Chapitre 5
Il n'était pas dans les habitudes de Jackson de réunir la meute. Disons qu'il avait plutôt coutume de figurer parmi ceux qui répondaient à l'appel, pas d'être celui qui l'émettait. Tout le monde n'était pas là, certains membres de la meute avaient un empêchement, mais ses piliers attendaient qu'il prenne la parole.
Parce qu'il n'avait rien voulu leur dire avant. Jackson n'avait pas donné le moindre indice quant au sujet de cette réunion improvisée. Sans trop savoir pourquoi, son instinct lui soufflait qu'il valait mieux voir la réaction de ses amis à chaud et en profiter recueillir de potentiels témoignages bruts. Faire les choses dans l'ordre inverse lui paraissait bizarre et pas forcément constructif. Et puis... Cela lui paraissait plus logique.
Ainsi, une fois que tout le monde fut correctement installé dans le loft de Derek, Jackson jeta un coup d'œil à chacun de ses amis et réfléchit à la manière dont il pouvait aborder le sujet. Certains, comme lui, étaient capables d'encaisser le choc mais d'autres étaient un peu plus fragiles. Pour autant, le kanima n'était pas homme à prendre des pincettes, du moins... Il ne savait pas le faire. Comme Derek, il était du genre brut de pomme, à dire les choses telles qu'elles venaient. Sentant qu'il était en train de se faire un nœud au cerveau, le sportif abandonna tout essai de tact et lâcha la bombe de but en blanc.
- Stilinski a été drogué.
Autour de lui, des exclamations de surprise, des interrogations. Et Jackson scruta de ses yeux d'aigles les réactions de chacun. Celle de Lydia ne le surprit pas : son ex-copine était devenue fort expressive avec le temps, au rythme de l'approfondissement de son amitié avec Stiles qui, il fallait le dire, avait fait ressortir le meilleur d'elle. Derek ? Toujours dans le contrôle, mais son regard ne trompait pas. Peter rit, mais il s'agissait d'un rire incrédule. Isaac montra directement son inquiétude.
Mais le seul qui retint réellement son attention fut Scott. Parce que si les réactions de chacun traduisaient une forme de surprise, l'alpha... Était simplement devenu livide, blanc comme un linge alors même que Jackson n'avait donné aucune information autre que cette bombe qu'il avait lâché sans une once de tact. Le kanima imagina un instant que Scott puisse avoir un rapport avec cette histoire avant de balayer cette idée d'une pensée sans pour autant l'effacer. Après tout, il s'agissait de son meilleur ami, son « frère de cœur », comme chacun le disait souvent. La manière dont s'exprimait le choc variait selon la personne. Néanmoins, Jackson garda ce détail en tête, au cas-où.
Des voix s'élevèrent pour demander de plus amples informations au kanima qui leur expliqua brièvement la situation. Il leur détailla cette fatigue qu'il avait aussi bien vue que perçue en lui proposant de le ramener ainsi que la rapidité avec laquelle son état s'était dégradé dans la voiture. En arrivant à la maison Stilinski, le châtain ne répondait plus de rien. Jackson indiqua également avoir prévenu le shérif qui était à l'origine de cette réunion improvisée : lui, plus que quiconque, désirait que la meute enquête sur l'ordure qui avait eu l'intention de s'en prendre à son fils. Il ferait des recherches de son côté mais rien ne remplaçait un odorat surdéveloppé et une ouïe surnaturelle. En somme, l'aide des loups-garous et des plus proches amis de l'hyperactif ne serait pas de refus, bien au contraire.
On réfléchit, on se concerta, mais impossible pour les jeunes gens de déterminer qui pourrait bien vouloir faire du mal à l'hyperactif, parce que c'était bien de cela qu'il s'agissait. Droguer, pour mieux faire souffrir.
