5 | Lahyani
Je me souvenais d'une question de Cleo. Qui tournait en boucle dans ma tête. Une sorte de disque rayé.
Comment dit-on au revoir, Lani ?
Est-ce qu'il fallait que ce soit dans la joie, dans la tristesse ? Est-ce qu'un au revoir était forcément triste ? Forcément la fin de quelque chose ?
Elle était morte.
Toute seule.
Les poignets tranchés. Et cette fois, elle avait été assez profondément. Cette fois-ci, personne n'avait été là pour la maintenir en vie. Elle avait réussi.
Et cette idée... la savoir toute seule, où qu'elle ait été pour le faire, ça me détruisait. J'étais en lambeaux. Mon cœur en charpie.
Je revoyais son sourire.
Je revoyais son sang.
Je me revoyais hurler à Reed que je ne savais pas ce qu'il fallait que je fasse. Son sang sur mes mains, sa peau froide, ma peur.
Celle de perdre ma sœur, ma meilleure amie, ma jumelle. Une partie de moi.
Une partie de moi.
Cleo, Cleo, oh Cleo.
J'avais pensé à elle hier. M'étais réveillée avec sa présence dans ma tête, son prénom sur mes lèvres.
Un présage.
Un pressentiment.
J'avais pensé à elle après des années. Un sursaut.
Pour apprendre cette horrible vérité.
Malade, elle l'avait été.
J'avais toujours tout fait pour la garder en vie, dans ma vie.
J'avais été là à chacune de ses tentatives de suicide, de ses cris à l'aide. Jusqu'à ce que ce soit à mon tour de demander de l'aide et qu'elle me dise de partir.
Pour vivre.
Pour revivre.
Mais elle...
Qui avait été là pour elle ?
Maverick ? Griffin ? Dani ? Pourquoi avait-elle seulement réussi sa dernière tentative ?
Cleo est morte. Cleo est morte.
Avant, c'était elle et moi contre le reste du monde. Contre le MC, contre ces vipères, contre tout.
Avant, c'était moi contre la maladie de Cleo.
J'avais tout fait. Tout essayé. Je l'avais aimé avec tout ce que j'avais, quitte à me perdre dans le processus.
Et elle avait survécu. Parce que j'étais trop égoïste, incapable de la laisser partir. De me séparer de cette partie de moi.
Est-ce qu'elle avait trouvé un moyen de dire au revoir ?
Non, bien sûr que non. Pas Cleo. C'était... c'était à moi de le faire pour elle.
Pour son fils.
Je devais dire au revoir à mon âme sœur brisée, cassée, bousillée. Je devais aller la voir une dernière fois.
Je le lui devais.
J'en avais besoin. Après toutes ces années loin d'elle, loin de nous, je ne pouvais pas rester ici et lui dire au revoir ici. Je ne pouvais pas...
Cleo est morte.
Comment ? Assise dans la douche ? Allongée dans un bain chaud ? Chez elle ou dans une chambre minable d'un motel ?
Toute seule. Alors qu'elle n'aurait pas dû. Lorsque j'étais partie, elle les avait eux. Elle n'était pas toute seule.
Cleo. C'est pour ça que j'ai pensé à toi ?
J'avais toujours été consciente de la fragilité de ma meilleure amie. De cette brisure en elle, une fissure que rien ni personne ne pouvait colmater. J'avais essayé, j'avais essayé si fort ! N'avais pas écouté Reed me dire que je finirais brisée. Parce qu'il avait été témoin de ça, malgré lui, malgré Cleo, malgré moi, malgré nous.
Est-ce que j'avais cru que mon amie serait heureuse avec les hommes qu'elle avait aimés ? Mais si j'étais incapable de savoir ce qu'était le bonheur, alors elle...
Elle est morte. Morte. Morte.
C'était drôle. Bizarre. De se dire qu'elle n'était plus là-bas. Qu'elle... n'existait plus. Que je ne pouvais pas juste prendre le téléphone de Reed pour l'appeler.
Est-ce que j'aurais dû ? Ces dernières années, est-ce que j'aurais dû essayer ?
Je me redressai dans le lit. Je pleurai depuis des heures. Il fallait que je rentre là-bas. Cet endroit qui avait été mon chez-moi, qui avait été mon paradis puis ma descente aux enfers.
Pour dire au revoir à Cleo et retrouver le monstre.
Mes doigts passèrent sur les marques à mes poignets. Celles d'une lame de rasoir. Il y en avait deux : une pour chaque tentative échouée de Cleo.
