1 | Lahyani

Pittsburgh, Pennsylvanie

2023

La chaleur moite du bar m'accueillit à mon entrée. La musique, un peu trop forte, ne parvenait néanmoins pas à couvrir le bruit ambiant ; celui des conversations, des rires, des cris d'une bande trop joyeuse. J'hésitai un instant, à deux doigts de rebrousser chemin et d'appeler un taxi pour rentrer. Clairement pas dans mon élément, faire cet effort me paraissait, à ce stade, insurmontable. Mais j'avais promis et j'avais appris l'importance de tenir ses promesses depuis l'âge de six ans. Pas que celle-ci change quoi que ce soit ; si je ne me pointais pas, ça ferait juste bien parler Priya, une de mes quelques trop nombreuses collègues qui ne juraient que par leur tour de hanche et l'attention du patron. Je ne faisais pas partie de leur sphère, de leur monde et la plupart du temps, j'évitais donc de me mêler à elles, pour ne pas finir avec des envies de meurtre. Mais ce soir, c'était le soir où je me mettais un coup au cul et où je sociabilisais. D'après Reed, discuter avec les gars au garage ne comptait pas. Il voulait que j'aie des amies. Au féminin. Quand moi, je m'en fichais bien de faire des efforts ou d'avoir un répertoire bien fourni. Je voyais assez de monde au travers de mes quelques jobs, mais pas assez à priori pour que Reed me lâche sur le sujet.

Je retirai mon écharpe, déboutonnai mon manteau avant de me glisser entre les tables et les différents groupes. Je pouvais déjà entendre le rire de Priya, qui d'après ce que j'avais pu glaner, n'aimait rien de moins qu'être le centre de l'attention quand ils sortaient tous ensemble. Elle était belle Priya ; une Indienne expatriée qui aurait pu poser pour quelques magazines si elle en avait eu l'occasion. Elle était réceptionniste dans l'hôtel de luxe où nous travaillons toutes, le genre de lieu qui vous permettait de voir du beau monde, même si honnêtement, Pittsburgh n'était pas une destination très touristique. Mais cette ville, je l'aimais.

Pour sa liberté, pour sa vie.

— Lahyani !

Une dizaine de paires d'yeux me harponnèrent et mon cœur s'emballa. Ça ressemblait à de la peur, à ce que vous éprouviez quand vous étiez pris au piège alors qu'il ne s'agissait que d'une soirée entre collègues. La millionième pour eux, la première pour moi en deux ans.

Fais un effort, Lani.

Si j'étais obligée, hein...

— Désolée d'arriver si tard, marmonnai-je avant d'aller m'installer à côté de Lucas, un des rares hommes des différentes équipes.

Une sorte de discrimination inversée. Le patron aimait l'uniforme sur une morphologie particulière et malheureusement pour Lucas, il n'avait pas les seins pour ça. Il m'offrit un sourire quand le regard d'aigle de Priya ne me lâcha pas une seule seconde.

— Tu n'es pas rentrée te changer ? me demanda-t-elle en avisant le fameux uniforme.

Je ne m'en sentis pas gênée. Des filles comme elle, j'en avais mangé une partie de mon adolescence. Chaque chose qui n'entrait pas dans sa boîte à elle devenait un élément pour attaquer. Autant vous dire qu'elle avait le jugement facile. Tout y passait : le maquillage, le poids, la façon de s'habiller. Voilà pourquoi en général, je faisais tout pour ne pas me retrouver avec elle. Elle n'était pas bien méchante cela dit, juste étroite d'esprit. Du coup, les sujets de conversation tournaient toujours à la même chose.

— Non, répondis-je simplement, sans chercher à apporter aucune justification, aucune explication.

