Chapitre 23

Estéban Morales.

Je ne suis qu'un faible connard. Les jours ont continué d'avancer, les heures, de défiler et je n'ai toujours pas rompu avec Juliette par message - qui ferait ça, franchement ?

Je n'ai pas pu me résigner. Elle se confie, suit mes conseils à la lettre, prend plaisir à tout me dire sur elle : elle m'a aussi fait comprendre que Morales - moi - est sur son chemin et que ça ne lui plaît pas du tout.

De mon côté, ça me fait du bien de lui parler. Je suis moi-même. Elle prend Morales pour un idiot, un Roger* couche-toi là qui passe son temps à draguer et qui déteste les films romantiques. Bon, je n'ai rien fait pour lui prouver le contraire. Son frère lui a peut-être raconté de la merde à mon sujet pour éviter qu'elle ne m'approche de trop près : Thomas refuse catégoriquement que ses potes touchent à sa sœur.

En réalité, je suis un romantique, j'ai très peu d'ex et je ne suis pas du genre à coucher avec des inconnues. En revanche, j'ai une grande facilité à draguer quand une fille me plaît : mon visage semble plaire. Mais celle que je veux, c'est elle, Juliette. Mon projet est donc très simple : être Estéban.

C'est ainsi que je pourrai la convaincre de me laisser une chance et prouver à Thomas que Juliette me correspond : la science, les gars, la science ! Je n'y suis pour rien si on nous a désigné pour être ensemble. Il va falloir que Tommy se fasse à cette idée.

Sauf que...

Putain, je suis dans la merde..

Comment est-ce que je vais pouvoir me justifier quand on se rencontrera ? Je devais couper le contact, arrêter de lui parler, mais j'empire la situation en lui racontant la soirée idéale que j'imagine avec elle. Un jour, elle va découvrir le pot aux roses et ce sera trop tard: elle ne pourra plus me faire confiance.

Je me lève, regarde l'heure : trop tard pour aller courir. Alors je me dirige vers le frigo; une bière fraîche me fait de l'œil, mais ce n'est pas raisonnable. Par contre, une petite clope pour me détendre ne me ferait pas de mal. J'ouvre la fenêtre et frotte une allumette pour allumer ma cigarette. Je prends une première bouffée, une deuxième. Thomas sort de sa chambre pour étancher sa soif. Il me dévisage.

— Éteins ça, tu vas cramer l'appartement.

— Je peux éteindre l'incendie; c'est mon job, je te rappelle.

J'avance, cigarette entre mes lèvres, et récupère la bière que Thomas me tend : finalement, je me laisse tenter. Mais Thomas lève les yeux au plafond et grimace.

— Morales, ne reste pas sous...

Il n'a pas le temps de finir sa phrase que l'alarme incendie se met à crier et qu'une pluie fine s'échappe des bornes disposées dans le logement.

— Comment on éteint ça ? panique-t-il.


***

Je suis complètement perdu dans le jeu de Juliette. Je veux dire que j'ai bien remarqué la façon dont elle me drague ouvertement sous les regards meurtriers de son frère – d'ailleurs, pour être sûr, je verrouille ma chambre la nuit, au cas où il déciderait de jouer à l'oreiller assassin –, mais est-ce un plan machiavélique pour me faire disparaître ou est-ce que je lui plais vraiment ? Très franchement, la première option semble la plus probable.

Pourtant, elle a l'air heureuse avec Estéban, surtout après la journée de rêve qu'il - enfin je, vous aviez compris - lui a concoctée. Oui, j'ai triché, et alors ? Le fait de la connaître de plus en plus me permet de viser juste quant à ses préférences. Mais je dois faire attention à ne pas me brûler les ailes. D'ailleurs, l'autre jour c'était limite. Elle a débarqué à l'improviste dans l'appartement. J'ai juste eu le temps de cacher mon casque de pompier qui traînait, car évidemment, j'avais oublié de le laisser à la caserne. Je me demande bien comment j'aurais expliqué ça. Peut-être que j'aurais pu prétendre être un danseur exotique pour détourner l'attention. Après tout, être strip-teaseur n'est pas un métier facile à assumer, mais si ça peut m'aider à dissimuler mon identité, je suis prêt à tout.

