👑 CHAPITRE 7 👑
Alors que les préparatifs pour l'arrivée imminente du couple royal battent leur plein, d'autres préparations m'attendaient dans un coin de ma chambre. Le fait d'avoir encore à l'esprit l'image fraîche d'Owen et d'Ivory motivait en moi, je ne sais quel pouvoir d'entreprise. J'avais des idées. Une tonne d'idées, mais encore fallait-il que je puisse les réaliser ou pour certaines...les mettre en pratique. Jamais encore, je n'eus besoin de relever autant de défis, mais la pile de ces derniers ne cessait de s'agrandir sous mes yeux et n'ayant pas la capacité, à moi seule, de tous les affronter, il allait me falloir prendre des décisions plus que radicales. Plus que nécessaires.
- Où comptes-tu aller dans cette tenue ?
Les cheveux remontés en une queue de cheval, vêtue d'une tenue plus confortable qu'une robe et son jupon, mon pas s'arrête tandis que sortant de derrière un buisson apparaît Ambrose et son éternel regard désapprobateur.
- Me promener, mais ne t'en fait pas, je ne serais pas longue, signalé-je avec un large sourire.
- Tu sais que je n'aime pas le mensonge.
- Ça n'en est pas un. Si tu es inquiet pour ma sécurité, sache que Bérénice viens avec moi.
- Bérénice ?
A l'annonce du prénom de cette dernière, la voilà qui nous rejoint, sac sur le dos, dévisageant Ambrose tandis qu'elle se range à mes côtés.
- Deux femmes se baladant seules, au beau milieu d'une forêt inconnue ? relève-t-il alors
- Depuis quand le sexe détermine-t-il la capacité à se défendre ou non ? Et puis, pour ta gouverne cher Ambrose, ces bois, je les connais probablement mieux que toi. Cela fait déjà une semaine que tu es là et tu n'as pas quitté les alentours du château. C'est d'une tristesse.
- Parce que je te connais Magdalena, je sais que dès que j'enlèverais mes yeux de toi, tu en profiteras.
- C'est mignon de croire que j'attends que tu détournes le regard. Cela fait bien longtemps maintenant que je n'attends plus : Je fais ce que j'ai à faire, maintenant tu nous excuseras, mais nous sommes pressées.
Le quittant en le laissant en plan, nous avançons jusque dans la forêt elle-même tandis qu'un léger rire m'échappe sous le regard intrigué de ma compagne de marche.
- Est-ce sage de lui mentir sur notre destination ?
- Je ne lui ai pas mentis. Je ne lui ai tout simplement rien dit. Si Ambrose savait ce que je m'apprêtais à faire, je pense qu'il n'hésiterait pas à m'enfermer à double tour dans ma chambre pour s'assurer de ma sécurité. Il l'a déjà fait par le passé.
- Mais si quelque chose devait mal se passer Votre Altesse ? Comment ferions-nous ?
- Nous nous débrouillerons car c'est la seule chose qu'il nous reste à faire Bérénice. Dans ce monde, il faut éviter d'attendre quoique ce soit de qui que ce soit parce que nous finissons soit trahis, soit abandonnée.
Et c'est surtout la seule chose qu'il me reste à faire.
Je suis pratiquement certaine que mon idée du moment, et toutes celles que j'ai pû avoir récemment, aurait forcément été désapprouver par Valerian et Owen. Ils m'auraient regardés en me demandant si la folie des lieux n'avait pas envahit mon esprit, mais un brin de folie est peut-être tout ce qu'il reste à ce royaume. Et qu'est-ce que la folie ? Comment la définir alors que notre réalité est, elle, complètement délirante ? Personne ne semble s'en rendre compte mais les comportements déviants sont notre nouvelle normalité alors qu'il fut un temps ils n'étaient réservés qu'à ceux que l'on disait «anormaux». Aujourd'hui, on se filme à travers de stupides challenges sur internet en espérant accueillir plus d'attention. On publie l'intégralité de nos vies pensant la rendre digne d'intérêt. On se noie dans le contenu, les sous-entendus et tout ce qui pourrait servir afin de nous retourner le cerveau et nous faire croire que «c'est normal».
Non, ça ne l'est pas. Il n'est pas normal d'utiliser la technologie dans le seul but de se créer une vie afin de concourir avec celles des autres. Il n'est pas normal de voir des enfants sur les réseaux ayant des propos faisant d'eux des stars du buzz au lieu d'être dehors à jouer ou à profiter de la vie. Il n'est pas normal d'utiliser des personnalités pour faire la promotion de produits que tout le monde sait mensongers. Il n'est pas normal de se cacher derrière un écran à dire haut et fort ce que l'on pense sous couvert de la liberté d'expression et de voir qu'à côté, on censure et punit le travail journalistique ou de recherche menés par certains afin de pointer du doigt certains faits méritant eux, notre attention. Il n'est pas normal pour des enfants de jeunes gens de 15 à 26 ans de se battre les uns contre les autres afin d'être élu Roi ou Reine d'un Royaume décomposé. Il n'est pas normal pour un régime en place de ne connaître aucune opposition.