Je me tournai vers Lucas et Lexi, une jeune femme de vingt ans qui venait tout juste de commencer dans mon équipe et qui était une boule de douceur. Elle voulait gagner un maximum d'argent avant de partir à l'université, quitte à repousser sa rentrée. Je n'avais pas envie qu'elle se fasse prendre en grippe par Priya qui, avouons-le, faisait un peu la pluie et le beau temps parmi nous. Moi, je m'en fichais, parce que j'étais du genre à ne rien laisser m'atteindre, mais Lexi était jeune et elle voulait faire de son mieux et cela signifiait, bien souvent, avoir l'approbation des autres. Comme si leur avis comptait plus que le reste.

Hanna et Kate furent envoyées pour passer la prochaine commande pendant que Lexi nous racontait d'où elle venait. Son frère était un Marine et si toute sa famille versait là-dedans, pas elle. Elle sortait avec une fille depuis plusieurs mois, une fille des terres comme certains disait dans le coin. C'était dur de suivre la conversation avec ce brouhaha ambiant. Déjà, je sentais la pression se resserrer autour de ma boîte crânienne. Un bon vieux mal de tête comme j'aimais.

Entre les fumeurs, ceux qui partaient ou arrivaient, la porte ne cessait de s'ouvrir sur les allées et venues des uns et des autres.

Ma nuque crépita de l'attention d'une personne, camouflée dans la foule et je sus qu'il était là. Sûrement accoudé au bar, sa bière devant lui, son aura défiant quiconque de trop s'approcher. Personne ne s'y tenterait, pas même celles qui se pâmeraient pour son attention. Ne serait-ce qu'une miette.

Ash piétinait, ne s'attardait pas.

— Et toi alors ?

Des assiettes de nourriture vides trainaient sur notre tablée. Des verres vides côtoyaient de nouvelles consommations et ça faisait déjà un moment que je m'interrogeais sur la raison de ma présence. Il était bien temps que je rentre, non ? Ou que je le rejoigne.

Je levai les yeux de l'écran de mon téléphone pour trouver Priya et son groupe habituel autour d'elle, le charognard entouré de ses vautours.

Je pressentais la question personnelle qui n'avait pas lieu d'être. Parce qu'on en venait toujours à ça. Comme si c'était normal, un attendu d'une société qui se foutait royalement de la vie privée. Surtout ici, aux États-Unis. On faisait un cas de tout.

— Moi quoi ?

Je n'avais absolument pas suivi ce qu'il s'était passé ces dernières minutes... cette dernière heure ? Coupable.

Fais un effort, Lani.

— On se demandait... tu vois, parfois il y a ce type qui vient te chercher et puis le lendemain, c'est un autre.

Oh. Ça.

— Des membres de ta famille ?

— Il y aurait une ressemblance, non ? souffla blondie.

Pas moyen de me souvenir de son prénom. Laura ? Laurel ?

Priya lui jeta un regard assassin, pour la forcer à se taire.

— Alors ? relança-t-elle.

Je verrouillai mon téléphone, le posai sur la table. Les autres faisaient mine de ne pas écouter, mais ils étaient curieux.

Tout le monde l'était. C'était humain. Et foutrement agaçant.

Fais un effort.

Un effort, Lani !

Moi, je n'étais pas chiante, pas emmerdante. Je voulais dessiner. Je voulais donner vie aux projets des gens. Mais pour ça, il fallait que je bosse d'abord et que je me coltine des filles qui pensaient pouvoir tout avoir de moi.

Mes secrets.

Mes vérités.

Mon intimité.

— Et sinon, c'est quand la dernière fois que t'as baisée ? lâchai-je. Puisqu'on en est à parler de sujets intimes.

Des yeux gros comme des soucoupes.

Un effort, hein ? Peut-être la prochaine fois. Je vidai ce qu'il restait de mon verre avant de me lever. J'étais restée bien plus longtemps que prévu et grignoter trois pauvres trucs ne m'avait clairement pas rassasiée.

— Bonne fin de soirée.