Du reste, est-ce que je ne devrais apprendre quelques mouvements, au cas où les choses se corsent ?

Mais tu t'écoutes ? Putain ! Je dois tout lui dire.

Bon, c'était le plan de base, mais voilà que son frère décide de l'inviter à passer le week-end avec notre bande de potes. Super, génial, tout ce que je redoutais ! Non seulement elle va croiser mon ex, Lara, qui est visiblement déterminée à me récupérer - merci pour l'info, Thomas -, mais en plus je suis terrifié à l'idée que mon secret finisse par éclater au grand jour. Je veux dire que mon prénom ou mon métier pourraient très bien s'échapper de la bouche de l'un de nos amis. Comment diable vais-je réussir à me sortir de ce foutoir ?

Je me lance, amorce un pas vers elle dans le but de la faire changer d'avis pour ce week-end : elle ne doit pas venir. Je me stoppe, l'écoute parler - bégayer plutôt - face à un type, plutôt mignon qui...

Il la drague ou je rêve ?

Je baisse les yeux pour détailler le mec et découvre sa tenue : c'est un pompier. Juliette lui sourit, lui sort un truc du genre « contente de vous avoir encaissé », qui montre clairement qu'il l'a déboussolée, et se met à rougir.

Ne me dites pas qu'elle croit que... oh bordel !

Je m'ébroue et attends que le Prince charmant de la lance à incendie prenne la poudre d'escampette pour que je puisse enfin réclamer mon ticket d'audience auprès de la ravissante brune. Mais je ne peux réprimer ma soudaine jalousie et parle plus vite que je ne le devrais.

— ... En tout cas, tu lui as vendu du rêve : « Je suis très excitée par l'encaissement de votre argent, monsieur le pompier », l'imité-je.

Je regrette instantanément ma petite crise débile : Juliette n'est pas ma petite amie. Elle enchaîne :

— Bon, tu veux quoi à part te foutre de ma tronche ?

— Je suis venu te dire de ne pas te rendre à ce week-end.

— Euh, en quoi ça te regarde ?

Elle n'a pas tort. Je veux juste me couvrir, tu vois. Je me vois mal lui dire : « Hé, au fait, je suis Estéban. Salut toi ! » et tout révéler.

Je suis dans la mélasse jusqu'au cou... Bon, peut-être devrais-je sortir le grand jeu, arriver en hélicoptère vêtu d'un costume de super-héros, retirer mon masque - ou mon casque, brillante idée - pour révéler mon visage. Elle serait là, bouche bée, les yeux pétillants d'étonnement quand je crierais « C'est moi, Estéban ! ».

Je suis dans la merde ...

J'ai sérieusement besoin d'une stratégie de sortie de crise. Peut-être devrais-je essayer l'approche honnête, en lui expliquant mes craintes et mes sentiments. Ou alors je lui envoie une lettre anonyme qui dirait qu'Estéban n'est pas ce qu'il prétend être ; je le ferai ainsi disparaître une bonne fois pour toute. Mais pourquoi je n'y arrive pas ? Pourquoi je m'accroche à elle par l'intermédiaire de mon homonyme ?

En réalité, j'ai déjà la réponse dans ma tête : Juliette me plaît et je vois, dans cette expérience, la chance de conquérir son cœur. Morales ne lui fait aucun effet; elle ne lui accorde de l'intérêt que pour mieux l'évincer du petit cocon qu'elle s'est formé avec son frangin, rien de plus. Je sais ce qu'elle veut, ce qu'elle cherche. Elle n'est pas sincère dans sa démarche. Elle fait ça égoïstement, mais moi, Estéban Morales, j'en profite aussi, à mon niveau, et je suis prêt à jongler avec les identités, les mensonges et les émotions, tant que ça me rapproche de Juliette. Mais jusqu'à quand ?

Mon téléphone vibre. Un mail. LoveScience. Mauvais signe.


