Chapitre 24
Estéban Morales.
Comme par hasard, il fallait que notre petit moment de rapprochement autour de la musique - en mode Morales et Juliette - soit interrompu par Lara. La brune m'a sauté au cou et m'a embrassé sous le regard surpris de Juliette. Je me suis retrouvé un peu con, à tel point que je n'ai pas su comment réagir sur le coup. Quoiqu'il en soit, ça n'a pas créé de malaise entre nous, puisque notre footing de ce matin a été apaisant, pour moi. Juliette avait davantage l'air de galérer, mais j'apprécie le fait qu'elle fasse cet effort pour se rapprocher d'Estéban.
Cet après-midi, côté mec, c'est tranquille. Nous sommes installés dans la salle de jeu pendant que les filles font du shopping. Juliette ne semblait pas motivée - elle déteste le monde -, mais je crois qu'elle a tout de même préféré ça à la compagnie des gars.
— D'après vous, qui sera la plus sexy ce soir ? lance Isaac. Moi je parie sur... Lara. D'ailleurs, elle t'a dans le collimateur, gars ! Cette nuit, elle te rejoint dans ton lit, se marre l'autre andouille en me regardant.
— Je passe mon tour. Prends ma chambre ce soir si tu veux, grogné-je.
— Deal. Bon, on sait tous que Nolan va dire que sa chérie est la plus belle, Maël va clairement nous vendre la beauté naturelle de Juliette et To'va péter une durite, comme d'habitude. D'ailleurs, enchaîne-t-il sans nous laisser l'opportunité d'en placer une, pourquoi tu es aussi protecteur avec elle ?
— Parce que. Fin de la discussion, râle-t-il.
— Y'a anguille sous roche. Raconte !
Isaac insiste, Thomas s'acharne sur la manette de jeu, tente de gagner la partie en cours et ne prête aucune attention aux interrogations de notre pote qui ne lâche pas prise. De mon côté, je reste attentif aux réactions de Thomas et préfère ne pas prendre part à leur discussion, pas encore, du moins.
— Écoute, vieux, ta sœur est quand même canon, il faut dire ce qui est. Mais tu la pouponne tellement qu'elle n'en n'a même pas conscience.
Thomas perd le combat contre Nolan. Il quitte le canapé et nous rejoint au petit bar. Isaac fait glisser une bouteille de bière dans sa direction et le dévisage.
— Nous sommes d'accord, non ? Maël, tu la trouves comment, Juliette ?
Le blond écarquille ses yeux clairs. Pas besoin qu'il dise ce qu'il pense, j'ai bien compris qu'il avait Ju' dans le collimateur. Il serre sa mâchoire et boit une gorgée de bière sans répondre.
— Je parle dans le vide, OK...
— On change de sujet, suggéré-je alors.
Je connais mon pote depuis plusieurs années et son regard, là, est noir. Cela signifie qu'il cache quelque chose et il n'a échappé à personne que la relation avec sa jumelle est vraiment excessive et fusionnelle.
Euh, j'espère qu'ils ne sont pas trop fusionnels non plus...
— Rabat-joie ! Je veux comprendre pourquoi il ...
— Parce qu'elle a failli se faire violer à l'âge de quatorze ans. Tu as d'autres questions de merde à poser ?
Le calme. La surprise. La colère. Toutes ces émotions m'envahissent. Je serre mon poing, remets les choses en ordre dans mon cerveau et ouvre la bouche dans un élan d'incompréhension.
— Attends, quoi ?
— Ouais. Je fréquentais un gars, Benji. Il était bien plus vieux et m'a fait découvrir la drogue. Un soir, j'ai organisé une soirée clandestine alors que notre mère était de sortie. Juliette n'était pas d'accord, elle n'a jamais apprécié ce gars, et à juste titre. Il lui faisait du rentre-dedans, mais elle a toujours esquivée ce connard. Elle ne le sentait pas. Au cours de la soirée, il a drogué ma soeur. Quand ma mère est rentrée, plus tôt que prévu, elle a vu Juliette, en sous-vêtements, amorphe, sous le gars qui continuait à la déshabiller de force.
