Chapitre 8 - Ça Ne Peut Attendre

Ce n'est pas souvent que je vais plus loin que le laboratoire. Aujourd'hui est une des fois peu fréquentes où je le fais, l'occasion étant la petite visite mensuelle chez le Roi.

Quelques pas à peine de la sortie de Hotland menant au CORE, j'entends une voix que j'ai entendu une fois avant.

"Avance, bordel. Je t'emmène pas dehors pour te traîner par la peau du cul jusqu'à Snowdin."

Mes pensées ne font qu'un quart de tour avant que je ne dévisage le père d'Alphys avec une envie indescriptible avec les dizaines de milliers de mots de la langue française de lui faire ravaler ses mots de force.

Il s'arrête, et lâche le bras d'Alphys, qui se le frotte, pas pour la première fois d'ailleurs. On dirait que cet enfoiré qui prétend pouvoir élever un gosse a l'habitude de serrer le bras d'Alphys un poil trop fort, ce qui n'est pas rassurant.

"Hé, connard, tu veux ma photo?"

Je veux voir sa tête en cellule, surtout.

Je tourne la tête et presse le pas. Contrôle-toi Gaster. Garde la tête froide. Il est inutile de se résoudre à la violence.

Je traverse le CORE avec une immense envie de taper du père. Qui sait ce qu'il fait à cette pauvre fille quand personne ne regarde.

J'arrive à la cité. New Home, comme ils nomment cet endroit. Gris. Tout est gris. Cet endroit dépend de son peuple pour vivre; pour ne pas demeurer pétrifié dans un grisâtre mélancolique pour l'éternité. Mais jamais cet endroit n'a-t-il manqué de vie. Les gens débordent, il y a à peine la place pour marcher.

Je me fraye un chemin au travers de la capitale, entre les murs de pierre et les gens qui ne me remarquent même pas. Ils discutent entre eux, marchent dans le sens opposé au mien, portent des charges lourdes, courent, se déplacent lentement. La capitale pourrait facilement faire n'importe qui se sentir tout, tout petit. En plus, les grands bâtiments n'aident pas avec ce sentiment: toutes les ouvertures, tous les murs se dressent et regardent tout ce qui se passe au sol de haut, et si quiconque essaie de les regarder, les grands édifices fixeront cette personne infortunée jusqu'à ce qu'elle ne tourne son regard.

J'arrive enfin à un endroit bien moins occupé. Je suis près du château, après un parcours du combattant au travers des rues. Il ne me manque plus qu'à descendre les escaliers et je serais arrivé au château du Roi, Asgore.

Après une pause, le temps de respirer, je me redresse et reprends le trajet. J'arrive aux escaliers, que je descends, et arrivé en bas, je suis accueilli par la grande arche laissant entrer dans la cour. Cette arche est gardée par deux monstres, qui n'ont qu'à me remarquer pour me laisser passer. Je traverse l'arche, puis la cour, et j'entre à l'intérieur. Un long couloir, illuminé par d'énormes fenêtres. La lumière pénétrant la salle était teintée d'orange, et se posait gracieusement sur les dalles dorées au sol.

Asgore entra dans la salle, par l'autre extrémité du corridor.

"C'est agréable d'avoir une personne si ponctuelle en tant que scientifique. Je vous en prie, venez, nus discutterons autour d'une tasse de thé."

Il se tourne de nouveau, sa longue cape violette suivant son mouvement, et je marche derrière lui, pour le suivre dans le jardin. Les pas résonnent, la solitude s'impose. Le silence marche avec nous, suivant chacun de nos pas.

Enfin, le couloir traversé, nous entrons dans le jardin. J'ai l'impression qu'il y a encore plus de boutons d'or que la dernière fois, alors que ça me semblait impossible. Et comme une ambiance uniforme, les rayons lumineux orangés tapent contre les pétales dorées des fleurs, plongeant le jardin entier et tous ses murs dans un feu lumineux. 'Parfait pour boire le thé de 4 heures', dirait le Roi, et je ne peux pas dire que je ne suis pas du même avis.

Nous marchons jusqu'à une petite table ronde métallique à trois chaises: une pour le Roi, une pour sa femme et une pour son fils. Une petite famille parfaite, bien construite, et complète. Le Roi est un père idéal; responsable, mature, aimant, aimable, charismatique. La Reine est une mère au grand cœur, aux mots doux, une voix autoritaire et un instinct maternel qui lui a permis d'élever son fils unique, obéissant, poli.