***

Je suis là, boudeur comme une gonzesse (oui, et je m'excuse pour le terme péjoratif, je m'en rends compte maintenant), mais Juliette émet des doutes quant à notre relation : enfin, sa relation avec Estéban. C'est normal, compréhensible. Nous venons tous les deux de découvrir que je ne suis son type de mec qu'à hauteur de 12%. Soudain, un vide se creuse dans mon estomac. Juliette est faite pour moi, j'ai répondu au questionnaire en pensant à elle. Mais, de son côté, le test indique que je ne suis pas fait pour Juliette et ça me déprime au plus haut point ! J'ai l'impression qu'elle accorde une importance capitale à cette histoire de compatibilité - oui, c'était la base de l'expérience, mais bon, je pense avoir suffisamment prouvé par nos échanges de messages que je suis l'homme qui lui correspond. Je vais devoir trouver un moyen de remonter la pente, de lui montrer que je suis bien plus qu'un simple pourcentage dans un fichu test. Mais en attendant, je me morfonds, et bien sûr, Thomas n'a pas pu passer à côté de ma peine.

— Ce weekend va te faire du bien. En plus, il y a Lara et elle rêve de tâter ton entrejambe.

— Je... Ouais, mais non, pas Lara.

Pas mon ex, pitié ! Lara a beau être une jolie nana, elle est bien trop expressive, extravertie et populaire. En fait, c'est tout le contraire de Juliette, de mon genre de femmes. Alors pourquoi est-ce que je suis sortie avec elle ? Je ne sais pas trop. Je pense que c'était plus de l'amitié qu'autre chose. Je l'aime bien mais ça ne va pas plus loin, même si à une époque j'ai pu penser le contraire.

— Écoute, mec, ta Julia n'a pas les mêmes sentiments que toi. C'est dur à admettre, mais faut faire face !

— Ça t'arrange bien, tu vas gagner ton pari à la con. Mais, en réalité, c'est juste qu'elle est effrayée par cette histoire de pourcentage. C'est un simple bug; je pense que je peux quand même la conquérir. Regarde, elle souhaite me rencontrer.

Je retourne mon téléphone, faisant néanmoins attention à ce que le nom de sa sœur ne soit pas noté dans les messages visibles, et lui montre le SMS dans lequel Juliette me propose de la rencontrer.

— Dans ce cas, tu perds le pari. Je sais que, quand elle va voir ta belle gueule, elle va trouver la compatibilité, mec !

— Problème informatique, le pari tombe à l'eau, suggéré-je.
— Non, non, mon gars. Tu dois quand même la draguer par téléphone, c'est le deal. Et si jamais ça ne marche pas avec Julia, eh bien, au moins Lara sera toujours là pour tâter ton paquet.

— Tu n'arrêtes pas de revenir à cette histoire. Lara c'est fini, que ce soit bien clair. Je vais me concentrer sur Julia. Et il est hors de question d'utiliser Lara comme plan B; je vais tout donner pour conquérir le cœur de Julia.

— Peu importe les obstacles qui se dressent sur ton chemin, tu vas y mettre tout ton cœur. Comme ça quand tu perdras, tu l'auras quand même fait avec classe et dignité, gars !

Oh! Mais qu'entends-je ? Je ne vais pas me gêner pour le lui faire remarquer si j'arrive à conquérir sa sœur.

— OK. J'ai donc ton approbation pour y aller à cent pour cent ?
— Deux cents pour cent, même.

— Qu'importe les obstacles donc ?
— Ouais.

Bien.

Ça ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd.



________________

* Le masculin de Marie


Note de l'auteur ;

Ouais, les petites notes vont devenir une habitude ! 


Merci Wattpad pour la publication programmée  ♥ & Merci à mon alpha lectrice pour la correction du jeudi pour que vous ayez le chapitre aujourd'hui pendant que je suis sur la route des vacances.

Direction Portugal = 14 heures de route ... 

Bref, j'espère que le chapitre vous plaît. On va rester quelques temps dans la tête d'Estéban. Nous allons comprendre certaines de ces réactions ♥. 

Bon weekend.

Love.
Kate.

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