Chapitre 25

Estéban Morales.

Ce matin, j'ai pris une grande décision : larguer Juliette par message. Estéban ne sera plus qu'un mauvais souvenir et j'espère qu'on rigolera de tout ça dans quelques années. Sauf que là, tout de suite, c'est mon palpitant qui se serre. Juliette est en pleine crise, éprouvée et choquée par la nouvelle. Elle doit prendre Estéban pour un sombre connard. Pourtant, je n'avais pas le choix. Je devais mettre un terme à cette relation basée sur le mensonge. C'était nécessaire, même si ça me brise le cœur de la voir souffrir.


Hier soir, nous nous sommes embrassés : je sais à présent que je ne lui suis pas si indifférent que ça, qu'elle envisage peut-être quelque chose avec moi. Estéban doit donc quitter son cœur pour me laisser la place. C'est un vrai casse-tête émotionnel, mais je sais que c'est la bonne décision. Je veux être honnête avec elle, même si ça signifie qu'elle va traverser une période difficile. J'espère qu'avec le temps, elle comprendra que j'ai agi par respect pour elle et pour notre relation.

Je ne sais pas encore comment tout cela va évoluer, mais je suis prêt à affronter les conséquences de mes actes. Peut-être que ça finira par nous rapprocher ou alors ça nous éloignera définitivement. Je dois donc prendre mon courage à deux mains et tout lui avouer.
Il.le.Faut.

***

- Embrasse-moi.

Non, je ne peux pas. Pas encore. Avant tout, je dois te parler, dévoiler ce secret qui me hante depuis des semaines. Et après, c'est promis, je me soumettrai à tout ce que tu désires. Absolument tout. Je suis prêt à affronter ta rage, à subir ta foudre, à essuyer tes larmes, à encaisser tes cris et tes frappes. Je suis prêt à tout, pourvu que tu pardonnes ce que je m'apprête à te révéler.

Mon cœur palpite d'appréhension car ce que je cache est lourd de conséquences. Mais je sais que cette vérité doit éclater, et ce, malgré la tempête que cela provoquera. Je refuse de te garder dans l'ignorance.

Ne sois pas lâche, Estéban.

- Ju'...

- Oublie, reprend-elle immédiatement. Tu avais trop bu. Peut-être que le baiser ne m'était pas destin...

- Si.

Non, ne doute pas !

Je veux qu'elle sache que c'est elle qui provoque cet effet en moi, qu'elle est la seule à occuper mes pensées, mes rêves. Elle est si belle, si attirante. Elle doute parfois de son propre charme, mais je suis là pour lui montrer qu'elle a toute mon attention et mon amour, sans équivoque.
Mes doigts glissent doucement dans sa nuque, rapprochant nos corps pour sentir sa chaleur enivrante.

Putain, je bande déjà, et pourtant, nous n'avons encore rien fait.

Mais sa peau est comme une drogue, une addiction que je ne peux pas combattre.
Je frôle ses lèvres avec les miennes, mais je retiens mes ardeurs. Je veux être absolument certain que c'est ce qu'elle veut aussi. Je refuse d'être un substitut à Estéban, un simple plan B ou un médicament pour soulager sa peine.
Je la regarde intensément, cherchant dans ses yeux la sincérité de ses désirs. Je veux qu'elle ressente autant d'émotions que moi, qu'elle soit aussi passionnée que je le suis. Notre connexion doit être profonde, authentique, sinon ça n'a aucun sens pour moi.

- C'est vraiment ce que tu veux ?

Son oui déclenche ma fougue. Elle n'a pas besoin de dire quoi que ce soit de plus, je sens dans ses gestes, son impatience, qu'elle est toute à moi. Cette beauté gémit entre mes mains, me fait frissonner au point de me mettre à parler en espagnol. Ma langue se délie, lui avoue qu'elle me rend fou. Pourvu qu'elle ne comprenne pas ce que je viens de dire. Elle va me prendre pour le mec déjà accro.

C'est le cas, putain. C'est déjà le cas ...

