Chapitre 20
Je coupe les fraises en rondelles, puis les place dans le fond du plat et tout autour, contre mon rhodoïd.
— Tu tires la langue quand tu te concentres, rigole Maël, accoudé au plan de travail en face de moi.
Morales se retourne, m'apporte les dernières fraises qu'il a lavées et chuchote rapidement à mon oreille :
— Hmm, une langue que j'aimerais bien manger.
Je rigole, révoque le frisson qui commence à envahir la base de mon cou, sous le regard interrogateur du blond. Je tousse, reprends contenance et demande à mon commis de cuisine de battre la crème mousseline pour la détendre un peu. Il s'exécute, non sans un sourire sexy, et se retourne en direction de Maël.
— Tu n'as rien de mieux à faire que de nous regarder préparer un fraisier ?
— J'aime beaucoup regarder Juliette pâtisser. Elle a une petite lueur dans ses iris, ses yeux brillent.
Le surfeur n'a pas tort, sauf qu'aujourd'hui ce n'est pas le fait de confectionner un gâteau qui me rend heureuse, mais d'être accompagnée d'un Morales qui n'hésite pas à me frôler à la moindre petite occasion. Je relève mon visage, scrute les traits froncés du bel Espagnol : il est en colère.
— Pour rappel, Juliette a un mec !
J'ai envie de rajouter un « avais », histoire de pimenter un peu la rage qui habite Morales. Ben quoi ? J'ai l'impression qu'il commence à être jaloux, autant en profiter pour le rendre encore un peu plus dingue, non ?
— Putain, t'es pire que son frangin. Il te paye combien pour protéger sa sœur de tous les mecs qui l'approchent ?
— Maël ! m'indigné-je.
Mieux vaut qu'il ne s'aventure pas sur ce terrain-là. Il risque de se mettre à dos mon frangin et, par la même occasion,Morales. Mais, alors que ce dernier s'apprête à ouvrir la bouche, mon frère débarque dans le salon.
— Quand on parle du loup, continue le blond.
— Quoi ? s'enquiert Thomas.
— Rien. Bon, je vous laisse pâtisser les amoureux.
Il m'offre un clin d'œil et pivote en direction de la baie vitrée.
— Qu'est-ce qu'il voulait dire par « les amoureux » ?
— Tommy, arrête. Il fait ça pour te taquiner, repris-je. Bon, où en sommes-nous ?
Je tente de reprendre le fil de ma recette, arme ma poche à douille et je remplis mon cercle à pâtisserie de la préparation jaunâtre, m'assurant de combler les trous entre les fraises avec une précision qui ferait pâlir un chirurgien. Concentrée, je ne réalise pas tout de suite que Morales, ce coquin, a discrètement glissé ses mains sur mes hanches. Soudain, il dépose un baiser derrière mon oreille et laisse échapper un rire taquin. Prise au dépourvu, je lâche la poche à douille, qui atterrit avec un "plop" suggestif sur le sol. Le bruit attire l'attention de mon frère qui se retourne comme un ninja en mission. Heureusement, son pote a déjà quitté sa position et s'affaire à éponger des taches invisibles sur le sol. Je saisis prestement un chiffon et le rejoins. Bien que nous soyons cachés par le plan de travail, je ne suis pas vraiment rassurée d'aller lui faire la morale.
— Tu veux te faire pincer par mon frère ? chuchoté-je, en le regardant d'un air faussement sévère.
— J'aime bien jouer dangereusement, rétorque-t-il avec un sourire coquin.
— Pas moi !
Mais le sourire irrésistible qu'il m'offre fait fondre mon cœur comme du chocolat au soleil. Pour montrer que je suis tout de même un peu en colère, je le fouette délicatement avec mon chiffon et me redresse, essayant de garder ma contenance.
***
Dans un coin animé de la salle de jeux, les joueurs s'organisent rapidement pour former leurs équipes. Ce soir, les filles se mesurent aux garçons. J'ai donc naturellement rejoint l'équipe de Lara, Emilie et Alice, baptisée avec humour les "Chicas Locas du Babyfoot". Le nom a été soigneusement choisi par Lara, qui y a ajouté une touche espagnole pour impressionner Morales. De son côté, l'équipe masculine, qui se fait appeler la "Tornade Testostéronée" est composée de Morales, Thomas, Nolan, Maël et Isaac. L'excitation est palpable alors que nous nous préparons à nous affronter dans une bataille épique sur le terrain. Les rivalités amicales se mêlent à l'envie de remporter la victoire.
La partie débute avec Thomas contre Emilie. Les regards sont déterminés, les mains crispées sur les poignées. Au top départ, ils se lancent dans un affrontement acharné, mais Thomas marque un but en moins d'une minute et Émilie doit quitter le terrain pour laisser la place à la prochaine compétitrice. C'est Alice qui prend sa place, bien décidée à dégager mon frère. Elle rivalise d'adresse et de rapidité, fait glisser les figurines avec précision sur le terrain et marque un premier but qui envoie mon jumeau tout droit sur le banc de touche. Nolan se lève, craque ses doigts : il ne laissera pas sa petite amie remporter quoi que ce soit.