Si ma famille n'aurait pas été détruite par la guerre, je suis sûr qu'elle serait aussi bien construite et parfaite que cette famille royale que sont les Dreemurrs - une famille noble, respectée par tous les monstres.

La Reine, Toriel, apporte le thé. "Bonjour Gaster. Asgore a bien fait de me prévenir de votre arrivée! Je vous ai préparé du thé."

"Vous ne buvez pas avec nous?"

"Non, j'en ai bu tout à l'heure, et je réagis mal à plus d'une tasse malheureusement." Elle pose un petit plateau avec une théière et deux petites tasses vides, accompagnées de leurs soucoupes respectives, deux petites cuillères et un petit récipient à sucre. "Je vous laisse discuter! À plus tard." Elle fait un signe de la main avant de repartir vers l'intérieur.

"Alors, Dr. Gaster. Comment avancent vos projets?"

"Oh, pas mal. Je fais beaucoup de calculs en ce moment pour trouver la dose exacte de détermination à laquelle un monstre est capable de survivre." En fait... "Ah, et finalement, l'assemblage de la DT Extractor est retardée, à cause d'une erreur que j'ai faite."

"Oh, quel dommage. J'espère tout de même qu'il sera possible de l'assembler vite."

"C'est vrai."

"Et, pourriez-vous me rappeler comment fonctionne la machine?"

Je prends une grande inspiration. "Une âme contenant de la détermination est placée dans le compartiment central de la machine. Puis on permet à cette âme de se briser, mais entre les miroirs et les tubes, la détermination dégagée est reflétée et donc amplifiée, puis redirigée vers des réservoirs à DT. Dans ces réservoirs il est possible d'extraire de la DT sous sa forme pure, ou d'affecter une âme de monstre neutre avec cette DT. Si l'âme est assez affectée, elle pourra se transformer en âme proche de celle d'un humain, et donc comparable à celle-ci. Ce qui nous permettra de les utiliser pour briser la barrière et retourner là où nous appartenons et regagner nos terres."

Il prend une gorgée de thé dans sa tasse ridiculement petite comparée à lui, puis la repose pour prendre la parole. "Et comment comptez-vous avoir accès à non seulement une, mais plusieurs âmes de monstres?"

Je redoutais cette question.

"Il faudra faire... des sacrifices, pour mettre à bout ce projet."

Il se fige. Je suis bien au courant que le Roi n'aime pas les sacrifices, et moi non plus, à vrai dire.

"Ne serait-il pas plus judicieux d'attendre la mort naturelle d'un monstre, docteur?"

"Malheureusement, ce n'est pas possible. Il faut que le monstre contienne de la DT, et nous ne pouvons pas prédire la mort d'un monstre."

"Nous sommes tous les deux d'accord qu'il est hors de question de tuer un monstre, Wingdings. Il est hors de question de tuer qui que ce soit. Peut-être pourriez-vous, je ne sais pas... Donner de la détermination à un monstre âgé qui sait que sa mort approche?"

"La guerre a tué tout monstre ayant un âge avancé, et les rares qui sont âgés ont perdu leurs enfants, et donc ne mourront pas de vieillesse de si tôt."

Il fronce les sourcils. Je sais qu'il sait que si nous voulons être libres, il faudra faire des choix plus que désagréables. Pourtant, peut-être qu'une solution plus clémente est disponible, mais juste hors de portée pour l'instant.

"Peut-être me faudra-t-il encore du temps avant de trouver de meilleurs choix à faire. Je vous promets je cherche autant à faire le moins de sacrifices possible que vous. Pour l'instant, je ne vois pas d'autre possibilités, mais ça viendra."

"Je l'espère, pour vous et pour moi. Tous deux, nous devons montrer l'exemple. En plus de cela, nous avons tous les deux à notre compte des meurtres. Si les humains voient que nous n'avons pas changé après notre 'séjour' ici, ils ne voudront plus de nous, encore moins que quand ils nous ont emprisonnés ici."

Si jamais je pouvais revenir dans le passé et m'empêcher de faire tout ce que j'ai fait durant la guerre... J'essaye toujours de trouver des excuses. 'Je n'avais pas le choix', 'C'était la meilleure chose à faire', 'C'était nécessaire'. Mais il est toujours possible d'empêcher une mort de survenir. Il est toujours possible de faire mieux.