Manteau et écharpe sur le bras, je réussis à me glisser jusqu'au comptoir. Sur le tabouret le plus proche du mur, un homme dont l'attention ne m'avait pas quitté depuis son arrivée. Je me retins de justesse de me comporter comme j'avais l'habitude de le faire à la maison. Lui, ça l'aurait fait rire, mais nous étions en public, alors il fallait se tenir un minimum.

Il fit mine de jeter un coup d'œil à son poignet, là où bien sûr, il n'y avait pas de montre.

— Franchement, si j'avais parié, j'aurais perdu.

— Ah. Ah.

Je me plantai devant lui, prête à partir.

— Je meurs de faim.

Lentement, presque au ralenti, il se redressa d'abord avant de se pencher sur moi. Son souffle mentholé caressa mon visage. Et là, en cet instant, dans ce bar plus aussi bondé qu'au début, il n'y avait plus que lui, parce qu'Ash était ce genre d'homme à s'imposer, à pousser les murs pour avoir de la place. À évincer tout et tout le monde.

— Et qu'est-ce qui te ferait plaisir ?

— Quelque chose de gras. Avec de la viande. De la sauce. Oh ! Des oignons aussi et...

Son rire ne fut que pour moi. J'attrapai le col de sa veste pour venir claquer un baiser sur sa bouche. J'adorais son rire. J'adorais sa façon de me donner l'impression d'exister rien que pour lui.

Des tatouages dépassaient de son t-shirt, remontaient presque à sa gorge. Moi, à cet endroit, j'en étais recouverte. Des fleurs, des papillons de nuit, un tableau d'une beauté macabre. Ash portait quelques-unes de mes créations, fier de pouvoir les arborer dans notre intimité.

— J'ai compris, j'ai compris.

Il déposa un billet sur le comptoir, attendit que j'enfile mon manteau et mon écharpe pour mieux attraper ma main. L'air de cette nuit froide brûla mes joues et fit monter les larmes. C'était un mois de février qui ne laissait aucun répit et qui faisait s'étirer l'hiver alors que tout le monde attendait une hausse des températures.

Devant le bar, les fumeurs. Je traversai un nuage de vapoteuse à l'odeur acidulée.

— Est-ce que je dois recommencer ça la semaine prochaine ? On est d'accord que lorsque Reed a dit « Lani, fais un effort », c'était sur une soirée, pas à long terme, hein ?

— Je pense qu'il voulait dire un truc sur la durée, tu vois ?

Je pinçai mes lèvres.

— Et lui, qui l'emmerde sur ses fréquentations ? marmonnai-je.

— Toi, ricana Ash. Il m'attira contre lui, son bras autour de mes épaules. Moi.

— Pas assez si tu veux mon avis. J'aurais pu passer la soirée avec ma tablette pendant que vous auriez bricolé la bécane de Sam. Ça c'est une bonne soirée. La meilleure de toutes même. Maintenant je meurs de faim, j'ai mal aux pieds et je veux prendre la douche la plus longue de la terre. Tu la prendrais avec moi ?

— Je te prendrais même sous la douche, bébé. Il te suffit juste de demander.

Je lui donnai un coup dans les côtes, mais je souriais comme une idiote. C'était juste par principe.

Ash avait tendance à sortir des trucs salaces n'importe où. Il m'avait eu comme ça après tout. J'étais bon public. Bonne poire peut-être même. Il avait une bouche faite pour pécher. Pour le péché.

— Va pour me faire prendre sous la douche.

Son rire fut étouffé par mes cheveux. C'était vraiment trop facile. 

**

Et c'est parti pour cette histoire avec une entrée en matière pour notre personnage principale féminine ❤️😍😎

Lahyani Vargas ❤️ premières impressions ? ➡️

Sur cette histoire je veux du react les gens 👌 même si c'est un smiley 😎 alors on se motive pour nos Bikers 😁

Beaucoup de chapitres nécessiteront des TW. Vous serez donc normalement prévenu à chaque fois. 😳

La bise 😘

Taki et Ada'

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