Néanmoins, Jackson garda pour lui une information dont Noah lui avait fait part. En effet, le shérif avait décidé, sans en parler à personne d'autre que lui, d'emmener Stiles à l'hôpital pour lui faire passer toute une batterie d'examens. Il fallait qu'il sache quelle drogue avait été utilisée et si possible, connaître la date potentielle de sa première prise. Pour Noah, il était important de savoir s'il s'agissait de la première fois que Stiles se faisait endormir de la sorte ou non. Rien que cet élément pourrait se révéler être une piste de choix.
Et surtout, cela le rassurerait.
Parce qu'il s'en voudrait sans doute toute sa vie si quelque chose s'était passé avant cela. Qu'importe ce que l'on comptait faire à son fils : l'auteur de son état paierait de la même manière.
xxx
Il était vingt heures lorsque Noah porta Stiles jusqu'à son lit, sur lequel il le déposa. Puis, il le couvrit, avec toujours cette même inquiétude dans le regard. Une inquiétude viscérale.
A l'hôpital, les examens avaient été rapides et s'étaient plutôt bien passés : c'était l'attente qui avait été longue. Seulement, les résultats ne seraient pas disponibles avant un jour ou deux tant les services étaient saturés de part en part. L'on avait proposé au shérif de garder son fils en observation, le temps que lesdits résultats soient disponibles. L'homme de loi aurait bien accepté s'il était plus à l'aise financièrement. Malheureusement, c'était compliqué en ce moment et le système de santé américain était si onéreux qu'il ne pouvait pas se permettre ce luxe, déjà que les examens lui avaient coûté un rein... Mais il l'avait fallu. Si Stiles pouvait se passer d'une chambre d'hôpital, l'on devait connaître la nature exacte de ce qui coulait dans ses veines à l'heure actuelle.
Noah prit un soin tout particulier à le border et à vérifier, sans doute par un accès de paranoïa, que sa fenêtre était bien verrouillée. Au cas-où, juste au cas-où. La rage pure qui animait froidement son cœur en arrière-plan rendit ses gestes un peu secs, maladroits, brouillons. Parce qu'il ne pouvait pas agir directement, pas tout de suite. Déjà, il devait se calmer. Poser des jours même si ce n'était pas le moment. Des jours où il était censé cravacher et enchaîner les heures supplémentaires parce qu'il devait se battre pour chaque dollar qui lui était versé, chaque dollar qui faisait vivre son petit foyer. Bien que l'on croie le contraire, le salaire d'un shérif dans une aussi petite ville que Beacon Hills était loin d'être aussi mirobolant qu'on le pensait : d'autant plus qu'il continuait de payer de bien vieilles factures.
Mais la sécurité et la santé de son fils passaient avant tout. Tant pis, il pourrait toujours enchaîner plus tard.
Ainsi, il descendit, laissant Stiles seul dans cette chambre qui était la sienne. Une fois arrivé en bas, dans son salon, Noah s'empara de son téléphone et composa le numéro du poste. Là, il négocia trois jours de congés. C'était bien peu, mais c'était tout ce qu'il pouvait faire pour le moment. Arrivé au bout de ces trois jours, il aviserait. Ensuite, il appela Parrish sur son téléphone personnel et l'informa rapidement de la situation. Pour l'instant, il ne lui donna aucun ordre. Avant de prendre quelque mesure sérieuse que ce soit, il devait engranger le plus d'informations possibles. Sa présence à lui devrait suffire à protéger Stiles mais il pourrait demander de l'aide à ses collègues en cas d'aggravation de la situation. Son adjoint partagea ses inquiétudes et lui assura qu'il allait tout de même mener sa petite enquête de son côté, sait-on jamais. Noah promit alors de lui communiquer les résultats des analyses de Stiles dès qu'il les aurait, tout en ajoutant qu'il ne risquait pas de reprendre conscience – au sens propre du terme – avant quelques heures. Il somnolait, ouvrait les yeux de temps à autres, mais c'était tout.