Elle me caresse, touche mon corps, descend plus bas, jusque là ! Je l'arrête, grogne de frustration. Si elle continue, je ne vais plus pouvoir me retenir. Elle me rend complètement fou. Fou d'elle, de son parfum, de sa voix, de ses yeux... Mais, je ne peux pas la prendre dans cette piscine. Premièrement, nos potes ou même son frère pourraient nous surprendre, et j'aimerais ne pas à avoir à me battre contre Thomas et ses poings. Deuxièmement, je lui mens. Je veux qu'elle m'aime pour tout ce que je suis, à savoir Estéban Morales, et non deux entités différentes.

Alors, je me retiens, essayant de calmer mes pulsions brûlantes. Je veux que notre union soit sincère, passionnée et, surtout, empreinte d'une confiance absolue. Je veux être celui qui l'aimera sans retenue, qui lui fera découvrir des plaisirs infinis, mais seulement lorsque nous serons vraiment prêts, dans un lieu où rien ne pourra perturber notre intimité.

- Ne te retiens pas.

Si, Juliette. Mon désir pour toi est intense, mais je ne peux pas me permettre de voler ton cœur, d'explorer chaque recoin de ton corps nu, tant que je ne serai pas cent pour cent honnête avec toi. C'est difficile pour moi de te dire ça maintenant, car ce moment entre nous est si passionné.

- Je dois te parler d'un truc avant.

Porte tes couilles, mec ! Assume.

Je commence à parler, mais Juliette me coupe sans arrêt la parole et, soudain, je vois l'ombre de Thomas débarquer dans la cuisine. J'écarquille mes yeux et plonge immédiatement dans l'eau. Pourvu qu'il se casse vite! Je voudrais éviter de mourir avant d'avoir tout dit à Juliette.

***

Je crois qu'il est quasiment impossible de me retrouver seul avec elle. Je pourrais la suivre aux toilettes ou dans la salle de bain pour lui parler, mais ça ferait vraiment mauvais genre et je sais qu'elle n'apprécierait pas. Juliette a besoin de temps, de douceur, pas d'une brute qui la suit partout pour lui dire un truc qu'elle n'a pas envie d'entendre. Et pourtant, j'ai passé la moitié de ma nuit avec elle, dans son lit. A aucun moment je n'ai réussi à rassembler assez de courage pour le lui dire. Mais je me suis fait une promesse: «Demain, je la prendrai à part et je dévoilerai tout. C'est urgent. ».

L'heure du petit-déjeuner a sonné et nous avons décidé de nous rejoindre quelque part. Thomas et Juliette ont pris de l'avance et nous avons juste à nous pointer d'ici dix minutes. C'est la dernière nuit que nous passerons ici, ce soir, et je rêve de retourner dans la chambre de Juliette, dormir avec elle, sentir son coeur battre dans sa poitrine. Sauf que je sais que c'est probablement utopique. Je vais tout lui dévoiler aujourd'hui. Elle va me détester ou être heureuse de ne pas avoir à choisir, au choix. Je préfère l'option deux.

- On va se faire péter le bide, exulte Isaac en caressant son ventre.

- Je suis prêt pour le festin ! enchaîne Maël.

- Oh ! Ils ne sont pas là ! nous informe Lara qui scanne les alentours.

Alice avance et parle au serveur. Il lui dit qu'ils ont eu un souci de réservation et qu'il n'y a plus de place pour nous. Il aurait envoyé Thomas et Juliette dans la rue d'en face pour qu'ils tentent leur chance dans un autre restaurant.

- Quelqu'un a le numéro de Juliette ? demande Emilie au groupe.

- J'appelle Thomas, proposé-je.

- Il n'a plus de batterie.

Emilie hausse les épaules, Isaac la dévisage.

- Comment tu sais ça, toi ? On ne l'a pas croisé ce matin.

Isaac fronce les sourcils.

- Il a oublié son téléphone en bas, dans le salon. Il n'a donc pas eu le temps de le recharger, mens-je.

Ça va devenir une putain d'habitude de mentir ou quoi ?

Emilie m'accorde un « merci » muet associé à un sourire reconnaissant. Nous continuons d'avancer dans la ruelle à la recherche des jumeaux, lorsque je les vois dans une rue adjacente. Je m'avance vers eux.

- Ah, vous êtes là ! Salut Juliette.

La brune se retourne, mais au lieu d'avoir un magnifique sourire greffé sur son beau visage, c'est de la colère que je perçois.

- Salut. Es.té.ban, articule-t-elle.

Et merde ...

- Je peux t'expliquer, tenté-je, même si au fond de moi, je sais que c'est peine perdue.

