👑 CHAPITRE 5 👑
«Il est normal d'avoir peur». Je me souviens de ses mots. Aujourd'hui plus que jamais, j'y trouve un certain réconfort sans que je ne puisse expliquer pourquoi. Peut-être parce qu'une part de moi est intiment convaincue que ce que je m'apprête à faire peut probablement changer une multitude de choses et le changement a toujours eu un je-ne-sais-quoi d'effrayant. Mais qui n'aurait pas peur à ma place ? Qui ne serait pas effrayé à l'idée de se retrouver seul face à l'inconnu ? Ne pas savoir de quoi demain sera fait. Ne pas savoir quoi faire ou comment le faire. Tout n'est que doutes et appréhensions.
«Il est normal d'avoir peur». Alors oui, je me rattache aux mots du Duc en me disant que tout ce que je peux ressentir est «normal». Mais au fond, qu'est-ce que la norme dans notre monde complètement retourné où certains pensent que s'en prendre à l'image du Roi est plus grave que le trafic de stupéfiants utilisés à des fins qui en ferraient vomir plus d'un ?
- Votre Altesse ? C'est Nora. Je suis avec Kaïen et Bérénice.
- Entrez.
Sortant de ma bulle de pensées, je me retourne pour faire face au trio rentrant dans ma chambre. Un léger rire m'échappe quand je m'aperçois que mes interlocuteurs sont aussi jeunes que moi. Voilà à quoi nous en sommes rendus : quatre enfants essayant tant bien que mal de survivre dans un royaume qui n'en a rien à faire d'eux. Quatre enfants qui, chacun, tentent de tirer son épingle du jeu.
- Je vous remercie d'être venu jusqu'ici tous les deux. Avant que je n'en vienne à pourquoi je vous ai fait demandé, j'aimerais que vous répondiez à une question : Savez-vous garder un secret ?
Ils échangent un regard comme si aucun d'eux ne comprenait ma question et pourtant cette dernière est dès plus simple. Simple, mais délicate. A quiconque demandant de garder un secret, ce dernier est généralement d'une certaine importance et d'une certaine valeur. Plus particulièrement dans notre monde médiatisé. L'information est le nerf de la guerre.
Alors pour seule réponse, ils haussent tous deux des épaules ne sachant probablement pas où tout ça allait bien pouvoir les mener. Moi, non plus je ne sais pas, j'ai, comme tout le monde mes certitudes et mes incertitudes concernant ma dernière idée du moment.
- Je présume, tout dépend de ce que vous attendez de nous. Enfin, de quel secret il s'agit ? m'interroge Kaïen.
Ainsi nous passons à la partie délicate : L'annonce de ce dernier. Cette même annonce me paraît être mon épée de Damoclès : Soit ces gens qui se trouvent présentement devant moi sont de mon côté, soit ce n'est guère le cas et alors dès que j'aurais dévoiler mon plan, je serais immédiatement condamnée. C'est un risque que je dois prendre. Un dont je me passerais évidemment, mais un qui me paraît nécessaire. Si je ne leur fait pas confiance, si je ne fais confiance à personne alors je n'avancerais pas et tout ceci ne servirait à rien.
- Je veux faire disparaître Celestia du Royaume de Nettivia, affirmé-je avec un fin sourire suspendu au bout de mes lèvres. Je veux faire de cette province une région inatteignable pour la Capitale et par conséquent pour le Roi. Pour réaliser mon entreprise, il me faut être à l'abri de ses yeux et de ses oreilles qui traînent ici et là dès que l'on passe la tête dehors. Je ne peux pas faire trois pas dans la cour de ce château sans tomber sur un drone ou sans entendre le bourdonnement des ailes de ce dernier. Par conséquent, il n'y a qu'un moyen à ma connaissance pour réussir à se débarrasser de ce fardeau et c'est tout simplement en sabotant le réseau en lui-même. Kaïen, Nora m'a venté ô combien tu savais tout réparer, mais je présume que si tu sais le faire...Tes capacités sont également valables dans l'autre sens non ?
- Euh oui...Je présume que ce n'est pas quelque chose hors de ma portée, du moins j'ai plus l'habitude de...bafouille ce dernier en cherchant probablement à s'expliquer.