Mon sang bout dans mes veines tandis que Thomas déballe ce traumatisme, cette histoire ancienne. La colère et le dégoût brûlent en moi; Je me sens impuissant face à l'horreur de ce qu'a vécu Juliette. Si je trouve ce mec, je promets de lui défoncer la mâchoire et de l'émasculer. C'est une promesse que je me fais à moi-même, à Juliette et à toutes les victimes de ce monstre. Mon pote continue :
— Je m'en suis toujours voulu d'avoir fait entrer ce gars sous notre toit. Juliette n'en a jamais rien su; elle ne se souvient de rien. Alors ma mère et moi avons gardé le secret. Depuis ce jour... je me suis donné comme mission de me rattraper, de la protéger et d'être toujours là pour elle, quitte à regarder des comédies romantiques deux fois par semaine avec elle.
Je comprends maintenant pourquoi Thomas est si dévoué à Juliette, pourquoi il est prêt à tout pour la protéger.
— Tu sais qu'on n'est pas tous des connards, pas vrai ? enchaîne alors Maël qui sort de son silence.
— Je sais, avoue Thomas. Mais pour l'histoire des potes, cela vient d'un deal commun. Je suis sortie avec sa meilleure amie, j'ai couché avec, elle était vierge et j'ai rompu quelques semaines plus tard. Juliette a perdu sa best friend. La promesse de petit doigt a suivi.
***
Nous entrons dans le bar dansant, la musique est déjà bien énergique. Une première nana s'approche de Thomas; elle est brune, plutôt mignonne, mais je doute qu'elle ait la majorité. Thomas pose son avant-bras sur les épaules de l'allumeuse et lui susurre quelques mots à l'oreille.
— J'emmène Stéfania danser. Tu peux trouver Juliette et garder un œil sur elle, s'il te plaît ?
Je tire une grimace un peu trop visible. Je ne suis pas contre l'idée de surveiller la sœur de mon pote, mais j'ai clairement peur de ce que, moi, je pourrais faire: tuer le premier gars qui osera poser son regard sur elle, par exemple. Depuis que j'ai appris ce qu'elle a vécu, j'ai encore plus envie d'être présent pour elle.
— Je paie toutes tes consos en échange.
— Et si je veux me trouver une meuf, moi aussi ?
Thomas se marre. Ouais, ok, ce mec me connaît par cœur. Il sait que malgré « ma belle gueule », comme il aime me le rappeler, je ne suis pas du genre à sauter sur les filles. C'est elles qui viennent à moi et je les repousse le plus souvent. Je n'ai jamais réellement eu besoin de draguer quelqu'un; c'est ce qui a mené à notre pari à la con grâce auquel je me suis rapproché de sa sœur.
Oh, bordel ! Je dois tout dire à Juliette avant que ça ne dégénère !
Je me retourne, me fais surprendre par Lara qui se colle à moi. Son corps suit le mouvement de la musique diffusée dans toute la pièce. Elle frotte sa poitrine contre mon torse, sourit et mordille sa lèvre inférieure.
Mierdas.
Je place mes mains de part et d'autre de ses hanches et la pousse légèrement sur le côté.
— Lara, soupiré-je, on ne remettra pas le couvert. J'ai quelqu'un. Désolé.
— Elle a de la chance, dit-elle déçue.
J'avance lentement vers le bar, attiré par la perspective de me commander un verre, mais mon pas se fige lorsque mes yeux se posent sur Juliette à l'autre bout de la piste. Elle est debout, envoûtante dans sa robe noire. Jamais je ne l'ai vue maquillée, coiffée et apprêtée ainsi. Elle est absolument sublime. Mon cœur s'emballe et je cligne plusieurs fois des paupières, tentant de chasser cette image captivante, mais en vain.
