aurais dû accepter que tu me bafoues avec une autre femme !

- Titania ! Ecoute-moi. »

Il ferma un instant les yeux, avant de me lâcher. Aussitôt, je me massai les poignets, en essayant d'ignorer la douleur de mon cœur qui se déchirait. Côme était si beau... Ses cheveux avaient poussé, bouclant sur sa nuque, et une légère barbe assombrissait sa mâchoire. Il semblait tellement mystérieux, tellement... Magnifique. Il se passa une main sur le visage, puis fouilla dans sa poche. Je serrai les poings lorsqu'il en sortit une magnifique bague, sertie de turquoises. Il me demanda, ses yeux plantés dans les miens :

« - Sais-tu ce que c'est ?

- La bague de fiançailles que tu souhaitais offrir à ta maîtresse ? »

Il remua la mâchoire de colère, et secoua la tête :

« - Non, son ton était dur. C'était la bague que je voulais t'offrir pour nos trois ans de mariage, qui tombaient le jour de mon retour. »

Ma bouche s'entrouvrit de surprise. J'y avais pensé, mais cette idée m'était sortie de la tête lorsque j'avais appris sa trahison. Têtue, je croisai les bras :

« - Et pourquoi te croirais-je ? Après tout... Tu m'as bafouée. »

Il soupira, baissant la tête pour fixer la bague. Il la fit tourner entre ses doigts, et murmura d'un ton désolé :

« - J'espérais que tu ne serais jamais au courant... »

Je voulus répliquer, mais il plaqua une main sur ma bouche, ses yeux verts semblant furieux. Il articula soigneusement, comme pour que j'intègre ses mots :

« - J'ai fait courir cette rumeur, Titania. C'est moi. »


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Hey ! Enfin, Côme est de retour ! :D


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