Le Roi se racle la gorge. "D'ailleurs, avez-vous trouvé un apprenti?"

"Asgore, je n'ai pas l'âge ni l'expertise pour avoir un apprenti. Bien que je sois habile avec les chiffres, j'ai encore bien des choses à apprendre."

"Tout le monde a des choses à apprendre. Vous avez des choses à apprendre sur les sciences, j'ai des choses à apprendre pour diriger un peuple. Personne ne sait tout, et plus on sait, plus on se rends compte qu'on a tellement de choses à apprendre. Vous devez le savoir, c'est même vous qui me l'avez dit."

"Il faut quand même prendre en compte le fait que des fois on en sait trop peu pour faire des choses. Et j'en sais trop peu pour enseigner. Je ne veux pas prendre d'apprenti."

"Gaster."

Il se penche sur la table, les coudes devant le plateau. "Il est temps que quelqu'un vous aide à travailler. La solitude vous brisera. Je la vois déjà vous briser. Si quelqu'un vous aide à travailler, vous finirez les choses plus vite, et vous n'aurez pas à dépendre de vous-même pour tout faire à la perfection. Vous avez dit tout à l'heure que l'assemblage de la DT Extractor était retardée à cause d'une erreur? Avec quelqu'un pour vous relire, il y aura moins de chances que cela arrive."

"Je suis capable de survivre à la solitude. Je ne veux pas que qui que ce soit ait à survivre à ma présence."

"Personne ne peut survivre à la solitude, Dr. Gaster. Même pas vous. Croyez-moi, je suis plus qu'heureux de partager avec vous que si je n'avais pas ma femme et mon fils avec moi, je n'aurais aucune raison de vivre, encore moins d'être Roi. Quelle est votre raison de travailler, et de vivre? Nous sommes pareils en le fait que nous ne trouvons aucune joie de vivre pour nous, alors nous faisons tout ce que l'on fait pour les autres. Gaster, vous êtes un altruiste, je le sais. Et un altruiste seul n'est jamais heureux."

Je n'ai rien à répondre à ça. Le Roi a toujours raison, après tout. 

"Bien, vous m'avez convaincu, je vais chercher un apprenti."

"Et vous vous penchez sur qui?"

"Votre majesté, je n'ai même pas eu le temps de commencer à réfléchir. Comment voulez-vous que je vous donne une réponse?"

"Je suis sûr que quelqu'un a envie d'être votre apprenti, et que vous le savez. Donnez-moi juste un nom, et si ce n'est pas cette personne que vous choisissez, c'est votre choix."

"Alphys."

Je ne connais même pas sa famille, je ne sais même pas si je serais capable de lui enseigner tout ce que je sais. Mais c'est la seule personne qui s'est montrée intéressée en devenir mon apprentie, et c'est la seule enfant que je connais.

"La fille de Tirano Sapioses?"

"Je présume. Qui est-il?"

"Il était général de guerre. Il vit à présent dans Snowdin, avec sa fille. Je n'ai pas entendu parler de lui depuis une éternité."

"J'imagine. Je ne sais pas ce qu'il fait avec sa fille, mais je ne pense pas qu'il s'occupe bien d'elle."

Il me regarde, l'air légèrement surpris. "J'imagine que la guerre l'a rendu plus violent qu'il ne l'était, ce qui ne me surprendrait pas. Mais j'ai du mal à croire qu'il puisse faire du mal à sa propre famille. Il a un très grand esprit de communauté et d'appartenance, s'il s'en prenait à qui que ce soit, ce serait à un humain."

"Humains que nous n'avons pas vus depuis la fin de la guerre."

Le Roi réfléchit. "Et si elle devenait votre apprentie, elle passera moins de temps proche de son père. Si il ne la traite pas comme il se faudrait, alors elle sera en sécurité avec vous. Le temps que l'on fasse quelque chose."

J'aimerais qu'elle soit aussi loin de lui que possible tout le temps. Mais peut-être que je vois juste des choses qui n'y sont pas. Peut-être que je suis juste paranoïaque, que je vois le danger là où il n'y en a pas.

"Je vais y réfléchir."

"Essayez de la prendre avec vous. Vous verrez si c'est fait pour vous, ou pas. Mais je pense qu'avoir ne serait-ce juste une personne avec qui parler vous ferait du bien."

"Merci pour vos conseils."

Nous nous levons tous les deux. Je dis au revoir, et je retourne chez moi.

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