Car cette dernière existe. Mais on la fait gentiment disparaître. Les soldats royaux s'assurent de maintenir une paix apparente sur tout le territoire pendant que le Service de l'Information supprime toutes les données sensibles. A eux deux, la combinaison de la répression paraît tout de suite plus effrayante.
Et moi, j'interviens dans tout ça. J'interviens en essayant de faire passer un message. Avec mes moyens, mes mots et bien que je sache ces derniers pas suffisants, j'essaye. Malgré tout, j'essaye. Parce que si on abandonne, si on baisse les bras, alors quoi ? Qu'est-ce qu'il nous restera ?
Bérénice et moi avons marchés plusieurs heures avant d'atteindre le centre même de la forêt. Le cœur de Celestia. Ici et partout aux alentours, se trouvait le diable et ses démons. Néanmoins, j'ai besoin de son assistance et s'il me faut passer un pacte avec ce dernier pour obtenir ce que je désire, alors soit. Je le ferais. J'en ai eu conscience il y a plusieurs semaines et aujourd'hui, cela me frappe plus que d'habitude tandis qu'un groupe d'hommes approche en nous sifflant.
- Mais qui le bon vent, nous amène sur ces terres ? Bonjour, Princesse.
- On ne pensait pas vous revoir. Surtout pas ici.
Rien que leur comportement de vautour, nous tournant autour, suffit à me donner la chair de poule, mais de cette rencontre va se décider un point clé de mon plan et j'ai besoin de Roxan pour le débloquer.
- Dites à Roxan que je suis ici.
- Je doute que le chef ait très envie de vous revoir après votre dernière rencontre. Mais si vous tenez à avoir de la compagnie, on peut se faire un plaisir de...
- Approchez et je jure de vous faire manger ce que vous avez entre les jambes, lancé-je.
- Grrrr ! Tigresse ! Toujours aussi sauvage.
- Toujours aussi belle !
Bérénice me regarde, inquiète, certainement terrifiée et je ne peux que la comprendre. Je le suis aussi. Mais je ne peux le montrer. Par égard pour elle qui a bien voulu me conduire jusqu'ici en sachant ses antécédents avec ces hommes et surtout par égard pour moi n'ayant que trop eu à faire à eux. Je me serais bien passé d'une telle visite de courtoisie si j'avais eu le choix, mais même en l'ayant, cette option me paraît être la plus favorable.
- Je ne bougerais pas d'ici tant que Roxan ne se sera pas montré !
- Alors vous pouvez prendre vos aises car il n'a aucun désir de vous recevoir.
Étrange. Je pensais qu'au vue de notre dernière rencontre, il profiterait sur l'occasion comme il l'a toujours fait jusqu'à maintenant. Espère-t-il que je supplie ? Ou attends-t-il que ses hommes se jettent sur moi tels les chacals qu'ils sont ?
- Très bien, nous attendrons.
M'installant sur un rondin de bois, les minutes s'écoulant se transforment rapidement en heures. Certains n'hésitent pas à nous approcher, caressant nos épaules, passant une main sur nos visages que je tape ou chasse. J'ai pour eux un mépris presque aussi grand que celui que j'éprouve pour Ivory.
Trois heures plus tard, Roxan se montre enfin tandis que je finis de frapper un de ses hommes se trouvant à même le sol alors que ce dernier avait tenté une approche plus que désagréable.
- Vous venez jusqu'ici et vous vous permettez de corriger mes hommes, Votre Altesse ? Vous ne manquez vraiment pas de culot pour une jeune demoiselle de votre âge.
- J'ai effectivement dû me trouver une certaine occupation alors que l'on continuait à me faire attendre. Le temps est long par ici et très vite l'ennui s'installe.
- Où sont vos gardes, Princesse ?
- Je n'en ai nullement l'utilité en ces lieux.
- Vous voilà devenue bien confiante alors que vous êtes seule. Ne vous souvenez vous pas de ce qu'il s'est passé la dernière fois que vous vous êtes retrouvée complètement seule face à deux hommes ? J'ignorais que vous éprouviez un quelconque plaisir malsain dans ce genre de pratique.
- Je ne suis pas venue jusqu'ici pour être insultée Roxan, mais plutôt pour conclure un marché.