- Je n'ai pas besoin de plus. J'ai juste besoin de tes doigts de fées, m'empressé-je de le couper. Quant à toi, Bérénice, tu connais la région, tu sais donc où sont situées les antennes relais, non ?
- Oui bien sûr, je peux aisément vous les placer sur une carte si vous me donnez un feutre. Le seul souci c'est qu'en dehors des antennes relais, Votre Altesse, vous aurez aussi à détruire le Centre situé plus au sud. Il n'est fréquenté que par quelques employés.
- Est-il gardé ?
- Légèrement. Peut-être dix hommes à tout casser ?
- Très bien. Nous allons procéder comme suit et je vais avoir besoin de vous deux pour se faire.
Leur détaillant mon plan, je comprends à leur regard qu'ils ne semblent en rien contre l'idée de détruire quelques biens de la couronne, bien au contraire. Selon Bérénice, c'est une occasion pour eux de se venger de ce que la couronne leur a fait subir en les abandonnant à leur sort. Celestia n'a jamais eu le pouvoir de réclamer son indépendance, mais si elle l'avait eu, cela serait chose faite depuis des années, malheureusement la survie de ces quelques habitants reposent sur le peu d'aides et de dons que leur envoie parfois la Capitale. Chose qui s'est faite de plus en plus rare ces derniers mois. Forcément. Avec l'arrivée et la préparation du Ruler Game, il fallait que la province soit au plus mal pour accueillir les festivités.
- Est-ce que vous êtes certaine que c'est ce que vous voulez faire ? me demande Kaïen en relevant les yeux vers moi.
- Non. Je n'ai pas envie de vous mentir, ni même vous faire de fausses promesses. Je n'ai pas envie de vous dire que «ça ira» en vous regardant droit dans les yeux car moi-même je n'en sais rien et cela serait hypocrite de ma part. Néanmoins, je suis certaine d'une chose : c'est que j'ai une promesse à tenir. J'ai promis que je me battrais et cette promesse je l'ai faite à de précieux amis comme je l'ai faite au village. J'ai promis de ne pas être cette Princesse qui reste assise dans son château et qui attends. Attendre n'a jamais été mon fort de toute manière.
- Très bien, alors je vais me pencher sur le sujet, mais cela va me demander quelques jours de réflexion et des recherches car je ne sais rien de la façon dont sont montées les antennes et les faire tomber ne risque pas d'être une mince affaire.
- Je te laisse cinq jours. C'est le temps qu'il faudrait au couple royal pour atteindre la Province de Celestia.
Et je me devais de faire de leur visite, un moment opportun. Le Roi ayant un lien avec Ambrose, se doute probablement déjà de quelque chose, mais tant que je tiens ce dernier à bonne distance et dans l'ombre de mes projets, alors j'ai une légère longueur d'avance. Je dois mettre cette dernière à profit car il ne faudra pas longtemps à Ambrose pour lire en moi.
Laissant mes nouveaux compagnons d'infortune quittent la pièce avec une liste d'informations qu'il nous fallait réunir, je reste un moment assise bêtement sur le bord de mon lit, la tête dans les mains en me demandant si réellement c'était la chose à faire. J'étais pleine de doute et les paroles d'Ambrose tournaient sans cesse, sans me laisser ne serait-ce qu'un instant de répits. Ils me hantaient. Des millions de vies seront très certainement impactées par mes projets. Des habitudes, des routines vont être bouleversées, mais si tout se passe bien des vies seront épargnées. Ce n'est pas une guerre ouverte et sanglante que je veux, c'est un combat équitable contre les esprits étriqués du royaume. Je ne veux verser le sang de personne, je veux juste que l'on m'entende. Certaines choses doivent cesser. Les gens doivent se réveiller et s'il faut employer la manière forte pour se faire alors advienne que pourra.
Ma tablette se mit brusquement à sonner avant que je ne décroche pour laisser apparaître l'hologramme d'un de mes frères aînés qui me dévisage alors avec un large sourire.
- Les jours ne t'arrangent pas, petite sœur. Manque de sommeil ?
