9 | Daniel
Je n'avais qu'une seule envie : me barrer. Je n'avais rien à faire ici. Je n'avais rien à dire à Cleo. Pas même sur son lit de mort. Encore moins dans un cimetière pourri, entouré des Membres d'un Club qui aurait dû se trouver ailleurs plutôt qu'à attendre que Colby termine de parler. Mon regard se posa sur Maverick qui tenait Archie sur sa hanche. Le gamin se tenait à lui comme s'il était sa bouée de sauvetage. Ça me dégoutait.
Tout ça me dégoutait.
Je n'avais qu'une envie : partir. Me barrer.
Je grimaçai quand Colby sortit une autre anecdote concernant Cleo. Personne ne connaissait cette femme comme nous la connaissions. Et je ne disais pas ça comme un compliment. Maverick l'avait aimée. Griffin aussi.
Moi ? Jamais.
Je n'avais jamais aimé cette femme.
Je n'avais jamais ressenti quoi que ce soit pour elle hormis une profonde pitié qui s'était transformée en dégoût au fur et à mesure des années.
Je n'avais plus rien à dire à Cleo.
Je n'avais rien à faire ici.
Ça tournait en boucle dans ma tête tandis que Maverick déposait Archie devant le cercueil. Le gamin tint la main de Mave dans la sienne pendant que l'autre frôlait la boite qui était destinée à sa mère.
Un cadavre pourrissant au milieu d'un putain de champ de merde.
Archie. Il me ressemblait d'après ceux qui m'avaient connu gamin. Il me ressemblait, mais je n'avais rien en commun avec lui. Ce n'était pas mon fils.
Je ne le reconnaissais pas comme tel.
Je n'avais aucun lien avec lui.
Hormis celle qu'on venait d'enterrer.
Maintenant que je n'avais plus cette obligation envers lui, il aurait très bien pu prendre le nom de Mave. Lui, il s'en occupait comme un fils.
Archie ne serait jamais rien pour moi.
Rien hormis une erreur.
Qui m'avait couté presque six ans de ma vie.
— Dani ? souffla Mave.
Je clignai des yeux.
Il faisait la moue. Colby attendait probablement que je parle. Que je dise un mot. Mais rien ne me venait.
Hormis de dire à Cleo qu'elle avait bien géré sa sortie de ce monde et qu'elle pouvait bien aller se faire foutre pour nous avoir laissé toute sa merde dans son sillage. Le VP devant moi, de l'autre côté du cercueil, commença à froncer les sourcils.
Un chuchotement s'étira sur ma droite et je pivotai.
Je me figeai complètement.
Qu'est-ce que c'était que ce putain de bordel ?
Au-delà du cercle des Membres présents se tenait mon putain de connard de frère.
Déserteur.
Et avec lui... Je déglutis. La colère enflamma le peu de patience que j'avais encore.
Putain, il fallait qu'elle revienne maintenant.
Ça me ferait du chemin en moins pour aller la chercher moi-même, certes. Je devais l'avouer, mais bordel, venir à l'enterrement, alors qu'elle avait fui il y avait toutes ces putains d'années, c'était...
Mes pieds bougèrent avant que mon cerveau ne me rappelle qu'il y avait toute une foule qui nous regardait. Je ne donnais même pas la satisfaction à mon grand frère de lui prêter attention. Ma main se leva pour la toucher, pour lui agripper le bras et la virer de là, mais elle recula d'un pas à mon approche et Reed se posta devant elle pour la protéger de son corps.
On se retrouva nez à nez après six ans sans s'être vu une seule fois. Il avait vieilli. Il ressemblait de plus en plus à notre père. Notre connard de père. Il y avait plus de rides sur son visage et son air neutre et bien portant me donna envie de gerber.
Je posai mon regard au-delà de son épaule sur mon enfer personnel.
Lahyani Vargas.
— Qu'est-ce que tu fous ici putain ? sifflai-je.
Son regard s'écarquilla un peu plus et les larmes grimpèrent. La main de Reed voulut me repousser, mais je tapai dedans et collai mon nez au sien.
— T'es qu'un putain de déserteur qui mériterait qu'on lui fracasse la gueule juste pour être revenu ici.
— Daniel, haleta Lahyani.
Je fermai les yeux et mes narines frémirent.
Putain, cette voix.
J'aurais pu dire qu'elle m'avait manqué.
J'aurais pu dire que j'aurais dû faire ces putains de sept heures de route.
J'avais commencé le trajet tellement de fois pour finir par faire demi-tour.
— Tu ne devrais pas être ici, ni toi ni ce qui me servait de frère. Tu devrais t'en aller.
— Lani fera ce qu'elle veut, souffla une nouvelle voix.
Lahyani émit un léger sanglot quand son père, le Prez, me contourna pour tendre sa main.
— Ma chérie.
Sa voix était douce. Elle n'était douce qu'avec sa progéniture. Jamais elle ne l'était avec nous. Jamais.
— Prez, grondai-je.
Quand les doigts de Lahyani glissèrent sur la main ridée de son père, elle trembla et se rapprocha de lui, mais en même temps de moi, ce qui perturba Reed.