Les bruits des cliquetis de la balle résonnent dans la pièce, accompagnés des cris d'encouragement des spectateurs. Nous sommes enthousiastes et motivés. Mon regard se dirige inconsciemment vers Morales qui me scrute, assis sur le canapé. Lorsqu'il réalise que je le reluque moi aussi, il étire la commissure de ses lèvres, m'offre un sourire qui fait naître des papillons dans mon bide.
Des hurlements me sortent de mon exploration silencieuse. Alice a marqué un autre but, faisant rentrer Nolan «dans les jupes de sa maman». Celui-ci grogne et balance la balle sur le sol dans un excès de colère.
Ego touché !
Isaac prend sa place, après lui avoir offert une petite tape dans le dos.
— Je vais défoncer ta meuf, s'exclame-t-il.
— Ne te gêne pas, mec !
— Isaac, prépare-toi à subir ma rage de vaincre ! se marre Alice, emportée par un excès de confiance.
Sa foi s'effrite rapidement. Elle n'a pas eu le temps de toucher la balle qu'Isaac l'a déjà envoyé sur les roses.
— Et une de moins !
Lara débarque devant le terrain, empoigne à son tour les manettes et fixe le brun dans ses yeux noisette.
— Je ne vais faire qu'une seule bouchée de toi, princesse.
— Attention Isaac, n'oublie pas chez qui tu dors, le menace-t-elle.
Pour toute réponse, il grogne et balance la balle sur le terrain. Chaque mouvement est calculé, chaque tir est exécuté avec une intensité sans pareille. Il marque. Lara crie au scandale, à la triche.
— On n'a pas le droit de faire la roulette avec les bonshommes !
— Quelqu'un a parlé de cette règle au début ?
Isaac touche son oreille, ouvre la bouche et attend que quelqu'un le contredise.
— Non ? Personne ? Voilà !
Puis Isaac se met à danser sur la musique latine que vient de mettre Morales.
— Suivante !
Tous les visages se tournent dans ma direction. Il ne reste plus que moi. Alors je me lève, défroisse le bas de mon short à volants et approche du babyfoot.
— Toi, je te nique en deux secondes.
— Ton langage, Isaac, le réprimande mon frère.
— Oh, tu penses vraiment que tu vas me mettre une raclée ? Je vais si bien jouer que non seulement tu vas perdre ton match, mais aussi tes attributs masculins. Comment comptes-tu t'en remettre après ça ?
— OOOOH! Ça tire à balle réelle, là ! se marre Nolan.
— Ton lang...
— Thomas, je m'amuse, le coupé-je en gardant à l'œil mon adversaire.
La tension monte, les répliques fusent, mais, au fond, nous savons tous que c'est juste pour le plaisir du jeu et de la compétition.
Le jeu reprend de plus belle. Les figurines s'animent sous nos doigts agiles, défiant les lois de la gravité. J'effectue une série de passes millimétrées, tandis que mon adversaire tente de bloquer les attaques avec habileté et concentration. Soudain, d'un coup de poignet, je réalise une feinte dévastatrice et déjoue sa défense. La balle glisse entre les joueurs et atteint le fond des filets. Le bruit est si satisfaisant que j'en gémis presque. Je lève les bras en signe de victoire, exultant devant mon exploit.
— Quel coup de maître ! Tu devrais prendre des notes, Isaac.
Je me sens libre, heureuse, imbattable. Moi qui, dans la vie, suis la première à me prendre le ballon en pleine poire, me voilà forte dans un autre domaine que la confection de gâteaux.
— Ouais, désolé gars, mais ma sœur jouait toujours au baby-foot avec notre père, l'informe mon frangin en lui offrant une accolade réconfortante.
— Bien, c'est à qui ? Qui veut tenter sa chance ? badiné-je.
— Moi.
Maël rejoint le jeu et me fixe.
— Go ! crié-je en saisissant les poignées.
Les tirs s'enchaînent à une vitesse folle. Chacun de nous cherche à impressionner l'autre par des mouvements spectaculaires. Mais c'est encore une fois moi qui marque un but, forçant Morales à m'affronter.
— Je ne vais pas être tendre avec toi, déclare mon adversaire un sourire narquois dessiné sur son visage.
— Ouh, tu me fais peur, me moqué-je. Prépare-toi à mordre la poussière MO.RA.LES.
Ses yeux pétillent, son regard est plus ardent et déterminé. Nous nous fixons intensément, prêts à en découdre dans cette nouvelle bataille au baby-foot. Morales prend les commandes, sa concentration est palpable. Il effectue des passes précises, tente de contourner ma défense. Je riposte avec des interceptions rapides, ne lui laisse aucun espace pour manœuvrer. Il contre-attaque dans un tir puissant, mais j'arrête le but juste avant qu'il ne passe la ligne. La foule exulte, grogne, râle, crie, explose face à notre match qui est interminable.
— Tu vois, je ne suis pas si facile à battre.
— Faut-il épicer le jeu ?
— Tu as tellement peur de perdre que tu veux changer les règles ?
Les minutes s'écoulent dans une danse effrénée de passes, de tirs et de parades. Chacun de nous repousse les limites de ses compétences, cherchant à prendre l'avantage.
Finalement, après une série d'échanges haletants, Morales parvient à marquer un but. Les applaudissements retentissent. Nous nous regardons essoufflés mais satisfaits du match que nous avons mené.
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