- Bonjour Cybele. Je ne m'attendais pas à avoir de tes nouvelles de si tôt.
- Et pourtant me voilà ! Comment se passe ta nouvelle cohabitation avec ton Aide ? Tu ne te sens pas trop seule j'espère ?
- M'as-tu appelé pour te moquer de moi ou m'annoncer quelque chose ?
- Ne puis-je pas faire les deux ? Sachant que je ne viens pas avec une bonne nouvelle. Du moins, ça pourrait en être une, mais je doute que tu sois ravie d'entendre ce que j'ai à te dire.
- Je pourrais te surprendre.
- Comme tu veux : Dans une semaine Ivory organisera une soirée comme elle en a le secret dans son château. Nous savons tous deux ce qui se passe durant ce genre de soirée et ce qui y circule surtout. Nous devons profiter de l'occasion.
- Et comment veux-tu t'y prendre exactement ?
- Je me disais que ma sœur cadette, éperdument amoureuse et en manque de son bel Aide pourrait s'y rendre sous prétexte de demander son retour.
- Je te demande pardon ? Tu veux que j'aille...faire quoi ?
- Magdalena, nous avons une fenêtre qui s'ouvre à nous. Si nous n'en profitons pas, nos efforts seront vains ou du moins n'aboutiront pas avant la fin du jeu. Si tu veux discréditer l'image d'Ivory, c'est le moment ou jamais. En outre, en ta qualité de Princesse et de participante au jeu, tu as le droit de faire appel à la «requête du Retour» pour qu'elle te rende le Duc. Ne veux-tu donc pas qu'Owen de Norlia revienne à tes côtés ?
Si. Je le veux. Nous n'avons pas été séparé depuis fort longtemps et pourtant son absence, ainsi que celle de Valerian, se font plus que remarquer. J'ai besoin d'eux pour ne serait-ce que tenir sur mes deux pieds sans flancher.
- Ivory ne me laissera pas franchir les portes de son château si elle sait que j'arrive.
- Si jeune et pourtant si peu intelligente, s'en est désolant ! Faut-il réellement tout faire dans cette famille ? ronchonne-t-il en levant les yeux au ciel. D'ici trois jours, tu recevras un petit quelque chose de ma part qui te sera livré avec le nécessaire. A ce moment-là, surtout n'hésite pas à me remercier.
- Nous savons très bien tous les deux que tu es plutôt du genre à faire des cadeaux empoisonnés Cybele. En quoi celui-ci serait-il différent ?
- Il ne l'est pas, mais tu apprendras avec le temps, chère sœur, que certains poisons sont délicieux. Ainsi peut-être ne penseras-tu pas être la seule dans cette aventure qui nous unis. En attendant, je dois te laisser, il paraît que père arrive bientôt dans ma province ! Mais il me semble que ce soir, il devrait arriver chez notre sœur aînée bien aimée. Si j'étais toi, j'observerais la cérémonie d'accueil...Peut-être y verras-tu un visage familier ?
Il raccroche sur un rire, qui d'habitude, me glace le sang. L'esprit tordu de Cybele et de Kybele est une chose que je n'ai jamais pu comprendre mais dont j'ai appris très tôt à me méfier. Bien qu'ils soient les deux seuls liens que je qualifierais de «familiaux», il y a chez eux quelque chose de singulier que je ne saurais expliquer.
En outre, il ne fallait pas être né de la dernière pluie pour comprendre son dernier sous-entendu. La cérémonie de l'accueil de la Princesse Ivory recevant le couple royal va être médiatisée, diffusée en direct et j'y apercevrais forcément Owen.
Que fait-il là-bas ? Comment cela se passe-t-il ? Tant de questions que je garde précieusement dans un coin de ma tête tout en essayant de rester concentrer sur ma tâche du moment. Ce n'est de toute évidence pas le moment de se disperser et pourtant, mon esprit a un talent inné pour s'en aller dans toutes les directions quand j'ai le dos tourné.
- De longues nuits m'attendent...
La préparation du sabotage des antennes. L'arrivée du couple royal. La fête d'Ivory.
Tant de choses à faire et si peu de temps. Toujours si peu de temps.
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