Elle a découvert la vérité d'une manière impromptue. C'est de ma faute, j'aurais dû lui dire bien plus tôt. Mais, sur le moment, garder le secret me semblait être une bonne idée.

- Je n'ai pas besoin d'explications ! Je rentre ! réplique-t-elle d'un ton glacial.

Elle s'éloigne, prend la fuite, et je me sens dévasté. J'aimerais lui parler, tout lui dire, la supplier pour obtenir son pardon, lui expliquer que je me suis perdu en cours de route. Mais elle ne voudra rien entendre, et je me retrouve là, impuissant, à la regarder partir.

Thomas l'appelle, crie son prénom, cherche à comprendre. Pourtant, il se retourne rapidement vers moi dès que je tente de la suivre pour la rattraper. Il attrape mon tee-shirt, me tire vers lui et me gueule dessus.

- Qu'est-ce que tu as encore foutu, Morales ?

Je déglutis, sentant la culpabilité et les regrets me submerger. Je ne peux pas supporter le regard accusateur de Thomas, car il a raison, j'ai tout gâché. J'ai laissé la situation dégénérer et maintenant, je suis en train de perdre la femme que j'aime.

Ok, je vais déjà tenter de gérer Thomas avant de rejoindre Juliette, pensé-je, secoué par l'ampleur du désastre.

Je m'en veux, je m'en veux tellement de ne pas avoir été honnête dès le début. J'ai pris des risques, j'ai joué avec les sentiments de celle que j'aime, et maintenant, j'en paie le prix fort. Je sais que je dois réparer tout ça, et j'espère juste que ce n'est pas trop tard pour rattraper mes erreurs, pour sauver ce qui peut encore l'être. Mais c'est une course contre la montre, et je sens que le temps joue contre moi.

Je lève les mains en signe de paix, sens la tension palpable autour de nous. Mon pote me relâche, mais il pose ses mains sur ses hanches, impatient d'entendre mes explications. Les regards de tout le groupe sont rivés sur nous, cherchant à comprendre ce qui vient de se passer.

- Morales ! s'impatiente Thomas.

- J'ai merdé. Ok ? avoué-je avec un soupçon de culpabilité dans ma voix.

- Mais encore ? Connard ! réplique-t-il, visiblement en colère.

- LoveScience...

Thomas intègre l'information ; je vois ses pupilles se dilater, ses poings se serrer, sa mâchoire se contracter. Je sais que je vais m'en prendre une et je me prépare au coup. Le prof de boxe ne se fait pas attendre et me balance une droite en plein visage.

- Putain, Thomas ! crie Lara en s'approchant de moi. Ton nez, Morales, tu saignes.

- Je vais chercher ma sœur. Amenez l'autre con à l'hôpital, je lui ai pété le nez.

C'est probable, mais là, je m'en fiche. Je prends le mouchoir que me tend Lara, essuie mes narines et me place devant Thomas pour lui barrer le passage.

- Je peux t'expliquer ? tenté-je, bien conscient que la situation est explosive.

- Tu avais quatre semaines pour le faire, non ? Maintenant dégage de mon passage ou je te colle une deuxième mandale.

- Non ! Tu vas m'écouter. Tu as lancé ce pari à la con et...

- Oh! Je vois. C'est de ma faute ? lâche-t-il avec sarcasme.

- Ce n'est pas ce que je dis. Tu surprotéges ta sœur, tu la traites comme un père traite sa fille. Mais tu n'es pas son père. Le passé doit rester derrière vous, derrière toi. Juliette a le droit de vivre, de rencontrer du monde, d'embrasser qui elle veut.

- Ma sœur t'a embrassé ?

- Quoi ? sursaute Lara, les yeux remplis de larmes, réalisant ce qui se passe entre Juliette et moi.

Je la regarde, dans les yeux, la fixe. Je lui fais comprendre que, oui, Juliette et moi avons eu un moment de faiblesse, un instant d'amour partagé, deux à vrai dire.

Je n'ai pas besoin de dire quoique ce soit de plus, Lara fond en larmes et disparaît dans la ville, suivie de près par Isaac. Les autres restent plantés là, comme des spectateurs devant un écran de cinéma. Il ne manque plus que le pop-corn.

Notre noyau d'amis vient d'exploser.

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