Nos regards se rencontrent et je peux percevoir une lueur dans ses pupilles. Un désir profond s'empare de moi. Elle mordille sa lèvre. C'est peut-être l'effet de l'alcool, mais cela m'importe peu. J'aime la façon dont elle me dévore à distance. Mon regard glisse le long de son décolleté qui danse au rythme de nos cœurs affolés. Je suis hypnotisé par sa beauté. Je descends sur ses jambes nues, ses pieds prisonniers dans ses talons. Je veux graver cette image dans mon esprit. Impossible de me contrôler. Je me laisse submerger par des pensées érotiques, m'imaginant caresser sa peau douce, goûter à ses lèvres pulpeuses, croquer, embrasser et lécher sa peau. Est-ce que ses gémissements sont étouffés ? Est-ce que ses rougeurs sont encore plus marquées quand elle atteint l'orgasme ?
Soudain, comme si elle avait senti mon regard brûlant sur elle, Juliette se retourne et disparaît de mon champ de vision. Je reste là, troublé, cherchant à apaiser le feu qui crépite en moi.
***
Mais qu'est-ce que je fous, putain?
Nos langues s'entremêlent dans une danse sensuelle et passionnée, comme si elles avaient attendu ce moment depuis toujours. Le goût sucré de la Piña Colada sur ses lèvres m'enivre, m'attire davantage vers elle. Son corps se presse contre le mien et l'envie me submerge, une envie dévorante, insatiable. Cette fille a un pouvoir sur moi, elle me rend fou de désir.
La fumée enveloppe notre étreinte, nous cachant momentanément du regard inquisiteur de son frère. Je sais que je devrais résister, m'éloigner d'elle, surtout après ce que j'ai appris. Leur histoire est marquée par un lourd traumatisme, mais Juliette ne semble pas en avoir conscience. Elle a besoin de quelqu'un à ses côtés et je sais que c'est moi qu'elle attend. Moi.
Son corps tremble légèrement, mais notre baiser ne fait que s'intensifier, déchaînant des émotions inconnues. Je n'ai qu'une envie irrépressible: la déshabiller lentement, découvrir chaque centimètre de sa peau nue contre la mienne et plonger dans ses yeux pour y lire le feu du désir qui brûle en elle.
Cependant, je me retiens; je veux lui montrer que je suis là pour elle, que je suis prêt à lui offrir tout l'amour et le soutien dont elle a besoin, et que, lorsque le temps sera venu, je lui ferai l'amour avec sincérité et passion. Car c'est bien plus qu'un simple désir physique, c'est un début d'amour qui s'éveille entre nous et je suis déterminé à en prendre soin, à le faire grandir un peu plus chaque jour.
A ma grande surprise, Juliette met brusquement un terme à notre étreinte, à notre fièvre, et le poids de la déception m'écrase. Elle pose ses mains sur mon torse, me repousse doucement, et ses gestes me font comprendre qu'elle veut que tout s'arrête là. Mon cœur se brise en mille morceaux, mais je vois que la tristesse a pris possession de son regard.
— Morales... je ne peux pas, bégaye-t-elle. Mon frère l'a dit, j'ai quelqu'un... Je suis désolée, je n'aurais pas dû.
Je reste silencieux. Je sais. Elle ne veut pas blesser Estéban, ni se faire du mal en succombant à la tentation. Elle se sent coupable d'avoir cédé à nos désirs, de tromper l'homme qui se cache derrière un écran, qui lui offre des mots d'amour et des rendez-vous romantiques parfaits. Mais ce qu'elle ignore, c'est que cet homme, c'est moi, et que tout ce que je ressens pour elle est réel, sincère. Je ne joue pas un rôle. Je suis authentique, mais elle s'est forgée une mauvaise image de moi, de la personne que je suis, de mon comportement. Je comprends son choix, ses peurs, même si cela me laisse un goût amer. Je sais que je me suis égaré dans une situation complexe, mais je ne peux m'empêcher de me demander ce qu'il aurait pu se passer si elle avait su la vérité. Je dois lui dire.
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