— Rends-toi utile, Sergent, siffla mon Prez. Et ferme ta gueule, sinon tu finiras comme Emerson.
Rien que ce prénom, prononcer devant Lahyani me força à la regarder plus près. Elle portait une robe qui n'était pas à sa taille. Elle était plus fine que dans mon souvenir. Des tatouages remontaient sur son cou et une partie de ses bras en étaient aussi recouverts. Elle avait tenté de faire une coupe stricte, mais je voyais la rébellion et son caractère partout sur elle.
Comme je l'avais connue.
Avant que ce connard ne pose les mains sur elle.
Avant qu'on soit trop débile pour le voir nous-mêmes.
Sous prétexte qu'il en faisait ce qu'il voulait.
Cet enfoiré d'Emerson.
Si je passai ma main sur son épaule, est-ce que j'allais sentir la trace qu'il avait laissée là avec son cigare ?
Le dernier, j'en étais sûr.
J'y avais veillé.
Parce que j'avais tué moi-même cet enfoiré. J'avais porté le coup de grâce sur son crâne, alors même qu'Obie l'avait torturé juste avant, des heures et des heures durant. Jusqu'à en avoir du sang jusque dans les cheveux.
Reed ne bougeait pas de là où il était, entre Lahyani et moi. J'aurais voulu lui fracasser la gueule, mais encore un pas de travers et j'aurais le Prez sur le dos.
— Qu'est-ce que tu fous encore là ? grogna Obadiah. Tu as besoin que je te l'inscrive sur le front ?
Je serrai les dents. Le geste de la main de mon Prez me força à faire un pas d'écart. Reed me suivit du regard. Moi mes yeux glissèrent sur la main libre de Lahyani qui agrippa celle de mon frère.
Je ne pus m'empêcher de retenir Reed par le bras et il siffla, nos nez collés l'un à l'autre. Lahyani ne le lâcha pas, ce qui arrêta aussi le Prez dans sa course.
— Ne me force pas à me répéter, Daniel, gronda la voix grave d'Obadiah.
Reed me fit lâcher prise et je crachai un juron. Quand je me retournai, tout le monde détourna son regard de notre échange et de ma défaillance.
Tout le monde regarda Lahyani avancer, tirée par son père. Le même père qui avait probablement demandé à mon putain de frère de la suivre, six années auparavant. De la protéger. Oh, je savais qu'il lui communiquait des informations sur Lahyani.
Obadiah Vargas n'aurait jamais laissé sa fille dans la nature seule et sans défense. Il lui avait collé un putain de garde du corps et il avait fait en sorte que ce garde du corps lui reste fidèle, même à des kilomètres de là.
Obadiah s'arrêta au niveau de Maverick qui tenait Archie. Lahyani se mit à pleurer en voyant le petit garçon. Elle tendit sa main vers lui et Archie s'accrocha un peu plus à Mave. Ce dernier se pencha doucement et déposa un baiser sur la tempe de Lahyani pour lui murmurer quelque chose.
Je crachai par terre.
Enfoiré.
Il posait déjà ses lèvres sur elle alors même qu'elle venait d'arriver. J'avais toujours su qu'il avait des sentiments pour elle, mais même après six ans, il continuait de baver sur son chemin ?
Asa, un mec baraqué et immense, un Membre, plus même, un Enforcer, s'approcha de moi.
— Si tu me touches maintenant, je vais te frapper tellement fort dans les couilles que tu pisseras du sang pour le prochain mois, sifflai-je à sa tronche.
Il leva ses deux mains et s'écarta de mon chemin.
Je retournai à ma place et sentis le regard de Maverick sur moi. Il ne dit rien et même Archie dut sentir mon humeur car il se recroquevilla contre le torse de Mave.
— Dani, commença ce dernier.
— Ferme ta putain de gueule, sifflai-je.
Mes yeux se posèrent sur le dos de Lahyani qui était penchée sur le cercueil, Reed à ses côtés et Obadiah de l'autre. Le Prez s'accroupit à côté de sa seule progéniture et repoussa une mèche de ses cheveux pour lui murmurer des paroles de réconfort. Lahyani se pressa contre lui, mais sa main libre resta dans celle de Reed.
Mes envies de meurtre grandissaient à vue d'œil.
Il fallait que je me barre d'ici.
Que je me casse.
Que j'oublie ce que je venais de voir.
Le Prez se redressa et Reed aida Lahyani à en faire de même. En face de moi, je vis le VP contourner le cercueil pour venir enlacer Lahyani. C'était à gerber.
Elle n'aurait jamais dû être là.
Elle n'aurait jamais dû pleurer pour Cleo.
Elle n'aurait jamais dû partir.
Ni revenir.
Putain, j'allais devenir fou.
Et quelqu'un allait prendre cher.
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Okaaaay arrivée en fanfare 😎😎 vous rencontrez enfin Daniel Archer 😎😎
Vos impressions sur lui ➡️
Les emmerdes ne font que commencer 🤣🤣
La bise 😘
Taki et Ada'
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