Premier
Au départ, lui et moi n'étions pas seuls. Il y avait Lise. Lise était non-seulement sa colocataire mais elle était aussi sa merveilleuse petite-amie. Elle avait la joie de vivre qu'il n'avait pas, elle le complétait parfaitement puis un jour, comme ça, il la trompa. Lise partit sans même me dire au revoir et elle ne revint plus jamais. Cela faisait maintenant deux ans qu'elle était partie. Il s'en foutait, du moins c'était l'impression qu'il me donnait. Il n'abordait jamais le sujet Lise auprès de moi, en fait, il n'abordait pas beaucoup de sujets. Moi qui n'aimais pourtant pas vraiment communiquer, j'étais souvent la meneuse de conversation.
Je raffolais des moments paisibles et confortables passés avec lui. Seuls nos regards et nos gestes parlaient, dans un silence agréable marqué par nos respirations parfaitement synchronisés. Nous ne nous étions jamais disputés, ni même énervés. Il avait un certain degré de maturité qui m'intimidait parfois mais qui me donnait le sentiment d'être en toute sécurité. Je n'avais jamais eu d'intérêt amoureux pour lui. Avant, lorsque Lise était encore là, nous n'étions pas autant proches.
Nous n'étions pas aussi ouverts l'un avec l'autre mais, je ne sais pourquoi, le jour où Lise s'en alla je fus celle qui vint le réconforter. Il n'en avait peut-être pas besoin, il ne m'appréciait peut-être pas mais... Il était humain, même s'il était mystérieux et qu'il ne laissait jamais paraître ses émotions, il possédait des sentiments. Lorsqu'une personne qui prenait beaucoup de place dans votre vie disparaissait, le vide ne faisait que vous engloutir et je refusais de le laisser seul dans un moment aussi douloureux.
Ce fut à partir de ce moment-là que squatter l'un chez l'autre, à deux, vint tout naturellement.
Allongée sur mon lit, je pianotais sur les touches de mon ordinateur, écrivant une histoire que j'adorais particulièrement. Elle décrivait précisément l'histoire d'amour entre un garçon au cœur tendre et une jeune fille effrayée par les sentiments amoureux. La porte de ma chambre s'ouvrit d'un seul coup. Il était là, me scrutant les sourcils froncés.
- Quand apprendras-tu à fermer à clé l'appartement ? Et si un voleur s'était pointé ?
- J'aurais appeler le preux chevalier d'en face, blaguai-je mais la seule chose que je récoltai fut un regard dur et froid. Il continuait de me fixer, finissant par me faire culpabiliser. Pour quelle raison ? Je ne le savais même pas. Je ferai plus attention, continuai-je. Un soupir s'échappa de mes lèvres. Son froncement de sourcil disparut, son visage revenant à la normale. Qu'est-ce que tu voulais ? Son regard profond engloutit le mien.
- Il manquait un œuf, expliqua-t-il brièvement en sortant de derrière son dos le dit aliment.
- Tu nous prépares une omelette ? Il acquiesça d'un signe de tête et ses yeux observèrent mon ordinateur puis se reposèrent sur moi. Aussitôt, je refermai l'écran sur le clavier en sentant la chaleur me monter aux joues. Il ne s'aperçut de rien, enfin je l'espère. Ta cravate est mal mise, remarquai-je en murmurant.
Je pris le temps de m'extirper de mon lit et m'avançai jusqu'à lui, les yeux rivés sur sa cravate. Mes mains touchèrent alors le doux tissu, commençant à dénouer les mauvais nœuds. Je n'osai pas relever la tête, déjà fortement embarrassée par notre proximité. Son souffle heurtait mes lèvres. Heureusement qu'il était plus grand que moi... Sentir ses yeux forêt sur moi m'était déjà assez insupportable comme ça. Je caressai la texture rouge, la croisant, la tournant lentement, attentive et concentrée. D'un geste, je tirai le manche de la cravate jusqu'à ce qu'elle soit bien serrée mais aussi confortable. Ne sachant où poser mes mains, elles se posèrent seules sur sa veste noire. Sa poitrine montait et descendait paisiblement dans un rythme répétitif et à la fois rassurant. Mon regard me trahit finalement en se focalisant sur son cou. D'abord, sa carotide dans laquelle devait pulser du sang puis sa mâchoire tracé d'une ligne si parfaite qu'on la croirait dessinée et, pour finir, sa pomme d'Adam si ronde à croquer. Je me sentis déglutir et, accidentellement, deux diamants méditerranéens sombrèrent dans mes traitres yeux. Et je me perdis dans cette nuance de vert sur laquelle je ne pouvais mettre de nom tant l'éclat qu'elle contenait me coupait littéralement le souffle. Un silence, encore cet insoutenable silence qui criait au danger. Ses lèvres se mouvèrent alors et, d'une parole, il brisa cette surdité qui nous dévorait tous les deux.
- Ed vient chez moi ce soir.
Je m'écartai à ce moment précis, haletante de cette échange trop intense pour moi. Je secouai la tête de droite à gauche histoire de me remettre les idées en place. Les pensées s'accumulèrent, bonnes comme mauvaises puis je me rappelai qu'il venait de prononcer quelque chose. Dos à lui, je jouais avec la longueur de mon t-shirt ample, essayant de me remémorer ses mots. Ah.
- Qui est Ed ?
- Une vieille connaissance. Son accent anglais semblait appuyé lorsqu'il susurra ces trois mots.
Puis, plus rien. Je pris ce temps pour réfléchir à l'étrange moment de ces dernières minutes. Je n'avais jamais autant été... affectée par lui ? bouleversée ? C'est bien de lui dont on parle, n'est-ce pas ? Je ne ressentais rien. Absolument rien. Alors pourquoi la chose dans ma cage thoracique n'arrivait pas à se calmer ? Une sensation dans mon cou, je me raidis. Telle une brise, une respiration s'échouait contre la peau nue du creux de mon cou. Il était derrière moi, j'étais tellement plongée dans cette réflexion sans fin que je ne l'avais même pas entendu se déplacer. Des milliers de pores sur ma peau s'élevèrent dans une vague de frissons indésirables sous cette fraicheur contraste avec la bouffée de chaleur qui grignotait présentement mon estomac. Son torse rencontra tout à coup mon dos, cognant, se serrant contre mon corps. Un halètement s'échappa inconsciemment de mes lèvres sèches et avides. La paume de sa main s'imposa sur l'épiderme de mon épaule. La froideur de ses chevalières engenda une double dose de frissons le long de mon échine. Sa tête s'avança, ses cheveux se mélangeant aux miens, puis ses lèvres se collèrent directement au lobe de mon oreille.
- Zoé.
Mes jambes toutes tremblantes peinèrent à supporter mon poids et ma vision se troubla, la chaleur devenant trop étouffante. Un baiser déposé sur la peau sous mon oreille suivi d'un sourire contre mon cou et le noir me dévora petit à petit, laissant mes paupières s'évanouir doucement sur mes pommettes.
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