- Un marché ? Avec qui ? Moi peut-être ?
- Ne désirez-vous pas vous venger sur le principal coupable de votre condition ? Qui vous a abandonné ? Qui vous a véritablement obligé à devenir cet être ignoble que vous êtes à présent ? Le Roi, il me semble, non ? Et quelle étrange coïncidence que ce dernier arrive prochainement à Celestia en l'occasion du tour mensuel dans les provinces ?
- Vous piquez ma curiosité comme à chacune de nos rencontres, mais il est hors de question que je tue le Roi pour vous.
- Pas pour moi et je ne vous demande pas non plus de le tuer. Je vous demande de l'effrayer. Ebranlez-le. Lui et la nation toute entière lors de la cérémonie d'accueil.
- Et pourquoi ferais-je ça ?
- Car en échange, je vous offre ceci.
Sortant une tablette du sac porté par Bérénice, je la tends à l'homme se trouvant devant moi qui d'abord hésitant, finit par la saisir pleinement.
- Voici une somme que j'estime...conséquente. Ceci est la moitié de ce que je compte vous offrir si vous respectez notre accord.
- Et vous ? Qu'avez-vous à y gagner ? Un petit renard rusé tel que vous, Princesse, a forcément quelque chose à obtenir ou à gagner d'une telle comédie, non ?
- Il est vrai. Mais cela ne regarde que moi. Je ne pense pas que vous soyez le pire criminel qu'il soit, mais vous êtes sans doute la pire fripouille du territoire. Néanmoins, jamais vous ne m'avez réellement fait de mal...comme si vous escomptiez seulement me faire peur afin que je quitte la Province. Malheureusement pour vous, Roxan, il y a plus effrayant dans la vie qu'une troupe d'hommes armés jusqu'aux dents. J'ai moi-même subit certaines choses et ces choses, je compte les faire payer au centuple à ceux et celles me les ayant infligées.
- Si je ne vous détestiez pas, je pense que j'aurai un soupçon d'admiration pour le petit être que vous êtes. Sachez, Princesse, qu'à trop se débattre de ses chaînes, on finit par s'étrangler avec. J'en sais quelque chose.
- Je risque peut-être de vous décevoir, mais sur ce point-ci : vous ne m'apprenez strictement rien. J'ai déjà conscience de cela. Alors ? Avons-nous un accord ?
- Pour l'instant...mais ne prenez guère l'acceptation de votre offre pour un gage de bonne volonté de ma part.
- Disons seulement que pour le moment, nous avons des intérêts communs, non ? Et ne dit-on pas que l'ennemi de mon ennemi est mon ami ?
Un rire s'échappe de lui et alors qu'une poignée de main manquant de broyer la mienne scelle notre accord, me revoilà aussitôt repartie de cet endroit avec Bérénice qui ne me quitte pas des yeux comme si ces derniers étaient soudainement remplis d'étoiles.
- Vous avez été si cool ! Vous n'aviez pas peur ?
- Si. Cet homme m'effraie, mais pas autant que certaines personnes.
- Incroyable...Si seulement les autres avaient pu vous voir ! Cela fait tant d'années que les hommes de Roxan régissent cet endroit de la Province et personne n'a jamais osé lui tenir tête ou les fous ayant essayé dans un soupçon de courage se sont fait tués...Mais vous, Votre Altesse, encore une fois, vous venez de prouver que vous êtes née pour être notre Reine légitime, jeu ou non !
- Je t'en prie, n'exagères rien. Roxan est un homme comme un autre. C'est le propre de tous les hommes d'être faux et inconstant. A tout moment cet accord pourrait se retourner contre moi et je n'attendrais, d'ailleurs, pas moins de sa part. Là, il s'avère que nous partageons un objectif commun qui est de secoué le Royaume. Si cela fonctionne : J'aurais ma marge de manœuvre et d'attention et Roxan ressortira riche comme jamais car je doute qu'il se fasse grand chose comme gain à présent dans le coin. En revanche Bérénice, ce qui vient de se passer doit rester strictement confidentiel. N'en parle à personne.
- Oh...Pas même à Nora ou Kaïen ?
- Pas même à eux car si un jour toute mon entreprise devait s'effondrer, alors je veux être la seule crucifiée. Je n'emporterais aucun de vous avec moi.
- Même si vous êtes contre cela, vous devez comprendre,Votre Altesse, que nous avons fait ce choix en notre âme et conscience. Tous autant que nous sommes. Nous vous suivrons. Même si cela doit nous mener vers la fin de notre chemin.
Malheureusement pour eux, je m'assurais d'avoir toujours un train d'avance afin que leur destin ne soit en rien plus funeste et triste que le mien.
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