Je n'étais pas parfaite, notre relation ne l'avait pas été non plus.
Cleo est morte.
Il ne restait d'elle que ce que j'avais gardé en moi.
Mon oiseau brisé s'était finalement envolé très, très loin. Trop loin de moi.
Cleo.
Cleo.
CLEO !
Je repoussai le drap, me retrouvai debout dans la pièce. La porte claqua derrière moi et je sentis la présence de Reed et Ash. Ils m'emboitèrent le pas jusqu'à la salle de bain où j'attrapai une vieille trousse de toilette pour y fourrer mes affaires.
— Qu'est-ce que tu fais ?
La question vint d'Ash, parce que Reed savait.
Oba l'avait appelé lui-même, n'est-ce pas ?
Je passai devant eux, retournai dans la chambre. Plantée dans le dressing, j'attrapai tout ce qui me passait sous la main sans y réfléchir plus que ça. Je ne pensais pas au fait que je n'étais pas partie d'ici depuis six ans, que cet appartement, c'était tout mon monde.
— Putain... Lani !
Ash m'attrapa le bras, ce fut rapide, pas inattendu. Il me força à m'arrêter, à me planter devant lui.
— Qu'est-ce. Que. Tu. Fais ?
— Je rentre. Je retourne là-bas.
Je voulus me défaire de sa prise.
— Non, c'est hors de question.
— C'était ma meilleure amie ! Elle est morte toute seule, les poignets tellement tranchés qu'elle ne pouvait pas se louper ! JE. RENTRE !
Je hurlai, réussis à le repousser, parce qu'il était trop choqué.
— Tu ne lui as pas parlé depuis des années, attaqua Ash. Alors arrête de...
Mon doigt s'écrasa au centre de son torse quand mon autre main agrippa le t-shirt que je portai.
— Je la sentais, là ! Parce que... c'était Cleo et moi. C'était... Cleo. Je savais que même si l'une ou l'autre revenait dans la vie de l'autre dans dix ans, ça aurait toujours été Lani et Cleo. Toujours ! Elle est morte, toute seule. Parce que je n'étais pas là pour l'empêcher et... qu'elle n'a pas dit au revoir. Elle n'a... pas dit au revoir, Ash.
Elle n'avait pas dit au revoir.
Comment dit-on au revoir, Lani ?
Pas en se suicidant, Cleo. Pas en partant comme ça.
— Tu ne peux pas le savoir, murmura-t-il.
— C'était mon âme sœur, alors si, je le sais.
— Il n'y a rien pour toi là-bas, Lani.
Mensonge. Il y avait ces gens qui un jour avaient été mon monde, ma famille.
Il y avait Maverick. Et Dani.
— Tu ne peux pas y aller, tu ne...
Je frappai son torse, une fois, deux fois.
— J'irai.
— Putain, Lani ! Si tu y vas...
Le temps s'arrêta juste un instant. Je reculai. Pointai le vide.
— Casse-toi, Ash. Ce ne serait pas la première fois.
La douleur dans ses yeux, sa colère aussi. Je me détestais. Je me donnais envie de vomir.
Il frappa l'embrasure de l'entrée du dressing avec son poing.
— Va te faire foutre.
Et il partit.
Voilà pourquoi on n'invitait pas le bonheur dans sa vie. Parce qu'il pouvait aller et venir à sa guise et qu'à la fin, ça finissait toujours par vous user, par vous tuer.
Et Cleo était morte. Toute seule.
TOUTE
SEULE
Comme elle avait toujours voulu le faire.
Je passai devant Reed, fourrai mes fringues dans la valise que je refermai, les larmes brouillant ma vue.
Cleo.
Comment dit-on au revoir, Lani ?
Je vais te montrer.
J'attrapai les clés de la voiture de Reed, mon sac.
Comment dit-on au revoir ?
Lani ? Lani, Lani, tu sais, toi ?
On apprenait.
On acceptait.
Parfois c'était joyeux, parfois c'était triste.
Parfois c'était pour toujours, parfois c'était pour un moment.
Mais ce n'était jamais facile.
Jamais.
**
La dure réalité rattrape Lani et sa volonté de dire au revoir prend le pas sur ses peurs 😳
Cleo et Lani c'était les deux faces d'une même pièce 🙄 pour le meilleur et pour le pire 😔 qu'a-t-il pu bien se passer pour que Lani parte loin de Cleo ? 😕
Avec ce que lui dit Lani on se doute qu'Ash a déjà fui lui aussi. Pq donc ? 😎
La bise ❤️
Taki et Ada'
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