Ainsi, il raccrocha et s'en alla regarder la télévision. Dans cet état étrange, un mix quasi-parfait entre inquiétude et colère noire, Noah n'était pas capable de faire la moindre activité nécessitant une concentration optimale. Il aurait pu relire certains dossiers qui se trouvaient dans son bureau, il aurait pu... Sans rien en tirer parce qu'il aurait lu en diagonale et aucun élément ne lui serait resté en mémoire. Toutes ses pensées étaient tournées vers son fils, à l'étage. Fils qu'il laissait se reposer parce qu'il en avait diablement besoin. Avec un peu de chance, il pourrait peut-être arriver à lui parler dans la soirée, ou le lendemain matin... Noah n'ayant aucune idée de la nature précise de la drogue coulant dans les veines de son fils, il ne savait pas combien de temps il lui faudrait attendre pour le retrouver, lui, Stiles Stilinski. Une angoisse forte lui serrant le ventre, Noah s'efforça de garder les yeux rivés sur le match de baseball qui se jouait face à lui.
Et puis, quelques minutes plus tard, la sonnerie provenant de l'entrée de sa maison retentit. Y voyant là l'occasion parfaite pour s'aérer un minimum l'esprit et le concentrer sur autre chose que cette inquiétude viscérale pour Stiles, Noah se leva sans attendre.
La porte s'ouvrit sur Scott, dont la mine était sombre. Le shérif sut alors qu'il savait et même si Noah n'aimait pas le voir de si mauvaise humeur, il était heureux que la meute sache. Parce qu'ainsi, il avait une aide. Et que les amis, tous les amis de Stiles feraient leur possible pour débusquer l'ordure qui prévoyait de faire du mal à son fils... Si ce n'était pas déjà fait. L'hypothèse le narguait sans arrêt, mais il s'efforça d'esquisser un semblant de sourire et d'inviter l'alpha à entrer.
- Jackson nous a tout expliqué, expliqua Scott d'un ton morne après que Noah ait refermé la porte derrière lui.
Le shérif hocha la tête et lui proposa un café, que le loup-garou accepta après une seconde d'hésitation. Noah, quant à lui, se servit un verre de whisky.
- Attention, le prévint Scott d'un air réprobateur après avoir bu son café.
- Juste un verre, lui promit Noah avec affection. J'en ai bien besoin.
Et c'était peu dire. Pour autant, l'homme de loi savait ce qu'il faisait et ne risquait pas de retomber dans l'addiction qui lui avait pourri la vie de nombreuses années durant. Années que Stiles avait payé malgré lui et ça, Noah en était conscient. Dire qu'il s'en voulait était un euphémisme : depuis qu'il s'en était sorti, il faisait de son mieux pour se rattraper.
Mais une lichette de temps en temps ne faisait pas de mal.
- Je peux comprendre. Si l'alcool me faisait de l'effet j'en aurais bien pris un aussi, soupira Scott. Enfin bref, je... Je suis venu le voir. Je peux.
- Bien sûr, Scott, lui assura le shérif en esquissant à nouveau un faible sourire. La question ne se pose même pas. Je suis sûr... Qu'il aimerait savoir que tu es là.
Noah avait prononcé ces derniers mots avec la gorge serrée. Bien qu'il ne sache pas quelle drogue avait été utilisée pour mettre son fils dans cet état, le shérif savait qu'il ne se souviendrait pas de grand-chose, même s'il ouvrait les yeux de temps à autres.
- Je le lui rappellerai, promit Scott.
Sur ces mots, l'alpha commença à se diriger vers les escaliers mais, rapidement, Noah le retint en posant sa main sur son épaule. Le latino faillit se crisper mais il se contrôla à la perfection. Ainsi, il se retourna vers le shérif qui lui sourit doucement et le regarda dans les yeux.
- Merci d'être là pour lui, Scott, fit-il sincèrement.
L'alpha ne détourna pas le regard. Pas un instant. Ses orbes ébènes ne décrochèrent pas de celles, bleues comme un ciel d'été, de Noah Stilinski. Ainsi, il lui rendit son sourire dans une moindre mesure et répondit :
- C'est normal, shérif. C'est mon meilleur ami.
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